NOUVEAUX MONDES




Voici la suite des aventures de Vienne et Eva. Elles ne prétendent pas à la vérité historique. Aussi, ai-je un peu triché avec les faits pour les besoins de mon histoire.

Il est absolument nécessaire d’avoir lu Parade, Esquisses et l'Amour et rien d'autre, pour comprendre :




Nouveaux Mondes
La grande dame les regardait, la tête légèrement penchée, un sourire aux lèvres.

Son visage large et grave était serein et doux. Ses gestes étaient amples et souples.

Elle était drapée dans une longue robe aux plis gracieux.

Elle avait fait un pas vers elles. Et elle avait interrompu sa marche, restant immobile, la jambe légèrement fléchie.

Contre son bras gauche, elle tenait une tablette sur laquelle une date, 4 juillet 1776, était gravée.

Au bout de son autre bras, qu'elle tenait levé très haut au-dessus de sa tête ceinte d'une couronne composée des sept rayons du soleil, une torche jetait sa lumière sur le fleuve et le navire qui glissait à ses pieds sur les eaux de l'Hudson.

Sur le bateau, un grand silence s'était fait, simplement troublé par le claquement du drapeau français hissé au bout d’un mat.

Tous les passagers étaient debout sur le pont. Les visages étaient tournés vers la grande dame. Certains troublés par les larmes qui coulaient sans que quiconque songe à les retenir ou les effacer.

Vienne et Eva, accoudées sur la main courante du bastingage, regardaient, fascinées, la statue géante.

Miss Liberté les accueillait en Amérique.

Comme elle l'avait déjà fait pour les millions d'émigrants qui avaient fui l'Europe et sa misère, le reste du monde et les persécutions de toutes sortes.

Elle leur souhaitait la bienvenue en leur donnant à tous un message d'espoir.


*


Rompant le silence, Eva murmura : - Mon Dieu... quelle émotion de la voir pour la première fois... Qu'elle est belle...
Vienne répondit, légèrement inquiète et franchement sceptique : - Tu la trouves belle ?... Ah bon ?... J'ignorais que tu aimais les femmes plantureuses...
- Je crois que je pourrais aimer une telle femme. Non comme une maîtresse mais comme une mère.
- Ouf... Tu me rassures chérie... Je l’ai échappé belle... J'ai cru un moment que j'allais devoir me gaver comme une oie pour lui ressembler...
- Que tu es bête... chuchota Eva.
- Je te le concède... Mais j’avais cru comprendre que..., dans certaines occasions, tu aimais mon côté... animal ?...
- Tu sais bien que j’en raffole... Que j’en redemande... Mais ici il s’agit de ce premier contact avec ton pays. De ce contact rassurant avec ce symbole majestueux qui accueille les émigrants avec ces mots que je connais par coeur...
- Tu les connais par coeur, toi une Anglaise ??
- Mais oui, écoute... Eva se mit à réciter : - Donne-moi tes pauvres, tes exténués, Qui en rangs serrés aspirent à vivre libres, Le rebut de tes rivages surpeuplés, Envoie-les moi, les déshérités, que la tempête m’apporte, De ma lumière, j’éclaire la porte d’or...
- Tu connais ce poème... Tu me surprendras toujours ma chérie.  Et tu connais l’histoire de cette statue ?
- Bien sûr... Quel être humain, épris de liberté, ne la connaît pas ? C'est un cadeau de la France aux États-Unis pour commémorer les cent ans de l'indépendance de ton pays. Les cent ans de la victoire de l'Amérique sur son colonisateur, l'Angleterre... C'est un français, Bartholdi, qui l'a sculptée. On prétend que sa femme a servi de modèle pour le corps. Et sa mère pour le visage.
- Bravo chérie...  J'ai étudié les étapes de sa conception pendant mes études d'ingénieur à l'Université de Chicago... Elle est recouverte de cuivre et sa torche de feuilles d’or. Les plaques qui composent son corps, sont fixées à une structure métallique conçue par Gustave Eiffel... Elle a été construite à Paris. Puis démontée et acheminée sur un navire. Et enfin remontée sur ce piédestal spécialement construit pour elle. Les Français nous ont fait là un bien beau cadeau... Sans parler du coup de main qu'ils nous ont donné pour vaincre les Anglais pendant la guerre d'Indépendance...
Eva sourit : - Les États-Unis... l'Angleterre... la France... C'est amusant... Cela semble résumer notre histoire à toutes les deux.
- Mais nous ne venons pas dans mon pays pour nous battre toi et moi... Mais pour respecter une promesse que j'ai faite...
- Je le sais ma chérie... Je le sais... Et nous la respecterons... Ensemble...
Elles se tournèrent vers la statue et leurs pensées, à l'unisson, se projetèrent quelques jours en arrière... À plusieurs milliers de kilomètres du port de New York...


*


Vienne marchait lentement dans les ruelles du vieux Menton.

Elle se laissait caresser par les rayons encore chauds de ce magnifique mois d'octobre.

Après avoir quitté le palace affecté à l’hospitalisation des blessés, elle adorait rentrer à pied.

Elle emprunta le chemin habituel.

Tout d’abord, elle suivit la promenade qui longeait la Mer Méditerranée, puis elle flâna le long des quais du port.

Elle remonta les ruelles escarpées de la ville au milieu des petites maisons aux façades ocres, jaunes, ou terre de Sienne.

A mi-chemin, elle s’arrêta devant la basilique Saint-Michel Archange, du plus pur style baroque, dont le clocher dominait la ville. De là elle pouvait voir les vagues de toits aux petites tuiles roses. Et la mer d’huile au bleu tendre.




Elle entra dans la basilique, s'assit sur un banc et adressa une prière muette dans la pénombre fraîche du lieu saint.

Elle n'était pas une croyante mystique mais elle devait bien reconnaître qu'il y avait plus qu'une coïncidence dans les événements qui, depuis deux mois, avaient bouleversé sa vie de façon si magique...

Il y avait cette guerre atroce qui n'était que sang et larmes. Ce conflit mondial si dépourvu d'espoir et qui, pourtant, avait concouru à la réalisation du plus beau de tous ses rêves.

Il y avait eu cette balle allemande qui aurait pu la tuer mais qui lui avait permis de rencontrer la femme de sa vie...

Elle pensa Il y a quelque chose d’atrocement paradoxal dans tout cela. Ces événements sont tragiques pour tant d’hommes et de femmes. Et même pour moi qui ai perdu mon frère. Ou pour Eva qui a perdu son époux. Et pourtant, ils ont permis la naissance d’un merveilleux amour. Décidément, les voies de Dieu, ou de la destinée, sont impénétrables...

Elle songea à ces semaines qui avaient passé depuis qu’elles avaient quitté Sainte-Ménehould.


*


Vienne vivait avec Eva dans une minuscule maison de Menton.

La coexistence des deux jeunes femmes n'avait surpris ni choqué personne. On les savait américaine et anglaise et, par conséquent, on les croyait un peu cousines.

L'une et l'autre étaient venues de si loin pour combattre les ennemis de la France, elles prenaient de tels risques en soignant les soldats noirs malades de la grippe espagnole qu'aucun des hommes, des femmes qui peuplaient leur quotidien ne s'était permis de commenter leur façon de vivre.


*


Elles n’auraient pu rêver mieux que le ciel de la Côte d’Azur pour voir s’épanouir leur amour.

Elles avaient adopté avec bonheur le mode de vie du Midi, fait de soleil, de joie et d’insouciance. Si éloigné des drames des fronts de l’Est et du Nord. Si éloigné de la mélancolie parisienne.

Vienne et Eva adoraient se rendre sur les quais du port où elles achetaient la pêche, fraîchement débarquée des bateaux.

Elles se rendaient sur la Place aux Herbes, et là, pour quelques francs, elles remplissaient leur panier d’osier avec la multitude des parfums de la Provence : sarriette et farigoulette, safran et basilic, estragon et échalotes, figues, pêches ou abricots, citrons de Menton, bouquets de lavande ou de mimosas.

Et par dessus tout ça, elles recevaient l’accent chantant des marchandes de Menton.

Rentrées dans leur petite maison, elles dévoraient à belles dents les loups et rougets grillés par Fernande, leur cuisinière, les tians, les aïolis ou les pissaladières.


*


Sur les rivages ensoleillés de Menton, les jours passaient. Doucement. Paisiblement. Loin de la guerre.

Les journaux, les gazettes témoignaient toujours du fracas des armes. Mais les nouvelles qu’ils publiaient étaient bonnes. Elles laissaient entrevoir que le miracle de la paix était pour bientôt.

Il se murmurait que les gouvernements de l’Allemagne et de l’Autriche avaient engagé des pourparlers secrets avec les États-Unis afin d’obtenir une paix séparée. Leur tentative, qui s’était soldée par un échec, disait assez que ces deux nations ne croyaient plus à la victoire.

Les soldats allemands étaient épuisés et manquaient de nourriture et de munitions car leur industrie ne pouvait pas produire plus de balles, d’obus ou de canons.

La population allemande avait faim car le blocus privait le pays des denrées les plus élémentaires.

Bien sûr les soldats alliés, français notamment, étaient à bout de force, mais si la population endurait les privations, elle ne connaissait pas la faim.

Et la France pouvait compter sur les inépuisables ressources, en hommes et en matériel, des États-Unis.

Depuis leur entrée en guerre en avril 1917, les soldats américains arrivaient toujours plus nombreux. En octobre 1918, ils étaient déjà deux millions sur le sol français.

L’espoir et la certitude de gagner la guerre avaient changé de camp.


*


Mais alors que tout indiquait que ce conflit, avec ses bataillons de morts, de blessés et d’estropiés, allait enfin cesser, un autre fléau, plus mortel encore, était en train de s’abattre sur l’Europe et sur le monde. La grippe espagnole.

Elle n’avait d’espagnol que le nom. Parce que le roi d'Espagne, Alphonse XIII, en avait souffert. Et parce que ce pays, qui n’était pas en guerre et ne connaissait pas la censure, ne cachait pas les chiffres, effrayants, de la contamination.

Mais en fait, c’est aux États-Unis, dans la région de Boston, que dès septembre, les premiers cas de cette nouvelle épidémie furent signalés.

C’était une seconde vague virale, infiniment plus grave que la précédente, dix à trente fois plus mortelle que les épidémies hivernales.

Elle se répandait dans tous les États-Unis, empruntant les trains, les navires, en suivant les voyageurs, civils ou militaires, porteurs du virus.

Elle traversa le continent américain en sept jours,  reliant les vertes collines de la Nouvelle Angleterre aux plaines arides de la Californie.

En quinze jours, la totalité du continent nord-américain fut contaminé.

Les États-Unis étaient littéralement submergés et cette épidémie nouvelle entraîna le chaos et le désarroi.

Un grand nombre de villes étaient paralysées en raison du nombre énorme de malades. Les médecins, incapables de prescrire un remède, étaient désemparés.

Dans le même temps, elle gagnait l’Europe par le biais des soldats américains contaminés.

Elle conquit rapidement les tranchées insalubres puis se répandit dans toute la France en partant de la zone des combats.

Puis ce fut le tour de la Grande Bretagne, puis celui de l’Italie, de l’Allemagne. Rapidement, l’ensemble des pays limitrophes comptèrent leurs morts.

Les populations européennes, affaiblies par quatre années de guerre et de privations, subirent des pertes énormes.

Enfin, la grippe quitta l’Europe pour voguer, par les voies maritimes, vers les colonies françaises, anglaises, espagnoles. Vers les comptoirs commerciaux de l’Asie.

L’Afrique, l’Amérique du Sud, les Indes, la Chine, l’Océanie furent à leur tour atteintes.

L’épidémie devint pandémie. La grippe avait conquis le monde.

Elle allait contaminer la moitié de la population mondiale. Tuer soixante millions d’hommes, de femmes et d’enfants.


*


Vienne et Eva assistaient aux progrès fulgurants de  cette maladie sur les corps des soldats, déjà épuisés par des mois de durs combats.

La grippe allait vite.

Deux à trois jours d’incubation. Trois à cinq jours de fièvre et le malade mourait d’une bronchite ou d’une pneumonie dues au virus.

Elles s’interrogeaient sur ce paradoxe. La grippe faisait des ravages sur les hommes, les femmes jeunes.

Or, elles avaient 28 et 24 ans et elles consacraient leurs journées aux soins à apporter aux blessés et aux malades.

Pourtant, la maladie semblait les ignorer.

Vienne, avec sa logique d’ingénieur, en avait conclu que les grippes hivernales, dont l’une et l’autre avaient souffert quand elles étaient adolescentes, avaient créé chez elles une forme de résistance à  ce nouveau fléau.

Elles étaient immunisées contre la grippe espagnole.


*


Elles n’en prenaient que plus de risques. Soignant jusqu’au bout des hommes qui mouraient en serrant leurs doigts dans des mains qui n’avaient plus de force.

Elles écrivaient, sous leur dictée haletante, la dernière lettre adressée à l’être aimé.

Et les mots étaient toujours les mêmes. Maman, Papa, Ma Chérie, quand vous lirez cette lettre, je ne serai plus là. Je m’endors doucement avec le réconfort de vous savoir saufs. Je pense très fort à vous. Je vous aime. Ne m’oubliez pas.


*


Vienne et Eva puisaient dans leur amour, la force de résister à la tristesse de voir ces jeunes vies s’éteindre l’une après l’autre.

Sans que rien ne puisse être tenté pour les sauver puisque le remède à ce fléau était ignoré.

Elles ne pouvaient apporter que leur gentillesse et leur sourire.

Leur beauté était la dernière image que ces hommes emportaient. Pour eux, elles voulaient être divines.

Les journées du mois de septembre avaient passé. Puis celles d’octobre avec une recrudescence de la maladie qui se propageait sur tout le territoire français, provoquant l’asphyxie des hôpitaux débordés par le trop grand nombre de malades.

Les journée passaient. Si pareilles les unes aux autres.

Mais pour Vienne et Eva, elles étaient celles de leur combat commun.

Et il y avait les nuits.


*


Les pensées de Vienne se bousculaient dans sa tête alors qu’elle restait assise sur le banc de la Basilique Saint-Michel Archange.

Elle revoyait les jours et les semaines qu’elle avait vécus avec la délicieuse compagnie d’Eva.

Elle revit aussi le visage émacié du jeune soldat. Elle entendit de nouveau sa voix et reconnut la sienne quand elle lui avait répondu Je vous le promets...
Elle savait que cette promesse faite à un mourant l’engageait et qu’elle n’avait pas le droit de penser à elle, à Eva, tant qu’elle ne l’aurait pas respectée.

Et que pour la respecter, il fallait qu’elle retourne au delà des mers. Chez elle. En Amérique...

Elle espérait qu’Eva accepterait de la suivre. Mais elle le redoutait aussi. Car elle savait que leur voyage serait périlleux. 

Peut-être mortel.


*


Vienne quitta la pénombre de la basilique.

Elle sortit de l’édifice religieux et resta quelques secondes sur le parvis. Dans la lumière déclinante du soleil de cette fin d’après-midi.

Elle leva les yeux vers le ciel dont le bleu se mêlait à celui de la mer.

Elle songea qu’elle était stupide de penser à la mort. Alors qu’elle vivait dans ces paysages si beaux.

Alors que dans quelques minutes, elle allait retrouver Eva. Qui était la Vie.

Heureuse, elle reprit le chemin de leur domicile.

Elle souriait aux passants qui lui rendaient son sourire.

Trois hommes âgés assis sur un banc se levèrent à son approche. Appuyés sur leurs cannes, ils saluèrent la jeune femme vêtue de son uniforme de pilote américain.

Elle leur rendit leur salut en portant une main à son front.


*


Vienne se sentait légère. Elle avait l’impression de voler depuis qu’elle pensait à Eva.

Son image avait chassé celle du jeune soldat.

Vienne pressa le pas. Elle courait presque le long des ruelles escarpées.

Bientôt, elle fut devant une jolie maison à la façade jaune paille. Elle posa la main sur la poignée et constata avec plaisir que la porte s’ouvrait sans effort. Eva était déjà rentrée.

Elle traversa les petites pièces du rez-de-chaussée et emprunta l’escalier étroit.

Enfin, elle pénétra dans une chambre mansardée dont les fenêtres étaient tournées vers la mer.


*


Eva était là.

Elle était habillée d’un jupon provençal et d’une chemise ample dont le col ouvert laissait voir la naissance du dos.

Elle était assise devant un petit bonheur-du-jour et écrivait.

Absorbée par l’écriture d’une lettre, elle n’avait pas entendu Vienne et, le dos tourné vers la porte de la chambre, elle ne pouvait pas la voir.

Alors Vienne profita de ce moment pour la dévorer des yeux.

Elle était magnifique.

Son joli profil était penché sur le papier bleu qu’elle couvrait de son écriture fine et élégante.

Elle voyait le front bombé, les longs cils, le petit nez et les joues veloutées. Les belles lèvres, embrassées cent mille fois depuis qu’elles s’aimaient, le menton hardi, le cou gracile.

Vienne savait qu’Eva n’avait pas pris la pleine mesure de son exquise beauté. Et qu’elle était toujours étonnée qu’on la trouve jolie. Les regards trop appuyés la gênaient. Même ceux de sa maîtresse.


*


Vienne s’approcha doucement, suppliant le plancher pour qu’il ne craque pas sous ses pas. Exauçant sa prière, il resta silencieux.

Bientôt, elle fut derrière elle.

Elle se pencha sur la jeune femme et l’enlaça. Elle posa ses lèvres chaudes sur sa nuque. Elles glissèrent sur le haut du dos, entre les deux omoplates. Elles s’attardèrent sur la peau fine.

Puis, elles reprirent leur chemin. Elles suivirent l’épaule sur laquelle la chemise avait glissé, remontèrent le long du cou.

Eva avait cessé d’écrire. Elle avait posé sa main sur la joue de sa maîtresse. Elle se laissait caresser par les lèvres douces.

Vienne dégustait la peau au goût de lait et de miel. Elle en respirait l’odeur exquise et envoûtante.

Enfin, ses lèvres vinrent butiner la bouche d’Eva.

Elle tomba à genoux devant elle.

Ses mains s’insinuèrent sous le jupon pour venir se poser sur les cuisses fermes.

Eva frémit au contact des doigts de son amante dont les frôlements électrisaient sa peau.

Elle posa les bras autour du cou de Vienne, glissa son front dans le creux son épaule et poussa un léger soupir.

Vienne se leva et la tenant toujours contre elle, elle l’attira vers le lit où elles s’allongèrent, blotties l’une contre l’autre.

Elles restèrent ainsi pendant de longues minutes. Sans dire un mot.


*


Vienne murmura enfin - Tu es rentrée depuis longtemps ma chérie ?
- Une heure tout au plus... J’ai retiré mes vêtements qui empestaient le camphre et l’éther. J’ai mis des habits propres après avoir fait un peu de toilette...
- Tu étais en train d’écrire ?
- Oui. J’ai trouvé une lettre de Marie en rentrant. Elle me donne des nouvelles de Paris... Elle veut savoir comment nous allons...
- Et eux, comment vont-ils ?
- Ils ne sortent guère à cause de l’épidémie de grippe espagnole. Plusieurs de leurs amis sont malades. Certains en sont déjà morts. La ville est lugubre sillonnée comme elle l’est par les corbillards. Par chance, personne chez les d’Uberville n’a été contaminé... Ni Marie, ni Henri, ni leurs domestiques... Leur fils Roger porte une main articulée sous un gant en cuir à présent... Il doit tout réapprendre. À écrire, à tenir couteau et fourchette, à s’habiller... Henri passe des heures au téléphone, un objet que pourtant il déteste. Il essaie d’avoir des nouvelles plus fiables que celles qu’on lit dans les journaux... Il a eu la confirmation que les Allemands ont tenté de négocier un armistice directement avec les États Unis. Ils espéraient que les conditions de la paix seraient plus avantageuses qu’avec la France et la Grande-Bretagne... Mais tes compatriotes ont fait de l’abdication du Kaiser Guillaume un préalable à toute négociation avec l’Allemagne...
Vienne soupira - Nous n’en finirons donc jamais avec cette guerre... Après les plans de bataille des généraux, ce sont les discussions interminables des diplomates...
- Henri est très optimiste pourtant. Il dit que l’Allemagne ne pourra pas se battre longtemps. Que la paix n’est plus qu’une question de quelques jours. Quelques semaines tout au plus...
- Combien de soldats vont-ils mourir encore pendant ces quelques jours ?  Combien en faudra-t-il encore ? Combien avant que l’Allemagne et l’Autriche se décident à demander un cessez-le-feu ?
Elle avait parlé avec colère. Ce qui n’avait pas échappé à Eva. - Que se passe-t-il ma chérie ? Tu es furieuse je le vois bien... Cela te ressemble si peu... Toi qui es toujours si calme... J’ai dit quelque chose qui t’a irritée ??
Vienne s’en voulut de son mouvement d’humeur. - Excuse-moi ma chérie. Non tu n’y es pour rien... Je me suis laissée emporter... C’est vrai que ça ne me ressemble pas... Mais je pensais à un soldat que j’ai assisté tout à l’heure à l’hôpital...
- Il est mort ?
- Oui. Il est mort... Un de plus... J’ai écrit une lettre pour lui. Sous sa dictée. La dernière... Elle est adressée à ses parents...
- Tu le fais tous les jours... Tu l’as fait des dizaines de fois... Pourquoi es-tu si en colère ?
- Parce que cette fois-ci... Je suis impliquée...
- Tu es impliquée ? Je ne comprends pas...
- John avait vingt-deux ans. Il a toujours fait preuve d’un courage exceptionnel. Il combattait toujours en tête encourageant ses camarades à le suivre... Un jour, au mépris du danger et sous un feu dévastateur, il a rampé en direction d'un nid de mitrailleuse qui causait de lourdes pertes à sa compagnie. Après un combat acharné, il a éliminé les soldats allemands qui tiraient sur ses compagnons d’armes. Ce faisant, il a sauvé de nombreux soldats. Il a reçu une décoration, la Croix de guerre. Il en était tellement fier... Il a participé à de nombreux assauts. Jusqu’au jour... C’était une petite colline. Même pas une colline, plutôt une butte. Les troupes franco-américaines et les allemands l’ont reprise tour à tour. Six fois dans la même journée... A la fin du jour, le champ de bataille était jonché de cadavres. Alliés et allemands. Frères dans la mort... Quant à lui, il avait perdu connaissance, assommé par le souffle d’un obus qui avait explosé à quelques mètres de sa position... Ses vêtements étaient déchirés, ses insignes avaient été arrachés. Son visage avait noirci... Alors, les hommes du corps sanitaire l’ont embarqué avec les troupes coloniales et les soldats noirs. Sans se rendre compte qu’il n’était pas des leurs...
- Pas des leurs ??? Pourquoi ??
- Parce que John était un indien Cheyenne. Quand il a repris ses esprits, et que l’erreur a été découverte, il était devenu trop compliqué de lui faire rejoindre son unité... Finalement, il est parti pour Menton... Il était si faible que la grippe n’a eu aucun mal à le contaminer...
- Un indien Cheyenne. Mort en France. À Menton... C’est si triste... Mais je ne comprends pas pourquoi tu dis que tu es impliquée...
- J’ai écrit la lettre dans laquelle il raconte tout ça. Et puis, juste avant qu’il ne meure, je lui ai fait une promesse...
- Une promesse ? Laquelle ?
- Je lui ai promis d’aller porter cette lettre à ses parents et de leur remettre la décoration qu’il a reçue...
- Aller porter cette lettre et cette décoration ??? Tu veux dire... en Amérique ???
- Oui, ma chérie. En Amérique. Ses parents habitent dans une réserve. Dans l’État du Montana...


*


Eva avait quitté les bras de Vienne. Abasourdie, elle restait assise sur le lit. Elle murmura, la voix blanche - Le Montana ? Où est-ce ?
- C’est au nord des USA. A la frontière avec le Canada. A environ 3.000 kilomètres de New York... 2.000 de Chicago...

- 3.000 kilomètres... Comment as-tu pu lui faire une telle promesse ? Tu te rends compte que ce qu’elle signifie ? Tu vas devoir parcourir la moitié du monde... Traverser l’Atlantique alors que nous sommes encore en guerre. Retourner dans un pays désorganisé par l’épidémie de grippe espagnole... Aller au fin fond d’un État sauvage...
- Je sais tout ça. Mais je ne pouvais pas lui dire non. John se cramponnait à ma main. Le jeune soldat courageux n’était plus qu’un enfant qui avait peur parce qu’il allait mourir. Sans rien avoir connu de la vie que la peine et la souffrance. Qui est venu se battre pour une cause qui n’était pas la sienne. Cette lettre, c’est son ultime message d’amour adressé à sa mère. Cette décoration c’est son honneur. J’ai pensé qu’elles ne pouvaient pas être simplement envoyées par la Poste et jetées dans une boîte aux lettres... Je ne le pouvais pas. Je ne le voulais pas... Alors, je lui ai fait cette promesse... Puis il est mort dans mes bras...

Eva ne répondit pas. Elle baissa la tête. Sa bouche prit une moue boudeuse.

Vienne la regardait.

Elle savait qu’en faisant cette promesse, elle avait pris un risque. Celui de mettre son amour en danger. Celui de le perdre.

Elle allait partir en Amérique. Elle le devait. Mais c’était sa promesse. Pas celle d’Eva.

Elle allait partir. Seule. Mais à son retour, si elle revenait, où serait Eva ?


*


Cette dernière interrompit ses pensées d’une question sèche - Quand pars-tu ?
- Bientôt... Dès que j’aurai obtenu les autorisations nécessaires auprès de ma hiérarchie... Je sais qu’il y a un transatlantique qui quitte Bordeaux dans six jours...
- Et... pourquoi si vite ?
- John avait un grand-père qu’il adorait. Âgé, très âgé... La lettre lui est adressée à lui aussi. Et puis avec cette épidémie de grippe... je ne dois pas tarder...
- Je vois que tu as déjà tout prévu... Sans me demander ce que j’en pensais...
- Je suis désolée... je ne le pouvais pas... Les événements s’imposent à moi... Je n’ai pas le choix...
Eva quitta le lit pour s’approcher de la fenêtre. Elle regardait les toits des maisons sans les voir. Elle restait silencieuse.

Puis après quelques minutes, elle soupira et se tourna vers son amante - Très bien, Vienne. Il n’y a rien à dire. Tu dois respecter ta promesse. Et rapidement puisque les parents de John sont âgés et vivent dans des conditions précaires dans leur réserve du Montana. Tu dois partir pour l’Amérique...
- Oui. Je vais le faire...
Mais en même temps qu’elle lui répondait, Vienne avait mal.

“Tu dois partir pour l’Amérique” Eva pouvait-elle être plus claire ?

Elle la laissait partir. Mais seule.


*


Eva avait repris sa place devant le petit bureau et le  stylo-plume Waterman courait à nouveau sur le papier. Bientôt elle apposa sa signature, plia la lettre qu’elle glissa dans une enveloppe.

- Voilà ! J’ai fini... Mais j’ai peur que les d’Uberville ne soient déçus...
- Pourquoi le seraient-ils ?
- Parce que je leur annonce que nous n’allons pas passer Noël avec eux... Parce que nous partons en Amérique. Et que nous risquons de ne pas être de retour à temps...
Vienne murmura, incrédule, - Nous ???...
Eva lui répondit en riant - Oui. Nous. Tu ne crois tout de même pas que je vais te laisser courir les plaines et les bois du Montana toute seule ?... Sans compter New York, la tentatrice...
- Tu m’accompagnes en Amérique ?? Tu veux bien m’accompagner ??
- Bien sûr que je le veux... Et même, je l’exige !!! Je ne veux pas te quitter... Et puis quel fabuleux voyage !!! Découvrir le pays de la femme que j’aime. New York, Chicago... Rencontrer ces tribus indiennes... Quelle expérience !!! Je ne pouvais pas rêver mieux... alors que je veux devenir écrivain et journaliste... A moins... que tu ne préfères partir seule...
Vienne se récria - Bien sûr que non !!! Je ne veux pas partir seule !!! Je n’osais pas te  demander de venir avec moi... J’avais peur que tu refuses... Après tout, je ne t’ai pas demandé ton avis. J’ai pris ma décision toute seule...
- Tu n’as pris aucune décision Vienne. John l’a prise pour toi. Tu as dit oui parce que tu es une femme de coeur et de devoir... Je suis la dernière à pouvoir t’en faire le reproche. Parce que c’est aussi pour ça que je t’aime...

Vienne était folle de joie.

Elle enlaça Eva et la serra contre elle tout en écrasant sa bouche sous la sienne. C’est tout juste si Eva pouvait encore respirer !!

Eva se mit à rire sous les baisers de son amante - Et je t’aime aussi pour ça, ma chérie...

Puis la tornade Vienne s’apaisa. Et elle se fit caresses...


*


Vienne et Eva n’eurent aucun mal à obtenir de leurs supérieurs hiérarchiques l’autorisation de quitter leur service pour quelques semaines.

La guerre entre les nations allait finir.

Et même si une autre guerre se menait contre la grippe espagnole, elles avaient, par leur courage et leur abnégation, gagné le droit de quitter le front pendant quelques semaines.

Elles avaient d’autant plus facilement obtenu ce droit que chacun savait que leur mission était admirable mais pleine de dangers.

Elles aussi le savaient mais elles ne voulaient pas y songer.

Et le deuxième jour du mois de novembre, elles quittèrent leur petite maison de Menton, en n’emportant qu’un bagage léger. Un sac de voyage pour chacune. Rien de plus.

Eva s’étonna - Tu n’emportes pas ta motocyclette ?
- Non ma chérie... Je la laisse ici. Elle va attendre sagement notre retour à Menton... Nous aurons besoin d’un autre genre de monture dans le Montana... Au fait, tu m’as bien dit que tu savais monter à cheval ?
- Oui, les d’Uberville m’ont appris... Ils possèdent un manoir et des écuries en Normandie... Chaque fois qu’on y allait, j’avais droit à une leçon d’équitation... Et je les accompagnais dans leurs promenades dans le bois de Boulogne. Ils disent que je suis très douée... Que je sais me faire obéir de ma monture... Avec douceur, sans brutalité...
- Ils ont raison... Je peux en témoigner...
Eva se mit à rougir... et elle baissa les yeux sous le regard ardent et amusé de Vienne.

Elle se reprit rapidement - Et toi Vienne ? Toi aussi tu sais monter à cheval... Tu as appris avec ton frère Mike, je suppose ?
- Oui, avec Mike... Nous avons aussi appris à chasser et à tirer à la carabine et au pistolet... Tout ce qu’il apprenait, je devais l’apprendre... C’était comme un jeu entre nous. Et aussi une compétition... Je crois qu’il aurait adoré avoir un frère... J’ai été ce frère qu’il n’a pas eu...
Son regard se voila. Elle s’arracha à la nostalgie et aux souvenirs en lançant à Eva - Allons-y !!! Sinon nous allons rater notre train !!


*


En raison de la guerre, le point de départ des paquebots transatlantiques avait été déplacé du Havre à Bordeaux.

Le voyage en train entre Menton et ce port devait durer près de deux jours.

Vienne et Eva avaient pris place dans un compartiment. Tout d’abord, elles furent seules.

Elles s’étaient assises près de la fenêtre, l’une en face de l’autre.  Elles regardaient le paysage.

La voie de chemin de fer suivait la côte et l’on pouvait admirer, tout à la fois, la Mer Méditerranée, les plages, les collines escarpées, les petits villages aux maisons de pierres cuites par le soleil, les splendides villas qui se construisaient ça et là.

Eva murmura - Comme c’est beau et paisible...
- Les paysages qui tu vas découvrir dans mon pays sont bien différents... A commencer par cette verticalité que l’on ne trouve que dans les villes américaines.... Pour le moment...
- Je le sais... J’ai vu des photographies de New York... J’ai hâte d’y être... Avec toi...
- Et moi j’ai hâte de te faire connaître mon pays... Je suis certaine que tu vas l’aimer...
- Je l’aime déjà puisque c’est là que tu es née...
Vienne se pencha vers elle et l’embrassa...


*


A Nice, d’autres voyageurs vinrent les rejoindre dans leur compartiment.

Comme elles ne pouvaient plus se parler librement, Vienne s’était plongée dans un livre.

Eva avait commencé la rédaction d’un carnet de voyage. Elle avait fait provision d’encre car elle se doutait que les occasions d’écrire et de dessiner n’allaient pas manquer.

Les 655 kilomètres qui séparent Menton de Bordeaux étaient l’occasion de traverser de multiples villes mais aussi de découvrir de magnifiques paysages.

Parfois, il fallait descendre dans une gare. Changer de train.

Et à chaque fois, Vienne se montrait un guide précis et attentionné. Eva se disait qu’elle était prête à la suivre jusqu’au bout du monde.

Les villes se suivaient. Si différentes les unes des autres.

Monaco, Antibes, Juan-les-Pins, Cannes, Saint Raphaël, Nice, Toulon, Marseille, Arles, Nimes, Montpellier, Sète, Béziers, Narbonne, Carcasonne, Toulouse, Montauban, Agen.

A chacune de ces étapes, Eva écrivait ses impressions. Racontant une anecdote amusante, réalisant le dessin d’une plage, de la courbe majestueuse d’un fleuve ou d’une forteresse.

Elles durent passer une nuit dans le compartiment. Elles y dormirent blotties l’une contre l’autre, bercées par le balancement du train.


*


Bordeaux fut atteinte le matin du 4 novembre.

Vienne et Eva n’avaient pas le temps de visiter la capitale de l’Aquitaine car leur paquebot partait dans moins de deux heures.

Elles se précipitèrent vers le quai d’embarquement où elles découvrirent un navire majestueux, dont l’acier avec lequel il était construit, avait été peint en noir et blanc pour la coque, en rouge pour les deux cheminées.




Vienne était enthousiaste. Elle laissa parler l’ingénieur qui sommeillait toujours en elle - Regarde-le Eva... Il est magnifique !!! Il est long de 170 mètres, large de 20 mètres. Il est pourvu de quatre ponts. Il peut transporter 1.884 passagers et 400 hommes d’équipage. Ses machines développent une puissance de 12.000 chevaux. Il dispose de quatre hélices. A pleine vitesse, il peut atteindre 19 noeuds à l’heure...

Eva lui répondit en riant - Il est superbe !!! Mais si nous tardons trop, il va nous laisser toutes seules sur le quai !!! Viens vite !!!

Elles eurent juste le temps d’embarquer.

Au moment-même où le Rochambeau faisait retentir sa corne de brume pour dire au revoir à la ville.


*


Le Rochambeau était si vaste qu’on aurait pu se perdre dans ses couloirs.

Mais grâce à l’aide d’un steward, elles purent gagner leur cabine.

Bien que petite, elle était pourvue de deux couchettes superposées, d’une tablette qui faisait office de bureau, d’un placard où elles pouvaient ranger leurs vêtements, d’une douche et de toilettes.

Vienne s’excusa devant la simplicité monacale de l’endroit - Je suis désolée.  C’est minuscule... Mais il ne restait plus que cette cabine. Et c’est presque une chance de l’avoir... Les voyageurs qui l’avaient retenue ont renoncé à leur traversée à la dernière minute...

Eva lui répondit en riant. - Ne t’excuse pas Vienne... Tu sais bien que j’adore les lits étroits quand je les partage avec toi... Viens retournons sur le pont... Je veux voir le départ du navire...

Elles suivirent la coursive qui longeait les cabines jusqu’à un escalier qu’elles empruntèrent.

Quelques minutes plus tard, elles étaient sur le pont du paquebot qui remontait l’estuaire de la Gironde jusqu’à l’océan Atlantique.

Elles virent Bordeaux qui, peu à peu, disparaissait derrière la poupe du navire.

Sur les rives de l’estuaire, elles voyaient les champs, les prairies et les vignes.

Au bout de plusieurs heures, enfin, les eaux douces de la Gironde se mêlèrent aux eaux salées de l’océan. Le Rochambeau pénétra dans l’Atlantique.

Vienne et Eva avaient pris un repas léger. Puis elles avaient parcouru le pont promenade en tous sens, respirant l’air iodé à pleins poumons.

Elles firent une halte sur les chaises longues. Elles restèrent sans dire un mot. Regardant la France qui s’estompait au loin. Jusqu’à ce qu’Eva rompe le silence

- On ne voit pratiquement plus la côte... Bientôt nous serons en plein océan. Sans rien d’autre autour de nous qu’une gigantesque étendue d’eau... Combien de temps faudra-t-il pour atteindre New York ?
- Entre six et sept jours, je pense... Il y a presque six mille kilomètres à parcourir...

- Six ou sept jours de croisière ?... Six ou sept jours d’un repos bienvenu... après toutes ces semaines épuisantes auprès des soldats blessés ou malades...
- Espérons que la croisière sera de tout repos... soupira Vienne.
- Pourquoi ne le serait-elle pas ? Tu as l’intention de donner un coup de main dans la salle des machines ? répondit Eva en riant.
- Non je pensais aux navires de guerre allemands. Ils attaquent les navires marchands. Même les paquebots... J’espère que nous ne serons pas leur cible... Généralement, les navires circulent en convoi protégés par des escorteurs.
- Mais nous,... nous sommes seuls !! Comment pourrons-nous nous défendre ?
- Le Rochambeau est armé. Il possède un canon. Il a déjà échappé à deux attaques allemandes. Son commandant et son équipage sont des marins très habiles...
Malgré les propos rassurants de Vienne, Eva n’était plus aussi enthousiaste - Je vais retourner à la cabine...
- Je suis désolée. Je n’aurais pas dû te parler de ça...
- Non. Tu as bien fait... Je ne dois pas oublier que la guerre est partout. Sur terre, dans les airs et... sur les océans et les mers...


*


Pourtant les jours passèrent doucement.

Le Rochambeau avançait au rythme de 456 noeuds par jour (environ 845 kilomètres). Poussé en avant par la force formidable de ses quatre hélices, des 12.000 chevaux de ses moteurs.

Il était seul au milieu de l’Océan. Il semblait être seul au monde. Si loin de la furie des hommes en guerre.

Il laissait derrière lui une longue trace d’écume. Comme la signature de son passage. Le témoignage de sa présence.

Les jours s’écoulaient. Pareils les uns aux autres.

Aucun navire ennemi n’apparaissait à l’horizon. 

Eva avait repris confiance. Elle goûtait de nouveau les charmes de cette traversée. Les heures passées sur le pont à lire, écrire, dessiner ou simplement parler avec Vienne.

Et il y avait les nuits passées à l’aimer. Dans cette couchette étroite qui lui rappelait leur première fois dans le petit lit métallique de leur chambre de Sainte-Ménehould.

Le voyage en train avait brisé le dos de Vienne. Un délicieux massage s’était transformé en une étreinte passionnée.


*


Une seule fois, une nouvelle l’avait attristée. Elle avait reçu un message de Marie grâce au télégraphe sans fil dont le Rochambeau était équipé et qui lui permettait de rester en contact avec l’Europe et l’Amérique.

C’était un message bref. “Allons tous très bien. L’empereur Guillaume a abdiqué. La République est proclamée en Allemagne. Mais Apollinaire est mort de la grippe espagnole. Prenez soin de vous. Bon voyage. A bientôt”.

Ainsi, par un hasard ironique, le souverain allemand et le poète avaient quitté la scène le même jour.

Tout en marchant sur le pont promenade, Vienne et Eva avaient longuement parlé du poète. De sa blessure à la tête qui l’avait affaibli, faisant de lui une proie facile pour la maladie.

Elles avaient récité certains de ses poèmes qu’elles connaissaient par coeur...

Un soir de demi-brume à Londres
Un voyou qui ressemblait à
mon amour vint à ma rencontre
Et le regard qu’il me jeta
Me fit baisser les yeux de honte...

Puis, elles s’étaient tues. Elles étaient restées, mélancoliques et silencieuses.

Soudain, Vienne avait poussé une exclamation. Elle s’était penchée au-dessus de la rambarde pour mieux scruter les eaux déchirées par le navire.

Inquiète, Eva l’avait suivie. - Que se passe-t-il Vienne ?...
- J’ai vu quelque chose... Une ombre gigantesque sous l’eau...
- Une ombre ?... Un animal peut-être ?... Une baleine ou un cachalot ?...
- J’ai peur que ce ne soit pas un animal... Je crois que c’est un U-boot... Un sous-marin allemand... J’espère me tromper...

Mais Vienne avait à peine fini sa phrase qu’un marin se mit à hurler “U-boot à tribord avant !!!”
Tous les passagers se ruèrent vers le côté droit du navire. Ils fixaient l’océan, cherchant  des yeux le vaisseau sous-marin qui allait les attaquer.

Certains pleuraient déjà en se tordant les mains.

Ils attendaient la torpille qui allait les foudroyer.

Le Rochambeau allait couler comme des centaines d’autres navires avant lui. Comme le Lusitania en 1915 qui, en sombrant, avait entraîné plus d’un millier de passagers au fond de l’Océan.

Au milieu de la mer, il n’y a pas d’issue. Pas de secours. Et en temps de guerre, il n’y a pas de pitié...


*


Vienne et Eva se tenaient épaule contre épaule. Face à l’océan. Face à leur destin. Leurs mains s’étaient touchées. Leurs doigts s’étaient mêlés.

Elles attendaient. Elles étaient prêtes. Il ne servait à rien de pleurer... Le sort leur faisait cette faveur : elles étaient ensemble...

L’ombre noire qui glissait sous l’eau à côté du paquebot se fit plus nette. De plus en plus nette. Elle était longue. Comme aucun animal marin n’aurait pu l’être.

Tout à coup, l’étrave du U-boot surgit de l’eau dans une vague d’écume et le sous-marin apparut. Une large croix noire et blanche était peinte sur sa coque. Il se posa sur l’océan. Fin, terrible, menaçant.


*


A présent, les deux navires avançaient côte à côte.

Les marins du Rochambeau avaient armé le canon afin de tenter d’abattre le sous-marin. Ils n’attendaient qu’un ordre de leur commandant. Mais l’ordre ne venait pas.

L’atmosphère était chargée d’angoisse. Tous avaient l’impression de vivre les secondes les plus longues de leur vie.

Tout à coup, la tourelle du sous-marin s’ouvrit et des dizaines d’hommes en uniforme en descendirent. Ils semblaient harassés. Tous portaient une barbe plus ou moins fournie.

Ils restèrent debout sur le pont, les uns à côté des autres, formant une haie face au Rochambeau.

Puis sur un ordre jeté par leur capitaine, ils portèrent la main à leur front et saluèrent le paquebot, ses hommes et ses passagers.

Après un salut de quelques secondes, ils rompirent la haie. Ils retournèrent en marchant lentement à l’intérieur du sous-marin. La tourelle se referma sur eux.

Le U-boot plongea de nouveau sous les eaux et disparut dans les profondeurs de l’Océan.

Il n’avait pas tiré sur le navire français.

L’Empereur avait abdiqué... La guerre allait se terminer... Pourquoi tuer encore ?..

Le Rochambeau était sauvé.


*


Les passagers restèrent longtemps sur le pont à scruter les flots.

L’apparition du sous-marin, et sa disparition, leur paraissaient presque irréelles. Comme celles des montres marins des légendes antiques.

Quand enfin ils furent certains qu’il ne réapparaîtrait pas, ils se dispersèrent et reprirent leur promenade sur le pont.

Vienne et Eva n’avaient pas bougé. Elles étaient toujours face à l’Océan. Épaule contre épaule, les doigts entrelacés.

Eva soupira - Nous l’avons échappé belle !! J’ai vraiment cru notre dernière heure arrivée !! Je ne comprends pas l’attitude de notre commandant !! Pourquoi n’a-t-il pas donné l’ordre de tirer au canon sur le sous-marin ? Il a pris un risque énorme !!
- Il n’a pris aucun risque Eva... Un sous-marin émergé est inoffensif parce qu’il ne peut plus lancer ses torpilles... Ce sont les soldats allemands qui ont pris un risque. En s’alignant sur le pont face à nos armes... On aurait pu les tirer comme des cibles à la foire... Et puis, je pense que le commandant du Rochambeau et le capitaine du U-boot ont dû communiquer au moyen du télégraphe... Ils savaient qu’ils n’avaient rien à craindre l’un de l’autre...

- Peut-être. Mais j’ai quand même eu la peur de ma vie...

- Moi aussi, je l’avoue... Mais en même temps... je me disais... Je suis à côté d’elle... Alors...
- Alors... c’est le bon endroit pour mourir... l’interrompit Eva. Je sais. C’est aussi ce que j’ai pensé... Mais j’ai aussi pensé que c’était trop tôt. Parce que nous avons encore tellement de choses à vivre ensemble...
Vienne se tourna vers elle. - Oui, tellement de choses. Et nous allons les vivre. Je te le promets...


*


Deux jours passèrent encore.

Et puis un matin... alors, que la nuit s’estompait, effacée par les couleurs de l’aube.

Alors que le soleil apparaissait derrière la ligne d’horizon...

Ils virent la terre... Ils découvrirent New York...

L’un après l’autre, les immeubles furent recouverts d’une clarté orangée.

Le feu qui brûlait dans la torche de la statue de la Liberté venait de s’éteindre.




La grande dame les regardait, la tête légèrement penchée, un sourire aux lèvres.

Six heures sonnèrent à la Cathédrale Saint-Patrick. Mais il importait peu aux passagers du navire qu’il soit si tôt.

Ils ne pouvaient pas se rassasier du spectacle de la ville dont les buildings grimpaient à l’assaut des nuages.

Elle paraissait encore si calme, comme un jeune fauve endormi, les muscles au repos. Mais on sentait qu’elle allait bientôt bondir. Pour se saisir d’un nouveau jour...


*


Contournant la statue, le paquebot se dirigeait lentement vers les quais de débarquement.

Tout à coup, un formidable vacarme explosa.

Des cloches se mirent à sonner à toute volée. Toutes les sirènes de la ville se mirent à retentir, se répondant d’un toit à un autre.

Les cornes de brume des navires à quai ou en mer vibrèrent à leur tour.

Fendant les eaux de l’Hudson, dix bateaux-pompes surgirent. Ils fonçaient au devant du paquebot français qui les dominait de toute sa hauteur. Bientôt ils l’entourèrent et lui firent une haie d’honneur en projetant de gigantesques jets d’eau vers le ciel.




Le bruit de la ville était assourdissant. Presque inquiétant.

Eva se pencha vers Vienne et chuchota dans le creux de son oreille - Quel accueil !!! Ton pays fait vraiment dans la démesure !!!
- C’est curieux... Je sais bien que nous sommes des hôtes de marque... Mais ça me paraît un peu too much... Il doit y avoir un autre raison à cet accueil triomphal...

Vienne avait à peine fini sa phrase que le capitaine du Rochambeau jaillit du poste de commandement, un télégramme à la main.

Il paraissait si ému que tous les passagers se précipitèrent vers lui pour l’entourer.

Il se mit enfin à parler, des sanglots dans la voix.

Il hurla pour tenter de couvrir le fracas de la ville - La guerre est finie, mes amis !!! La guerre est finie !!! Les Alliés sont victorieux !!! L’Allemagne a capitulé !!! Elle a signé l’armistice, ce matin 11 novembre 1918, à 5 heures 15, heure française... Dans un wagon de chemin de fer installé dans la clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne... Le cessez-le-feu est intervenu à 11 heures... La guerre est finie... La guerre est finie...

Puis sa voix s’était brisée. Submergé par l’émotion, il avait laissé les larmes couler sur ses joues.
Aux premiers mots, les passagers étaient restés silencieux.

Ils avaient l’air de ne pas comprendre ce que le commandant du Rochambeau leur disait. Ils restaient pétrifiés, assommés par cette nouvelle qu’ils attendaient depuis plus de quatre ans.

Puis tout à coup, ils se mirent à hurler leur joie, répondant ainsi aux sirènes de la ville. Ils s’embrassaient, se serraient les mains, s’étreignaient. Ils riaient et pleuraient tout à la fois.


*


Eva regardait le spectacle de cette joie qui ne se dissimulait pas. Elle pensa Enfin... Enfin... cet horrible cauchemar est fini... Vienne va vivre... Je vais vivre... La guerre ne nous menacera plus... Mon Dieu merci...

Tout à coup, elle songea à son époux. Elle pensa à Paul, tué en 1914 dans les tous premiers jours de la guerre. 

Pendant quelques fractions de secondes elle revit le passé.

Elle le revit dans son bel uniforme. La vareuse noire, les bottes au cuir brillant. Et les  pantalons rouges qui allaient si bien attirer les balles allemandes.

Elle le revit lui sourire. Il était parti à la guerre pour son pays, pour ses parents. Et pour elle... Pour protéger tout ceux qu’il aimait...

Elle savait qu’il avait peur. Peur de mourir à vingt-trois ans. Mais il n’avait rien montré de cette peur. Au contraire, il souriait, il plaisantait.

Parce que l’humour est l’ultime politesse...

Il avait promis à son jeune frère Roger qu’il lui rapporterait le casque à pointe de l’empereur Guillaume.

Il avait longuement étreint son père et sa mère.

Puis, il l’avait embrassée. Il avait balbutié des mots d’amour contre ses lèvres. Il lui avait dit que, dans deux semaines, il lui enverrait une carte postale depuis Unter den Lieden, la fameuse avenue berlinoise.

Et il était parti rejoindre la foule des soldats qui partaient vers le front en hurlant “À Berlin”. Qui marchaient vers leur destin, en chantant...

Elle le revoyait et, soudain, elle eut honte de son bonheur. Honte d’être vivante pour pouvoir aimer alors qu’il était mort...

Elle se sentait perdue. Alors elle se tourna vers Vienne. Mais elle ne la vit pas. Vienne avait disparu...

Et elle se sentit plus perdue encore...


*


Eva se mit à la chercher au milieu de la frénésie des autres passagers qui dansaient.

Enfin elle la trouva.

Elle se tenait à l’écart. Elle était assise sur la dernière marche de l’échelle qui menait au pont supérieur.

Elle se tenait la tête basse, les épaules arrondies sous le poids de ses pensées. Elle semblait étrangère à la joie bruyante et désordonnée qui l’entourait.

Eva s’approcha et vint s’asseoir à côté d’elle. - Vienne... Quelque chose ne va pas ? Tu sembles si triste au milieu de tous ces gens...
Vienne tourna le visage vers elle - Je n’étais pas triste Eva... J’étais si heureuse au contraire... Je pensais que cette guerre était finie. Et qu’elle ne nous avait pas tuées. Ni toi, ni moi. Et que nous allions vivre. L’une pour l’autre. L’une avec l’autre... Et puis tout à coup... j’ai pensé à Mike... Et j’ai eu honte d’être vivante alors qu’il est mort... Alors, je me suis écartée. Je ne voulais pas t’attrister avec mes sombres pensées...
Eva songea C’est extraordinaire. Elle a éprouvé le même malaise que moi... Je dois la rassurer...
Alors elle se serra contre elle, déposa un léger baiser sur sa joue et murmura d’une voix consolante. - Tu ne dois pas avoir honte, Vienne... Tu n’y es pour rien... C’est le destin qui a choisi parmi nous ceux qui devaient vivre et ceux qui devaient mourir...  Nous devons être dignes de ceux qui ont donné leur vie pour que nous vivions... C’est ce que nous avons fait jusqu’à présent... C’est que nous devons continuer à faire... Alors ne sois pas triste... Ce moment est unique... Viens le fêter avec nous... Avec moi... Viens...
Elle se leva et prit la main de Vienne qui se leva à son tour.

Elles étaient face à face.

Alors au milieu de la foule qui ne se souciait pas d’elles tant elle était obnubilée par sa propre joie, elles s’enlacèrent et Eva vint poser sa tête sur l’épaule de Vienne.


*



Le Rochambeau, suivi par les dix bateaux-pompes qui l’escortaient toujours, se dirigea vers le quai de débarquement.

Il longea les rives de la presqu’île de Manhattan.

Elles accueillaient une foule exubérante qui saluait le paquebot français en hurlant, en agitant vers lui des drapeaux bleu blanc rouge. Elle criait des “Vive la France ! Vive l’Amérique !” “Victoire, Victoire”.
Des hommes brandissaient le numéro du New York Times  dont la première page était barrée par un large titre de quatre lignes.




Il annonçait la signature de l’armistice, la fin de la guerre, Berlin aux prises avec les révolutionnaires, la fuite du Kaiser aux Pays Bas.

La foule était comme ivre de bonheur et de soulagement. Ses boys ne partiraient plus pour mourir loin de chez eux.

Parce que la guerre était finie.

Elle saluait bruyamment l’arrivée du paquebot français et de ses passagers. Des premiers amis français débarquant en Amérique depuis la signature de l’Armistice.


*


Vienne et Eva n’arrivaient pas à quitter le pont pour regagner leur cabine. Comme tous les autres  passagers qui les entouraient, elles se laissaient griser par cet accueil rendu exceptionnel par les minutes exceptionnelles qu’elles vivaient.

Leur sentiment de culpabilité était loin, ravalé au rang des mauvaises pensées.

Elles comprenaient que le destin, toujours lui, était un grand metteur en scène. Il avait voulu qu’elles se rencontrent à l’occasion d’un fait tragique.

A présent, il orchestrait leur arrivée en Amérique.

La fin de la guerre leur faisait vivre des minutes enivrantes. Elles allaient être fêtées comme des héroïnes de roman tout simplement parce que le destin avait voulu qu’elles arrivent à New York en même temps que la Paix. Un peu comme si elles en étaient les émissaires.

Alors, elles se laissèrent engloutir par ce bonheur collectif et un peu fou.

Elles saluaient les New Yorkais en leur faisant de grands signes de la main.

Elles riaient et pleuraient tout à la fois. Mais à présent c’était de joie.


*


Le Rochambeau était enfin à quai. Le temps de quitter le navire était venu.

Vienne et Eva étaient prêtes.

Leurs sacs de voyage posés à leurs pieds, elles attendaient patiemment le moment où elles pourraient quitter le navire.

Elles regardaient les marins exécuter les ordres de leur commandant.

Les hommes du bord installèrent un escalier pour permettre aux passagers de descendre.

Dès que ces derniers mettaient pied à terre, ils étaient accueillis par des officiers américains de l’émigration qui examinaient leurs papiers avec attention.

Tous ceux qui venaient en Amérique étaient dirigés vers les bâtiments d’Ellis Island pour y être interrogés, enregistrés. Ils étaient examinés par des médecins qui traquaient les maladies infectieuses.

Parfois, l’immigrant recevait un autre nom, une autre identité. Puis il était jeté dans le Nouveau Monde où il ne devait compter que sur lui pour vivre ou survivre.

Toutefois, seuls les pauvres avaient à subir ce traitement.

Les autres passagers pouvaient se diriger vers la ville après un simple contrôle douanier.


*


Vienne et Eva avaient quitté le Rochambeau. Elles avaient jeté un dernier regard reconnaissant vers le paquebot de la French Line qui les avaient conduites saines et sauves à bon port.

A présent elles se tenaient devant le jeune douanier américain qui leur faisait subir un véritable examen de passage. Même s’il était très éloigné de celui subi par les immigrants sur Ellis Island.

Il s’adressa tout d’abord à Vienne - Bonjour Madame... Brooks... Je vois que vous êtes née à Chicago...
- En effet, Monsieur. Je suis américaine...
- Mais vous habitez Paris. Depuis quand avez-vous quitté les États Unis, Madame ?
- Depuis huit ans. J’ai quitté l’Amérique en 1910...
Il continua la lecture avec étonnement. Je lis aussi que vous êtes ingénieur et... aviatrice, si les indications qui sont notées sur vos documents d’identité sont exactes...
- Elles le sont Monsieur. J’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur à l’Université de Chicago.  J’ai mon brevet de pilote. Et pendant la guerre, j’étais lieutenant dans une escadrille américaine...
- Et bien Madame, vous avez plus de talents que la plupart des hommes !! Vous êtes ici en mission pour l’armée ?
- Non. Je suis ici pour des motifs personnels... répondit Vienne sans entrer dans les détails. Après tout se dit-elle ce jeune homme curieux n’avait pas besoin d’en savoir plus.
- Je vois... Et vous n’avez aucune marchandise particulière à déclarer Madame ?
- Non je n’ai rien à déclarer... Sinon ma joie d’être de retour dans mon pays...
- Très bien Madame. Dans ce cas, je vous souhaite un bon retour chez vous... Puis il se tourna vers Eva. - D’uberville-West ? C’est bien votre nom, Madame ?
- Le mien et celui de mon mari...
- Votre mari vous accompagne Madame ?
- Mon époux est mort à la guerre en 1914...
- J’en suis sincèrement désolé Madame. Sincèrement désolé. Il était anglais comme vous ?
- Non Monsieur. Il était français...
- Ah bien... Je comprends mieux la consonance française de votre nom. D’Uberville... Je lis ici que vous êtes infirmière...
- Oui, je soigne des soldats blessés... Depuis plus de trois ans...
- Un travail admirable... Et vous n’avez rien à déclarer Madame ?
- Non rien... Sinon la joie de découvrir l’Amérique avec mon amie... répondit-elle en échangeant un regard complice avec Vienne.
- Parfait... Et bien Madame, je vous rends vos papiers et je vous souhaite un agréable séjour aux États-Unis...


*


En passant la porte qui leur permettait de quitter les bureaux de la douane, Eva ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement - Ouf !! C’est fini et j’ai réussi à passer ! J’ai vraiment cru qu’il allait me refouler et me demander de retourner en Europe...
- Ces questions indiscrètes sont assez pénibles. Mais ce n’est rien à côté de ce que les immigrants pauvres subissent sur l’île d’Ellis Island. D’ailleurs, on l’appelle l’île des larmes... Tiens, mais ça ferait un excellent sujet d’article ou de roman pour un journaliste ou un écrivain amateur...
- C’est une très bonne idée en effet... Où allons-nous à présent ? À Chicago ?
- Non pas tout de suite... Dans un jour ou deux. En attendant, je te propose de chercher un hôtel...
- Tu connais une adresse correcte ?
- Non, aucune. J’ai quitté mon pays il y a huit ans. Du reste je ne connaissais pas New York... J’espère que nous aurons de la chance et que nous n’allons pas tomber sur un taudis...
Elles étaient l’une et l’autre si absorbées par leur conversation qu’elles n’avaient pas remarqué la présence d’un jeune homme qui les écoutait avec attention.

Il était très grand et athlétique.

Il s’approcha d’elles et les salua en soulevant son chapeau. - Excusez-moi, Mesdames. Je me présente. Je m’appelle Will Kane... Je suis reporter et je travaille pour le New York Times. Mon journal m’a envoyé ici pour noter les impressions des premiers voyageurs français alors que la Paix vient d’être signée... J’ai entendu votre conversation avec le douanier... Vous cherchez un hôtel... Ce serait pour moi un honneur de vous aider...

Elles le regardèrent étonnées. Mais il y avait dans son regard une telle franchise qu’elles n’éprouvèrent aucune méfiance.

Vienne pourtant ressentit un léger agacement. Et une appréhension. Le journaliste était vraiment très beau. Blond aux yeux bleus. Un physique très américain. Sportif et sain.




Eva répondit la première - Merci Monsieur. Nous acceptons votre offre avec plaisir. Vous connaissez un endroit à nous recommander ?

- Oui. La meilleure adresse de la ville. La seule à vrai dire. Les autres hôtels ne sont pas toujours fréquentables. Je vous emmène à l’hôtel Astor, à l’intersection de Broadway Avenue et de la 44 ème rue. C’est un établissement récent et très à la mode. Gustav Mahler y a séjourné...
- Alors c’est en effet l’endroit qui convient...
Quelques minutes plus tard, ils montaient tous les trois dans une calèche tirée par deux chevaux alezans.


*


La calèche suivit quelques rues étroites aux petites maisons de briques rouges si semblables aux bâtisses anglaises.

Puis elle atteignit une avenue enserrée entre deux rangées de bâtiments hauts.

Elle plongea alors dans le flot des voitures.

Will joua les guides - Nous sommes dans la Cinquième Avenue. J’ai demandé au cocher de faire un détour pour que vous puissiez voir les bâtiments les plus exceptionnels de la ville.

Eva fut prise de vertige. Même à Londres, même à Paris, jamais elle n’avait assisté à un tel chaos frénétique.

Des autobus, des voitures à moteurs ou à chevaux, par dizaines, par centaines, se croisaient dans tous les sens.

Au-dessus des têtes, le métro aérien passait dans un bruyant cliquetis, ses roues métalliques faisant gémir les rails qui le guidaient vers la station où il s’engouffra.

Les larges trottoirs étaient noirs d’une foule de gens qui marchaient droit devant eux épaule contre épaule.




Cette multitude était comme une déferlante entre les immeubles hauts comme des cathédrales.


*


L’un d’eux notamment, au détour de la Sixième Avenue, écrasait par sa taille une petite église nichée à ses pieds. - C’est le Park Row Building annonça Will.

Eva ouvrit la fenêtre de la calèche pour mieux apprécier le spectacle que la ville lui offrait. Elle levait les yeux pour tenter d’apercevoir la cime des immeubles.

Elle s’exclama - C’est incroyable ! On se croirait au milieu d’un fjord norvégien, glissant sur la mer au milieu de parois étroites...
Vienne s’amusa de sa stupeur - Disons plutôt un canyon. Comme celui du Colorado... Nous sommes en Amérique !! Mais au mot près, ta description est exacte...
Will intervint de nouveau. Dans sa voix perçait la fierté du New-Yorkais. De l’habitant de cette Babylone dont la modernité étonnait le monde. Et à commencer par la jolie Eva.

- New York possède les buildings les plus hauts du monde. Plus hauts que les églises d’Europe, plus hauts que les temples égyptiens ou indiens... Les architectes de la ville se lancent des défis continuels. Les promoteurs sont lancés dans une course sans fin. C’est à celui qui construira le bâtiment le plus haut.
- Comment de telles constructions sont-elles possibles ? demanda Eva.

- Grâce à quatre inventions répondit Vienne. Les caissons qui permettent de construire des fondations profondes, l’acier pour les structures et évidemment les ascenseurs électriques pour grimper dans les étages. Et le téléphone qui permet d’être relié au monde sans avoir besoin de quitter son chez-soi...
La calèche avait poursuivi sa route jusqu’à Madison Square. Will poursuivit sa description - Voici le Metropolitan Life. C’est le bâtiment le plus élevé. Pour le moment... L’architecte s’est inspiré du Campanile de la Place Saint-Marc à Venise...

Eva jeta une exclamation - Et celui-ci ? Il est extraordinaire avec sa forme triangulaire ! Il est gracieux et aérien, avec à ses bords arrondis... Comment s’appelle-t-il ??



- C’est le Fuller Building. Mais tout les New-Yorkais le surnomment le Flat Iron, le “fer à repasser”.


*

La calèche poursuivit son chemin jusqu’à Times Square et bientôt elle s’arrêta devant l’hôtel Astor, énorme bâtiment carré de style français, dont les fenêtres innombrables éclairaient la façade..

Des portiers s’étaient précipités vers elles et s’étaient emparés de leurs bagages.

Ils pénétrèrent dans un hall gigantesque.




En quelques minutes, elles se virent proposer une “des meilleures chambres de l’hôtel” par un homme aux clefs d’or au grand sourire et aux manières onctueuses.

Eva se tourna vers Will - Merci de nous avoir aidées et de nous avoir menées jusqu’à cet endroit. Sans vous, je ne sais pas trop où nous aurions fini par atterrir...
- Alors, permettez-moi de continuer... Je pense que vous avez besoin de vous reposer quelques heures. Mais je vous propose de venir vous chercher à midi... Qu’en pensez-vous ?

Ce fut de nouveau Eva qui répondit - Avec plaisir Will. A tout à l’heure...

Le jeune homme les salua d’un grand sourire et disparut par la large porte de l’hôtel.

Vienne n’avait pas dit un seul not. Ni pour saluer son départ ni pour approuver son retour dans quelques heures.


*

Elle se tenait debout devant la fenêtre de leur chambre, regardant le spectacle électrique de la rue.

Ce n’est pas ainsi qu’elle avait imaginé leur venue en Amérique.

Elle y avait tellement pensé. Elle en avait tellement rêvé.

C’est elle qui aurait dû servir de guide à Eva. Lui faire découvrir son pays. Le lui faire aimer.

Au lieu de ça, elle s’était fait voler ce rôle en quelques minutes. Et par cet homme jeune et beau. Plein de force et d’énergie.

Et elle n’avait rien pu dire ou faire. Sauf à passer pour la rabat-joie de service. Ou à trahir cette jalousie qui la tenaillait depuis que Will Kane était apparu.

Eva semblait tellement bien en sa présence. Elle rayonnait. Elle l’appelait par son prénom !! Déjà !!

Will était si différent des hommes qu’elles avaient vus en Europe. Son corps était intact. Il débordait de joie et d’enthousiasme. Il n’y avait pas chez lui cette tristesse et cette fatigue dues à la guerre.

Eva ne pouvait pas ne pas être séduite...

Vienne n’avait pas les armes pour le combattre. Alors, il ne lui restait plus qu’à admettre sa défaite. Et à s’effacer.

Elle savait que cela devait arriver un jour. Mais pas si vite... Pas si tôt...

Et dire que tout ce qui arrivait à présent était de sa faute ! C’est elle qui avait voulu revenir en Amérique. A cause de cette promesse !!

Comme elle la regrettait à présent. Comme elle regrettait d’avoir dit oui à ce soldat mourant.
Son coeur était si lourd. Elle avait les larmes aux bords des paupières. Mais elle ne devait pas pleurer. Non !!

Elle ne devait pas gâcher le plaisir d’Eva.

Elle devait perdre avec élégance. Ce serait sa dernière preuve d’amour.


*


Soudain deux bras enlacèrent sa taille. La joue d’Eva vint se poser sur son épaule.

Elle sentait la soie de ses longs cheveux bruns contre son cou. Le corps d’Eva contre le sien.
- Tu es heureuse d’être revenue dans ton pays, ma chérie ? Moi je suis heureuse d’être ici. Avec toi. Si heureuse. J’aurais tellement aimé y passer les premières heures seule avec toi... Mais c’était difficile de congédier Monsieur Kane. Il s’est montré si serviable... Et puis, tu ne connais pas New York alors que lui connaît cette ville comme le fond de sa poche... Mais nous n’aurons pas besoin de lui à Chicago et pour le reste de notre périple... Je sais que ce n’est pas très gentil de dire ça. Mais c’est notre premier vrai voyage. Et je veux le faire en tête-à-tête avec toi... C’est étrange aussi cette manie que vous avez en Amérique de vous appeler par vos prénoms. Je l’ai lu dans un guide Beadecker. Mais j’espère que je n’en ai pas trop fait. Je ne voudrais pas qu’il y voit un encouragement...
Au fur et à mesure qu’Eva lui parlait, les peurs de Vienne s’étaient envolées une à une.

Comme elle avait été stupide de douter ! De douter d’Eva et de son amour.

Elle se tourna doucement vers elle. Elle prit son visage entre ses mains. Elle déposa de légers baisers sur ses paupières, sur le bout de son nez et enfin sur ses lèvres.

- Non. Ne crains rien. Tu as été parfaite. Comme toujours. Une vraie Américaine. J’aime cette liberté de ton que tu as ici. A New York...
- Oui, j’ai décidé d’être un peu plus libre dans mes façons d'être et de me comporter. Et tout d’abord dans ma façon de m’habiller. Regarde, j’ai opté pour une chemise blanche et une cravate. Tu aimes ?



- Oui. J’adore ce style masculin-féminin. Et au Montana tu vas être servie !!
- Ah bon ? Pourquoi ?
- Je ne te dis rien pour le moment. Ce sera une surprise... Mais fais-moi confiance...
- Je t’ai toujours fait confiance ma chérie. Et j’ai bien l’intention de continuer. Longtemps. Très longtemps. Aussi longtemps que tu le voudras...



Fin de la première partie



Les aventures de Vienne et Eva continuent
dans un autre récit :
North by Northwest


*


25 commentaires:

  1. Il y a de quoi présumer que les nouvelles aventures de nos héroïnes seront à l'échelle du continent où le bateau où elles ont pris place les conduit.

    Cette petite attente remplit bien son office : on trépigne déjà d'impatience.

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  2. Welcome Gustave!

    Merci pour cet amuse-bouche qui annonce déjà un met savoureux. Pourquoi pas un hamburger au foie gras?



    Signé: Béa (un gastronome en culotte longue).

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  3. Heureuse de te retrouver Gustave !

    Voila une petite introduction qui nous plante déjà le décors. Tout cela promet! Impatiente de rentrer dans le vif du sujet.

    Merci

    Marie-Pierre

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  4. Leur amour est comme un Phénix, il est né au milieu du fracas des bombes, des terres dévastées.

    La douceur de ce temps volé à Menton, la découverte pour Eva d'un nouveau continent et l'espoir d'une paix retrouvée.

    Amour, volupté, coquillages et crustacés...Et Miss Liberté.

    Merci Gustave.

    Béa.

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  5. Merci pour cette leçon d'histoire. Ce que j'aime avec toi Gustave c'est que je m'instruis tout en me régalant en lisant tes récits.

    Le danger, les maladies, la guerre...L'impensable, en ce triste jour d'anniversaire, mais aussi ce petit couple "aux petits oignons" pour notre plus grand plaisir.

    Merci.

    Béa.

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  6. Quelle est cette promesse faite par Vienne à ce soldat et qui va les entrainer de l'autre côté de l'atlantique et les mettre en danger ?

    Merci Gustave de nous emmener dans cette nouvelle aventure.

    Marie Pierre

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  7. De l'Atlantique à la Méditerranée pour un plongeon dans le soleil, les couleurs, les parfums, qui réchauffent après les mois de grisaille qu'elles ont traversés, mais j'oubliais la parenthèse enchantée du jardin de MONET... Les pérégrinations de nos héroïnes nous font traverser l'histoire sous la houlette du Professeur et quelque peu poète Gustave.

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  8. Trés contente de te lire à nouveau Gustave. En route pour de nouvelles aventures qui déjà promettent beaucoup. Hâte de les voir dans cette réserve cheyennes, surtout à cette époque. Vivement la suite...

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  9. Je ne dis rien car cela valait e coup d'attendre....

    Ainsi le mystère est levé. Vienne a fait une promesse qu'elle veut honorer.

    Après les horreurs de la guerre, elles vont côtoyer un peuple que l'Amérique rejette. Je prédis que la vie ne va pas être un long fleuve tranquille pour les deux girls.

    Merci.

    Béa.

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  10. La voila cette promesse...et cette fois tu nous entraînes à la découverte d'un autre peuple, d'un peuple fascinant, d'une histoire bien différente mais tout aussi passionnante ! Cela promet beaucoup...

    Merci Gustave

    Marie Pierre

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  11. Très touchante cette suite, avec tout d'abord la douceur de l'amour entre Eva et Vienne, puis cette lettre et la promesse de Vienne.
    Tout cela nous promet encore de bien belles aventures pour les 2 jeunes femmes jusqu'à la réserve cheyennes...

    Merci infiniment Gustave

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  12. "E la nave va..."Il est fort à parier que leur amour est insubmersible, pas comme un certain Titanic.

    Merci.

    Béa.

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  13. Il ne manque plus que la reproduction des pages du carnet de voyage d'Eva pour accompagner ce nouveau périple qui promet d'être riche en aventures.

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  14. J'ai beaucoup aimé cette nouvelle suite, ce voyage en mer comme hors du temps et pourtant rattrapé un temps par la guerre... qui enfin lâche prise... et Apollinaire.

    Merci encore et toujours Gustave

    Marie Pierre

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  15. Et Apollinaire: "Je lègue à l'avenir l'histoire de Guillaume Apollinaire
    Qui fut à la guerre et sut être partout....Au zénith au nadir aux 4 points cardinaux... Car si je suis partout à cette heure il n'y a cependant que moi qui suis en moi"(1918).

    Et la peine que l'on a toujours quand on perds un poète.

    En attendant tes héroïnes voguent toujours vers leur destinée...

    Merci.

    Béa.

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  16. Une traversée atlantique pas aussi paisible qu'on aurait pu l'espérer. Le danger est toujours présent. Le sous-marin a-t-il salué le navire d'une nation bientôt victorieuse ou sa future victime ?

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  17. Les scènes de liesse me font immanquablement penser aux confettis tombant du ciel et jonchant les rues de New-york.

    "Le joie vient toujours après la peine" certes, mais avec un soupçon de culpabilité pour tes deux héroïnes.

    Merci.

    Béa.

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  18. Très poignante cette suite avec l'annonce de la fin de la guerre, la liésse générale sur le bateau et l'émotion des deux jeunes femmes...
    Une vie plus sereine s'ouvre pour nos héroines au moment où elles vont débarquer à New York.
    Merci Gustave

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  19. Oui, très touchant ce passage où les passagers apprennent la fin de la guerre, et l'endroit est symbolique...mais la joie est teintée de souvenirs douloureux pour Vienne et Eva.

    Mais les voilà arrivées au nouveau monde...

    Merci Gustave

    Marie Pierre

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  20. Les périls de la grande guerre ne menaceront plus nos héroïnes, mais on peut parier que leurs futures aventures ne se dérouleront pas sans quelques embûches. En tout cas, Gustave nous a permis d'aborder cette période troublée sous un angle insolite.

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  21. Merci, Gustave, de faire séjourner nos héroïnes quelques jours à NEW YORK avant de les diriger vers la ville natale de Vienne et aussi de si bien décrire l'atmosphère de liesse qui entoure leur arrivée.

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  22. Voilà un passionnant aperçu architectural de NEW YORK. J'espère que la suite de leur visite sous la houlette d'un guide aussi attentionné nous fera découvrir d'autres immeubles. Merci pour les photographies d'époque qui nous permettent de nous représenter les bâtiments dans leur environnement d'origine.

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  23. "Il avait des cheveux blonds mon guide...." Par un heureux hasard Eva préfère les cheveux bruns!!!!

    Alléluia!!!!Vienne est ainsi rassurée, Eva s'émancipe... Nom d'un petit bonhomme, ton récit porte bien son nom: Nouveaux Mondes"

    Tes choix d'illustrations sont comme d'habitude fort à propos.

    Merci.

    Béa.

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  24. Toujours aussi captivant, j'apprécie que tu nous fasses découvrir les Etats Unis à cette époque avec ces deux personnages magnifiques. Merci Gustave. Bonnes vacances et à bientôt.
    Rose

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  25. Merci Rose. Je suis toujours aussi heureuse de constater que mes récits te plaisent. Tu sais que c'est pour moi un encouragement et une raison de continuer à les écrire. Même si ce n'est pas la seule.

    Euh, je ne suis pas partie en vacances... (rires) Hélas...

    En fait, je fais une pause pour faire un peu de recherches Parce que les indiens Cheyenne à vrai dire, je ne connais pas. Ni les autres tribus d'ailleurs (rires) Et comme je ne veux pas écrire trop de bêtises...

    Merci encore et à bientôt. Gustave.

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