BIG APPLE



Le récit que vous allez découvrir est la suite d'Enchères. Je vous prie d’excuser les libertés que j’ai prises avec le système judiciaire des Etats Unis.

J’ai illustré mon récit avec les oeuvres d’un très grand peintre américain : Edward Hopper. Mais ces illustrations sont sans rapport avec mon histoire. Elles ne sont là que pour le plaisir des yeux et parce qu'elles sont un merveilleux regard sur New York et les États-Unis.

Comme ils suivent une chronologie précise, il est nécessaire d’avoir lu les récits précédents, Dix Jours, Insomnies, Parents Amies Amants, La Vierge de Noël, Portrait, Un mort en ce Jardin et, surtout, Enchères, pour comprendre :




Big Apple









L’Airbus d’Air France avait crevé la voûte nuageuse et commençait sa descente. Céline et Virginie avaient relevé leur siège et leur tablette. Tout en regardant par le hublot, elles finissaient de siroter le verre de champagne que le stewart leur avait servi.




Elles découvrirent les côtes du New Jersey baignées par l’Océan atlantique. Puis enfin, elles la virent. La ville de tous les superlatifs. Léviathan pour les uns, Big Apple pour les autres.

New York, enfin s’offrait à leur regard.

Céline saisit la main de Virginie, s’approcha d’elle et chuchota à son oreille.

- Et bien, dans une heure nous y serons. Une fois que nous aurons franchi les contrôles de Police et de  la Douane. Une fois que les Américains auront la certitude que nous ne sommes pas de dangereuses terroristes, nous serons dans notre hôtel. A quelle heure Dylan doit-elle nous y rejoindre ?

- Elle ne vient pas. Elle m’a demandé de la retrouver directement à la galerie. A SoHo.

- Elle t’a demandé ? A toi ? Et moi ? Je compte pour du beurre ?

- Céline, ma chérie, je t’en supplie. Pas de parano. Dylan n’essaie pas de m’attirer dans ses filets. C’est de l’histoire ancienne. Elle est débordée avec l’organisation de l’expo. Elle souhaite que je vienne l’aider à régler quelques détails de dernière minute...

- Un ou deux chèques à signer, je présume ?

- Céline. Je t’en prie. Ne sois pas mesquine. J’ai l’impression d’entendre Helena DeXeres. Ce petit ton de chaisière outragée. Cela ne te ressemble pas. Ce n’est pas digne de toi... 

- Je suis désolée. Je sais que je suis nulle. Mais c’est la perspective de revoir Dylan. Cette icône gay. Après ce qui s’est passé au Grand Palais, en février. Je pensais que je réagirais mieux. Mais j’ai la frousse. Voilà tout.

- Il me semble pourtant que durant tous ces mois, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour te rassurer quant à la force de mon amour et de mon désir.

- Je sais, Virginie. Mais elle et toi vous ne vous êtes pas revues depuis la vente Laurent Saint-Yves. Alors, je ne peux pas m’empêcher de penser...

- Je t’interdis de penser que je pourrais avoir envie de te tromper avec elle. Je t’interdis même de penser que je pourrais avoir envie de te tromper...

Ponctuant ses mots, Virginie se pencha sur Céline et déposa un baiser sur ses lèvres.


*


Sous les hauts murs de Kennedy Airport, recouverts de l’inscription “Bienvenus” dans toutes les langues, elles avaient passé les contrôles de Police et de Douane sans encombre.

Virginie tenait Céline par la main. A la question, êtes-vous amies ? elle avait répondu “Miss Frémont is my wife”.

Le policier les avait regardées sans émotion excessive. Dans cette ville, plus rien ne l’étonnait.

Il avait pris les empreintes électroniques de leurs doigts, les avaient photographiées puis, après avoir tamponné leurs passeports, leur avait souhaité un bon séjour à New York.

Elles avaient récupéré leurs bagages et étaient sorties dans le hall où un chauffeur noir les attendait. Il était bâti en athlète et ressemblait au boxeur Mike Tyson.

Virginie pensa qu’elle avait tout intérêt à lui laisser un solide pourboire.

Il s’empara de leurs bagages et les conduisit vers une longue limousine. A l’intérieur, où huit personnes auraient pu prendre place sans se gêner, télévision, lecteur DVD, chaîne hi-fi, cognac et whisky les attendaient.

Il claqua la porte sur elles et rangea les bagages dans le coffre. Puis il s’assit au volant.


*




Quinze minutes plus tard, la voiture traversait le pont de Brooklyn et pénétrait dans New York City, sur l’ile de Manhattan, au milieu du flot des taxis jaunes.

Virginie était comme une enfant. Elle s’était emparée de la carafe en cristal et s’était servie un verre de whisky. Elle dévorait les gratte-ciel des yeux. Tout l’émerveillait. La taille des camions, des school-buses oranges, les citernes d’eau en bois sur les toits, les bornes d’incendies, les hurlements des voitures de Police.

Elle venait là pour la première fois. Elle était toute à sa joie de découvrir cette ville magique. Et à la joie de la découvrir avec Céline qui allait lui servir de guide.

Car Céline connaissait New York depuis des années. Depuis le premier séjour linguistique que ses parents lui avait offert.


*




La limousine noire traversait les rues, longeait les avenues en direction du bas de Manhattan où les rues ne sont pas numérotées mais portent des noms comme en Europe.

Traversant Downtown, la voiture s’éloigna du quartier de Wall Street. Céline et Virginie aperçurent, en une fraction de seconde, l’immense zone vide de Ground Zero, et leurs coeurs se serrèrent.

La limousine emprunta West Street, le long de l’Hudson river. Elle tourna dans une rue, puis, finalement, s’immobilisa devant le Standard Hotel, 848 Washington street. Le chauffeur se précipita, ouvrit la portière pour leur permettre de descendre tandis qu’un bagagiste déposait leurs valises sur un chariot.

Le bâtiment de dix-sept étages, construit en verre dans un style rétro futuriste, très Le Corbusier, ressemblait à une proue de navire.

Il était posé sur d’énormes jambes de béton et semblait flotter au-dessus de la High Line, ligne de chemin de fer désaffectée transformée en coulée verte urbaine, au coeur du très chic Meat Packing District.




Elles furent immédiatement conduites à leur suite par un membre de la réception. Virginie comprit pourquoi Céline avait préféré cet hôtel à n’importe quel autre de New York.

La Deluxe Corner Queen était un appartement panoramique situé au quinzième étage du Standard Hotel.

La chambre, la salle de bains et le salon, tous vitrés du sol au plafond, étaient tournés, à la fois, vers la rivière et la ville. Ils dominaient  Manhattan, Greenwich Village et l’Hudson.

La vue était époustouflante.


*




Virginie s’était approchée d’une des baies vitrées. Céline l’avait rejointe. Elle s’était blottie contre son dos et, entourant sa taille, de ses bras, elle avait posé son menton sur son épaule.

Elles regardaient la rivière et les quais où stationnaient, autrefois, les paquebots transatlantiques. Elles regardaient les maisons, les rues et au loin, les buldings de la ville.

- Mon Dieu, Céline, c’est incroyable... J’ai l’impression que nous volons au dessus de New York...

- Tu n’as pas encore vu la salle de bains... Quand nous ferons notre toilette, nous allons friser l’exhibitionnisme...

- Tu crois que la Police new yorkaise va nous arrêter ? Tant pis, je prends le risque... J’ai trop envie de te faire l’amour dans ce lit. J’ai trop envie d’un bain avec toi...

Céline enlaça Virginie plus étroitement encore. Elle posa sa joue contre la sienne et se mit à murmurer à son oreille.

- Pourquoi attendre alors ? Ce voyage en avion m’a éreintée. Moi aussi, je rêve d’un bain chaud. De mains qui savonnent et massent mon dos, le creux de mes reins. De mains qui se posent sur ma poitrine. Qui glissent sur  mon ventre et sur mes cuisses. De lèvres qui viennent caresser mon cou et mes épaules, dévorer ma gorge...

- Céline...

- Viens...

Céline prit Virginie par la main et l’entraîna vers la salle de bains. Elle était située dans l’angle de l’immeuble et s’ouvrait à cent quatre vingt degrés sur l’Hudson river et sur la ville. La vaste baignoire était posée au centre de la pièce.

Sans lâcher la main de son amante, Céline ouvrit les robinets. Un jet d’eau délicieusement chaude se mit à couler. Puis elle se tourna vers Virginie et commença à la dévêtir...

Elle déboutonna lentement sa veste et la fit glisser le long de ses bras qu’elle frôla du bout de ses doigts. Elle sentit la peau de son amante frissonner sous la caresse légère.

Elle ouvrit son jean et le fit tomber à ses pieds. Elle lui ôta son tee-shirt et la regarda. Elle se mordit les lèvres afin de ne pas succomber immédiatement à son désir. Elle glissa les mains dans son slip et les posa sur ses fesses. Elle attira Virginie vers elle et prit ses lèvres en un baiser affamé.

Les mains de Virginie glissèrent sous sa chemise en lin. Elle s’écarta afin de pouvoir la lui retirer. Elle dégrafa son soutien-gorge.

Céline posa sa main sur sa nuque et attira son visage contre son sein. Virginie prit la pointe dans sa bouche et agaça le téton de sa langue.

Céline plongea ses doigts dans les cheveux de son amante et les caressa de ses lèvres. Elle sentait son corps fondre entre les mains de Virginie.

Bientôt sa jupe et son slip chutèrent au sol. Arrachant ses derniers vêtements en quelques secondes, Virginie se glissa contre elle. Leurs corps, totalement nus, se touchaient enfin.


*




En choisissant cet hôtel, Céline et Virginie allaient vivre pendant quelques jours dans ce qui était le poumon culturel de New York.

Le Standard Hotel n’était qu’à quelques rues des quartiers de TriBeCa, SoHo, Chelsea et Greenwich Village.

La galerie, où Dylan Hederson organisait son exposition, se trouvait dans le quartier SOuth of HOuston.

Avant de devenir la Mecque de l’art contemporain, le lieu où se regroupaient la plupart des galeries d’art new yorkaises, SoHo avait été une sorte de taudis surnommé les “cents acres de l’enfer”.
Mais aujourd’hui, Céline et Virginie pouvaient y contempler de superbes bâtiments de trois à quatre étages, aux frontons ouvragés, certains agrémentés de structures métalliques. Tous équipés d’escaliers de secours en fer courant en zig-zag sur les façades. La plupart transformés en ateliers, boutiques ou lofts.

Elles se promenaient souriantes, main dans la main, sous le soleil radieux de ce mois d’octobre. Enfin, elles entrèrent dans une galerie située dans un ancien entrepôt à devanture de fonte, appelé cast-iron building, si typique de ce quartier.


*




Les pièces hautes, les plafonds soutenus par des colonnes en métal, les murs de briques blanches mettaient en valeur les photos accrochées aux cimaises.

Il s’agissait de gigantesques portraits en noir et blanc. Les visages rayonnaient. Dylan Hederson avait su extraire l’esprit et la beauté intérieure de ses modèles.

Céline et Virginie, fascinées, regardaient ces oeuvres en silence. Elles se tenaient par la taille. Tout à coup, elles entendirent un bruit et tournèrent la tête d’un même mouvement.

Dylan marchait vers elles. Souriante. Elle n’avait pas changé. Elle était toujours la même. La même jeune femme que celle qu’elles avaient rencontrée en février à Paris, au Grand Palais.

Très belle. Grande, mince, les cheveux bruns coupés très courts. Un visage aux traits purs, au nez droit, au menton énergique. Une bouche petite mais aux lèvres brillantes. Un regard doux et amusé sous les accents de ses sourcils.

- Céline, Virginie. Vous êtes là ! Quel bonheur de vous revoir ! Après ces huit longs mois !

- Bonjour Dylan. Comment allez-vous ?

- Très bien Céline. Mais je suis accaparée par la préparation de mon expo. Une experte en art telle que vous, qui travaille pour une maison de vente aux enchères, sait à quel point c’est compliqué et difficile... Et moi, je ne peux pas compter sur le renom ou le personnel d’une institution comme Sophie’s... Heureusement Virginie m’a beaucoup aidée. De loin... Naturellement.

- Des difficultés ? Lesquelles ?

- Les propriétaires de cette galerie ne voulaient pas me la louer. Une certaine Helena DeXeres a fait courir le bruit de ma déconfiture financière dans tout New York. Mais grâce à Virginie...

- Où en es-tu avec Helena ?

- Mes affaires avancent, Virginie. Et j’ai marqué des points. J’ai réussi à prouver qu’elle avait eu une aventure alors que nous vivions ensemble. Qu’elle m’avait trompée. Mon avocat va lui proposer une transaction. Un gros chèque pour éviter le procès.

- Je serais toujours surprise par les moeurs américaines. Ces procès pour “vol d’amour”. Comme c’est étrange.

- La vieille Europe y viendra. Comme pour les jeans et le Coca. Mais je n’ai aucuns scrupules. Car Helena m’a utilisée sans vergogne pour assurer l’audience de son talk-show. A l’époque, je tournais dans cette série, LOL. Et j’avais du succès. Beaucoup de succès. Le couple que je formais à l’écran avec Rachel Peabody faisait rêver toutes les lesbiennes.

- Je le sais. Moi aussi, j’ai rêvé en regardant votre couple. Vous avez inspiré la création de dizaines de sites ou de blogs sur internet, de milliers de vidéos sur youtube ou dailymotion...

- Pour Helena, être l’amante et la compagne de celle qui interprétait Alex, mon personnage dans LOL, c’était une fabuleuse publicité ! Elle a exhibé notre couple. Déballant notre intimité devant les téléspectateurs. Convoquant les photographes dès que nous sortions un pied de notre appartement new yorkais. Mais la série a pris fin. Je n’ai pas trouvé d’autre rôle car celui d’Alex me collait à la peau. Par contre le talk-show d’Helena est devenu un passage incontournable. Même Michelle et Barack Obama y sont passés, avant les élections présidentielles. D’une certaine façon, je suis à l’origine du succès d’Helena. Ce n’est que justice qu’une partie de sa fortune me revienne !

- La connaissant, je doute qu’elle s’avoue si facilement vaincue !

- Vous avez raison Céline. Mais que pourrait-elle faire ?

- Méfiez-vous d’elle. Elle ne manque ni de ressources ni d’idées quand il s’agit de nuire aux autres.

Dylan se mit à rire.

- Céline, je suis malheureusement l’une des mieux placées pour le savoir.


*


A ce moment, un homme entra dans la galerie et s’approcha des trois jeunes femmes. Il s’adressa à Dylan.

- Madame Dylan Hederson ?

- Oui, c’est moi. Que puis-je pour vous ?

- Madame, je suis ici pour vous remettre cette sommation à comparaître. Veuillez signer ce formulaire. Merci. Bonne journée, Mesdames.

Il sortit, laissant les trois femmes interdites. Dylan ouvrit la sommation et la parcourut rapidement. Son visage s’empourpra. Elle jura entre ses dents. Puis, accablée, elle se laissa tomber dans l’un des canapés mis à la disposition du public de l’exposition.

Elle restait silencieuse, la tête entre les mains. La sommation était tombée au sol où Céline la ramassa. Elle s’adressa à Dylan.

- Vous me permettez de la lire ?

- Bien sûr Céline. Ce document ne va pas rester longtemps secret. On peut compter sur Helena pour que son contenu fasse le tour de New York.




Céline lut rapidement.

- Vous devez vous expliquer au sujet d’une liaison que vous auriez eue avec Rachel Peabody au moment du tournage de LOL...

- Il n’y a jamais rien eu entre nous. Nous avons simplement joué la comédie devant la caméra. Rachel est hétéro. Elle n’a jamais eu de liaison avec une femme. Ce mensonge, c’est tout ce qu’Helena a trouvé pour repousser ma demande de pension alimentaire. Pour contrecarrer les preuves que j’ai obtenues contre elle. Mais ce n’est pas le pire...

- Oui, j’ai vu. Rachel est également sommée de témoigner.

La rage s’empara de Dylan qui se leva et se mit à faire nerveusement les cent pas.

- La garce ! Elle me fait ça au moment de mon expo ! Elle profite de la venue de Rachel à New York !

- Rachel vient à New York ?

- Oui... Nous sommes restées très amies. Elle m’a promis de faire le voyage depuis Londres avec son compagnon pour assister au vernissage de mon exposition. Et pour la remercier, je lui offre le déplaisir de devoir affronter les roquets d’Helena.

- Quand arrivent-ils à New York ?

- Le jour du vernissage. Dans deux jours.

- Voyons Dylan, si Rachel Peabody est cette personne si extraordinaire que tu as décrite à longueur d’articles de magazines. Cette amie si modeste, si compréhensive, si pleine d’humour so british, elle comprendra. Et se soumettra de bonne grâce à cette audition.

- Je le sais Virginie. Rachel est tout cela et... bien plus encore. Mais une telle audition ne va pas passer inaperçue. Helena et ses avocats vont lui donner le maximum de publicité. J’ai les plus grandes craintes pour la relation de Rachel avec Gary, son compagnon, et pour sa carrière.

- Mais le public sait faire la part des choses et je suis certaine que son ami aussi.

- Je l’espère Virginie. Quand je pense que Rachel et moi nous ne nous pas vues depuis la fin du tournage de LOL. Je me faisais une telle joie de la revoir. Et voilà qu’Helena me gâche le plaisir de nos retrouvailles...

Céline et Virginie échangèrent un regard entendu.


*


- Dylan est amoureuse de Rachel. J’en mettrais ma main au feu !

Elles avaient quitté Dylan après qu’elle ait réglé quelques problèmes d’organisation avec Virginie. Elles l’avaient invitée à dîner au restaurant de leur hôtel.

- Quelle perspicacité, Mademoiselle Mirbeau-d’Uberville !!!

- Tu te moques de moi ?

- Oui, je l’avoue. Je ne suis pas comme toi une inconditionnelle de la série LOL. Je n’aimais pas le personnage de Jenny, ce petit Iago fouteur de merde et briseur de ménages. D’ailleurs, je crois qu’elle finit assassinée. Ce qui prouve que je n’étais pas la seule que Jenny horripilait. Mais je reconnais que Dylan et Rachel formaient un couple magnifique...

- C’était le couple le plus beau. Le plus sexy, le plus hot...

- Quel enthousiasme !

- ...après nous, Céline. Naturellement !

- J’aime mieux ça ! Je me suis toujours demandée si leurs scènes “hot”, comme tu dis, étaient jouées ou vécues. Maintenant, je crois que je le sais.

- Tu te trompes. Dylan est homo mais très professionnelle. Très respectueuse de sa partenaire. Elle n’a jamais cherché à profiter de la situation. Mais je crois qu’elle est tombée amoureuse de Rachel. Sans espoir de retour. Rachel vit avec son compagnon, Gary, depuis des années. Alors, elle s’est résignée à n’être qu’une amie pour elle.

- Oui. Mais il se pourrait bien qu’Helena rebatte les cartes du jeu...

- Que veux-tu dire par là ?

- Rachel est la dame de coeur. Gary le valet de trèfle. Et nous deux, nous sommes les jokers de Dylan...


*




Elles avaient fini de dîner.

Elles s’étaient retirées dans un salon privé où on leur avait servi une boisson chaude composée de jus de pommes et d’un mélange d’épices fabriqué à Aspen, la très chic station de sports d’hiver du Colorado, dans les montagnes Rocheuses.

Dylan faisait des efforts désespérés pour se montrer détendue et joyeuse. Mais son regard las et triste la trahissait. Virginie se jeta à l’eau et posa LA question.

- Quelque chose te tracasse Dylan. Nous le voyons bien. Et ce n’est pas l’expo. C’est Rachel, n’est-ce pas ? Parle-nous, Dylan. Tu peux te confier à nous. Tu es amoureuse d’elle n’est-ce pas ?

Dylan soupira puis se lança.

- Oui, je l’aime. Comment ne pas l’aimer ? Elle est si merveilleuse. Elle n’est pas que belle, elle est... irrésistible. Intelligente, drôle. Pleine d’humour et de gentillesse. Si simple, si accessible, si modeste. Jouer avec elle a été un bonheur. Un bonheur et une torture...

Dylan se tut quelques secondes.

- Je ne voulais pas profiter de la situation. Je savais que certains de ses partenaires hommes ne s’étaient pas gênés... Mais moi, je voulais la respecter. Les scénaristes nous avaient écrit des scènes d’un érotisme si intense. Je n’ai eu aucun mal à les jouer... La toucher, l’embrasser... Mais quand je devais me détacher d’elle... Quand la prise était terminée...

Dylan se mit à rire et poursuivit.

- Rachel est une excellente actrice. Et hélas, il suffisait généralement d’une seule prise pour que la scène soit parfaite... Nous sommes parties en tournée de promotion aux Etats Unis et en Grande Bretagne pour présenter la série aux fans. Nous descendions dans les mêmes hôtels. Et je n’ai jamais osé... Parfois, on nous demandait quel effet cela nous faisait de nous caresser et de nous embrasser devant la caméra. Et moi, je répondais “c’est le métier”, en prenant un air blasé. Un jour, on nous a même demandé si nous étions amoureuses l’une de l’autre. Et nous avons répondu non. J’avais envie de hurler.

Dylan se tut de nouveau.

- Ces quelques jours avec Rachel sont des pépites d’or que j’ai gardées précieusement dans ma mémoire. Ensuite, elle a retrouvé Gary. J’ai retrouvé Helena. J’ai tenté de me consacrer à mon couple. Mais je n’arrivais pas à l’oublier. D’autant qu’Helena me la rappelait à chaque seconde par un effet de contraste. Elles sont si différentes... Rachel est une personne intègre. Jamais elle n’aurait utilisé sa vie privée pour faire du fric...

- Helena a deviné que vous l’aimiez.

- Oui Céline, je crois qu’elle a deviné.

- Dylan, cette sommation n’a qu’un seul but. Vous faire craquer pour que vous renonciez à votre action contre elle.

- Sans doute. Alors, Helena a gagné. Car c’est précisément ce que je vais faire.


*




Dylan était partie. Elles avaient regagné leur chambre. Virginie était pensive.

- Pauvre Dylan. Elle me fait de la peine. Son amour impossible pour Rachel. Son procès contre Helena. J’aimerais tellement l’aider. Mais comment faire ?

- En commençant par passer un coup de téléphone à Camille. Il est vingt trois heures à New York. Il n’est que cinq heures du matin à Paris. Nous l’appellerons demain.

- Camille ? Mais pourquoi ?

- Pour qu’elle nous donne le nom des avocats new yorkais de la Banque d’Uberville. Et qu’elle les contacte demain à la première heure. Dylan est fauchée. Elle n’a pas les moyens de se payer un ténor du Barreau. Or, aux Etats Unis, il est essentiel d’avoir un avocat réputé. On va le lui offrir...

- D’accord, mais ensuite ?

- Ils attaqueront la sommation d’Helena pour vice de forme ou n’importe quoi d’autre... Mais ils se battront. Helena n’a pas encore gagné...

- Les intérêts de Dylan te préoccupent beaucoup soudainement...

- Si Dylan est riche et heureuse dans les bras de Rachel, elle ne s’intéressera plus du tout à une certaine Virginie Mirbeau-d’Uberville...

- Je vois... Et comment comptes-tu t’y prendre pour que Rachel lui tombe dans les bras ? Elle est hétéro, je te le rappelle.

- Crois-en ma propre expérience, Virginie. Ça ne constitue pas toujours un obstacle...

Céline se pencha sur son amante et, doucement, baisa ses lèvres.


*




Il était huit heures et demie du matin. Elles prenaient le copieux petit déjeuner continental qui leur avait été servi dans le salon de leur suite, face à New York.

Céline avait composé le numéro de téléphone de Camille sur son iPhone blanc. Elle attendait que la liaison se fasse par delà l’océan qui séparait l’Amérique de la France.

- Camille ? C’est Céline. Bonjour Camille. Je ne te dérange pas ? Je suis à New York avec Virginie. Je lui fais découvrir la ville... Oui, nous allons très bien... Et toi ?... Oh, parfait. Oui, il fait un temps splendide. Un magnifique été indien...

La conversation entre la grand-tante et la petite nièce dura encore quelques minutes au cours desquelles elles conversèrent joyeusement. Puis Céline entra dans le vif du sujet.

- Camille, j’ai besoin de connaître le nom des avocats new yorkais de la banque d’Uberville. Cooper Lee Grant ? Sur Park Avenue ? Pourrais-tu leur téléphoner et leur dire que Virginie et moi avons besoin de leurs services pour le compte d’une amie, Dylan Hederson. Nous paierons leurs honoraires.

En quelques phrases, elle exposa à la vieille dame les raisons d’une telle demande. Camille promit de les aider et salua Céline. Puis Virginie prit l’iPhone et bavarda pendant quelques minutes avec celle qui était devenue sa mère adoptive neuf mois auparavant.

Elle lui dit sa joie d’être à New York avec Céline. Sa joie de marcher sur les traces d’Alice et de Louis, dont elles étaient les réincarnations. Sa joie d’entendre sa voix. Elles se saluèrent enfin en se promettant de se revoir dès qu’elles seraient de retour à Paris.

- Voilà, Virginie. Nous avons un cabinet d’avocats sérieux à opposer aux tueurs d’Helena.

- Ça ne règle qu’une infime partie du problème.

- Quel rabat-joie ! Dylan n’est plus seule. Elle nous a. Elle dispose d’avocats solides et, grâce à Camille, de la force de frappe de la banque d’Uberville. C’est mieux que rien non ?

- Tu sais très bien que la seule chose qui compte réellement aux yeux de Dylan, c’est le soutien de Rachel.

- Une chose à la fois, Virginie. Une chose à la fois. Je te propose de finir notre petit déj’, de faire notre toilette et de partir dans l‘Upper East Side. Nous pourrions remonter la Cinquième avenue et y visiter la Frick Collection, le Withney Museum, la Neue Galerie et même le Guggenheim, si nous avons le temps. Je te propose de faire le MET un autre jour.

- Et après cette orgie de tableaux ?

- Après ? Direction Park Avenue pour rencontrer le cabinet Cooper Lee Grant.


*




Céline et Virginie étaient entrées dans l’hôtel particulier de Henry Clay Frick sur la Cinquième Avenue. Riche industriel de Pittsburg, il avait pendant quarante ans, à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, accumulé une fabuleuse collection, parmi lesquels trois Vermeer de Delft.

Pensives, elles regardaient le tableau intitulé La leçon de musique interrompue. Sans se le dire, elles pensaient, l’une comme l’autre, à l’étrange aventure qu’elles avaient vécue dix mois plus tôt à Paris au cours de laquelle elles avaient fait la connaissance de Paul et de Morgane Ourbaix (Un mort en ce jardin).

- Céline, nous ne devons pas oublier d’envoyer une carte postale à Morgane.

- J’y pensais Virginie. Nous l’enverrons des Nations Unies. Comme ça, elle portera le cachet postal de l’ONU. Ce sera un souvenir amusant. Je crois aussi que Morgane serait ravie si nous lui rapportions un iPod de l’Apple-store situé devant le Plaza Hotel ou encore un tee-shirt Abercrombie and Fitch.

Elles sortirent de la Frick Collection et remontèrent la Cinquième avenue. Elles dépassèrent le MET sans s’y arrêter et continuèrent leur chemin vers le Whitney Museum of American Art consacré à la peinture des Etats Unis. Là elles purent admirer des oeuvres de Jasper Johns, Andy Warhol ou Edward Hopper.

Enfin, elles atteignirent la Neue Galerie, bâtiment de style Louis XIII construit en 1914.

Le fils d’Estée Lauder y exposait des oeuvres de la Séccession viennoise, parmi lesquelles le Portrait d’Adèle Bloch-Bauer par Gustav Klimt, acquis en 2006 pour 135 millions de dollars.
- Elle est fabuleuse...

- Oui, Céline. Klint a mis trois ans pour la peindre. C’est une peinture à l’huile, argent et or. Je t’assure qu’un peintre comme moi se sent tout petit devant une telle oeuvre.

- Chérie, ne te dévalorise pas. J’adore ce que tu fais...

- Oui, mais c’est toute la différente entre un humble tâcheron comme moi et un génie comme Klimt ou comme Vermeer.




- Bien, je vois que tu as du vague à l’âme. Alors, je t’invite au Maya sur la Première avenue, pour un goûter mexicain... Et nous laisserons le Guggenheim pour un autre jour. Pour demain, si tu veux.

- Je te suis Céline. Tu sais bien que j’irais n’importe où avec toi.

- Surtout dans un musée ou manger tex-mex...

Les deux jeunes femmes éclatèrent de rire et quittèrent la Neue Galerie en se tenant pas la taille.


*




Elles avaient interrompu leurs visites des musées new yorkais pour se rendre sur Park Avenue chez Cooper Lee Grant où elles avaient donné rendez-vous à Dylan. Elles retrouvèrent la jeune femme dans la bibliothèque du prestigieux cabinet d’avocats.

- Pourquoi changer d’avocat ? Je n’en vois pas l’utilité.

- Parce qu’Helena ne comprend que les rapports de force. Si elle voit que tu bénéficie des conseils du meilleur cabinet new yorkais, elle va se sentir beaucoup moins à l’aise pour te combattre.

- Mais je n’ai pas les moyens de les payer...

- Ne te soucie pas de ça. Cooper Lee Grant ne peuvent rien refuser à ma mère adoptive, Camille d’Uberville. Je suis certaine qu’ils se montreront raisonnables et compréhensifs. De toute façon, nous allons t’aider.

- Merci Virginie. Merci Céline. Pourquoi faites-vous tout ça pour moi ? Après ce que j’ai fait à Paris en février dernier, jamais je n’aurais cru trouver autant d’aide auprès de vous.

- Disons que nous avons chacune nos raisons. Et puis Helena est un tel poison...


*


John Lee était un homme de cinquante ans, courtois et raffiné. Il s’était montré très attentif, très professionnel. Mais il avait rapidement douché les espoirs de Dylan. La sommation étant parfaitement recevable et il était impossible d’éviter que Rachel témoigne.

Par chance, son témoignage ne serait pas public. Il ne s'agissait pas d'un véritable procès avec jury. Mais plutôt d'une instance pré-contentieuse, réservée aux parties et à leurs avocats, en présence d’un arbitre. Des tiers pouvaient être auditionnés.

Le but était de parvenir à une transaction et d'éviter le procès.

Bien sûr, Dylan pouvait renoncer à sa demande de pension alimentaire. Dans ce cas, Rachel Peabody n’aurait plus besoin de témoigner.


*


Elles sortirent de chez Cooper Lee Grant.

- Quel que soit l’avocat, le problème est le même. Ou je maintiens ma demande contre Helena et Rachel devra témoigner. Ou bien je renonce.

- Dylan, je vous conseille d’interroger votre amie. Après tout, c’est à Rachel de décider. Il n’y a qu’elle qui puisse dire si elle se sent assez forte pour subir cette épreuve.

- Oui, vous avez raison Céline. Mais sa réponse me fait peur. C’est notre amitié et mon amour qui vont être mis à l’épreuve.

- Fais confiance à Rachel, Dylan. Je suis certaine qu’elle va te surprendre.

- Oui, Virginie. Tu as raison. Je le sais.


*




Le soir était venu.

Elles avaient regagné leur chambre au Standard Hotel. Céline sortit de la salle de bains, les cheveux mouillés. Elle était nue sous une serviette nouée autour de son corps.

Virginie était allongée sur leur lit. Elle dévorait un livre sur New York.

- Virginie, que fais-tu ?

- Je fais la liste des lieux que j’aimerais visiter.

- Tu te méfies de mes talents de guide ? Pourtant... moi je t’ai fait confiance quand tu m’as fait découvrir des contrées inconnues...

- Des contrées inconnues ? De quoi parles-tu ?

- Tu le sais très bien, Virginie... Des contrées que nous visitons encore et encore...

Elle éteignit les lampes, une à une.

La chambre n’était plus éclairé que par les lumières de la ville qui pénétraient par les hautes baies vitrées.

Elle ôta sa serviette qu’elle jeta sur un fauteuil.

Elle s’allongea à côté d’elle sur le lit. Elle glissa la main sous le peignoir blanc que Virginie avait revêtu.

- Mais dis-moi, tu es nue sous ce peignoir...

- Oui, je viens de prendre ma douche et... aaah, Céline, ne fais pas ça... ou je vais m’enflammer comme de la paille...

- Mais, je veux t’enflammer, Virginie. Je veux te rendre incandescente. C’est tout ce que je veux...

Lentement, Céline dénoua la ceinture et ouvrit le peignoir découvrant le corps bronzé de son amante. Elle regarda les seins ronds et le ventre plat, les cuisses galbées. Elle fit glisser le peignoir le long de ses épaules, emprisonnant ses bras dans les plis du vêtement.

Elle se pencha sur le corps offert, sans résistance. Elle caressa de ses lèvres la peau douce de la gorge, lécha les gouttes d’eau entre les seins. Sa langue suivait l’arrondi de la poitrine. Ses doigts effleuraient son ventre.

Elle sentit Virginie frissonner. Elle l’entendit gémir. Elle se cambrait et venait au devant de ses caresses.

- Viens Céline. Touche moi. Je t’en prie. Touche moi...

- Non pas encore. Seulement quand je le voudrai...

- Céline, tu vas me rendre folle. Je t’en prie. Viens maintenant...

Elle posa sa main sur le ventre de son amante, sur les muscles qui ses contractaient sous ses doigts. Elle les fit courir sur les cuisses frémissantes. Elle caressa la peau fine et douce.

Elle continua son exploration et sentit sa chaleur. Virginie était brûlante et humide. Elle s’offrait, gémissante et implorante. Alors, la tenant par les hanches, elle la prit entre ses lèvres.

Elle la fouilla de sa langue jusqu’à ce qu’elle se rende dans un cri de plaisir.


*




Le jour du vernissage était arrivé.

Il était réservé aux marchands d’art, aux amateurs de photographies, aux critiques, aux galeristes et à quelques amis triés sur le volet.

Dylan jouait les maîtresses de maison, présentant ses oeuvres, les commentant, expliquant les conditions de leur réalisation.

Elle était nerveuse. Elle mettait son avenir en jeu sur cette exposition.

Mais surtout, elle allait revoir Rachel. Après des mois au cours desquels les contacts entre elles s’étaient limités à quelques coups de téléphone et des mails sur le net.

Elle était tout à son bonheur de la revoir. Bonheur attristé par la présence de Gary et la perspective de son témoignage.

Céline et Virginie avaient remarqué la nervosité de leur amie. Elles l’entouraient de chaleur et d’affection.

Tout à coup, elles virent son visage s’illuminer et elles tournèrent la tête.




Une superbe jeune femme entrait dans la galerie. Ses longs cheveux bruns légèrement ondulés, retenus par un bandeau, flottaient sur ses épaules. Elle avait de magnifiques yeux bleus, un beau visage aux traits fins, des pommettes hautes. Elle était grande et mince. Son corps paraissait tout à la fois gracile et fort. Ses formes étaient parfaites. Elle était simplement vêtue d’un chemisier sable sur un top à fines bretelles et un pantalon noirs.

Elle souriait en s’avançant vers Dylan. Elle s’approcha d’elle, posa ses bras autour de son cou et la serra contre elle. Elles restèrent quelques secondes joue contre joue.

Puis, doucement, la jeune femme brune brisa cette étreinte.

- Dylan ! Comme je suis heureuse de te revoir. Je n’aurais voulu manquer ton vernissage pour rien au monde. Comment vas-tu ?

- Fatiguée mais heureuse de te voir Rachel. Si heureuse.

Elles se tenaient pas les mains. Dylan semblait ne pas pouvoir se rassasier de la présence de son amie. Elle ne pouvait pas s’empêcher de la dévorer des yeux. Puis, tout à coup, elle sembla se souvenir que le monde existait autour d’elles.

- Rachel, je veux te présenter deux amies françaises. Céline Frémont et Virginie Mirbeau-d’Uberville... Céline est experte en art. Virginie est peintre et photographe de talent. Elle a aussi la bonté de financer mon expo. Je leur dois beaucoup. Céline, Virginie, je vous présente mon... amie, Rachel Peabody.

Rachel se tourna vers les deux jeunes femmes. Son sourire était radieux. Elle dégageait une extraordinaire impression de sympathie et de gentillesse.

- Les amies de Dylan sont mes amies.

- Bonjour Rachel. Je suis flattée de faire votre connaissance comme j’étais honorée de collaborer à l’organisation de l’expo de Dylan.

- Enchantée Rachel. Dylan n’a pas cessé de me parler de vous. Ainsi que Virginie, qui est une inconditionnelle de LOL et de vos films. Je dois dire que je finissais par être un peu jalouse...

Les quatre jeunes femmes se mirent à rire.

- Un projet au cinéma ?




- Rien de sûr encore. Mon agent est en pleine discussion avec la production. Une comédie à Londres avec Hugh Trant et Moody Ellen, derrière et devant la caméra.

- Hugh Trant et Ellen ? Mais c’est merveilleux.  Je croise les doigts pour que le projet se réalise et pour que tu décroches le rôle.

- Merci Dylan. De ta part, je sais que c’est sincère.

Elle se pencha vers Dylan et déposa un léger baiser sur sa joue. La jeune femme ne put dissimuler son trouble.

Céline et Virginie volèrent au secours de leur amie.

- Que faites-vous après le vernissage ? Nous pensions aller manger un morceau au Rise Bar du Ritz pour fêter ça. Rachel, vous vous joignez à nous, n’est-ce pas ?

- Avec plaisir. Je vais téléphoner à Gary, mon ami, pour le prévenir.

- Il ne t’a pas accompagnée à mon vernissage ?

- Il va me rejoindre dans quelques minutes. Il y avait un problème à l’hôtel. Le Four Seasons. Notre chambre était trop bruyante, alors il a exigé que nous en changions. Je l’ai laissé s’occuper de notre déménagement et je suis venue. Je l’appelle...

- Oh, très bien...

Céline et Virginie remarquèrent la déception de Dylan.

Rachel prit son portable et composa un numéro.

- Gary !? Rachel. Je suis avec Dylan à la galerie. Tu as réglé notre problème de chambre ?... Bien... Très bien... Quand viens-tu nous rejoindre, mon chéri ? Parfait, nous t’attendons... A tout de suite.

Dylan avait écouté la conversation. Elle avait baissé les yeux quand elle avait entendu le “Mon chéri” prononcé par Rachel. Un nuage de tristesse était passé sur son visage et avait voilé son regard. Mais elle avait de nouveau sourit à Rachel quand celle-ci s’était tournée vers elle, sa conversation terminée.

Aucun de ces signes n’avaient échappé à Céline et Virginie.

- Gary est en route. Il sera là dans quelques secondes.

Elle avait à peine terminé sa phrase qu’un homme de quarante ans entrait dans la galerie. Il semblait furieux. Il se dirigea droit vers les quatre jeunes femmes. Sans dire bonjour, il apostropha Dylan.

- A vous voilà vous ! Merci du cadeau !

- Gary, voyons ! Il y a un problème ?

- Oui Rachel, et un sérieux problème ! On vient de m’apporter une sommation pour toi. A l’hôtel ! Lis !

Il lui tendit le papier que Rachel lut rapidement. Elle était effarée. Elle se tourna vers Dylan.

- Dylan, qu’est-ce que ça veut dire ? Je ne comprends pas...

- Rachel, Gary, venez dans mon bureau. Je vais tout vous expliquer...

Ils quittèrent la pièce, suivis par les regards des invités qui, naturellement, n’avaient pas raté une miette de la scène.

- Céline, que devons-nous faire. Rejoindre Dylan ?

- Non, Virginie. Il faut les laisser ensemble. Si Rachel laisse tomber son amie, il vaut mieux que nous n’assistions pas à cet abandon. Nous essaierons de la soutenir ensuite. Si au contraire, Rachel soutient Dylan, c’est Gary qui perdra la face. Il est inutile que son humiliation ait des témoins.

- Tu n’aurais pas été psychologue... dans une autre vie ?

- Non Virginie. Mais j’essaie de me mettre à la place des gens pour les comprendre. Ça s’appelle l’empathie.


*




Ils étaient tous les trois dans la pièce qui faisait office de bureau.

Gary, nerveux, faisait les cent pas. Dylan était bouleversée. Seule Rachel restait calme.

- Dylan, explique nous ce que signifie ce document. Tu étais au courant ?

- Oui, j’ai reçu une sommation avant-hier et je savais que tu allais en recevoir une. Je voulais t’en parler ce soir et te prévenir. Mais les avocats d’Helena m’ont devancée. Je ne pensais pas qu’ils agiraient si vite.

- De quoi s’agit-il ?

- J’ai engagé une procédure contre Helena. Pour vol d’amour. Quand nous vivions ensemble, elle a outrageusement utilisé mon nom, ma notoriété, notre vie privée, pour assurer le succès de son talk show. A présent, elle est l’une des femmes les mieux payées à la télévision. Je lui ai donc demandé un dédommagement. J’ai aussi réussi à prouver qu’elle m’avait trompée. Alors, elle a trouvé cette parade. Prétendre que nous avons eu une liaison, toi et moi. Comme elle ne pourra jamais le prouver puisque c’est totalement faux, elle exerce un chantage sur moi. Si je maintiens ma demande, tu devras répondre aux questions de ses avocats qui ne vont pas t’épargner.

- Vous voulez dire que Rachel va devoir déballer sa vie privée en public ?

- Non, Gary. Cette audition ne sera pas publique. Uniquement Rachel, Helena et moi, les avocats et un arbitre. Par contre je pense qu’Helena en parlera dans son émission.

- Bon sang ! C’est la carrière de Rachel qui est en jeu !

- Non. La carrière de Rachel ne risque rien. Car il n’y aura pas d’audition. Je vais renoncer à mon action. Je vais renoncer à ma demande contre Helena.

- C’est ce que vous avez de mieux à faire !


*


La voix de Rachel Peabody s’éleva, calme et sereine.

- Je remarque que personne ne me demande mon avis.

Dylan et Gary la regardèrent, d’un air étonné.

- C’est à moi de décider si je veux ou non répondre à cette sommation.

- Rachel...

- Gary, laisse-moi parler. Je suis assez grande pour prendre une décision toute seule. J’ai décidé de me rendre à cette audition et de répondre à ces questions. Je n’ai rien à cacher. Nous n’avons rien à cacher. Alors, je ne vois pas où est le danger.

- Rachel, tu es folle ! Je connais ces avocats new yorkais ! Ils sont prêts à salir n’importe qui et à inventer n’importe quoi pour de substantiels honoraires !

- Ils ne pourront pas inventer ce qui n’a jamais existé.

- Tu seras interrogée sur une liaison homosexuelle. Le mal sera fait !

- Le mal ? Quel mal ?

- Tu vas être cataloguée comme lesbienne !

- Je l’étais déjà avec le tournage de LOL.

- Oui, mais tu vivais avec moi. Ça faisait taire les rumeurs...

- C’est toujours le cas. Nous vivons toujours ensemble.

- Alors, je te demande de suivre mon avis et de refuser cette audition.

- Si je refuse de m’y rendre, Dylan perdra son procès.

- Mais elle vient de nous dire qu’elle était prête à renoncer à sa demande !!!

- Mais moi, je ne veux pas qu’elle y renonce.

- Et moi ? Tu as pensé à moi ?

- A toi Gary ? Je ne vois pas le rapport...

- Tu te précipites au secours de ta grande amie Dylan ! Tout le monde pensera que tu le fais parce qu’elle est plus qu’une amie pour toi ! Et moi, je passerai pour un...

Il n’osa pas prononcer le mot. Il laissa passer quelques secondes de silence. Puis, il reprit la parole sur un ton solennel.

- Rachel, je te demande de refuser cette audition. Sinon...

- Sinon...

- Tu sais très bien ce que je veux dire.

- J’irai à cette audition Gary.

- Très bien. Dans ce cas... je retourne à l’hôtel et je rentre à Londres. Au revoir, Rachel.

Sans un regard pour Dylan, il sortit de la pièce, laissant les jeunes femmes seules.


*


Il traversa la salle d’exposition rapidement. Céline et Virginie le regardèrent quitter la galerie.

- J’ai l’impression que tu avais vu juste Céline. Le valet de trèfle vient de partir furieux. Il laisse sa dame de coeur.

- Oui, on dirait bien que Dylan a gagné une manche. Mais la partie n’est pas encore terminée Virginie.

Dylan et Rachel sortirent à leur tour du bureau et se dirigèrent vers elles. Elles étaient calmes et détendues. Rien ne transparaissait de la pénible scène qu’elles venaient de vivre. 

Rien, sauf une lueur dans le regard de Dylan.


*


Le vernissage était terminé. C’était un succès. Des achats. Des commandes. Des propositions d’autres expos. Des critiques et des clients enthousiastes.

Mais pour Dylan, tout cela n’était qu’accessoire. Car ce qui comptait le plus à ses yeux c’était la décision de Rachel. Sa décision de témoigner pour elle. De l’aider.

Ce que le tournage de LOL et la tournée qui l’avait suivi n’avaient pu faire, la vindicte haineuse d’Helena DeXeres l’avait fait. Créer entre Rachel et Dylan un lien d’indéfectible complicité. En attendant mieux. Peut-être...

Rachel ne semblait pas affectée par le départ tonitruant de Gary. Elle riait beaucoup avec Céline et Virginie. Les deux françaises faisaient tout pour la distraire. Pour évacuer le stress qu’elles devinaient de la pénible explication qui avait eu lieu quelques minutes plus tôt.




Les portes de la galerie closes, elles sautèrent dans un yellow cab et se firent conduire au Ritz Carlton sur West Street où Céline et Virginie avaient retenu une table au Rise Bar. De la terrasse du bar, au quatorzième étage de l’hôtel, la vue, qu’aucun obstacle ne contrarie, plonge sur la pointe sud de Manhattan et la Statue de la Liberté.

Elles discutaient toujours alors qu’un soleil flamboyant se couchait sur la ville, brûlant les immeubles de ses feux.

Miss Liberty semblait marcher sur un incendie.

Virginie ne parlait plus. Elle dévorait le spectacle des yeux.

Céline se rendit compte du silence de sa compagne. Elle lui caressa la joue d’un geste tendre.

- Virginie ? Tout va bien ?

- Oh oui, Céline, tout va merveilleusement bien. Je regardais le soleil se coucher sur New York et la statue de la Liberté... C’est tellement beau... C’est tellement fabuleux d’être ici avec toi...

Elle lui prit la main et serra ses doigts entre les siens. Céline se pencha vers elle et déposa un  baiser sur ses lèvres.

Devant le spectacle du bonheur des deux jeunes femmes, Rachel et Dylan ne dirent pas un mot. Mais elles ne purent s’empêcher d’échanger un regard.


*




Il faisait nuit.

Elles avaient quitté le Ritz Carlton pour traverser Battery Park en direction de White Hall Terminal où elles avaient pris le ferry pour Staten Island.

Le ferry, qui traverse la baie, 24 heures sur 24, passe au plus près de la petite île sur laquelle est dressée la Statue de la Liberté.

Au retour, alors que le ferry revenait vers Manhattan, Céline et Virginie avaient profité de l’obscurité dans laquelle était plongé le pont.

Elles étaient tournées vers la cité, l’une blottie contre le dos de l’autre, ses bras entourant sa taille, ses mains, sous les siennes, posées sur son ventre, le menton appuyé sur son épaule, la joue contre sa joue. Elles regardaient les dizaines de gratte-ciel aux milliers de fenêtres éclairées.

La Statue se découpait, comme une ombre chinoise, sur les lumières de la ville, la torche au bout de son bras brillant comme une étoile.

Céline et Virginie se sentaient bien. Elles avaient oublié la présence de Rachel et de Dylan pour ne penser qu’au plaisir d’être ensemble, face à la ville illuminée.

Leurs amies se tenaient à l’écart. Elles ne voulaient pas gêner ce bonheur tranquille.

Elles étaient là, côte à côte. Silencieuses. Tout à coup, Dylan sentit qu’une main se glissait dans la sienne. Elle ne dit rien, mais caressa les doigts qui se mêlaient aux siens.


*


Les deux jours qui suivirent furent uniquement consacrés à la découverte de New York par Virginie.

Céline lui servait de guide. Mais Dylan et Rachel étaient là aussi.

Son expo étant un succès, Dylan avait pu engager un collaborateur qui ouvrait la galerie, vendait les oeuvres exposées, prenait les commandes.

Rachel avait décidé de prolonger son séjour aux Etats Unis puisque son travail n’exigeait pas son retour immédiat à Londres.

Les deux jeunes femmes s’amusaient de l’enthousiasme rafraîchissant de Virginie pour cette ville qu’elle découvrait. Elle marchait, le nez en l’air, admirant la hauteur des immeubles.

Son Leica à la main, elle shoota le Chrysler Building, de style art déco, et sa flèche formée de vingt huit arcs en acier inoxydable, puis le Woolworth Building de style néo-gothique.




Elles visitèrent Grand Central Terminal, l’étonnante gare de New York où Hitchcock tourna plusieurs scènes de son film “la mort aux trousses”. Elles prirent un collation rapide dans le restaurant de Michaël Jordan, célèbre basketteur en retraite.

Sans le dire, Dylan et Rachel étaient fascinées par ce couple de jeunes françaises qui s’aimaient simplement, sans inhibition ni exhibition, et qui semblaient si heureuses.

Pour une fois, ce n’était pas l’Amérique qui donnait le la. Mais la vieille Europe qui semblait totalement décomplexée !!!
Toutes férues d’art, elles avaient gagné le Guggenheim, puis le Metropolitan où elles avaient pu admirer les plus grands impressionnistes : Van Gogh et son Arlésienne, Manet, Gauguin.

Virginie photographiait les oeuvres avec son iPhone afin de constituer une collection de fonds d’écran.

Par chance, elles avaient pu assister à une exposition temporaire de Vermeer de Delft dont certaines oeuvres avaient été prêtées au MET par le Rijksmuseum d’Amsterdam, actuellement en travaux.


*


Elles traversaient Central Park.

Les arbres exhibaient déjà un feuillage multicolore. Les jaunes, rouges, ocres disputaient la place aux verts de différentes nuances.

Des écureuils, peu farouches, sautaient dans l’herbe à quelques mètres de couples allongés sur les pelouses.

Des gamins, la  casquette des Yankees, l’équipe de bass-ball de New York, vissée sur la tête s’exerçaient au lancer vers la batte.

Virginie marchait à côté de Dylan. Elles discutaient, à perdre haleine, des mérites comparés des appareils photos allemands et japonais.

Céline et Rachel, que ce sujet de conversation ne passionnait guère, marchaient derrière elles.

Leur silence tranchait avec la volubilité des deux photographes. Alors Céline, légèrement inquiète, interrogea Rachel.

- Tout va bien, Rachel ?

- Oui Céline, Tout va bien. Tout va très, très bien.

- Je te posais cette question parce que j’avais peur que tu sois triste.

- Je ne le suis pas Céline. Et c’est cela qui est étrange. Je ne le suis absolument pas. Gary ne me manque pas. C’est incroyable même comme il ne me manque pas. J’ai vécu des années avec lui et puis, tout à coup, il n’est plus là. Et ça ne me fait rien.

- Tu vas le retrouver quand tu retourneras à Londres.

- Non. Je l’ai appelé hier. Il va quitter notre maison de Notting Hill. Notre rupture est définitive. Il n’accepte pas que je témoigne en faveur de Dylan. Il se sent humilié. J’ai compris que nous ne pouvions pas tout partager ensemble. Les bonheurs comme les coups durs. Alors autant se séparer.

- Tu n’as pas peur de te retrouver seule ? Moi, je sais que je ne le pourrais pas. Je n’ai jamais été seule. Mais si demain, Virginie me quittait...

- Pourquoi te quitterait-elle ? Vous formez un couple si beau, si fusionnel...

- C’est amusant ce que tu me dis là...

- Pourquoi amusant ?

- C’est exactement ce que Virginie me disait de toi et de Dylan quand vous jouiez dans LOL...

- C’était un couple de télévision. Un couple pour faire de l’audience. Pas un vrai couple, comme Virginie et toi...

- En es-tu si sûre ? Les autres couples de la série ne dégageaient pas cette passion, cette sensualité, cette... attirance qui étaient palpables entre vous deux. Je sais que vous êtes toutes les deux d’excellentes comédiennes. Mais à ce point...

- Mon histoire avec Dylan est ma préférée, nous sommes tellement amies et complices dans la vie, que cette chimie se voyait à l'écran.

- Ton “histoire” avec Dylan ? En français, on utilise le mot histoire quand on est amoureux.

- En anglais aussi, Céline. En anglais aussi. Comme dans Love Story.




Leur conversation fut interrompue par deux marins “en goguette”. Habillés d’un uniforme bleu, le bob blanc crânement posé sur la tête, ils s’étaient approchés d’elles et commençaient à leur faire un brin de cour assez direct en leur proposant de prendre un drink au bord du lac.

Ils étaient charmants, bien que peu subtils. Céline et Rachel ne savaient pas comment s’en défaire sans être blessantes.

Virginie et Dylan se rendirent compte que Rachel et Céline faisaient l’objet d’une “attaque” en règle.

Alors, sans se concerter, elles revinrent sur leurs pas et, sous le regard médusé des deux marins, prirent leur compagne par la taille.

Rachel se laissa faire et glissa son bras autour de la taille de Dylan.


*


Elles avaient continué à arpenter la ville comme le font les new yorkais qui sont de redoutables marcheurs.

De temps en temps, elles faisaient de courtes pauses que Virginie mettait à profit pour réaliser de rapides aquarelles de la ville sur un petit carnet Moleskine.




Elles avaient fait une halte sur Times Square, dans un restaurant sans prétention, ignoré des touristes, mais où elles avaient mangé les meilleurs hamburgers de la ville avec des frites posées sur des assiettes en carton, le ketchup et la moutarde servis à volonté.

Elles avaient mangé avec leurs doigts et piqué des fous rires comme des collégiennes.

La nuit était tombée.




Times Square étincelait de tous les néons des gigantesques panneaux publicitaires lumineux qui recouvraient les façades de ses immeubles. Centre du quartier des théâtres, il voyait défiler une foule de citadins ou de touristes en quête d’amusement, d’une comédie musicale ou d’un hot-dog acheté à l’angle d’une rue.

Puis, elles avaient fini la nuit dans une boîte  de jazz sur Broadway et avaient vibré et dansé au son des musiques latinos.


*


L’hôtel de Rachel, le Four Seasons, se trouvait dans l’Upper East Side, sur la 57ème rue, près de la Trump Tower et du magnifique Louis Vuitton Building alors que celui de Céline et Virginie se trouvait à Downtown, sur Washington Street. Très éloignés l’un de l’autre.

Céline vit dans cette distance comme une... opportunité.

- Je suis épuisée les filles alors qu’il nous reste encore tant que quartiers à découvrir. Je crois que le moment de rentrer à l’hôtel est venu...

Tout en parlant elle avait levé la main et immédiatement un yellow cab s’était arrêté à leur hauteur. Elle avait ouvert la porte et, d’un regard, avait invité Virginie à monter dans le taxi.

Rachel sourit et prit la parole à son tour.

- Je ne suis qu’à deux minutes à pied de mon hôtel. Alors je vous laisse le taxi pour rejoindre le vôtre.  Dylan, peux-tu m’accompagner au Four Seasons ? J’ai vu qu’il y avait encore quelques marins en vadrouille sur Broadway...

- Bien sûr Rachel. Avec plaisir.

Céline monta à son tour dans le taxi avec un petit sourire. Virginie la regardait admirative.

- Et bien, toi dis donc... Tu sais y faire ! Comme entremetteuse...

- Je n’ai rien fait Virginie. Si cela doit se faire, c’est uniquement parce que Rachel le voudra bien... Mais je croise les doigts très fort pour que cela arrive.


*




Rachel et Dylan marchaient sur Broadway en silence.

L’air était incroyablement doux. Une magnifique nuit d’octobre. C’était une nuit d’automne mais un automne où il faisait beau. Une saison qui n’existe que dans le nord de l’Amérique. On l’appelle l’été indien.

Dylan n’osait pas s’approcher de Rachel. Elle se contentait de marcher à son côté. Elle aurait tant aimé enlacer sa taille comme cet après-midi dans Central Park. Mais elle n’osait pas. Et il n’y avait pas de marin entreprenant pour le lui permettre...

Alors elle avait enfoncé les poings dans les poches de son jean usé.

Tout à coup, elle sentit qu’un bras glissait sous le sien et qu’une main se posait sur son poignet. Elle ne dit rien mais elle se sentit merveilleusement bien et elle sourit à Rachel qui la regardait.

Elles marchaient lentement, savourant chaque seconde de cette ballade. Elles quittèrent Broadway et longèrent la 57ème rue jusqu’au Four Seasons.

Un groom en redingote grise et haut de forme les salua et elles pénétrèrent dans l’hôtel dessiné par l’architecte Ieoh Ming Pei.

Le bâtiment, moderne et en pierres de taille, était à la fois sobre et majestueux. Elles entrèrent dans l’un des ascenseurs de l’hôtel.

Dylan sentait son coeur battre follement dans sa poitrine. Elle regardait Rachel qui lui souriait toujours. Elle avait envie d’écraser ce sourire sous ses lèvres.

L’ascenseur s’immobilisa et les portes s’ouvrirent.

Le couloir était vide.

Elles marchèrent jusqu’à la chambre de Rachel.

Rachel sortit de son sac la carte qui servait de clef et la glissa dans la fente qui faisait fonction de serrure. Un clic se fit entendre et une petite lumière verte s’alluma. La porte s’ouvrit.

Rachel se tourna vers Dylan.

Elle la regarda puis, posant ses mains sur sa nuque et sur sa tête, ébouriffant ses cheveux, elle attira son visage vers le sien.

Leurs lèvres s’approchaient au plus près mais n’osaient franchir la courte distance qui les séparait.

Leurs souffles déjà se confondaient. Elles se mangeaient des yeux. S’aimant déjà par le regard.

Enfin, Rachel posa ses lèvres sur les siennes.

Dylan l’enlaça et serra son corps contre le sien. Elle ne pouvait pas s’empêcher de trembler. Émue au-delà de toute mesure.

Leur baiser fut long et ardent. Quand Dylan trouva enfin la force de s’arracher à sa bouche, ce fut pour dévorer son menton et son cou.

Rachel se laissait faire, gémissant sous les caresses de Dylan. Puis, tout à coup, elle la repoussa.

- Dylan, Dylan ! Non ! Je ne peux pas...

Dylan blêmit. Son corps s’affaissa et ses épaules s’arrondirent comme si elle avait reçu un coup de poing à l’estomac. Elle eut l’impression qu’elle mourait. Elle trouva la force d’articuler.

- Je comprends... excuse-moi... je n’aurais pas dû... Pardon, cela ne se reproduira plus...

Elle se sentait si mal, prête à hurler. Son coeur était si douloureux.

Rachel s’approcha d’elle et posa la main sur sa joue d’un geste très doux.

- Non Dylan... Tu ne m’as pas comprise... Je ne peux pas... cette nuit. Car je dois témoigner dans quelques heures. Comment pourrais-je dire que nous ne sommes pas amantes si nous faisons l’amour maintenant ? Mais dès que j’aurai témoigné, Dylan... Dès que tout ça sera terminé, alors... ô oui, alors Dylan, je serai à toi. Toute à toi... Tu pourras faire ce que tu voudras...

Elle l’embrassa avec passion, puis poussant la porte avec son dos, elle pénétra dans sa chambre à reculons, alors que ses lèvres étaient encore collées à celles de son amante.

Enfin, elles se séparèrent. Dylan prit sa main et baisa le bout de ses doigts.

- Je t’aime Rachel. ô comme je t’aime, mon amour...

- Je sais, Dylan.

Puis la porte se referma sur Rachel, séparant les deux amantes.

Dylan resta quelques longues secondes devant cette porte, partagée entre l’envie de la défoncer pour retrouver, et aimer, aimer enfin, la femme qu’elle adorait, et le désir de respecter son choix.

Elle leva les poings, prête à frapper. Puis elle se raisonna.

Alors, elle plongea les poings dans les poches de son jean. Mais elle avait l’impression qu’une symphonie explosait dans sa tête et elle revint vers les ascenseurs, chantonnant et dansant comme Gene Kelly sur une musique de George Gershwin.

S’wonderful, s’marvellous,
You should care for me,
S’awful nice, s’paradise,
S’what I love to see,

You’ve made my life so glamorous,
You can't blame me for feeling amorous !
Oh s’wonderful, s’marvellous,
That you should care for me !


*


Céline et Virginie avait quitté leur hôtel.

Elles avaient reçu un appel de Dylan qui les avait invitées à prendre le petit déjeuner chez elle.




Elles avaient marché d’un bon pas vers Greenwich village où elle vivait. En chemin, elles s’étaient arrêtées dans une boulangerie française où elles avaient acheté pain frais et croissants.

Dylan habitait une demeure de style Greek Revival située sur Washington Square Park.

Epargnante avisée, elle avait utilisé les cachets que lui avait rapportés son rôle dans la série LOL pour y acheter une maison, petite mais pleine de charme, qu’elle avait retapée de ses mains avec l’aide de quelques amis artisans.

Le parc était le rendez-vous des artistes et des étudiants, l’université de New York n’étant qu’à deux pas.

Mais surtout Dylan se plaisait à penser que l’écrivain Dos Passos et le peintre Edward Hopper avaient habité non loin, au numéro 3.

Céline et Virginie étaient inquiètes. Elles avaient espéré que Dylan trouverait une meilleure compagnie que la leur pour prendre son petit déjeuner.

Elles craignaient de trouver une Dylan désespérée, aux espoirs anéantis, angoissée à la perspective de l‘audition de Rachel qui devait avoir lieu dans quelques heures.

C’est avec un étonnement non dissimulé qu’elles avaient vu une Dylan souriante leur ouvrir la porte.

Elle chantonnait des lyrics que Céline reconnut immédiatement pour être des standards de Cole Porter.

- Nigth and day, you’re are the one...

- Nous n’avons pas besoin de te demander si la fin de ta nuit, ou le début de ta matinée, a été bonne...

- Ils ont été merveilleux, Céline. L’un comme l’autre. Pourtant, je me suis couchée toute seule...

- Rachel et toi, vous n’avez pas...

- Non. Malgré vos efforts, admirables, à toutes les deux... Nous n’avons pas... Mais je crois que... bientôt...

- Pourquoi pas... cette nuit ?

- Parce que Rachel ne voulait pas mentir lors de son audition.

- Quelles fines mouches, ces Anglaises !!! Je comprends mieux Trafalgar et Waterloo !!!


*


L’audition avait lieu à 14 heures, au Cabinet Cooper Lee Grant, sur Park Avenue.

Un quart d’heure avant ce moment fatidique, Dylan retrouva son avocat, John Lee.




Helena DeXeres et son Conseil, Maître Weston Smith, arrivèrent peu après.

Ils étaient là, face à face, de chaque côté d’une vaste table en acajou.

Sur la table une carafe en cristal contenant un cognac de cinquante ans d’âge.

Toute la pièce, avec ses canapés en cuir, sa bibliothèque croulant sous les vieux livres, ses portraits XVIIIème et XIXème accrochés au mur, exhalait cette atmosphère d’opulence chic qu’on ne trouve que dans certaines rues de New York, Londres ou Paris.

Helena, sidérée que Dylan puisse s’offrir les services du plus coûteux et du plus compétent avocat de la ville, et donc du pays, bouillait intérieurement. Elle attaqua.

- Et bien Dylan, tu ne fais plus appel aux services de ton avocat mangé aux mites ?

- En effet, Helena. Maître John Lee me fait l’amitié de se charger de mes intérêts.

- L’amitié ? C’est comme ça qu’on appelle un gros chèque de la Banque d’Uberville ?

- La Banque d’Uberville ? Je ne vois pas à quoi tu fais allusion...

- Ne me prends pas pour une imbécile, Dylan. Tu aurais tort de me sous-estimer. Je sais parfaitement que Virginie Mirbeau-d’Uberville et sa petite gourde blonde sont à New York depuis plusieurs jours. C’est à elle que tu dois de bénéficier des services du Cabinet Cooper Lee Grant.

John Lee intervint.

- Vous faites erreur Madame DeXeres. Ce n’est pas la Banque d’Uberville qui paiera mes honoraires. Mais, c’est... vous. Grâce au dédommagement que je suis certain d’obtenir pour ma cliente.

Helena s’apprêtait à répondre quand elle fût interrompue par l’entrée d’une secrétaire.

- Le Juge Jack Dawson et Madame Rachel Peabody.

Un homme, ressemblant à s’y méprendre à George Clooney, entra dans la pièce. Mais tous les regards, des hommes comme des femmes, se posèrent sur Rachel.

Elle était magnifique. Elle portait un ensemble, jupe et tunique à manches longues, en soie bleue, qui faisait ressortir la couleur de ses yeux.

Elle était la quintessence de la féminité et de la beauté. Mais aussi de l’innocence et de l’honnêteté.


*


Tous les hommes s’étaient levés.

Rachel et Dylan échangèrent un regard et un sourire complices.

Le Juge Jack Dawson prit place au bout de la table pour présider les échanges. Il invita Rachel Peabody à s’asseoir en face de lui. Il prit la parole.

- Bien, Mesdames, Messieurs, nous sommes réunis ici dans le cadre d’une audience pré-contentieuse pour examiner ensemble les termes du différend qui oppose Madame Dylan Hederson à Madame Helena DeXeres, peser les chances de succès d’une action en justice et envisager les bases d’une transaction. Sans attendre, je donne la parole à la partie demanderesse, Maître John Lee, pour Madame Dylan Hederson.

- Merci, Monsieur le Juge. Ma cliente est une actrice renommée et une photographe de grand talent dont la dernière exposition des oeuvres a été un succès. Il y a cinq ans, elle a obtenu un rôle important dans une série devenue mythique, Los Angeles Lesbian, où elle partageait la vedette avec Madame Rachel Peabody. Cette série, que vous connaissez certainement Monsieur le Juge, au moins de réputation, narre les amours saphiques d’une dizaine de jeunes femmes. Madame Helena DeXeres anime un talk-show télévisé, destiné prioritairement à un public lesbien.

Tout en parlant, John Lee s’était levé pour s’approcher d’une télévision à  écran plat. Appuyant sur le bouton d’une télécommande, il commentait les images qui défilaient. Les images de LOL, du talk-show d’Helena.

- Il y a quatre ans, ma cliente et Madame DeXeres se sont rencontrées à l’occasion des Golden Globes Awards. Elles ont rapidement décidé de vivre ensemble. Nous soutenons que Madame DeXeres a sciemment utilisé la notoriété de ma cliente pour accroître l’audience de son talk-show, attirer les annonceurs et augmenter sensiblement sa fortune. Nous avons également la preuve que Madame DeXeres n’a pas été fidèle, provoquant ainsi le départ de ma cliente, il y a un an. Nous estimons que les éléments d’un “vol d’amour” sont réunis et nous sollicitons une somme de six millions de dollars, soit le tiers de la fortune estimée de Madame Dexeres.




- Quelles sont vos preuves ?

- Monsieur le Juge, voici un dossier dans lequel sont répertoriées toutes les audiences de l’émission de Madame DeXeres, ainsi que le nombre de messages publicitaires diffusés à cette occasion... Vous constaterez que, par moment, l’audience était multipliée par trois, de même que le nombre de publicités. Cela correspond toujours à un moment où ma cliente apparaissait dans le talk-show de sa compagne... Il y a même des pics d’audience dans ces moments-là. Par ailleurs, voici des magazines auxquels Madame DeXeres a donné des interviews. Vous constaterez en lisant les articles qu’elle y fait une exploitation systématique de leur couple.

- En effet. Bien. S’agissant de... l’adultère ?

- Une douzaine de lettres écrites par Madame DeXeres à sa maîtresse. Les voici. Elles sont sans équivoque.

Le Juge Dawson prit les lettres qu’il lut rapidement.

- En effet, elles sont sans équivoque. Bien. Maître Weston Smith pour la partie défenderesse.

- Merci, Monsieur le Juge. Nous estimons pour notre part que Madame Dylan Hederson a tiré bénéfice du talk-show de ma cliente en terme de notoriété et qu’elle aurait pu monnayer cette notoriété si elle avait du talent.

- Maître Smith, je vous en prie, pas d’appréciation subjective. Des faits, uniquement des faits.

- Bien, Monsieur le Juge. S’agissant du second point. L’adultère. Madame DeXeres ne le conteste pas mais elle a agi en femme bafouée. Elle savait que sa compagne entretenait depuis longtemps une liaison amoureuse avec sa partenaire ici présente, Madame Rachel Peabody.

Weston Smith se leva et glissa un dvd dans le lecteur. C’était un montage de toutes les scènes de LOL que Rachel et Dylan avaient jouées en tête à tête. Essentiellement des scènes érotiques.

Les trois hommes regardaient les scènes avec un intérêt certain. Helena, avec un sourire mauvais. Rachel avec un regard clair et innocent.

Seule Dylan baissait la tête. Elle souffrait que ces moments avec Rachel, qui, pour elle, étaient plus que du cinéma, soient jetés en pâture.

A la fin du montage, le Juge Jack Dawson reprit la parole.

- C’est votre seule preuve d’une relation entre Mesdames Hederson et Peabody ? C’est un peu léger, Maître Smith. J’ai ouï-dire que les acteurs n’étaient pas tous amants.

- C’est pourquoi j’ai sommé Madame Peabody à comparaître devant nous pour qu’elle témoigne.

- Bien, Maitre Smith. Procédez à l’audition du témoin.


*

Weston Smith se tourna vers Rachel et s’éclaircit la gorge.

- Madame Peabody, vous confirmez avoir été la partenaire de Madame Hederson dans la série télévisée LOL ?

- Bien sûr, Maître. N’est-ce pas ce que nous venons de voir ?

- Etes-vous ou avez-vous été l’amante de Madame Hederson ?

- Non Maître. Je ne le suis pas et je ne l’ai jamais été.

- J’ai beaucoup de mal à croire que l’on puisse jouer de telles scènes s’il n’y a pas des... habitudes d’intimité entre les partenaires.

- J’ai également joué le rôle d’une empoisonneuse dans une série anglaise. Et pourtant, Maître, je vous jure que je ne parfume pas le potage à l’arsenic.

Tous les assistants, hormis Helena et son avocat, sourirent à la répartie de Rachel.

Dylan avait beaucoup de mal à ne pas la dévorer des yeux. Mais elle savait que ce n’était pas le moment de laisser transparaître la passion qu’elle lui inspirait.

- Très drôle ! Depuis combien de temps êtes-vous à New York ?

- Je suis arrivée le jour du vernissage de Dylan. Il y a trois jours maintenant.

- A quel hôtel êtes-vous descendue ?




- Au Four Seasons. Vous le savez puisque c’est là que vous m’avez envoyé la sommation à comparaître.

- Vous êtes venue seule à New York ?

- Non. Mon compagnon, Gary, m’accompagnait.

- Il n’est pas là aujourd’hui ?

- Gary est reparti à Londres.

- Tiens... et pourquoi ?

- Nous avons rompu.

- Comme c’est triste. Et pourquoi ?

- Il ne voulait pas que je témoigne devant vous. Il m’a posé un ultimatum.

- Un ultimatum ? Lui ou Madame Hederson ?

- Non, Maître. Lui ou mon amitié pour Madame Hederson.

- Et vous avez choisi votre amitié.

- J’ai estimé qu’un homme amoureux ne devait pas poser d’ultimatum. S’il le faisait, c’est qu’il n’était pas amoureux.

- Moi, je pense que votre compagnon a appris que Madame Hederson et vous étiez amantes. Et c’est pour ça qu’il vous a quittée.

- Je ne peux pas vous empêcher de penser Maître.

Le Juge Dawson intervint de nouveau.

- Ce sont des suppositions, Maître Smith. Nous tournons en rond. Avez-vous d’autres questions à poser ?

- Quelques unes encore, oui. Madame Peabody, où avez-vous dormi la nuit dernière ?

- A mon hôtel. Au Four Seasons.

- Seule ?

- Oui. Totalement seule.

- Est-il exact que Madame Dylan Hederson vous a raccompagnée à votre hôtel vers les deux heures du matin ?

- Oui. C’est exact. Mais je dois préciser que nous avons passé la journée et la soirée avec deux amies françaises.

- Lesbiennes et vivant en couple. Nous savons. Madame Hederson est entrée dans l’hôtel avec vous.

John Lee intervint.

- Comment le savez-vous ?

- Un détective était posté devant l’hôtel. Il a fait son rapport. Il nous a dit avoir vu Mesdames Hederson et Peabody entrer ensemble dans cet hôtel ce matin. Elles y sont restées un certain temps. Puis Madame Hederson est sortie seule. L’air particulièrement heureux.

Dylan avait envie de lui sauter à la gorge. Mais Rachel intervint.

- Un certain temps ? Combien de temps, Maître ? Renseignez-moi. Je n’avais pas ma montre.

- Et bien, euh... quinze minutes.

- Quinze minutes ? Un peu furtif comme coït, non ? Il ne vous faut peut-être que quinze minutes, Maître, mais pour moi, c’est trop peu...

Ce fut une explosion de rires autour de la table.

Le juge Dawson reprit la parole.

- Bon, nous avons assez ri. Mon avis est le suivant. Je vous invite à transiger. En raison de la jurisprudence de nos tribunaux, je pense qu’un dédommagement de 3 millions de dollars au profit de Madame Hederson peut être sérieusement envisagé. L’audience pré-contentieuse est levée.


*


Le Juge Dawson et Rachel venaient de quitter le cabinet Cooper Lee Grant.

La porte de la bibliothèque à peine refermée sur eux, Helena explosa.

- Shit ! Ne crois pas t’en tirer à si bon compte Dylan ! On n’est pas dans ta série à la noix ! Ton chèque de 3 millions, tu ne l’as pas encore !

- Ne vous adressez pas à ma cliente. Adressez-vous à moi.

- Oh vous ! Dites-lui à votre cliente que j’ai la possibilité de faire traîner la procédure pendant des années. Des années pendant lesquelles elle va devoir rester langue pendante devant sa Rachel, à rêver d’elle sans pouvoir la toucher ! Quand vous pourrez devenir amantes, vous aurez des cheveux blancs !

- Vous vous trompez encore Madame DeXeres. Vous devez établir que Mesdames Peabody et Hederson étaient amantes PENDANT votre vie commune. Mais à partir du jour de votre séparation, ma cliente a retrouvé la pleine maîtrise de sa vie privée et n’a plus de comptes à vous rendre. Votre détective était une dépense bien inutile...

Helena jeta un regard furieux à son avocat qui semblait chercher un trou de souris où se cacher.

John Lee reprit la parole.

- Par contre, cette enquête constitue une atteinte inqualifiable à la vie privée de ma cliente et de Madame Peabody. La sommation qui leur a été délivrée était vexatoire. Je pense que tout cela peut se monnayer... Si nous allons en justice, je me fais fort d’obtenir sensiblement plus que les 6 millions sollicités et largement plus que les 3 millions envisagés par le Juge Dawson. Transigeons.

- Que me proposez-vous ?

- 4 millions et nous renonçons à saisir les Tribunaux. Inutile de nous donner une réponse immédiate. Nous nous reverrons sous peu.

John Lee se leva, donnant ainsi le signe du départ.

Helena sortit sans un au revoir.

Weston Smith la suivit comme un petit chien, saluant son redoutable confrère d’un signe de tête gêné.

Dylan et Lee se retrouvèrent seuls. L’avocat était satisfait.

- Les choses se présentent au mieux.

- Ne nous réjouissons pas trop vite, Maître. Je connais Helena. C’est une spécialiste des coups tordus.


*




Rachel avait invité Dylan, Céline et Virginie à l’Atelier, le restaurant tenu par Joël Robuchon à l’intérieur des murs du Four Seasons.

Elles avaient commencé leur dîner par le sacrifice rituel d’une bouteille de Champagne rosé millésimé.

Elles riaient beaucoup.

Rachel et Dylan avaient déployé tout leur talent d’actrices pour raconter à Céline et Virginie la scène de l’après-midi.

Elles avaient mimé la poltronnerie suffisante de Weston Smith, le professionnalisme mondain de John Lee, le bon sens carré de Jack Dawson, la colère méchante d’Helena.

Mais surtout, les deux françaises avaient adoré le sang-froid et l’humour de Rachel.

Elles comprenaient de mieux en mieux Dylan. Celle-ci ne les avait pas trompées en leur disant qu’elle était belle, intelligente, pleine d’humour et de gentillesse.

Ce n’était pas des propos de femme aveuglée par l’amour. C’était vrai.

Elle ne les avait pas trompées quand elle leur avait dit qu’elle en était follement amoureuse. Cela crevait les yeux.

Ce qui semblait nouveau c’était le regard que Rachel posait sur Dylan.

Alors, sans se concerter, Céline et Virginie comprirent qu’elles ne devaient pas rester avec leurs amies plus longtemps que nécessaire car cette nuit appartenait à Rachel et à Dylan.


*


Céline et Virginie étaient parties bien avant minuit, en prétextant être fatiguées.

Dylan et Rachel avaient continué à bavarder, assises côte à côte sur la banquette de velours rouge. Petit à petit, elles s’étaient rapprochées l’une de l’autre. Toujours plus près.

A présent, il n’y avait plus qu’elles dans la salle du restaurant.

Une à une les tables avaient été débarrassées. Il ne restait plus qu’un ou deux serveurs, discrètement en retrait, prêts à leur apporter ce qu’elles souhaiteraient.

Mais à ce moment de la nuit, la seule chose qu’elles souhaitaient, l’une comme l’autre, c’était d’être encore plus seules.

Alors, Rachel se leva et, prenant Dylan par la main, elle l’entraîna. La jeune femme se laissa faire.


*




L’ascenseur s’ouvrit devant elles.

Elles se glissèrent à l’intérieur. Les portes à peine refermées, Rachel saisit Dylan par les hanches et, collant son corps au sien, l’embrassa avec douceur tout d’abord, puis avec une faim qu’elle semblait ne plus pouvoir réfréner.

Elle poussa la jeune femme contre la paroi de l’ascenseur et glissa les mains sous son tee-shirt.

Elle sentait les muscles fermes sous la peau douce.

Cette peau qu’elle avait déjà effleurée autrefois et qui avait, alors, provoqué chez elle un trouble qu’elle avait tenté d’oublier dans les bras d’un homme.

Dylan avait posé ses mains sur le visage de son amante. Elle se laissait complètement engloutir par ce simple plaisir de la sentir contre elle, de goûter ses lèvres.

Tout à coup, l’ascenseur s’immobilisa. Elles se séparèrent et se tenant toujours par la main, elles marchèrent, courant presque, vers la chambre de Rachel.

Elle ouvrit sa porte alors que Dylan avait enlacé sa taille de ses bras et s’était blottie contre son dos.

Enfin, elles entrèrent dans la suite.

Rachel ne put rien dire, rien faire. Dylan la prit par la taille et, la soulevant, la porta jusqu’à la chambre. Elle ne put que nouer ses bras autour de son cou, ses cuisses autour de ses reins.

Elles n’allumèrent pas. Les lumières de la ville qui  entraient dans la chambre étaient suffisantes.

Dylan la posa au sol et commença à la dévêtir. Elle défit chaque bouton de la tunique en soie bleue. Quand, enfin les pans s’ouvrirent sur la poitrine, elle se mordit les lèvres, pour tenter d’apaiser son désir. Elle fit glisser le vêtement et le jeta sur un fauteuil, puis elle dégrafa le soutien-gorge.

Elle fit glisser les fines bretelles le long de ses bras, lentement, sa bouche s'attarda sur son épaule, remonta le long de son cou. Elle sentait le souffle de Rachel, si doux, si léger. Son regard s'arrêta sur sa bouche. Sa main gauche jeta négligemment le soutien-gorge sur le fauteuil. Elle enserra sa taille de son bras, la regarda encore et l'embrassa.

Rachel mit la main sur la nuque de son amante et bascula avec elle sur le lit.

Dylan continua à l'embrasser. Sa bouche se fit de plus en plus possessive. Rachel cédait, répondait à ces baisers avec une ferveur grandissante. La bouche de Dylan avait quitté ses lèvres et errait sur son visage, son nez, son front. Sa main parcourait son corps, s'attardant sur ses seins, les caressant avec douceur.

Elle s'écarta légèrement. Elle regarda son visage, écouta sa respiration saccadée. Ses gémissements étaient une invitation à une plus tendre exploration.

Dylan se débarrassa rapidement de la jupe et du slip de son amante. Rachel se blottit contre son épaule, en murmurant.

 - Oui... oui Dylan.

Elle écrasa ses lèvres contre les siennes, puis se déshabilla très vite, jetant ses vêtements au sol. Rachel la regardait amoureusement, un sourire flottait sur ses lèvres et elle l'attira, déjà impatiente de la sentir, nue, contre elle.

Très vite, Dylan eut faim de ce corps qui s'offrait à elle. Elle le parcourut, impatiente, de sa bouche et de ses mains, s'enivrant de son parfum. Rachel se redressa. Elle suivait du regard le cheminement des lèvres de Dylan sur sa peau, se cabrant sous les légères morsures qu’elle lui infligeait, tremblant de sentir son souffle brûlant sur sa peau.

Dylan leva les yeux et rencontra le regard bleu de Rachel. Ses doigts caressèrent l'intérieur de sa cuisse puis remontèrent lentement. Rachel regardait fascinée cette main se jouer de son plaisir. Elle ferma les yeux. Elle attendait impatiente...

Dylan écarta légèrement les lèvres de ses doigts. Elle caressa sa douce intimité chaude et humide. Rachel se cabra en gémissant. Elle plongea les poings dans les cheveux de son amante.

Emprisonnant la hanche de Rachel sous sa main, elle posa sa bouche doucement, et goûta encore et encore à sa chaleur, jusqu'à entendre le cri rauque de son amante, le tressaillement de son corps qui la laissa pantelante et ivre de bonheur.

Dylan resta de longues minutes la joue posée sur sa cuisse, écoutant son souffle.

Puis Rachel attira la tête de Dylan contre sa poitrine. Elles restèrent enlacées.

Rachel saisit les cheveux de Dylan à pleine poignée, tira doucement sa tête en arrière et l’embrassa avec passion. 

Un baiser qui était une promesse d’avenir...


*


Elle la regardait dormir, lovée contre son corps, sa tête posée sur le même oreiller. Elle s’était assoupie après qu’elle lui ait encore fait l’amour.

Sa respiration était calme et régulière. Elle ressemblait à une petite fille.

Ainsi c’était arrivé. La fiction était devenue réalité. Dylan était son amante.

Mais elle savait, au fond de son coeur, que cela devait arriver. Depuis le premier jour où elle l’avait rencontrée sur le tournage de LOL.

Céline avait raison.

Il y avait entre elles, il y avait toujours eu entre elles, une telle chimie qu’elle ne pouvait qu’être la preuve d’une attirance réelle. D’un désir profond. Et d’un amour total.

L’attirance, le désir étaient évidents.

Sur le tournage de LOL, ses plus belles scènes étaient avec Dylan.

Elles avaient peu tourné ensemble, quelques jours à peine, alors que la série comportait six saisons. Pourtant elle ne se souvenait que de ces jours-là.

Les scènes érotiques n’avaient jamais été gênantes avec Dylan alors qu'elle avait tant redouté qu’elles le soient. C’était, parfois, tellement pénible avec des partenaires hommes.

Mais avec Dylan, c’était si facile. ô mon Dieu oui, si facile.

C'était si facile qu’elle s’était posé des questions sur sa sexualité. Inévitablement. Toucher Dylan, caresser son corps, l‘embrasser. Ce qu’elle avait ressenti alors, ce n’était pas du cinéma.

Quand Dylan avait retrouvé Helena, elle avait ressenti comme une sorte d’agacement du côté du coeur qu’elle n’avait pas pu s’expliquer. Maintenant, elle savait. De la jalousie. Tout simplement de la jalousie.

Sa rupture, si facile, avec Gary n’avait pas d’autre cause. Elle ne l’aimait plus puisqu’elle aimait ailleurs.

Elles s’aimaient, elle en était certaine à présent.

Il y a quelques jours, Dylan était prête à renoncer à la fortune pour elle. A perdre son procès.

Et elle ? Jusqu’où était-elle prête à aller pour Dylan ?


*


Son portable se mit à sonner, interrompant ses réflexions et réveillant son amante.

Elle tendit le bras au-dessus du corps de Dylan et saisit le téléphone qui se trouvait sur la table de chevet.

Dylan me mit à couvrir son bras de petits baisers.

- Dylan, je t’en supplie, ma chérie. Laisse-moi répondre... Hello ? Gus ? Comment vas-tu ?... Des nouvelles pour le rôle ?... C’est vrai ?... C’est merveilleux... Le début du tournage est prévu pour quand ?... Je peux rester encore un peu à New York alors ?... Très bien. Merci Gus. Je suis si heureuse... Au revoir... et encore merci...

Elle reposa le téléphone. Elle était rayonnante. Dylan pensa qu’elle n’avait jamais été plus belle.

- Chérie, dis-moi... Tu as obtenu le rôle ?

- Oui. Je l’ai obtenu. Nous commençons à tourner à Londres dans quelques semaines. Dès que le budget de la production sera définitivement bouclé et que nous aurons obtenu toutes les autorisations pour filmer en extérieur.




- Je suis tellement heureuse pour toi. Tu le mérites tellement...

- Dylan, Dylan, tout est parfait. Toi. Cette nuit. Ce rôle à présent. Je suis si bien... Je ne savais pas qu’on pouvait être si bien...

- On peut être encore mieux...

- Je ne crois pas que ce soit possible...

- Tu vas voir...

Dylan se dressa. Elle posa les mains sur ce corps tant désiré. Elle souligna les formes de Rachel d’un effleurement léger. La rondeur des épaules, la courbe des seins.

Ses mains caressèrent le ventre plat, jouèrent avec le nombril. Elles suivirent le creux des reins, le galbe des hanches. Ses mains glissèrent sur la peau si sensible des cuisses.

Elle emprisonna les genoux de son amante sous sa paume puis ses mains remontèrent à l’intérieur des cuisses et frôlèrent son sexe.

Puis, elle glissa les mains sous elle et suivit le sillon qui séparait ses fesses, remontant jusqu’au bas du dos.

Rachel ponctuait chaque caresse, chaque effleurement d’un soupir, d’un gémissement de plaisir.

- Tu as gagné, Dylan. Je te crois...

- Je n’ai pas fini... ô non, je n’en ai pas encore  fini avec toi... J’aime tout de toi. Ton front, tes paupières, tes oreilles. Tes yeux dont le bleu me fait fondre. Ta bouche que j’ai envie de mordre.

Tout en parlant, ses lèvres exploraient le visage de Rachel, butinant ses joues et son cou. Elle se mit à picorer ses épaules et sa gorge.

- J’aime jusqu’à ton sternum entre tes seins, tes clavicules, tes omoplates, chaque côte de ta cage thoracique, chaque doigt de chaque main, chaque orteil de chaque pied... la finesse de tes chevilles, le galbe de tes mollets, la courbe de tes hanches... la douceur de tes paumes...

Elle ponctuait son énumération d’un baiser sur la partie du corps qu’elle nommait. Rachel riait.

- Dylan, tu es folle ma chérie ! Tu es en train de me réciter le dictionnaire anatomique !

- Parce qu’il n’y a pas un centimètre carré de ta peau, de ton corps dont je ne sois pas folle. Je pourrais masser ton dos et ta nuque pendant des heures. Je pourrais... Tes reins, tes fesses... je t’aime tant... Je te désire tellement. Je n’ai pas encore calmé la faim que j’ai de toi... Je crois que je ne pourrai jamais la calmer...

Rachel se mit à rire.

- Mais si tu pourras. Quand je serai vieille et aussi plantureuse qu’un Rubens, je suis certaine que tu n’auras plus faim...

- Je ne peux pas imaginer que tu puisses un jour ressembler à un Rubens...

- Alors disons à un... Tamara de Lempicka !

- J’adore Tamara de Lempicka !!!! Viens ici tout de suite !!!! 

Dylan enlaça Rachel. Leurs corps s’épousaient si étroitement que chacune pouvait sentir les battements du coeur de son amante.

Leurs souffles se mêlaient.

Rachel murmura : - Dylan, Dylan, j’ai tout de suite deviné ta sensualité... Et cette nuit me l’a confirmé... Tu aimes regarder le corps de ta maîtresse. Toucher sa peau. Sentir son odeur. La goûter. Entendre son plaisir. Les cinq sens. J’adore tout ce que tu me fais... Si tu savais comme j’ai pensé à toi... A cet instant où je serais enfin dans tes bras... J’étais persuadée qu’il n’arriverait jamais...

- Toi Rachel ? Tu pensais à moi ? Mais comment ?

- Tu as été mon seul fantasme pendant toutes ces années. Quand nous tournions LOL... Puis ensuite quand nous sommes parties à travers les Etats Unis et en Angleterre... Cent fois, j’ai eu envie de frapper à la porte de ta chambre... Mais ne n’ai pas osé... Je sais bien que, contrairement aux idées reçues, les femmes qui aiment les femmes ne cherchent pas à séduire les hétéros. Et j’avais peur que tu te moques de moi... Alors, je passais mes nuits à penser à toi...

- Mon Dieu, nous aurions pu nous attendre longtemps...

- J’avais aussi très peur que tu me trouves complètement... nulle... Même si, dans quelques heures, tu me disais “c’était très agréable, mais on en reste là...” au moins j’aurai eu la joie de te tenir dans mes bras. Toute une nuit.

- Rachel. Je n’ai pas l’intention de te dire ça. J’ai même l’intention de te dire le contraire... On ne va pas en rester là... Je t’aime...


*




Dylan et Rachel était assises sur un banc du Madison Square Park face au Flatiron Building, curieux immeuble triangulaire construit en 1902 au croisement de Broadway et de la 5ème avenue. Elles attendaient Céline et Virginie à qui elles avaient donné rendez-vous pour un nouvel après-midi de promenade et de shopping dans New York.

Elles bavardaient et la conversation tomba naturellement sur les deux françaises.

- Céline et Virginie sont adorables. Elles forment un couple si épanoui qu’on éprouve l’envie de lui ressembler.

- Oui, Rachel, c’est vrai... J’ai beaucoup de chance de les avoir pour amies. Et pourtant tout avait si mal commencé entre nous...

- Comment as-tu fait leur connaissance ?

- C’était en février dernier à Paris (Enchères). Tu as entendu parlé de la vente Laurent Saint-Yves, je présume ?

- Naturellement. D’autant que c’est une maison anglaise de ventes aux enchères, Sophie’s, qui l’a organisée. J’avais même songé à m’y rendre. J’avais reçu une invitation...

- Quel dommage que tu n’y sois pas venue ! J’aurais pu te revoir plus tôt et cela m’aurait empêchée de faire quelque chose dont je ne suis vraiment pas fière !

- Quoi donc ?

- Céline et Virginie y étaient. Sophie’s m’avait confié le reportage photo du cocktail et de l’exposition qui ont précédé la vente. Et là... entre deux photos... j’ai tenté de séduire Virginie... J’ai failli briser leur couple...

- Dylan... comment est-ce possible ?... Ca te ressemble si peu de jouer les Don Juane...

- Non, ça ne me ressemble pas. Mais j’étais complètement déboussolée... Ma vie sentimentale était un désert... J’avais des problèmes de fric... et comme Virginie est très, très riche...

- Séduire pour de l’argent, ça te ressemble encore moins...

- Merci Rachel. C’est gentil de dire ça... Helena était là. Elle voulait aussi la séduire. C’était comme une compétition entre nous. Et puis, il y avait  autre chose...

- Quoi donc ?

- Virginie et toi, vous vous ressemblez... Très belles, brunes, de longs cheveux bouclés... La posséder, c’était un peu comme te posséder... Pour les mêmes raisons, je ne voulais pas qu’Helena la séduise...

- Et Céline dans tout ça ?

- Céline a eu des amants avant Virginie. Je pensais que leur relation n’était pas sérieuse. Qu’elle n’était pas faite pour durer. Je me suis trompée. Elles s’aiment vraiment. Céline a oublié le moment d’égarement de Virginie. Et elles sont devenues mes amies.

- Un moment d’égarement ? Qu’appelles-tu un moment d’égarement ?

- Je l’ai embrassée et caressée. Elle a répondu à mon baiser. Mais quand j’ai voulu en faire plus... elle m’a repoussée. Elle m’a dit qu’elle voulait être fidèle à la femme de sa vie. Malheureusement, Helena nous a vues. Elle a tout raconté à Céline...

- Mon Dieu, c’est bien dans ses manières de tenter de faire du mal aux autres...

- D’autant que Céline et Virginie ne lui avaient strictement rien fait. Elles se connaissaient depuis quelques heures à peine. Elles avaient dû échanger dix phrases. En fait, c’est moi qu’Helena cherchait à atteindre à travers leur couple...

- Je comprends mieux pourquoi tu ne veux pas lui faire de cadeau !

- Helena n’en fait jamais aucun. A personne. Avec elle, il faut toujours payer cash...

- Le vent a tourné on dirait... C’est elle qui va devoir payer cash...

- Je ne veux pas crier victoire trop vite... je la connais. Elle se battra jusqu’au bout... Elle ne renoncera jamais... Oh, mais voici Céline et Virginie !!!


*


Les deux jeunes femmes quittèrent leur banc et s’approchèrent de leurs amies qui s’avançaient vers elles en se tenant par la main. Souriantes, radieuses.

Elles s’embrassèrent et après, avoir demandé des nouvelles les unes des autres, arrêtèrent le programme de l’après-midi.

Elles décidèrent de parcourir les quartiers de  Chelsea, Greenwich Village, SoHo, et TriBeca. Puis, après avoir remonté Canal Street, de parcourir Little Italy et Chinatown.




Céline et Rachel, redoutables consommatrices de vêtements, ouvraient la marche, s’arrêtant devant chaque vitrine.

Dylan et Virginie, moins soumises aux diktats de la mode, les suivaient. Dylan se taisait.

- Tu es bien silencieuse, Dylan? A quoi penses-tu ?

- Excuse-moi Virginie. Oui, je suis perdue dans mes pensées. Je suis un peu mélancolique.

- Mélancolique ? Pourquoi ? Pardonne-moi si je suis indiscrète, mais... ça s’est mal passé entre Rachel et toi ?...

- Tu n’es pas indiscrète Virginie. Céline et toi vous avez le droit de savoir. Plus que quiconque. Oui, nous sommes amantes. Depuis cette nuit...

- Dylan, c’est magnifique !!! Je suis si heureuse pour toi !!! Mais alors, pourquoi ce front soucieux ?

- Parce que j’ai peur. Encore plus peur qu’avant...

- Pourquoi ?

- Parce que si tout s’arrêtait, maintenant que nous nous sommes aimées, ce serait encore pire. J’aurais l’impression de me noyer. Oui, c’est exactement ça. De me noyer. Quand j’étais au collège, j’avais un professeur d’allemand. Il nous avait fait traduire un poème de Stefan George. Je m’en souviens encore. Il disait :

Les fenêtres, d’où, naguère, avec toi,
je contemplais, le soir venu, le paysage,
Luisent d’une lumière qui m’est étrangère.

Le sentier court encore du portail
Où tu es resté un instant sans regarder en arrière,
Puis tu as tourné pour descendre vers le vallon.

Au tournant, la lune a éclairé une fois encore
ton visage livide.
Mais il était trop tard pour lancer un appel.

Ténèbres, silence, air figé,
Enveloppent comme jadis la maison.
Tu as emporté avec toi tout le bonheur du monde.

- C’est très beau mais si triste...

- Oui, c’est un poème sur l’amour perdu. Perdre tout le bonheur du monde. C’est exactement ce que je pourrais ressentir. Maintenant. Surtout maintenant...

- Dylan, voyons... Tu devrais être folle de joie. Et au lieu de cela tu me récites le vieux poème d’un poète allemand disparu... Il faut vivre au jour le jour, Dylan. Et prendre ce que la vie nous offre.

- Tu as raison Virginie. Je sais que tu as raison. Mais je crois aussi que la menace Helena, qui plane sur moi comme un orage près d’éclater, m’empêche d’être complètement heureuse.

- Que pourrait-elle faire ?

- Je n’en sais rien encore. Mais elle va chercher à m’atteindre. J’en suis certaine...


*


Les quatre jeunes femmes avaient regagné la maison de Dylan où elles s’apprêtaient à dîner de pizzas arrosées d’un vin californien.

Elles parlaient à bâtons rompus. Le rôle de Rachel dans une comédie de Moody Ellen avec Hugh Trant monopolisait la conversation.




Rachel avait également la joie que le film se tourne à Londres. Dans SA ville.

Tout à coup, le portable de Rachel se mit à sonner. La jeune femme s’en saisit et discuta pendant quelques minutes. Quand elle mit un terme à la conversation, elle parut soucieuse.

- Pas de mauvaises nouvelles ?

- Non, Dylan. C’était Gus, mon agent à Londres. Mon engagement dans le film de Moody Ellen est officiel. Alors, il a déjà reçu des demandes pour des interviews dans des magazines et à la BBC...

- C’est fabuleux !!! Je suis tellement heureuse pour toi, ma chérie... Ta carrière va prendre un nouveau tournant. Tu vas enfin avoir les rôles que tu mérites...

- Oui, j’ai enfin une chance de me faire connaître en dehors de LOL... Mais il y a autre chose...

- Quoi donc ?

- Gus a aussi reçu un appel d’Helena DeXeres. Elle veut m’inviter dans son talk-show...

Dylan était abasourdie. Mais elle se reprit rapidement.

- Rachel, tu ne vas pas y aller, n’est-ce pas ?

- Je n’ai pas le choix Dylan. L’émission d’Helena est l’une des plus regardées aux Etats Unis. C’est un passage incontournable pour qui veut capter le public lesbien. Gus m’a dit que les producteurs du film tenaient beaucoup à ce que je réponde à son invitation. J’ai signé un contrat. Je suis obligée de participer à la promotion du film...

- Mais Rachel, c’est un piège... Je suis certaine que c’est un piège...

- Un piège ? Que pourrait-elle me faire ? Ce n’est pas avec moi qu’elle est en procès !

- Elle va essayer de m’atteindre à travers toi...

- Mais comment ?

- Je ne sais pas comment elle va s’y prendre... mais elle va certainement utiliser son émission. Elle est diffusée en direct, tu sais. Il n’y a pas de possibilité de faire des coupures au montage...


*

Dylan avait à peine fini de parler que l’on sonna à la porte. 

Elle alla ouvrir et resta interdite.

Helena était sur le seuil, la regardant d’un air narquois.

- Bonsoir Dylan. Je ne vous dérange pas ? Si, naturellement... Et je ne suis pas la bienvenue... Tu ne m’invites pas à entrer ? Je ne tiens pas à te parler sur le pas de ta porte... Ce que j’ai à te dire, à vous dire, n’a pas besoin d’oreilles indiscrètes... 

- Très bien... Entre. Mais fais vite...

- Bonsoir Rachel. Félicitations pour le film avec Ellen... Oh... Mesdemoiselles Frémont et Mirbeau-d’Uberville ? Vous ici ? Quelle heureuse surprise !

- Nous savons très bien que ça n’en est pas une. Nous figurons en bonne place sur le rapport de votre détective privé.

- J’ai eu la certitude que vous étiez à New York au moment où je suis entrée dans le cabinet Cooper Lee Grant. Dylan est trop fauchée pour pouvoir se payer les services de cet avocat. Il fallait au moins votre fric pour le lui offir. De la même façon que vous lui avez offert son expo. Comment vous remercie-t-elle ?... J’aimerais bien le savoir...

Dylan intervint.

- Ça suffit ! Va-t-en ! Je ne tolère pas que tu insultes mes amies.

- Je n’ai pas l’intention de rester. Et ce que j’ai à dire ne prendra que quelques minutes. Rachel va bientôt participer à mon talk-show. Tu sais que je mène les débats à ma guise. Je peux me contenter de faire la promotion de son prochain film et vanter ses talents d’actrice. Mais je peux aussi...

- Tu peux aussi ?... Finis ta phrase.

- Parler de sujets plus... intimes. Révéler certaines informations que l’on voudrait garder secrètes afin de ne pas nuire à une brillante carrière...

- Soit plus explicite, Helena. Tu menaces de la outer, c’est ça ?

- Quelle vilaine expression ! Je préfère la traduction française. Sortir du placard. Ce n’est que la stricte vérité n’est-ce pas ? Naturellement, c’est toujours plus difficile d’obtenir des rôles d’hétéro quand on est une lesbienne affirmée. Et peut-être même que Moody Ellen ne sera pas ravi d’apprendre que l’actrice qu’il a choisie pour donner la réplique à Hugh Trant préfère les femmes...

- Que veux-tu ?

- Ce que je veux ? Tu ne devines pas ? C’est très simple. Que tu renonces à ton action contre moi. Mon émission a lieu après demain. Ça vous laisse du temps pour réfléchir. Au revoir. Bonne soirée... Inutile de me raccompagner. Dans une maison aussi minuscule, je suis certaine de trouver la sortie...

Helena leur tourna le dos et les quitta en ricanant.


*


Un silence pesant était tombé.

Rachel ne disait pas un mot. Elle était assise dans un vieux fauteuil club en cuir, chiné par Dylan chez un brocanteur new yorkais. Elle tenait son verre de vin à la main. Le regard fixe, elle semblait ne voir personne.

Céline et Virginie ne savaient pas quoi dire ou quoi faire. Elles n’osaient pas intervenir dans ce qui était le moment crucial de la vie et de l’amour de leurs deux amies.

Ce fut Dylan qui prit la parole. Elle s’était approchée de Rachel et s’était assise dans un fauteuil près du sien. Elle lui prit la main.

- Rachel... Tu vois... J’avais vu juste... Helena utilise son émission pour me faire céder... Mais tu n’as pas à t’inquiéter... Je vais faire ce qu’elle demande...

- Tu vas renoncer à 4 millions de dollars ?...

- Bien sûr... Elle a raison tu sais... On ne donne pas de rôles aux lesbiennes sauf des rôles de... lesbiennes. Je suis bien placée pour le savoir. Après le rôle d’Alex dans LOL, je n’ai plus tourné. Pas par manque de talent. Simplement parce que je n’ai plus reçu de propositions. Mais je m’en moque, parce que j’ai la photo, ma vraie passion. Mais, je ne veux pas que cela t’arrive...

- Merci Dylan... Je ne sais pas quoi te dire. Jouer, c’est toute ma vie...

- Je sais... Bon. On oublie cette affreuse Helena et on continue notre dîner. Les pizzas vont refroidir...

- Excuse-moi, Dylan. Mais je n’ai plus faim... Je suis fatiguée... Je vais retourner à mon hôtel...

Dylan blêmit et chuchota.

- Tu t’en vas déjà ? Tu ne restes pas avec moi... cette nuit...

- Non, Dylan. Je vous laisse...

Rachel posa son verre sur la table et se leva. Elle se pencha vers Dylan qu’elle embrassa sur la joue.

- Au revoir, Dylan et merci... Merci pour tout... Au revoir, Céline. Au revoir, Virginie. A bientôt...

Elle franchit les quelques mètres qui la séparaient de la porte d’entrée et sortit, abandonnant Dylan à sa solitude.


*




La voix de Dylan rompit de nouveau le silence.

- Ténèbres, silence, air figé,
Enveloppent comme jadis la maison.
Tu as emporté avec toi tout le bonheur du monde...

- Dylan, nous sommes désolées...

Dylan se mit à rire mais une infinie tristesse voilait son regard.

- C’est la vie les filles... Une hétéro et une homo, il faut un miracle pour que ça marche. Et vous avez raflé tous les miracles actuellement disponibles...

- Que vas-tu faire pour Helena ?

- Ce que j’ai dit. Je vais renoncer à mon action. Aux 4 millions de dollars...

- Alors, suis mon conseil. Demande à ton avocat de rédiger une transaction... Ne compte pas sur la seule parole d’Helena. Elle serait capable d’accepter ton renoncement et d’outer Rachel quand même.

- Oui tu as raison, Céline. Je vais téléphoner à John Lee. Je vais tout lui expliquer.

Elle se leva, prit son portable et composa le numéro de téléphone de son avocat.


*


La journée du lendemain avait passé lentement.

Céline et Virginie n’avait pas revu leurs amies.

En début d’après-midi, Dylan avait dû se rendre chez John Lee où elle avait retrouvé Weston Smith et Helena DeXeres.

Ils avaient paraphé et signé la transaction.

Dylan renonçait à son action contre Helena et à toute demande d’indemnisation pour l’avenir, pour quelque motif que se soit.

En échange, Helena s’engageait à ce qu’aucune allusion à la vie privée de Rachel, et à sa liaison homosexuelle, ne soit faite sur le plateau de son émission. Par elle-même ou par qui que se soit.

Dans le cas où une telle information serait diffusée, elle serait contrainte de verser à Dylan un dédommagement fixé à la somme de 4 millions de dollars.

Helena triomphait. Elle signa avec enthousiasme.


*


Elles n’avaient pas revu Rachel.

Céline et Virginie avaient souhaité l’inviter à dîner avec Dylan.

Mais la jeune femme avait décliné leur invitation. Elle était désolée. Mais elle avait déjà accepté une autre proposition.

Alors, elles avaient passé la soirée avec Dylan.

Elles avaient tenté de la divertir. Mais c’était peine perdue. Rien ne pouvait effacer la tristesse de son regard et de son sourire.

Dylan avait tout perdu. La femme qu’elle aimait, qui s’était déjà détournée d’elle, et sa revanche sur Helena. Mais cette revanche n’était rien au regard du reste.

Elle allait revoir Rachel. Le lendemain, lors du talk-show d’Helena.

Elle avait obtenu, et cela faisait partie de la transaction, l’autorisation d’y assister, cachée dans les coulisses. Céline et Virginie seraient à ses côtés.


*


Il était 19 heures 45. L’émission, tournée devant un public choisi et diffusée en direct, devait commencer dans quinze minutes.

Helena, entourée d’une cour de collaborateurs, de techniciens, donnait ses ordres. Elle ignorait superbement la présence des trois jeunes femmes qui assistaient à son triomphe. Elle savourait ce moment où Dylan était “au tapis”. Elle s’en délectait.




Tout à coup, Rachel sortit de la cabine de maquillage. Elle était magnifique. Telle qu’elle apparaissait dans les épisodes de LOL. Elle faisait partie de ces rares personnes dont on peut dire : ”la lumière les aime”.

Elle s’approcha d’elles en souriant.

- Bonjour. Quelle joie de vous voir ! Je me sens moins seule. J’ai un tel trac...

- Tout va bien se passer, Rachel. Ne t’inquiète pas. Tout est arrangé...

- Je sais. Je te remercie, Dylan... C’est gentil d’avoir demandé à ton avocat de me téléphoner pour me rassurer. Il m’a expliqué les termes de la transaction... Tu fais un gros sacrifice...

- L’argent n’est rien, Rachel... J’ai du succès avec mon exposition... Tu vas tourner avec Ellen. C’est tout ce qui compte...

- Merci encore Dylan. Merci de m’avoir comprise. Céline, Virginie, excusez-moi pour le dîner d’hier soir, mais j’avais déjà accepté une invitation.

- Aucun problème Rachel. L’occasion se représentera. Nous espérons que tu as passé une soirée agréable.

- Oui, très. Différente de ce que j’aurais pu vivre avec vous. Mais très agréable. Pour ne rien vous cacher, j’ai dîné avec un adorable vieux monsieur et sa femme. Mais je vous en parlerai tout à l’heure. Helena me fait signe.

Elle les laissa et s’approcha de DeXeres. Elle écouta ses indications. Puis elle retourna en coulisses du coté opposé à celui où se trouvaient Dylan, Céline et Virginie.

Le chauffeur de salle se tourna vers le public pour lui demander le silence. Alors, le générique fut lancé.


*


Sur le plateau de l’émission, deux fauteuils côte à côte.

Helena entra sous les acclamations de son public qui l’ovationnait debout. Elle prit place dans un fauteuil. Après quelques secondes, pendant lesquelles elle se laissa griser par les applaudissements, elle prit la parole.

- Bonjour, merci pour votre fidélité ! Aujourd’hui, j’ai l’immense plaisir de recevoir celle qui nous a tant fait rêver dans cette merveilleuse série que nous avons tous aimée, LOL. Je vous remercie de lui faire une ovation. Une ovation pour Rachel Peabody !!!!!

Les applaudissements explosèrent.

Helena se leva alors que Rachel sortait des coulisses et s’approchait d’elle. Elle s’embrassèrent sur la joue. Du bout des lèvres. Puis elles prirent place dans les fauteuils.

- Je suis ravie de te recevoir de nouveau sur le plateau de mon émission. Nous nous étions déjà vues au moment de LOL. Mais aujourd’hui tu viens nous parler d’un fabuleux projet au cinéma...

- Oui, l’espoir de toute actrice. Un film avec Moody Ellen !

- L’espoir ! Tu plaisantes ! Tu veux dire le rêve de toute actrice !

Le public applaudit à tout rompre à la répartie d’Helena.

- J’ai également appris que tu allais tourner à Londres avec un acteur britannique. Charmant puisque britannique...

- Oui et ça aussi c’est merveilleux. Car Londres est MA ville. J’y suis née et j’y vis toujours. Quant à mon partenaire principal dans le film, c’est... Hugh Trant !

- Alors là je ne parle même plus de rêve. Mais de fantasme !!!!! Attention, Rachel, danger !!!!

Le public, ravi, explosa de rire.

- Oui, bien sûr Helena. Hugh, en plus d’être un fabuleux acteur, est adorable et le plus séduisant des hommes. Mais... mon coeur est déjà pris...

Un murmure parcourut le public.

Helena comprit que son show lui échappait. Elle n’eut pas le temps d’interrompre Rachel.

- Oui, Helena mon coeur est pris. Et ce n’est pas toi qui va critiquer mon choix. Je veux te la présenter : Dylan Hederson.

Rachel se leva et s’avança vers la coulisse où se tenait Dylan, muette de surprise. Elle lui prit la main et revint avec elle vers le centre du plateau.

Rachel s’amusa à faire les présentations.

- Helena, Dylan. Dylan, Helena. Encore une révélation. Dylan va également jouer dans le film de Moody. N’est-ce pas merveilleux ?

- Extraordinaire ! finit par articuler Helena. Je suis si heureuse pour vous deux...


*


Helena était blême sous son maquillage.

Elle réfléchissait à toute allure.

Rachel venait de révéler sa liaison avec Dylan ! Dans son émission !! En direct !!! Devant des millions de télespectateurs !!!!!

La transaction !!!!!!! Aucune allusion à la liaison homosexuelle de Rachel ne devait être faite sur le plateau de son émission. Par elle-même ou par qui que se soit. PAR QUI QUE SE SOIT. Cela englobait Rachel elle-même. Naturellement. Elle était piégée !!!!!!!

Elle allait devoir payer 4 millions de dollars à Dylan !!!!!!!! Shit !!! Shit !!! Shit !!!!!!!!!!

Elle devait faire bonne figure et aller jusqu’au bout de son interview. Elle ne pouvait pas se permettre de perdre la face. Quant à Dylan, elle n’avait pas encore gagné !!!!!

Elle sourit à Rachel et Dylan qui se tenaient par la main et qui recevaient les applaudissements du public.




Enfin, les deux jeunes femmes saluèrent public et téléspectateurs. La page de publicité fut lancée.

Helena quitta son fauteuil, sans un mot, et, blanche de colère, elle regagna sa loge suivie d’une meute de collaborateurs apeurés.

Rachel et Dylan, après avoir signé de multiples autographes purent enfin rejoindre Céline et Virginie pour quitter le studio de télévision.


*


Elles étaient chez Dylan, qui avait trouvé dans son réfrigérateur une bouteille de champagne attendant qu’on la sacrifie pour cette occasion.

Elles riaient en se remémorant la scène qu’elles avaient vécue quelques minutes auparavant. Rachel mimait l’air effaré d’Helena qui n’avait rien pu faire ou dire pour l’empêcher de parler.

Dylan, entre deux rires, prit la parole.

- Tu as été merveilleuse, ma chérie !!! Mais je crains que tu ne te sois beaucoup avancée en prétendant qu’Ellen allait m’engager pour jouer dans son film.

- Je ne me suis pas avancée. C’est lui qui me l’a proposé.

- Mais... quand te l’a-t-il proposé ?

- Hier soir. Quand j’ai dîné chez lui.

- Tu as dîné hier soir chez Moody Ellen ? Mais tu nous as dit que tu avais dîné avec un vieux monsieur...

Rachel se mit à rire : - Mais c’est très exactement ce qu’est Moody Ellen. Un adorable vieux monsieur de 74 ans.

- Je ne comprends pas...

- Avant hier, après le départ d’Helena, je ne savais plus quoi faire... Vivre mon amour avec toi ou vivre mon amour pour le métier d’acteur... Je vous ai laissées parce que j’avais besoin d’être seule pour réfléchir. Mais quand j’ai quitté ta maison, quand je t’ai quittée, j’ai tout de suite ressenti le manque de toi. Et j’ai su alors de quoi j’avais le plus besoin. C’est de toi... parce que je t’aime...

- Rachel...

- Alors, j’ai pris ma décision. J’ai appelé Moody pour lui dire que je renonçais au rôle. Je lui ai dit pourquoi. Que j’avais une liaison avec une femme et que, bientôt, tout le monde le saurait. Je lui ai dit qu’une lesbienne ne serait pas crédible dans les bras de Hugh Trant. Il m’a écoutée. Et il m’a dit de ne rien brusquer et de venir le lendemain dîner chez lui. Vous savez que Moody vit à New York qu’il adore...




- Tu ne m’as rien dit de votre rencontre...

- Non, je ne pouvais rien te dire avant de l’avoir vu. Il est adorable, tu sais. Vraiment. Il m’a encore écoutée. Puis, il m’a dit que c’était en France que ses films avaient le plus de succès. Que les français se moquaient bien de savoir comment et avec qui les acteurs faisaient l’amour. Il m’a dit que quand ses films avaient du succès en France, ils en avaient partout. Il m’a aussi dit qu’il tenait beaucoup à ma présence dans son film. Qu’il n’avait jamais abordé le thème de la bissexualité et que c’était peut-être le moment de s’y mettre. Il m’a promis qu’il allait modifier son scénario et que mon personnage, plutôt que de choisir entre deux hommes, allait hésiter entre un homme et une femme. Il m’a demandé, en souriant, si je voyais une actrice capable de jouer le rôle de ma maîtresse...

- Tu as suggéré mon nom...

- Bien sûr. Il était ravi. Il a ajouté que toi et moi à l’affiche ça valait toutes les campagnes de pub et que son film serait diffusé partout, même au fin fond du Texas...

- Et le talk-show d’Helena ? Pourquoi ne m’avoir rien dit ?

- Parce que tu es quelqu’un de pudique. Je savais que tu détesterais ce déballage de sentiments en public. Mais je n’avais pas le choix. C’était le seul moyen de récupérer l’argent qu’Helena te doit.

- Je comprends... Mais tu as raison. Quand tu as révélé notre amour à l’écran, j’étais partagée entre le bonheur et la déception. Je voulais que cela demeure notre secret...

- Les acteurs n’ont pas de secret pour leur public, Dylan. Mais tu n’en as pas encore fini avec Helena. Elle ne va pas lâcher ses 4 millions comme ça... Elle fait partie de ces gens qui veulent toujours avoir le dernier mot. Elle va essayer de casser la transaction en disant que c’est toi qui as eu l’idée de ce piège. Mais elle ne pourra jamais prouver que tu étais ma complice quand j’ai fait mon coming out. Puisqu’en effet, tu ne savais rien de mes intentions...

Virginie se tourna vers Céline et chuchota de manière à n’être entendue que d’elle.

- Tu avais raison. Quelles fines mouches ces Anglaises ! Moi aussi, je comprends mieux Trafalgar et Waterloo...


*


Céline et Virginie avaient quitté leurs amies.

Elles savaient bien que Dylan et Rachel avaient terriblement envie d’être seules.

Elles marchaient dans les rues de Greenwich village. La nuit était si douce. Céline murmura.

- Virginie... demain nous serons le 20 octobre...

- Oui, Céline. Je sais... Et je sais aussi à quoi tu fais allusion. Le 20 octobre, il y a un an... à Montmartre... le vernissage dans mon minuscule studio... notre rencontre... et notre coup de foudre... (Dix jours et Insomnies)

- C’est amusant... Nous allons fêter cet anniversaire, ici, à New York... Que veux-tu comme cadeau ?

- Je l’ai déjà. Etre avec toi. Et puis, j’ai l’impression que nous avons beaucoup fait pour que Dylan et Rachel se trouvent... C’est comme un second cadeau d’anniversaire.

- Il y en a un troisième...

- Lequel ?

- Nous avons pris notre revanche sur Helena DeXeres. Elle a tenté de briser notre couple en février. Nous nous sommes faites les complices de Dylan et Rachel en octobre. Et ça va lui coûter 4 millions de dollars. Même si ces millions ne sont pas pour nous, ça fait quand même plaisir...

- Oui, Céline tu as raison.

Virginie se mit à rire doucement.

- Pourquoi ris-tu ?

- Tu sais, Céline, je me disais qu’Helena avait bien choisi en décidant de vivre à New York, the Big Apple...

- Pourquoi ?

- Parce que Big Apple veut dire Grosse Pomme. Et c’est exactement ce qu’est Helena dans cette histoire. Une grosse pomme. Et même, la Reine des pommes...




Les deux jeunes femmes éclatèrent de rire et, se tenant étroitement par la taille, continuèrent leur chemin vers leur hôtel.

Dans la chaleur de la nuit new yorkaise.



FIN




Pour les lecteurs qui n'auraient pas encore identifié la série qui m'a inspiré les personnages de Dylan et Rachel, voici une photographie qui devrait les aider.

The Lword. What else ? Avec Alexandra Hedison et Rachel Shelley.




Vous pouvez découvrir les nouvelles aventures
de nos héroïnes dans le récit suivant,
Halloween.

49 commentaires:

  1. Ouah quel début de visite très passionné pour les filles et très belle description de NY, j'ai l'impression d'y être de nouveau. Merci les filles, hâte de lire la suite avec le retour de Dylan.

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  2. Merci pour ce début très prometteur... Et comme toujours on
    est transporté par les descriptions
    que tu nous fais, cette fois celle de
    New york.
    Hâte de voir ce que réserve à nos héroïnes la "grosse pomme"...

    Marie Pierre

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  3. Merci pour cette visite de New york.

    Ramsès 88

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  4. Quel bonheur, encore, de retrouver nos deux héroïnes dans la magie et le gigantisme de New York, pour de nouvelles "aventures" qui s'annoncent passionnantes dans ce cadre unique.

    Merci à vous deux !

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  5. Euhhh Stef et Rose, je n'ai pas participé à ce récit. Rendons à César ce qui appartient à Gustave...

    Merci Damoiselle Gustave, tu connais ma tendresse pour Dylan (rires),comme le dit si bien Rose, hâte de lire la suite avec le retour de Dylan.

    B a b a.

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  6. Voilà un récit qui donne envie de sauter dans le prochain avion pour NEW YORK, après avoir réservé une suite au STANDARD HOTEL, bien sûr !

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  7. Superbe ! avec cette histoire en parallèle de Dylan et Rachel, peut-être une autre histoire d'amour....
    Merci beaucoup

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  8. Trés jolie suite encore, avec Dylan qui se confie un peu plus et avoue son amour secret pour Rachel...
    Hâte de lire la suite et les retrouvailles entre les deux jeunes femmes...

    Merci Gustave

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  9. Et bien que dire, sinon que j'attends
    la suite avec impatience !

    Tu nous as planté le décor et on essaye d'imaginer vers quelle(s) intrigues(s) tu nous emmènes...

    Merci Gustave.

    Marie pierre.

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  10. Merci, merci, merci.............................

    Ramsès 88

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  11. Félicitations pour ces dialogues très enlevés !

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  12. La grandeur d'âme de nos deux héroïnes déteint sur Dylan. Tant mieux, la voilà toute amoureuse et prête à tous les sacrifices. J'aime bien la voir ainsi, je ne sais pas pourquoi...(rires).

    Merci Gustave.

    B a b a.

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  13. Merci Gustave pour cette suite.

    Ramsès 88

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  14. Pour ma part je ne connais de cette
    série, que les quelques extraits que j'ai vu sur you tube. Alors je
    découvre...
    merci Gustave

    Marie pierre

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  15. Je ne connais The Lword que depuis quelques mois. Certains lecteurs m'avaient dit que la rencontre de C & V dans Dix Jours ressemblait beaucoup à celle de Bette et Tina dans The Lword. Du coup, j'ai acheté la première saison de la série. Puis on m'a parlé des personnages Dylan et Helena. Alors; je suis allée les voir sur youtube. J'ai trouvé que l'intrigue autour de ce couple était intéressante. Et aussi l'histoire personnelle de l'actrice qui joue le rôle de Dylan. Mais ce sera tout. il n'y aura aucune autre allusion à The Lword dans mes récits. Gustave.

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  16. Hâte de découvrir l'arrivée de Rachel et de voir comment va évoluer sa rencontre avec Dylan. Merci Gustave.

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  17. Helena Peabody et Dylan Moreland étaient mes personnages préférés dans lword. Et comme beaucoup, j'étais désolée par leur séparation. Alors, si tu les fais "revivre" dans Big Apple, c'est fabuleux. Merci. Et quel visite de New York encore.

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  18. Aaaah j'adore la fin de ta suite Gustave, ele est magnifique. Rachel glissant sa main dans la main de Dylan ! Céline et Virginie leur montrant leur amour leur ont fait prendre conscience du leur, merci Gustave

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  19. Gustave me donne décidément de plus en plus envie d'aller à NEW YORK dans chacun des endroits décrits avec brio. En outre, l'intrigue est toujours aussi passionnante !

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  20. Magnifique suite, très touchante avec Rachel qui apporte son soutien à Dylan en acceptant de témoigner, contre l'avis de son compagnon...
    Beaucoup d'espoir donc pour Dylan, surtout aprés leurs mains qui se joignent sur le bateau...

    Merci aussi Gustave pour cette ballade à New York

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  21. Magnifique suite, merci...


    Ramsès 88

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  22. "Miss Liberty semblait marcher sur un
    incendie..." j'aime beaucoup l'image
    et ta description de la traversée
    en ferry est magnifique, très romantique.

    encore merci à toi Gustave.

    Marie Pierre

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  23. Je suis d'accord avec Marie-Pierre"Miss Liberty semblait marcher sur un
    incendie..." C'est grandiose!!!!! Et puis ces deux girls sont magnifiques, je parle de Rachel et Dylan. Splendide quatuor et ta description de N.Y est remarquable.

    Merci.

    Béa.

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  24. Céline est une "vilaine" petite entremetteuse! J'adore!

    Dommage que Rachel soit aussi intègre...(rires).

    Cette promenade dans NY est toujours aussi plaisante.

    Béa.

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  25. Toujours autant de plaisir à suivre
    cette ballade new-yorkaise, et j'aime
    beaucoup les personnages de Dylan et Rachel.

    Merci.

    Marie Pierre

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  26. Il y a un petit quelque chose dans les descriptions de Gustave qui évoque NEW YORK filmé par Woody ALLEN... Je ne suis pas loin de penser que Gustave aime autant NEW YORK que Woody ALLEN.

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  27. Merci pour cette suite et ce procès mené de main de maître par l'avocat, quel délice.

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  28. Dylan est pudique et Rachel est très espiègle. J'adore... et puis ce petit poison d'Helena ajoute un peu plus de harissa au récit (qui n'en manque pas) et ce n'est pas pour me déplaire non plus.

    Hummmm je crois que Dylan a noté qu'il fallait plus de 15mn à Rachel pour atteindre le nirvana...(rires).

    Merci Gustave.

    Béa.

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  29. Très habilement menée cette audition
    Me GUSTAVE ! J'ai bien aimé les réparties et l'humour de Rachel.
    Mais Helena n'a peut-être pas dit son dernier mot...

    Merci.

    Marie Pierre

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  30. Vraiment un grand moment ce face à face entre les deux avocats et Héléna et Dylan.

    Merci Gustave

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  31. Bravo pour les dialogues, qui sont menés de main de maître : on a l'impression d'assister à un match de ping-pong tant les échanges sont vifs !

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  32. DING DONG!

    Flash spécial:

    "Nous constatons, depuis deux heures, une brutale montée de la température sur tout le territoire français. Il semblerait qu'un blog gustavien en soit la cause. La police recherche activement la coupable!".

    Merci Gustave!

    Béa.

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  33. Quelle sublime moment; je suis sous le charme, envoutée, emportée par ce tourbillon d'amour, de sensualité et de passion entre Rachel et Dylan...
    Comme c'est délicieux d'être transportée par toutes ces belles émotions !
    Merci infiniment Gustave !

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  34. Waouhhh!!! Tout ce désir, cette passion, cet amour entre Dylan et Rachel que tu as su si bien retranscrire dans ce magnifique passage !!!

    Encore merci Gustave, continue !

    Marie pierre

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  35. Magnifique suite, pleine d'amour

    Ramsès 88

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  36. je viens de lire les nechères et big apple d'un trait et .... Magnifique, sublime merci merci beaucoup. Impatiente de lire la suite.
    sev.

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  37. Amour, sensualité, érotisme, le tout dans un cadre magnifique. Je crois que Rachel et Dylan font faire bien des envieuses.

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  38. super suite mais quelle garce cette héléna. Racelle participe à l'émission et fait ton comming out toi même ca lui clouera le bec à cette mégère. merci Gustave

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  39. Ah merci Gustave!

    Après la chaleur caniculaire de ton précédent récit, avec celui-ci tu nous emmènes au pôle-nord!
    A cause de toi j'ai chopé une extinction de voix.
    J'ai envie de fiche des coups de pieds au c... à cette scrogneugneu d'Helena.

    Merci Gustave.

    Béa.

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  40. Il me tarde d'être à dimanche prochain pour connaître la suite que Gustave concoctera. Belle alternance de passages lyriques et de propos fielleux.

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  41. Ah cette Hélena, c'est un machiavel au féminin, et quel règlement de compte !
    J'aime bien aussi le "vous avez raflé tous les miracles actuellement disponibles" de Dylan !

    Merci Gustave

    Marie Pierre

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  42. merci beaucoup gustave j'ai aimé ce récit du début à la fin. Je suis impatiente à l'idée de découvrir le prochain récit.

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  43. Gustave, tu n'es qu'une vilaine romantique et j'adore ça! (rires).

    Très beau récit et je ne suis pas mécontente qu'Helena prenne une gifle dans la foulée, en fait j'applaudis des deux mains et comme je suis en forme je me lance dans un flamenco endiablé!

    Merci Gustave pour ton imagination et de nous régaler ainsi chaque dimanche.

    Béa.

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  44. Je m'y attendais un petit peu au coming out de Rachel en pleine émission, ça correspond bien à son personnage et en plus ça cloue le bec à Héléna !
    Et Woody Allen en guest star, waouh!

    Merci Gustave pour ce superbe récit et cette balade new yorkaise

    Marie Pierre

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  45. Et oui. Dylan en a rêvé. Rachel l'a fait... Et oui, je plaide coupable. Je suis une incorrigible romantique... Et vous aussi... puisque vous lisez mes récits (rires) Et que vous les aimez. Merci.

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  46. Magnifique Rachel qui clame son amour pour Dylan au monde entier et administre par la même occasion une gifle magistrale à la vénéneuse Héléna !
    Superbe fin pour ce récit newyorkais plein de rebondissements.

    Merci infiniment Gustave

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  47. C'était ue magnifique ff, avec le triomphe de l'amour. Merci ......

    Ramsès 88

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  48. Quel coup de théâtre qui se termine sur une happy end ! La venimeuse Helena est matée pour quelque temps.

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  49. J'ai dévoré la fin de ton histoire. Toujours aussi bien écrit et je cours commencé ta nouvelle histoire. Merci Gustave.

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