Voici la suite des aventures de Vienne et Eva. Elles ne prétendent pas à la vérité historique. Aussi, ai-je un peu triché avec les faits pour les besoins de mon histoire.
Il est absolument nécessaire d’avoir lu Parade, Esquisses, l'Amour et rien d'autre et Nouveaux Mondes pour comprendre :
North by Northwest
Novembre 1918, quelque part entre Chicago et Helena...
Vienne dort, bercée par le lent balancement et le cliquetis du train.
Je regarde son beau visage aux traits si fins, ses longs cils, ses courts cheveux que j’ai ébouriffés cette nuit...
Elle s’est blottie contre moi. Il est vrai que les couchettes de notre compartiment Pullman sont étroites et que, fidèle à sa délicieuse habitude, elle a délaissé la sienne pour venir me rejoindre.
Mais moi, je n’arrive pas à dormir. Malgré les douces fatigues de notre nuit.
J’ai légèrement écarté le rideau qui masque la fenêtre pour voir les paysages que nous traversons en direction d’Helena, la capitale du Montana.
Et pour pouvoir écrire à la lumière du jour naissant.
Vienne m’a encouragée à le faire. “Tu dois écrire, et moi je prendrai des photographies” m’a-t-elle dit en brandissant son minuscule vest-pocket Kodak, enfermé dans un étui en cuir.
Alors, obéissant bien volontiers à sa suggestion, j’ai pris mon gros carnet Moleskine à la couverture noire et mon fidèle stylo-plume Waterman.
Je me suis adossée à mon oreiller, le plus doucement possible pour ne pas la réveiller, et j’ai commencé la rédaction de nos aventures en Amérique...
*
Nous sommes arrivées à New York le 11 novembre 1918 alors que les États-Unis, alors que le monde entier venaient d’apprendre que la Guerre était finie. Que l’Allemagne avait rendu les armes et que l’Armistice était signé. Enfin...
Cette guerre qui avait duré quatre longues années et fait des millions de morts et de blessés, qui avait plongé l’Europe dans le chaos d’un conflit fratricide dont elle ne devait jamais se remettre, était terminée.
Du moins le pensions-nous... Car un tel conflit, qui avait laissé des traces sur les corps, les consciences, les coeurs et les âmes, pourrait-il jamais finir ?
Mais Vienne et moi étions alors tellement éloignées de ces noires pensées. Nous étions toutes à notre bonheur d’être vivantes. Et vivantes l’une pour l’autre.
La vie se présentait devant nous comme une page vierge que nous devions remplir. Nous devions composer notre avenir comme une symphonie. Une symphonie à quatre mains.
Et l’infinité des possibles nous donnait le vertige
*
New York fit à notre paquebot, le Rochambeau, un accueil grandiose car nous étions les premiers voyageurs venus de France à atteindre le Nouveau Monde après l’annonce de la Paix.
Comme cent-cinquante ans auparavant, les États-Unis et la France étaient liés par la victoire contre un ennemi commun.
Chaque Américain était notre frère, chaque New Yorkais était notre hôte.
Les rues de la ville étaient pavoisées. Sur chaque immeuble des drapeaux aux couleurs des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne avaient été accrochés. La ville était bleue, blanche et rouge...
A chaque coin de rue, des hommes des femmes dansaient aux sons d’orchestres improvisés.
La ville était ivre de joie et se saoulait de drôles de musiques syncopées que je n’avais jamais entendues auparavant.
Cette joie était si communicative que nous n’y résistâmes pas.
*
Nous pensions trouver une ville en plein chaos, totalement désorganisée par la grippe espagnole.
En fait l’épidémie était en train de s’éteindre. Septembre avait été le mois de la propagation. Octobre celui des morts. Novembre celui de la guérison lente et douloureuse.
Si la grippe tuait encore, elle ne causait pas plus de troubles que ne l’aurait fait une grippe hivernale.
*
Nous avions à peine posé le pied sur le sol américain que nous rencontrâmes un jeune homme, reporter au New York Times, Will Kane.
Will - j’adopte ce curieux usage américain qui consiste à appeler les gens que l’on connaît à peine par leur prénom - Will nous servit de guide et de mentor dans cette ville que je découvrai avec fascination et que Vienne connaissait si peu.
Mais surtout, il nous ouvrit les portes du New York intellectuel et artistique.
Partout où nous fûmes invitées, nous étions fêtées comme des héroïnes. D’autant que Will nous présentait partout comme “les héroïques aviatrice et infirmière” de ce conflit sanglant.
A l’entendre, on aurait pu croire que nous avions gagné la guerre à nous deux !!!
Mais nous le laissions dire et faire. Car cette admiration qui nous entourait était grisante et si éloignée de ce que nous avions connu en France où le courage face à l’ennemi était la moindre des choses.
Le plus attentif à ses propos, le plus fasciné était notre guide, Will Kane.
*
Le soir même de notre arrivée, un bal de la Victoire fut organisé sur le toit de l’hôtel Astor où nous étions descendues.
Cet hôtel, de style français, était gigantesque.
Son toit était si large qu’on y avait construit des répliques des monuments parisiens : une promenade digne des Champs Elysées, une fontaine ressemblant à celles de la Place de la Concorde, un Arc de Triomphe identique à celui du Carrousel, des bâtiments semblables aux Petit et Grand Palais, dont l’un servait de salle de réception, des jardins à la française, avec haies taillées et parterres de fleurs...
On dominait la ville. On pouvait voir le fleuve Hudson serpenter le long des quais et découvrir les autres quartiers au-delà.
J’étais subjuguée par la démesure de l’Amérique.
Rien n’était étriqué... Tout y était immense, multiple, comme ce pays qui paraissait n’avoir d’autres limites que celles de mon imagination...
*
L’orchestre jouait sans interruption, alternant valses, charleston ou black bottom...
Les hommes étaient tous en habit noir et les femmes en robes du soir.
Nous avions l’impression de revivre le bal de Foujita. À cette différence près que Vienne et moi n’avions pas de tenues de soirée, absentes de notre modeste bagage.
Nous avions fait au mieux.
J’avais jeté sur mes épaules une étole en fin cachemire que j’avais emportée en prévision des froides nuits du Montana.
Vienne portait une veste sur un chemisier et une jupe.
C’était la première fois que je la voyais dans ce vêtement féminin. Mais elle avait dû sacrifier aux exigences de la bonne société new-yorkaise qui regardait les femmes en pantalon d’un oeil sourcilleux.
Elle était belle, et malgré la simplicité de sa mise, infiniment plus élégante et raffinée que les femmes couvertes de perles et à la “dernière mode” qui l’entouraient.
Les hommes ne s’y trompaient pas. Aviatrice émérite, soldat courageux, elle était le centre de leurs conversations et de leurs... attentions.
Elle était là, une coupe de Champagne à la main, répondant avec humour aux compliments qui fusaient.
Elle les fascinait, je le voyais bien, par sa beauté mais aussi parce qu’elle prenait dans sa vie des risques que la plupart d’entre eux n’aurait pas pris.
Elle s’amusait de l’attention qu’elle provoquait, répondant avec patience et gentillesse aux questions cent fois répétées.
Parfois, elle échangeait un regard avec moi. Elle semblait me dire “J’ai un rôle à jouer. Celui de la femme moderne et intrépide. Alors je le joue.” Et elle me faisait un clin d’oeil complice.
*
Il ne la quittait pas des yeux, buvant littéralement les propos amusés qui tombaient de ses lèvres.
Il était devenu son ombre, se précipitant pour allumer sa cigarette ou pour remplir son verre.
Vienne intriguait le journaliste curieux. Elle était si éloignée de toutes les jeunes femmes de bonne famille qu’il avait fréquentées jusqu’à présent. Sa vie était déjà si pleine d’aventures. Elle vivait en Europe. Et elle était belle...
Tout d’abord, l’admiration béate de Will m’avait amusée. J’étais fière de l’attraction que Vienne suscitait. Je n’en étais que plus heureuse qu’elle m’ait choisie pour amie...
Il l’avait invitée à danser. Et bien que ces danses modernes n’entrainaient pas ou peu de contacts physiques, je dois bien reconnaître que j’avais ressenti une certaine irritation en voyant que Vienne avait accepté son invitation.
Je dansais moi-même avec un jeune homme dont la famille avait fait fortune en forant des puits de pétrole quelque part au Texas.
Je l’écoutais, d’une oreille distraite, faire le compte de ses millions tout en me dévissant littéralement le cou pour suivre Vienne et son danseur.
Ils semblaient beaucoup s’amuser. Et leur joie était comme une épine dans mon coeur.
J’étais excédée. Je me sentais prise au piège entre mon danseur maladroit et vaniteux et ce charleston qui n’en finissait pas !!!
Enfin, l’orchestre plaqua un dernier accord et la danse s’arrêta.
Je remerciai mon partenaire et le quittai en lui promettant le prochain fox-trot. J’avais hâte de retrouver Vienne.
Mais quand je tournai à nouveau mes regards vers l’endroit où je l’avais vue danser avec Will, ils avaient disparu.
*
Je restai pétrifiée pendant quelques secondes. Vienne avait disparu avec cet homme à qui il était trop évident qu’elle plaisait !!!
Mes idées allaient à toute allure. Se contredisant l’une l’autre.
Je me disais que je ne devais pas m’inquiéter... Vienne n’avait jamais éprouvé le moindre intérêt pour les hommes... Parce qu’elle n’avait jamais rencontré l’homme susceptible de l’intéresser... L’homme capable de surpasser les qualités de Mike Brooks, le frère costaud et protecteur... Peut-être Will était-il cet homme-là ?... Mais valait-il mieux que les as des aviations française et américaine qu’elle avait côtoyés pendant tant de mois ?... Oui... bien sûr que oui... Parce qu’il n’y avait aucune morgue chez lui mais une admiration sincère...
Je devais lui faire confiance. Vienne ne pouvait pas me trahir... Mais pourrait-elle agir autrement si elle était séduite ?
Où était-elle en cet instant où je me rendais compte que ma vie tournait autour d’elle ? Qu’elle en était le centre de gravité. Le nord et le sud, l’ouest et l’est.
*
Je ne pus m’empêcher de partir à sa recherche. Je m’en voulais de ma faiblesse, mais je ne trouvais aucune force raisonnable à lui opposer...
Je traversai la foule des danseurs afin de la retrouver. Avec difficultés car les hommes et les femmes m’arrêtaient dans mon élan pour me saluer, me congratuler, moi, l’Anglaise à demi française, la Française née en Angleterre. La “patriote qui avait vécu des choses si terribles dans une Europe à feu et à sang”.
A tous je souriais, je disais merci. Je faisais bon visage. Mais une brume voilait mon coeur.
Ayant réussi à m’extirper de la foule des danseurs, je m’approchai de l’Arc de Triomphe et je vis que Vienne et Will étaient assis sur un banc, à l’écart.
Ils étaient plongés dans une conversation animée et joyeuse. Ils ne voyaient plus ce qui les entourait. Ils ne me virent pas. Je pus les observer tout à mon aise.
Vienne semblait boire ses paroles. Et je la voyais rire. Will semblait heureux de son succès. Et certain de son triomphe.
Je n’arrivais pas à croire ce que je voyais... Jamais je n’aurais pu imaginer que Vienne se plairait en la compagnie de cet homme. D’un homme tout simplement... Et pourtant, cette nuit...
Je ne savais pas comment réagir. Il aurait été parfaitement ridicule d’intervenir et de faire une remarque. Will n’aurait rien compris et Vienne ne l’aurait pas admis.
Et puis ce n’était pas dans ma nature, ni dans mon éducation, de faire des scènes.
Alors, je me dis que j’en avais assez vu et je décidai de les laisser seuls.
Mon esprit était plein de pensées funestes mais j’aurais bien le temps de les examiner plus tard.
Je revins vers les danseurs et j’aperçu mon millionnaire texan. Je ne lui laissai pas le temps de la réflexion et je l’entrainai dans le fox-trot que je lui avais promis.
*
Je tentai de m’amuser moi aussi. Je souriais aux remarques galantes.
J’essayai d’oublier Vienne.
A un moment, je la vis du coin de l’oeil, mais par coquetterie j’ignorai sa présence.
Elle me regarda danser pendant quelques minutes, puis elle tourna le dos au couple que je formais avec mon cavalier et je la vis s’éloigner.
Je me consolai de son indifférence en constatant à quel point je plaisais. J’étais bien bête de me soucier d’elle !!
Mais je n’arrivais pas à l’oublier. Je n’en avais aucune envie. Et aucun des hommes qui me courtisaient ne pouvait la chasser de mon esprit.
Enfin, après quelques danses encore, je sentis la fatigue me gagner et je décidai de quitter le bal.
Je me retrouvai dans un ascenseur au milieu des fêtards qui riaient. Bientôt, je fus à mon étage et je marchai lentement vers notre chambre.
Quelle attitude adopter si Vienne était là ? Que faire si elle était absente ?
J’entendais les battements de mon coeur alors que j’ouvrais la porte.
*
Le petit salon qui précédait la chambre était plongé dans une sorte de clair-obscur. On avait tamisé les lumières.
Vienne était assise dans un canapé et elle m’attendait. Sur la table basse devant elle, deux verres et une bouteille de Champagne qui attendait dans son seau qu’on la sacrifie.
Quand j’entrai dans la pièce, elle me fit un de ses sourires qui me faisaient fondre. Mais je tentai de rester impassible, indifférente.
Si elle le remarqua, elle n’en laissa rien paraître. Elle m’interrogea sur un mode enjoué - Tu t’es bien amusée ma chérie ?... Je t’attendais avec impatience... Je voulais que l’on fête la victoire ensemble... En tout petit comité. Rien que toi, moi et... une bouteille de Champagne...
Sa voix était si douce. Ses paroles si caressantes... Je sentais bien que mes barrières étaient en train de céder. Et il avait suffit de quelques mots. Je pensai que je ne devais pas me rendre trop rapidement. Mais je devais éviter de montrer colère ou dépit. Alors, je tentai de lui répondre sur le même ton. Mais je ne pus réfréner une pointe de jalousie.
- Et toi ? Tu t’es bien amusée avec Will... Ce n’est pas une question. C’est une affirmation. Je vous ai vus assis sur ce banc. Vous aviez l’air d’être les meilleurs amis du monde. Et même plus que cela... Il avait un de ces regards...
Vienne ne répondit pas immédiatement.
Elle se leva et s’avança vers moi. Quand nous fûmes l’une en face de l’autre, elle me regarda droit dans les yeux.
- Tu as raison ma chérie. Will et moi sommes devenus les meilleurs amis du monde... Il a de grands projets pour lui et pour moi...
J’étais abasourdie. Vienne confirmait mes craintes avec un culot insupportable. Je lui répondis sur un ton sarcastique - Des projets ?? Ah bon ?? je devine aisément lesquels...
- Vraiment ? Tu ferais une merveilleuse voyante extra-lucide ma chérie, me répondit-elle en riant.
- Tu te moques de moi...
- Oui je l’avoue. De toi et de ta jalousie...
Je répondis sans réfléchir - Ma jalousie ??!! Mais pas du tout !! Pas du tout !! Je ne suis absolument pas jalouse !!!
- Oh que si !! Et je l’espère bien !! Comme je le suis moi-même. Je ne crois pas qu’il y ait de véritable amour sans jalousie. Et... sans confiance... Je suis jalouse ma chérie. Je n’ai pas peur de l’avouer... Mais je te fais confiance... L’amour ne doit pas être une prison... Le mien ne le sera pas...
Je comprenais la leçon mais je ne m’avouais pas battue - Tu parlais de projets avec Will ?...
Elle me sourit, enlaça ma taille de ses bras et me serra contre elle. Nos bouches se touchaient presque.
Je me retins de l’embrasser. J’en mourais d’envie. Mais je voulais savoir ce qui s’était passé entre elle et Will. Alors, au prix d’un effort intense, je résistai encore à son charme.
Vienne murmura - De très grands projets en effet. Il m’a parlé d’association...
Je m’étranglai. Comment pouvait-elle me parler d’union avec Will tout en me serrant dans ses bras ? - D’association ??? Comment ça d’association ???
Elle continua en riant - Ce n’est pas ce que tu imagines... C’est uniquement professionnel. Même si Will ne serait pas hostile à une association plus... physique. Son journal, le New York Times, l’a envoyé au Mexique couvrir la guerre civile. Il a suivi la Division du Nord. Ou ce qu’il en reste. Il a rencontré Pancho Villa, Emiliano Zapata... Il m’a parlé d’eux et des aventures qu’il a vécues à leurs côtés. Tragiques et parfois très drôles...
- Je ne vois pas le rapport avec toi...
- Je suis aviatrice, ma chérie. Et je prenais des photographies des lignes allemandes depuis mon avion. Maintenant que la guerre en Europe est finie, il pense que je devrais mettre mon expérience au service de son journal... Alors, il m’a proposé de rester en Amérique et de travailler avec lui. Au New York Times... D’être son pilote et son photographe...
- Que lui as-tu répondu ?
- A ton avis ?
- Que c’était une excellente idée, je présume... fut ma réponse un peu dépitée.
- Exactement ma chérie... Et que c’était justement ce que j’avais prévu de faire... Mais... avec toi...
- Avec moi ?? Comment ça avec moi ??
- Je croyais que tu voulais devenir journaliste et écrivain ? Le monde est plein de sujets de reportages et de livres...
- Oui mais, tu m’avais dit que tu voulais créer ta propre compagnie d’aviation ?...
- Avec un seul avion ? C’est un peu juste.
- Henri d’Uberville a proposé de t’aider en t’apportant son soutien financier... Une compagnie d’aviation est un investissement intéressant pour sa banque...
- Je sais. Je n’ai pas oublié son offre... Je n’ai pas renoncé à ce projet... Et dans quelques mois peut-être, je ferai appel à lui... Mais pour le moment, c’est de ton avenir qu’il s’agit...
- Mon avenir ?
- Tu m’as toujours dit que tu étais devenue infirmière par devoir. En souvenir de Paul. Et non par goût... Que tu avais une formation d’institutrice, mais que ton plus cher désir était d’écrire. Et de voir le monde... Journaliste, écrivain. Alors, je veux t’aider à réaliser ton rêve...
- Mais et toi ? Tu renonces à l’aviation ?
- Je ne renonce à rien du tout. Et puis j’ai pris goût à la photo... Regarde. J’ai toujours mon vest-pocket Kodak sur moi. Je l’ai utilisé ce soir pendant le bal...
Je regardai le petit appareil qu’elle avait sorti de la poche de sa veste. Elle m’interrogea - Alors c’est d’accord ma chérie ?? Tu écris. Moi, je prends des photos et je pilote l’avion qui va nous permettre de nous rendre d’un coup d’aile sur les lieux où l’histoire s’invente ?...
Que pouvais-je lui répondre sinon oui ? Puisque c’était exactement ce dont je rêvais ... Alors bien sûr je répondis : - Oui... Ô oui Vienne... C’est tout ce que je désire...
Nos lèvres enfin se touchèrent. Nous scellâmes notre accord d’un baiser...
Vienne balbutia - Alors c’est parfait... Tu es rassurée, j’espère...
- Rassurée ?
- Parce que je n’ai pas succombé au beau Will Kane...
- Je n’étais pas inquiète... Enfin,... pas vraiment...
- Pas vraiment ? Tu pensais qu’il pourrait me séduire ?
- C’est à dire... j’ai pensé... Il n’est pas que beau... il était si fasciné... L’attirance naît parfois du désir que l’on voit dans les yeux de l’autre...
- Ma chérie... Tu sais bien que je ne suis attirée que par toi et que je ne désire que toi...
Vienne avait gagné. Je cessai de lui résister...
*
A mon réveil, Vienne n’était plus là. Sa place dans le lit bouleversé, au milieu des draps froissés, était vide.
Comment avait-elle pu quitter mes bras sans que je m’en aperçoive ?
Elle disait souvent que j’avais le sommeil si lourd que l’explosion de toute la dynamite inventée par le Professeur Alfred Nobel ne suffirait pas à me réveiller !!
Pourtant mon sommeil n’a pas toujours été si paisible. Il ne l’est que depuis que je partage mes nuits avec elle. Par sa seule présence, elle a chassé les fantômes qui les hantaient...
*
Vienne était assise devant un bureau sur lequel elle avait étalé une carte.
Je m’approchai doucement et posai mes bras autour de son cou. - Bonjour chérie... Tu es déjà debout ? Et en plein travail ? Que fais-tu ?
Elle tourna la tête vers moi et m’embrassa.
- Bonjour ma chérie. Je prépare notre voyage en étudiant cette carte des chemins de fer américains que la réception de l’hôtel m’a donnée...
- Tu étudies notre itinéraire ? C’est si compliqué ?
- Non c’est très simple au contraire. Mais comme les distances sont très longues, il vaut mieux ne pas se tromper si on ne veut pas faire des centaines de kilomètres pour rien...
- Je comprends. Quel itinéraire allons-nous suivre ?
- Nous allons prendre le Pennsylvania Railroad, qui passe par les villes de Philadelphie, Pittsburg et Columbus, pour rejoindre Chicago. Là nous prendrons un transcontinental, le Northern Pacific. Nous traverserons Saint-Paul-Minneapolis, Fargo, Bismarck, Billings et enfin nous arriverons à Helena, la capitale du Montana.
- Combien d’États allons-nous traverser ?...
- Une dizaine, je crois. Voyons... New York, New Jersey, Pennsylvanie, Ohio, Indiana, Illinois, Wisconsin, Minnesota, Dakota du Nord, Montana... me répondit Vienne en comptant sur ses doigts comme une élève appliquée.
- Dix États !!! Le Nord par le Nord-Ouest !!! Quel fabuleux voyage !!
- Oui... North by Northwest... Notre voyage va durer plusieurs jours et plusieurs nuits. Alors, je vais essayer d’obtenir des places dans un wagon-lit Pullman. Parce que la suite du voyage dans le Montana risque d’être très inconfortable...
- Pourquoi inconfortable ?
- Le Montana est l’un des États les moins peuplés. Je ne suis pas certaine que nous trouverons beaucoup d’hôtels où dormir sauf dans la capitale, Helena. Et nous aurons plusieurs jours de voyage à travers prairies et montagnes avant d’atteindre la réserve où vit la famille de John...
- Comment allons-nous faire pour nous y rendre ?...
- A cheval... Quand nous serons à Helena nous louerons ou nous achèterons des chevaux.
J’étais enthousiaste. Pour moi, ce voyage était comme de longues vacances. Je m’écriai, joyeuse - J’ai hâte d’y être... Cela fait tellement longtemps que je n’ai pas eu le plaisir de faire de l’équitation...
Vienne me répondit en se moquant gentiment de moi - De l’équitation ?? De l’équitation ?? Attention Eva... Les bêtes que nous allons acheter sont très différentes de celles dont tu as l’habitude, ma chérie... Elles n’ont rien à voir avec les fragiles pur-sangs des écuries de la famille d’Uberville... Ce sont des animaux robustes... Pas toujours bien dégrossis et un peu tête de lard...
- N’essaie pas de gâcher mon plaisir !!... Je sens que je vais beaucoup m’amuser. Et puis je te rappelle que j’arrive à dompter tous les caractères... Même les plus difficiles...
- Même les plus difficiles ??!! C’est à moi que tu penses ???
C’était à mon tour de me moquer d’elle - Mais, ma chérie... Je pense tout le temps à toi...
Elle resta muette quelques secondes. Puis elle m’interrogea d’une voix blanche. - Alors comme ça, tu trouves que j’ai mauvais caractère... Que je suis quelqu’un d’insupportable... D’invivable...
Son ton me surprit. Il était si sérieux. Je regrettai de l’avoir taquinée. Sans le savoir, j’avais touché une corde sensible. “Mauvais caractère. Insupportable. Invivable” Elle avait déjà dû entendre ces mots. Prononcés par d’autres. Peut-être par Lunia... Cette mystérieuse poétesse qui avait rejoint son pays, la Russie, pour combattre avec ses camarades bolcheviks...
Vienne semblait réellement inquiète. Un pli soucieux ridait son front. Ses yeux m’interrogeaient.
Je devais la rassurer.
Alors je vins m’assoir sur ses genoux.
J’entourai son cou de mes bras. Je déposai mes lèvres sur les siennes en un baiser d’une infinie douceur.
Elle se laissa faire. Je sentais ses mains caresser mon dos.
Puis je quittai sa bouche et, ma joue contre sa joue, je murmurai - Je n’ai pas dit ça ma chérie. Et je ne l’ai jamais pensé. Tu es une femme de caractère. C’est vrai. Et c’est bien. Mais tu es parfaitement supportable. Je ne me suis jamais sentie aussi bien avec quelqu’un... En si parfaite harmonie... Tu es tout pour moi. Mon amie et mon amante. La femme que j’aime. Mais aussi celle à qui je peux me confier. À qui je peux tout dire. Sans crainte d’être jugée. Je sais que je pourrais te suivre au bout du monde. T’y rejoindre si tu y étais partie sans moi...
Je vis qu’elle avait les larmes au bord des paupières. Elle répondit - Merci ma chérie. J’ai eu si peur tout à coup. Peur de ne pas être celle avec laquelle tu as envie de vivre. De n’être qu’un moment de ta vie. Parce que moi, je sais que c’est toi ma vie. Que pour toi, je pourrais soulever des montagnes et affronter des armées...
Je ne la laissai pas finir sa phrase que j’étouffai sous un baiser.
Puis nos corps s’épousèrent.
*
Vers l'ouest. Toujours plus à l'ouest.
Là où les quelques rares survivants des nations indiennes avaient trouvé refuge. Là où vivaient les parents de John.
J'éprouvais l'excitation des grands départs, des grandes aventures. Bien sûr, la guerre avait été une odyssée, mais une odyssée imposée par l'ambition des monarques européens.
Ici rien de tel.
Vienne et moi avions choisi de venir au bout de ce monde et de risquer nos vies pour une quête qui pouvait sembler dérisoire. Pour le respect d'une promesse faite à un mort. Pour le respect de la parole donnée.
Il y avait quelque chose de grisant à tenter l'aventure ensemble. Il me semblait que le lien qui m'unissait à Vienne en sortirait renforcé. Ou anéanti.
Dans les salons new-yorkais, j'avais entendu les remarques proférées à l'encontre des indiens d'Amérique. Les idées progressistes des intellectuels de la grande ville n'effaçaient pas toujours les préjugés.
L'un d'eux, l'alcool aidant, s'était laissé aller. Alors qu'il nous avait interrogées, Vienne et moi, sur les raisons de notre venue aux États-Unis, il s'était exclamé en riant. "Quelle étrange idée que la vôtre !! À quoi sert de respecter une pareille promesse ? Ne savez-vous pas qu'un bon Indien est un Indien mort ?".
Vienne n'avait rien dit. Et son silence m'avait surprise alors que moi-même je bouillais.
Mon éducation m'interdisait de dire son fait à cet homme, mais Vienne n'avait pas l'habitude de cacher le fond de sa pensée.
Pourtant, elle s'était contentée de sourire en entendant la remarque de cet homme.
Alors devant une réaction si timorée, j'avais eu peur. Que son silence soit une approbation. Après tout, je savais peu de choses de la femme que j'aimais depuis trois mois.
Je devais découvrir encore tant de choses d'elle. Et je savais que ce voyage en serait l'occasion.
*
Ses bâtisseurs avaient fait dans la démesure. Quand nous descendîmes du taxi, nous nous trouvâmes devant un temple romain gigantesque, aux hautes colonnes qui se jetaient à l'assaut du ciel.
Nous entrâmes dans la salle des pas perdus qui était plus vaste que la Basilique Saint-Pierre de Rome.
Nous rejoignîmes les voyageurs qui se pressaient vers les quais.
Les lignes de chemin de fer se trouvaient en contre-bas de longs escaliers métalliques. Au-dessus de nos têtes, à plus de vingt mètres de hauteur, une voute de verre et de fer forgé formait comme un ciel.
Les convois attendaient le long des quais comme de longs serpents métalliques, leurs locomotives crachant leur fumée.
Nous nous dirigeâmes vers notre wagon Pullman. Alors que nous nous apprêtions à monter dans le train, nous entendîmes une voix crier un nom : "Vienne !!"
Nous tournâmes la tête et nous vîmes Will Kane courir le chapeau à la main. Il faisait de grands gestes pour attirer notre attention.
Quand il arriva devant nous, il s'arrêta essoufflé, un grand sourire aux lèvres. - Vienne !! Eva !! Enfin je vous retrouve !! J'avais peur d'arriver trop tard et de rater votre départ. Je voulais tellement vous dire au revoir… Je regrette de ne pas pouvoir vous accompagner. Mais mon journal a décidé de m'envoyer à Paris. J'embarque dans deux jours.
- Will ! c'est si bon de vous voir avant de partir fut la réponse de Vienne. C'est amusant de penser que vous allez en Europe alors que nous partons vers le Montana…
- Oui, nous n'aurons fait que nous croiser… Je vous apporte l'adresse d'un ami qui est journaliste là-bas. Je pense qu'il pourra vous aider. J'aurais tellement aimé faire plus pour vous. Tellement plus…
Vienne prit le papier qu'il lui tendait - Ne vous excusez pas Will. Nous comprenons vos raisons… Ecrivez de grands et beaux articles sur l'état de l'Europe. Elle aura bien besoin de l'aide de l'Amérique pendant les années qui viennent…
- Je vous le promets Vienne. Je ne cacherai rien des souffrances de votre patrie d'adoption.
Puis il se tourna vers moi - Excusez-moi Eva, mais je souhaiterais dire quelques mots à votre amie.
Sans attendre ma réponse, il lui prit la main et l'entraina à l'écart. Je le vit lui parler. Bien que je ne puisse entendre les mots qu'il lui disait, son visage était éclairé d'une telle lumière que je pouvais en deviner le sens.
J'avais déjà vu cette lumière sur le visage d'un homme. Sur celui de Paul quand il était parti à la guerre et qu'il m'avait dit qu'il m'aimait. Que mon image accompagnerait ses jours et ses nuits.
Je voyais bien à la réaction de Vienne que je ne me trompais pas. Elle le regardait avec douceur. Elle n'eut aucune réaction quand il porta sa main à ses lèvres. Elle le laissa faire quand il déposa un baiser sur sa joue.
*
Je me sentais maussade. Ce voyage avait perdu de son attrait.
Les adieux de Vienne et de Will restaient comme imprimés dans ma mémoire. Quoi que que je fasse, cette image revenait sans cesse.
Vienne ne manqua de remarquer l'état de mélancolie dans lequel j'étais plongée depuis que notre train avait quitté Penn Station.
- Eva, ma chérie… Tu as l'air soucieux… Quelque chose ne va pas ? Tu n'as plus envie de faire ce voyage ?
Je répondis sans réfléchir et avec une certaine animosité - Si j'en ai toujours envie… Mais c'est toi… J'ai l'impression que tu préfèrerais une autre compagnie que la mienne…
- Mais non voyons !! D'où te vient cette idée stupide ??
- Elle n'a rien de stupide !! Elle me vient de ton attitude avec Monsieur Will Kane !!
- "Monsieur" Will Kane ? Te voici bien cérémonieuse tout à coup. Et de quelle attitude parles-tu ??
- Tu le sais très bien !! Tu l'as laissé te prendre la main. T'embrasser.
- Voyons chérie, c'était un baiser très chaste...
- Il est si évident qu'il est amoureux de toi. Et tu ne fais rien pour le décourager…
- Que voulais-tu que je fasse sur le quai d'une gare ? Il part pour l'Europe. Là-bas, il aura mille occasions de m'oublier… Nous ne le reverrons sans doute jamais. Bientôt, je ne serai plus pour lui qu'un aimable souvenir…
Je devais bien reconnaître qu'elle avait raison. Il lui était impossible de repousser Will et de l'humilier au milieu de la foule des voyageurs.
Et pour un jeune Américain, Paris avait l'attrait du fruit défendu, où les tentations ne manqueraient pas.
Toutefois, je ne m'avouai pas vaincue. Et je décidai de l'attaquer à propos de la scène pénible que nous avions vécue à New York. - Il n'y a pas que ça !! Pourquoi n'as-tu rien dit quand cet homme a tenu ces propos abjects sur les Indiens. Non seulement tu n'as rien dit, mais tu as eu l'air de l'approuver.
Elle me répondit sur un ton horrifié - De l'approuver ? Chérie, tu ne penses pas sérieusement ce que tu dis ?? Tu crois réellement que je ressens cette haine et ce mépris pour les Indiens ? Tu me connais donc si mal ? Comment peux-tu penser que moi…
Elle ne put finir sa phrase tant elle était émue. Et un sentiment de honte m'envahit - Non, je ne le pense pas… Mais comme tu n'as rien dit… j'ai cru…
- Je n'avais aucune envie de me lancer dans une querelle avec un homme ivre. Et puis ça n'aurait servi à rien…
- Pourquoi à rien ?
- Parce que les guerres contre les Indiens sont trop récentes. Ce sont nos pères, nos grands pères qui les ont menées. Tu ne peux pas obtenir des fils, des petits fils qu'ils les jugent, qu'ils les condamnent. Le dernier massacre des Indiens par l'armée américaine a eu lieu en 1890, l'année de ma naissance. Le massacre de Wounded Knee.
Sa voix tremblait d'une émotion sincère. Alors ma colère retomba et doucement je murmurai - Raconte-moi.
Vienne soupira encore. - Mon frère Mike répondait à mes questions comme je le fais aujourd'hui avec toi. Je nous entends encore : "Chicago ? Quel drôle de nom…" - C'est un nom indien, petite soeur - Indien ? - Oui indien, comme ces hommes, ces femmes à la peau rouge qui vivaient en Amérique bien avant nous… Comme le vieux Bill, qui traine sa misère dans le quartier. Il est toujours ivre. Il passe son temps à mendier pour pouvoir se payer sa bouteille de whisky. Et bien, les ancêtres de Bill furent autrefois les meilleurs cavaliers du monde. Les meilleurs chasseurs… Les meilleurs guerriers… - Que sont-ils devenus ? Pourquoi Bill passe-t-il son temps à boire ? - Je vais te raconter petite soeur…
*
Vienne soupira. Elle sourit tristement. - Raconter l'histoire des Indiens ? Mais je ne sais pas tout… Nous ne savons pas encore tout… Ce que je sais c'est qu'ils vivaient sur ce continent bien avant l'arrivée des premiers Européens. Qu'ils les ont accueillis avec bonté et générosité, leur apprenant à survivre sur une terre qu'ils ne connaissaient pas. Leur donnant des vivres pendant leurs premiers hivers. Ce que je sais c'est que leur gentillesse a été récompensée par la brutalité, la maladie, la violence, la déportation et la mort…
- Pourquoi ? L'Amérique est tellement vaste que tout le monde peut y vivre...
- Notre mode de vie est incompatible avec celui des Indiens. Nous avons cultivé des terres qu'ils laissaient vierges. Nous avons clôturé des prairies alors qu'ils voulaient aller partout libres et sans contraintes. Nous avons bâti des villes là où vivaient les animaux sauvages dont ils se nourrissaient. Nous avons griffé leurs terres avec des lignes de chemin de fer. Nous avons détruit leurs montagnes sacrées parce qu'elles contenaient de l'or. Nous avons décimé les troupeaux de bisons qui assuraient leur subsistance.
- Comment ont-ils réagi ?
- Ils se sont rebellés. Les Indiens généreux se sont transformés. Ils ont compris qu'il avaient été trompés. Que ces nouveaux venus ne se contenteraient jamais des terres qu'ils leur avaient données ou vendues. Que les traités signés avec eux n'étaient que des chiffons de papier. Ils ont voulu résister par les armes à cette invasion. Mais c'était trop tard… Les émigrants arrivaient toujours, les submergeant par leur nombre. Quand on prenait leurs terres, on les déportait dans des réserves parfois distantes de milliers de kilomètres. Des réserves où il n'y avait rien. Là, ils étaient à la merci de gardiens brutaux et corrompus. Alors, ils se sont évadés de leurs réserves. Pourchassés par l'armée américaine.
- Quelle tristesse…
- Ils étaient épuisés, et de moins en moins nombreux. Parce qu'ils mouraient de ces maladies que les Européens avaient apportées avec eux et qu'ils ne connaissaient pas. Parce que les hommes se mirent à boire de l'alcool, l'eau de feu comme ils l'appellent, et que la violence a détruit certaines tribus. Il y a eu des révoltes, des guerres, des batailles, des massacres. Cela a duré des années. Et puis, il y a eu Wounded Knee. Ce fut le dernier massacre. Parce qu'après lui, il n'y eut plus d'esprit de révolte. Les Indiens ont compris qu'ils avaient définitivement perdu le combat.
- Que s'est-il passé ?
- C'était au cours de l'hiver 1890. Dans les réserves Sioux du Dakota. Il y faisait un froid intense. Les indiens vivaient dans un dénuement presque total. Désespérés, ils ont rêvé d'un soulèvement généralisé de leurs dernières tribus. Ils ont créé un mouvement appelé "la danse des Esprits". Des prières censées amener le retour des bisons et la disparition des Américains. Sur place, les agents fédéraux chargés de leur surveillance se sont affolés en les voyant danser dans la neige. Ils ont demandé la protection de l'armée. Au même moment, les Indiens ont appris l'assassinat de leur grand chef Sitting Bull. Alors ils ont pris peur et une partie d'entre eux a fui la réserve. Affamés, en guenilles, ils ont erré dans les plaines enneigées. Ils ont planté leurs tipis, des sortes de tentes, à Wounded Knee Creek. L'armée les a encerclés. Quatre mitrailleuses ont été placées sur une colline dominant le camp indien. L'armée a exigé des Indiens qu'ils rendent leurs armes. Des soldats se sont mis à fouiller les tipis avec brutalité. Et l'irréparable s'est produit. Un Indien a pris sa carabine et a tiré. Aussitôt, les mitrailleuses ont commencé un tir meurtrier, fauchant les Indiens. Des femmes et des enfants ont été massacrés alors qu'ils tentaient de fuir dans un ravin. A bout d'une heure, enfin, les mitrailleuses se sont tues…
- Quelle horreur !!
- 380 Indiens ont été tués dont 250 femmes et enfants. On les a laissés sur place et le froid a gelé les corps. Puis on les a jetés dans une fosse commune… Ce fut le dernier sursaut des Indiens, noyé dans le sang. Après il n'y eut plus de révolte. Simplement un désespoir accablé…
- Un désespoir que tu partages...
- Bien sûr. Ma fierté d'être américaine est ternie par cette histoire. Il y avait plusieurs millions d'Indiens en Amérique du Nord en 1500. Certains historiens parlent de 7 millions. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 375.000…
- À New York, j'ai pu constater que beaucoup d'Américains se moquent du sort des Indiens. Pas toi.
- Non, pas moi. Ils font partie de notre culture. Je le sais. Peut-être parce que je suis née à Chicago.
- Chicago ? Pourquoi ?
- Chicago est un nom indien. Il signifie "oignon sauvage".
*
Elle s'était tue. Son regard était devenu fixe. Elle ne me voyait plus. Elle était plongée dans ses souvenirs.
Et parce que je l'aimais, parce que je n'avais de cesse de la comprendre, je devinais ce qu'elle ressentait.
Elle était redevenue la toute petite fille qui interrogeait son grand frère Mike.
J'imaginais Vienne et Mike, penchés sur une carte des États-Unis, suivre la longue transhumance désespérée des Indiens d'Amérique.
Je voyais les images du passé dans ses yeux tristes. Je l'interrogeai - Comment ton frère savait-il tout ça alors que tes compatriotes semblent vouloir tout oublier ?
- Mike était devenu ami avec un jeune Indien. Il l'avait rencontré par hasard alors que Tsi-na-pah travaillait aux abattoirs de Chicago. Les conditions de travail y sont horribles mais Tsi-na-pah n'avait pas le choix. Il avait dû quitter sa réserve où sa famille crevait de faim pour gagner un peu d'argent pour la nourrir.
- Tsi-na-pah ?!!
- Ça signifie Nez-cassé…
- Comment se sont-ils connus ?
- Un jour, alors qu'il se promenait en ville, Mike a vu ce jeune Indien se faire rouer de coups par trois crétins. Alors il est intervenu pour le défendre. Mike était grand et costaud. Il a démoli les types qui le frappaient. Puis il l'a ramené à la maison. Tsi-na-pah n'est pas retourné travailler aux abattoirs. Mon père l'a embauché.
- Je croyais que ton père était forgeron et fabriquait des charpentes métalliques pour les immeubles de Chicago ?..
- Justement. Tsi-na-pah est un Indien Iroquois de la nation des Mohawks. Ce sont de fabuleux bâtisseurs.
- Pourquoi eux et pas les autres Indiens ?
- Les Mohawks n'ont pas le vertige. Il faut les voir travailler à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du sol, sans harnais, sans aucune attache. N'importe qui d'autre serait paralysé par la peur du vide et de la chute. Pas les Mohawks. Ils pourraient danser sur le toit du monde sans avoir peur de tomber. C'est un don. Avec la construction des buildings, les Mohawks sont devenus des ouvriers très recherchés…
- C'est incroyable !!!
- Et pourtant c'est vrai. Mon père lui a servi un excellent salaire. Tsi-na-pah était si fier. Il a pu envoyer des mandats à sa famille. Il était devenu quelqu'un d'important dans sa tribu. Et il a raconté à Mike ce qu'étaient la vie et l'histoire des Indiens d'Amérique. Il lui a appris à chasser et à se servir d'une arme. A monter à cheval comme le font les Indiens… Et Mike m'a transmis ce savoir… Quand mes parents sont morts et que nous avons vendu l'entreprise de mon père, Tsi-na-pah est parti pour New York où il y a tellement de buildings à construire…
- Je comprends.
- Alors tu comprends aussi pourquoi tes accusations m'ont blessée ? Penser que je partageais les opinons de mes compatriotes les plus racistes…
- Je suis désolée... Je m'excuse... Mais ce n'est pas ce que je croyais… Je pensais à de l'indifférence, c'est tout…
- Si j'étais si indifférente, pourquoi aurais-je traversé la moitié du monde ? Pourquoi aurai-je voulu risquer ma vie pour respecter la parole donnée à un mort ? Tu me connais bien mal…
- Vienne, ma chérie. Tout ce que je souhaite, c'est te connaître mieux. Et nous aurons toute la vie pour ça…
Elle se mit à rire - Toute la vie ? Toute la vie ? C'est curieux !! Tout à coup, j'ai moins de peine !!
Elle quitta son siège pour venir à côté de moi. Elle prit mes mains dans les siennes - Toute la vie ? Quelle perspective agréable… Comment allons-nous occuper toutes ces années ?? J'ai bien quelques petites idées pour les deux ou trois heures qui viennent…
- Moi aussi, j'ai quelques petites idées…
_ Ah oui ?? Ce serait amusant que ce soit les mêmes...
Je décidai de me moquer un peu d'elle - Je ne sais pas… Moi, je pensais retranscrire ton récit dans mon cahier Moleskine… Et l'illustrer avec de jolis dessins…
- Tenir ton journal ? Tu plaisantes ?! C'est vraiment à ça que tu pensais ??!!
- Mais oui !! À quoi d'autre ?? lui répondis-je sur un ton ingénu.
- J'espérais autre chose, je l'avoue…
Je me penchai vers elle et je murmurai, avant de baiser ses lèvres - Tu avais raison d'espérer…
*
Souvent je tournais la tête, pour regarder, par la fenêtre, les paysages qui défilaient sous nos yeux.
J'étais un peu déçue car je savais que nous n'allions faire aucune halte dans ces villes qui me fascinaient - Vienne, tu es certaine que nous ne pouvons pas nous arrêter à Philadelphie ?
- Non ma chérie. Nous devons continuer sans nous arrêter…
- Pas même à Chicago ?
- Non pas même. Nous le pourrions… Mais cela nous retarderait de plusieurs semaines. Et nous sommes en novembre… Le mauvais temps va bientôt arriver. Les nuits du Montana vont être très, très froides… Mais je te le promets, nous visiterons ces villes quand nous reviendrons vers New York…
- Donc nous allons voyager jusqu'à Helena sans faire la moindre halte. Bien. Et une fois arrivées là-bas, qu'allons-nous faire ?
- Je pense que le mieux est de contacter ce journaliste dont Will Kane nous a donné le nom. Nous aurons aussi besoin d'un guide pour nous conduire jusqu'à la réserve, de matériel, d'armes et de chevaux…
- Encore un journaliste !! Si c'est un ami de Will Kane, on peut tout craindre !!
- Chérie, je te rappelle que journaliste est justement le métier que tu as choisi. Alors oui, je crains fort que nous ne soyons amenées à en rencontrer souvent…
*
D'ailleurs la présence des journalistes, des hommes tout simplement, ne m'avait jamais gênée. Parce qu'ils me courtisaient.
Mon irritation venait du fait que je n'étais pas l'objet unique de leurs attentions. Et que je me trouvais confrontée à une concurrence nouvelle. Je réagissais, plutôt mal, par coquetterie. Et aussi par jalousie.
Mais à cet instant, je compris ce que Vienne devait ressentir. En m'aimant, moi, une femme qui avait déjà été mariée. Qui avait vécu quelques semaines avec un homme qu'elle avait aimé et pleuré.
Je me sentais tellement proche d'elle. Par le coeur et les émotions. Alors, plutôt que de me lancer dans une querelle acrimonieuse, je répondis sur le ton de la plaisanterie - Il y a une façon d'échapper à la cohorte journalistique de tes admirateurs...
Elle répliqua en riant - Ah oui ? Et laquelle ?
- Aller là où ils n'oseront pas aller…
- Il y a peu d'endroits où Will Kane n'a pas osé aller… Il a couru de grands dangers au Mexique où un gringo n'est pas toujours bien accueilli. Il m'a raconté l'histoire de ce marchand d'armes anglais, étranglé par sa maîtresse au cours d'une nuit d'amour. Les armées révolutionnaires de Pancho Villa et Emiliano Zapata ont eu des armes, des mitrailleuses Hotchkiss, à très, très bon marché…
- Quelle horreur !! Mais Will est-il allé dans une réserve indienne ?
- Je ne sais pas… Nous n'avons pas parlé des Indiens…
- Il y a quelque chose que je ne comprends pas… Si les Indiens se heurtent chez eux à un tel mépris, à une telle indifférence, pourquoi des hommes jeunes, comme John, sont-ils allés se battre en Europe pour un pays qui les traite si mal… Comme tu l'as dit toi-même, pour une cause qui n'est pas la leur…
- Par espoir…
- Par espoir ?…
- L'espoir que leur sort s'améliorerait s'ils prouvaient leur attachement aux États-Unis en se battant pour eux. Ils veulent faire revivre les nations indiennes au milieu des autres peuples, irlandais, italien, allemand, venus du monde entier. Pour avoir les mêmes droits qu'eux. Et d'abord pour obtenir la citoyenneté américaine…
Je répondis incrédule. - La citoyenneté américaine ?? Tu veux dire que les Indiens ne sont pas considérés comme des citoyens américains à part entière ? Alors qu'ils vivaient en Amérique avant tout le monde ?
- Non en effet. Ils n'ont ni le droit de vote ni celui de se présenter à des élections… Ils n'ont de droits et de pouvoirs, très limités, qu'à l'intérieur de leurs réserves. Pas au-delà… Au-delà, ils ne sont rien… Mais ceux qui acceptaient d'aller se battre en Europe obtenaient automatiquement la citoyenneté américaine. Comme John… Dix mille Indiens se sont engagés dans l'Armée.
- Quel marchandage…
- Mais, à la différence des soldats noirs américains, il n'y a pas eu de ségrégation. Les soldats Indiens se sont battus aux côtés de leurs compatriotes blancs. Sous les ordres d'officiers blancs...
- Je ne comprendrai jamais rien à la mentalité de ton pays… Les Indiens n'ont aucun droit civique mais ils se battent avec les blancs. Alors, que les noirs, qui ont le droit de vote, font l'objet de mesures discriminatoires…
- Contrairement à ce que tu crois, tous les Américains ne sont pas insensibles au sort des Indiens. Il existe des groupes de pression à Washington qui tentent de faire bouger les choses… Et des écrivains qui ont tenté d'alerter le grand public sur le sort des Indiens. Comme Helen Hunt Jackson qui a écrit un ouvrage que j'ai lu, "un siècle de déshonneur". Son livre est une critique acerbe de l'attitude des Américains à l'égard des Indiens…
Je répondis avec exaltation - Alors, Vienne, toi et moi, nous devons ajouter notre pierre à cet édifice !!! Nous n'allons pas aller dans la réserve de John uniquement pour apporter à ses parents sa décoration et sa lettre. Mais aussi pour porter témoignage. Notre aventure sera notre premier reportage !!!
- Très bien chérie !! Avec plaisir !! Tu seras la plume et je serai l'oeil…
Elle me tendit la main pour sceller notre pacte. Je serrai cette main, ferme, douce et chaude.
Je souriais. Car j'étais heureuse. De cette association avec Vienne. De cette union avec elle.
*
Nous quittâmes le Pennsylvania Railroad qui nous avait transportées depuis New York.
Nous disposions de plusieurs heures avant d'embarquer dans le Northern Pacific, le transcontinental qui devait nous emmener jusqu'à Helena.
Je voyais bien que Vienne semblait émue à l'idée de se retrouver dans sa ville natale. La ville qu'elle avait quittée depuis plus de huit ans. Celle de son enfance heureuse, de son adolescence studieuse. Celle où ses parents étaient enterrés.
Alors je l'interrogeai doucement - Tu veux sortir de la gare ?.. Nous pourrions faire quelques pas en ville...
- Non ma chérie… Nous n'avons pas le temps… Mais je te propose d'y faire un court séjour à notre retour… J'aimerais te faire découvrir ma ville. Chicago est très belle. Je suis certaine que tu vas l'aimer…
- J'en suis certaine aussi. Et d'abord parce que c'est la ville qui t'a vue naître…
Elle me rendit mon sourire. Je compris qu'elle était heureuse parce que je voulais découvrir les choses qu'elle aimait.
*
Elle est toujours blottie contre moi alors que je rédige le début de nos aventures en Amérique.
Demain nous arrivons à Helena.
Nous y serons arrivées en quelques jours. Quelques jours consacrés à la lecture et à l'écriture. Et à d'autres occupations moins intellectuelles et plus… charnelles…
Ce voyage me paraît si simple. Si dépourvu de dangers. J'en suis presque déçue.
Finalement, ce n'est pas plus difficile d'aller au coeur du Far-West que d'aller en Suisse...
J’avais à peine mis pied à terre que j’entendis MacNab jurer entre ses dents. Je le vis cracher sa chique dans l’herbe, s’éclaboussant les pieds au passage.
L’un était blanc, le pelage parsemé de taches marron. L’autre était alezan clair avec la croupe et les jambes blanches.
*
Helena, le… novembre 1918
Nous sommes dans la chambre de notre hôtel. Et je profite de quelques minutes d'inaction pour tenir le journal de notre périple.
Vienne a téléphoné au journaliste dont Will Kane nous a donné le nom. Il s'est immédiatement offert pour nous aider.
Nous dînons avec lui ce soir et j'écris ces quelques lignes en attendant le moment de descendre dans la salle de restaurant de notre hôtel où nous lui avons donné rendez-vous.
Helena m'a étonnée.
Je pensais trouver une ville faite de petites maisons en rondins de bois comme celles que j'avais vues dans les feuilletons des journaux new-yorkais. Les Américains raffolent de ces histoires, agrémentées de dessins, qui racontent les aventures des pionniers partis à la conquête de l'Ouest lointain.
Mais la capitale du Montana ne connait pas le dénuement de ces petites villes car elle est riche, extrêmement riche. En 1888, il y avait ici plus de cinquante millionnaires en dollars. Plus de millionnaires par habitant que dans n'importe quelle ville dans le monde !!
Ces hommes, enrichis grâce à l'or du Montana, ont bâti leurs maisons avec des pierres de taille arrachées aux montagnes qui entourent la ville. Il y a ici une magnifique cathédrale digne de celles construites en Europe et un capitole imposant qui pourrait rivaliser avec celui de Washington.
Je ne peux m'empêcher de sourire quand je repense aux craintes de Vienne. Elle qui doutait que nous puissions trouver ici un hôtel digne de ce nom.
Et pourtant nous sommes dans un des plus beaux et plus luxueux palaces du monde. Le Broadwater and Natatorium.
Dès notre arrivée à la gare, nous avons été accostées par un porteur qui nous a recommandé cet endroit. Un taxi nous y a conduites.
Le Broadwater, du nom de son fondateur, est un domaine de plusieurs hectares sur lequel ont été édifiés un bâtiment de cinquante chambres, flanqué de tourelles, et un natatorium. C'est à dire la plus grande piscine couverte au monde, dont les eaux sont puisées dans les lacs du Montana puis réchauffées.
Je dois bien avouer que je ne m'attendais pas à un tel luxe. À un tel confort.
Décidément, le Far - West n'est pas du tout comme je l'attendais !!
*
Joseph Leland est un homme robuste de cinquante ans.
Après avoir été journaliste au New York Times, où il a formé le jeune Will Kane à ce métier passionnant et dangereux, il est revenu dans sa ville natale où on lui a confié la direction du Helena Daily Record.
Il sait tout de sa ville et de l'État du Montana. Il connaît tout le monde et tout le monde le connaît.
Il ne cessait pas de serrer les mains qui se tendaient vers lui, alors qu'assis à notre table, il tentait de dîner d'un steak aussi large que son assiette.
Il nous a d'abord écoutées avec attention lui exposer les raisons de notre présence dans le Montana. Puis, il a pris la parole tout en dégustant un délicieux Bourgogne, sorti de la très riche cave du Broadwater - Et bien Mesdames, permettez-moi tout d'abord de vous dire à quel point j'admire votre courage et votre abnégation… Je suis votre serviteur… Je mettrai tout en oeuvre pour vous aider… Vous n'avez qu'à parler…
Vienne prit les devants - Je pense que nous avons besoin de matériel, de chevaux et d'un guide pour nous conduire jusqu'à la réserve cheyenne.
- En effet, il est impossible de s'y rendre en voiture. Vous devrez traverser plaines, montagnes et rivières. C'est une véritable expédition… Il vous faut un excellent guide. Non seulement pour vous montrer le chemin, mais aussi pour vous protéger et vous permettre d'entrer dans la réserve…
Je ne pus m'empêcher de m'exclamer - Nous protéger ? Mais de quels dangers ?
Joseph Leland répondit, légèrement surpris par mon ignorance - Mais contre les loups, Madame d'Uberville… et surtout contre les grizzlis.
- Les grizzlis ?? Qu'est-ce que c'est ?
- Ce sont de grands ours bruns… Leur capacité à se tenir debout sur leurs pattes arrières les rendent particulièrement dangereux. Parce qu'alors ils vous dominent de toute leur taille. Et qu'ils mesurent… trois mètres de haut.
Je déglutis péniblement - Trois mètres de haut ??… Ô mon Dieu…
Vienne changea rapidement de sujet - Vous avez dit "pour nous permettre d'entrer dans la réserve". Il est interdit d'y entrer ?
- Pas du tout. Mais les Indiens sont méfiants. La plupart d'entre eux fuit l'homme blanc. Sans un bon guide qui les connaît, vous aurez beaucoup de mal à entrer en contact avec la famille de John. Pour les Indiens, nous ne sommes que les descendants de ceux qui les ont réduits à l'état de mendiants et de prisonniers sur leur propre terre. A ce propos, Madame d'Uberville, j'ai cru comprendre que vous étiez française ?
- Je suis née anglaise. Mon nom de jeune fille est West. Mais j'ai épousé un Français, Paul d'Uberville. Grâce à Paul, j'ai la double nationalité, française et anglaise.
- Alors, si je puis vous donner un conseil, cultivez votre côté français, Madame. Les Indiens ont un préjugé favorable vis à vis des Français…
- Et pourquoi ?
- Ils pensent que le début de leurs malheurs et la lente agonie de leurs nations ont commencé au 18ème siècle. Quand les Français ont cédé leur territoire en Amérique aux Anglais. Les rapports des Français avec les Indiens étaient plutôt harmonieux, faits de respect mutuel. De commerce, d'alliances entre la France et les tribus et même de… mariages entre les individus. Dans un ouvrage qu'il a rédigé en 1867, un historien américain, Francis Parkman, a écrit "la civilisation hispanique a écrasé l'Indien ; la civilisation britannique l'a méprisé ; la civilisation française l'a adopté et a veillé sur lui"… C'est aussi l'opinion des Indiens. Vous comprenez mieux pourquoi, je vous conseille d'être avec eux… plus française qu'anglaise… Plus d'Uberville que West…
- Je comprends très bien. Je suivrai votre conseil. D'autant que ce sera facile… Par mon mariage, je suis déjà à moitié française.
Vienne intervint encore - Et pour le guide ? Vous avez quelqu'un à nous recommander ?
- Oui. Le meilleur… Et fait, le seul. Ici, c'est une quasi légende… Il a vécu avec les Indiens. Ce matin, quand vous m'avez dit avoir besoin d'un guide pour gagner la réserve cheyenne, je l'ai immédiatement contacté. Il a accepté de vous rencontrer. Aussi, je lui ai proposé de nous rejoindre ici…
- Très bien… Mais vous auriez dû nous prévenir. Nous l'aurions invité à dîner avec nous…
Joseph Leland répondit, l'air vaguement gêné. - Je n'y ai pas pensé… Mais, il va nous rejoindre dans quelques minutes…
A cet instant précis, le majordome, qui veillait sur la salle de restaurant, s'approcha de notre table et, s'adressant à notre invité, lui dit quelques mots - Monsieur Leland. Monsieur MacNab vous attend au fumoir…
- Très bien, merci. Et bien Mesdames, si vous le voulez bien, je vais vous présenter votre guide… Vous allez voir. C'est un homme… étonnant… Enfin, je ne vous en dis pas plus… Vous verrez bien…
*
Nous nous dirigeâmes vers le fumoir. Il était réservé aux hommes qui venaient y déguster cigares et vieux alcools.
Dans un coin de la pièce, nous découvrîmes, affalé dans un fauteuil en cuir, celui qui devait nous servir de guide. La légende vivante. Monsieur MacNab.
Sa présence dans ce lieu raffiné était totalement incongrue.
Il nous regardait venir vers lui.
Il portait un chapeau haut de forme d'une couleur indéfinissable, cabossé et rehaussé d'une plume d'aigle, et des mocassins indiens aux pieds.
Il mâchouillait un aliment quelconque qu'il faisait glisser d'une joue à l'autre tout en faisant entendre des bruits de mastication.
Sa chevelure était parsemée de fils blancs. Il avait un gros nez rouge au-dessus d'une moustache. Et une barbe de trois jours. Le tout d'un roux digne d'une salade de carottes.
Il était plutôt petit mais robuste.
Il devait bien avoir soixante-dix ans.
Je ne pus m'empêcher de murmurer - Ô Mon Dieu… Mais c'est un vieillard…
Je ne sais pas s'il avait entendu mon propos, que j'avais pourtant chuchoté à l'oreille de Vienne. Mais il se leva et, plissant les lèvres, il projeta un long jet de salive noire qui atterrit dans un crachoir placé à un mètre de son fauteuil. Le crachoir trembla en émettant un son de cloche.
Les yeux écarquillés devant un spectacle aussi surprenant que peu… ragoûtant, je murmurai encore - Mon Dieu Vienne… Mais qu'est-ce que c'était ?
Elle me répondit, mi-sérieuse, mi-amusée - Ça ? C'était une chique… Monsieur MacNab chique le tabac…
- Ô mon Dieu… non… pas ça…
Comme pour m'obéir, MacNab sortit un cigarillo de la poche d'une veste à la propreté douteuse et frotta une allumette sur l'ongle de son pouce. Bientôt, il fut entouré d'une fumée à l'odeur écoeurante.
J'étais totalement stupéfaite devant le spectacle de cet homme à qui nous devions confier nos vies.
Son oeil nous examinait comme au microscope. Il semblait apprécier ce qu'il voyait car il nous gratifia d'un large sourire qui nous permit de découvrir une bouche édentée.
Puis il s'adressa à Joseph Leland - Et bien mon gars… C'est-y elles les deux poulettes que j'dois conduire chez les Indiens ? J'crois que je vais bien m'amuser…
- Oui Jimmy, mon ami. Voici Mesdames Vienne Brooks et Eva d'Uberville-West.
Je murmurai encore - "Les deux poulettes ??" Ô mon Dieu… Mais c'est un vrai cauchemar… Rien ne nous sera épargné…
En voyant MacNab, la "légende vivante" je compris que notre aventure avait enfin commencé.
Et je me surpris à regretter la Suisse...
*
Nous avions regagné notre chambre.
Vienne, assise dans le lit, un léger sourire aux lèvres, me regardait faire les cent pas à travers la pièce.
Je n'arrivais pas à accepter l'idée de confier nos vies à Jim MacNab - Cet homme est un cauchemar vivant !! En plus, c'est un grand-père !! Comment pourrait-il nous protéger des loups et des grizzlis !! Ils n'en feront qu'une bouchée !! Et ils nous croqueront aussi par la même occasion !!
- Tu exagères… Je suis certaine que MacNab est un redoutable chasseur…
- Ce vieillard cacochyme ??? Il va tomber en morceaux dès qu'un ours va lui souffler dessus !!
- Tu as peur ma chérie ? Tout à l'heure tu ne cessais pas de dire "Ô mon Dieu". Tu l'as dit cinq fois. Je les ai comptées.
- Peur moi ? Pas du tout !! Je vais simplement réciter un rosaire !! Et puis tu as entendu MacNab quand il s'est mis à roter après avoir ingurgité les litres de bière que Leland lui a offerts ? Il chique, il crache, il rote… Et quoi d'autre encore ???
- On peut aisément le deviner… répondit Vienne qui réprimait difficilement une forte envie de rire. Je trouve qu'il s'essuie la bouche sur ses manches avec une certaine élégance…
- Je ne trouve pas ça amusant !! Mais pas amusant du tout… Je suis tout simplement incapable de passer plusieurs jours avec cet homme mal-propre. Même pour la meilleure raison du monde.
- Pourtant ma chérie, les soldats que tu as soignés étaient souvent couverts de vermine…
- Ça n'a rien à voir !! C'étaient des hommes jeunes qui n'avaient pas choisi de vivre dans la boue des tranchées, au milieu des détritus et des rats. Alors que lui… Et puis justement, j'ai suffisamment lavé de corps pendant quatre années de guerre…
- Je doute que Monsieur MacNab t’en demande tant... Même s’il en meurt d’envie... Essaie de voir le bon côté des choses, ma chérie. Au moins tu es certaine que je ne vais pas succomber à son charme…
- Très drôle. Vraiment très drôle… Quand je pense qu'il nous a appelées "ses poulettes". Et Leland qui a fait chorus !! "Oui Jimmy, mon ami. Voici Mesdames Vienne Brooks et Eva d'Uberville-West" !!
- Je pense que Leland a été pris au dépourvu. Ou bien, il n'a pas voulu se lancer dans une querelle sémantique sur la meilleure façon de nous qualifier fut la réponse de Vienne qui était franchement hilare.
Puis, elle prit un ton sérieux. - Mais je te comprends ma chérie. Je n'ai aucun droit d'exiger de toi que tu fasses ce voyage dans de telles conditions. Après tout c'est ma promesse. Pas la tienne. Alors, je vais partir toute seule avec MacNab. Je te propose que rester ici en attendant mon retour.
- Te laisser seule avec cet homme ? Tu plaisantes ?? Et s'il lui prenait l'envie de te… de te… violer ??
- Tout à l'heure, tu le traitais quasiment de vieux débris et maintenant tu imagines qu'il pourrait me sauter dessus pour me faire subir les derniers outrages !!! De toute façon, je crois que c'est surtout toi qui lui plaît… Il te regardait comme un chat regarde un bol de lait…
- Je lui plais ?? Ô Mon Dieu… Quelle horreur !!!
- Encore ?? Nous en sommes à six !! Allons ma chérie, viens te coucher Viens… Viens tout contre moi. Voilà… Très bien… Ecoute, je suis certaine que MacNab est un brave homme. Il n'est pas bien riche. C'est sans doute ce qui explique sa tenue un peu… négligée…
- Négligée ?? C'est un euphémisme !!
- MacNab a soixante-dix ans. Rends-toi compte ma chérie. Il est né en 1848. Il avait 13 ans quand la Guerre de Sécession a commencé. Il a tout vu. Tout vécu. La ruée vers l'or, les guerres indiennes. Il a travaillé pour des compagnies de chemins de fer. Il a vu les gigantesques troupeaux de bisons. Il a travaillé pour un shérif. Il est allé partout aux États-Unis. Il est la mémoire de l'Ouest. Pour un écrivain, pour une journaliste, c'est une mine d'or… Et quelque chose me dit qu'il sera ravi de te raconter les aventures de sa vie…
Vienne avait de nouveau raison. J'en convins.
Et puis j'étais dans ses bras. J'entendais sa voix caressante. Elle était le meilleur avocat que MacNab pouvait avoir.
Je soupirai : - Oui évidemment… Bon… Je vais faire un effort pour le supporter. De toute façon, tu ne partiras pas sans moi. Je te l'interdis. D'ailleurs, nous ne partirons ni l'une ni l'autre si nous ne réussissons pas l'examen d'équitation qu'il veut nous faire passer…
- MacNab a raison de nous mettre à l'épreuve… Ici, il vaut mieux savoir monter à cheval… Il veut vérifier que nous en sommes capables. C'est une sage précaution.
- Admettons. Je ne discute plus. Je crois que nous n'avons pas le choix…
- Bravo ma chérie. Et je suis certaine que tu ne vas pas le regretter. Je suis persuadée que nous allons vivre de grands moments. De grandes émotions…
- Nous verrons... Mais ce que je veux par dessus tout, c’est ne pas te quitter...
- Je sais ma chérie. Moi, non plus je ne le veux pas.
Elle se pencha sur moi et ses lèvres se posèrent sur les miennes.
*
MacNab nous avait donné rendez-vous le lendemain matin dans un ranch qui se trouvait à quelques minutes en voiture du Broadwater.
Nous nous y rendîmes en taxi car la route qui y menait était parfaitement carrossable.
Nous avions trouvé des bottes cavalières dans la sellerie de l’hôtel où j'avais aussi emprunté des jodhpurs.
Vienne avait revêtu un curieux pantalon en toile de Gênes et d’une couleur appelée “bleu de Nîmes”.
Moi, j’avais choisi de privilégier une élégance résolument européenne. Et pour tout dire française.
Ne devais-je pas être plus d’Uberville que West ??
J'avais donc conservé le ravissant chapeau cloche qui ne me quittait pas depuis la France.
Je dois bien reconnaître que j’étais heureuse à l’idée de monter à cheval.
Si heureuse que j’en avais totalement oublié MacNab et ses petites... manies.
*
Il nous attendait, appuyé sur la barrière de l’enclos où se trouvaient deux chevaux sellés.
MacNab entendit la voiture et tourna la tête vers nous.
Tout en mâchouillant son éternelle chique, il nous regardait descendre du taxi.
L’heure de l’examen avait sonné. Mais je n’avais pas peur. Je connaissais mes atouts et mes talents de cavalière...
Mais, j’avais... tort.
Je ne pus m’empêcher de murmurer - Ô Mon Dieu, non... ce n’est pas possible... pas déjà...
Mais MacNab éructait en désignant du doigt mon petit chapeau - Qu’est-ce qui m’a fichu une pied-tendre pareille ? Vous pensez tout de même pas partir avec moi accoutrée de cette façon !! Et avec ce galure ridicule sur la tête !!
Énervée parce ce que je devinais être une insulte, je me tournai vers Vienne qui riait - Une pied-tendre ? Qu’est-ce c’est ?? C’est de moi qu’il parle ??
- Je vais t’expliquer tout à l’heure. Mais pour le moment calme-toi. Je vais essayer de régler le problème.
Elle s’approcha de lui et, le prenant par le bras, elle l’attira à l’écart. Ils parlementèrent quelques minutes, puis Vienne me fit signe de les rejoindre.
La paix semblait signée mais pour combien de temps ??
*
J’étais maussade.
Même si MacNab avait reconnu que j’étais une cavalière “correcte” et que “ça pourrait aller”.
Je n’adressais pas la parole à Vienne car je lui en voulais un peu d’avoir ri aux propos de MacNab.
Elle m’avait proposé de faire quelques achats dans les boutiques d’Helena. Car si MacNab se chargeait d’acheter les chevaux, et les mules qui porteront notre équipement, nous devions quand même compléter notre garde-robe.
Je m’arrêtai devant la boutique d’une modiste pour admirer une robe présentée en devanture. Mais Vienne rompit le charme en me disant - Pas ici chérie... Viens... Suis-moi...
Je la vis avec étonnement entrer dans une échoppe sur la façade de laquelle on avait peint une inscription : “Ici on vend tout ce qu’il faut à l’homme des grandes plaines”.
Je la suivis avec une certaine appréhension. - Que faisons-nous ici Vienne ? C’est une boutique pour les hommes...
- Je le sais bien Eva, mais c’est justement ce qu’il nous faut. Je vais choisir tes vêtements. Fais-moi confiance. Tiens, prends ce pantalon en toile de Gênes... ces chaps en peau... ces bottes... ce Stetson... ces chemises... Prends aussi cette veste... et ce manteau... ces gants et ces chaussettes...
Effarée, je regardais les vêtements en grosse étoffe, le cache-poussière en coton huilé, les bottes lourdes, le chapeau qu’elle posait dans mes bras.
Je protestai devant ces insultes répétées au bon goût et à la féminité - Vienne, je ne peux pas m’habiller comme ça... Je vais être ridicule...
- Chérie, c’est en restant habillée comme une élégante de Londres ou de Paris que tu seras ridicule. Un pied-tendre, comme l’a dit MacNab...
- Un pied-tendre ? Qu’est-ce que c'est ?
- C'est un étranger. Un Européen. Mais aussi une personne incapable de se défendre. Un faible. Tu ne dois pas attirer l’attention. Ni les ennuis. Il faut que tu acceptes de porter ces vêtements. Il faut que tu aies l’air d’être d’ici. Du far-west... Il faut que tu sois plus west que d'Uberville en quelque sorte... conclut-elle en souriant.
J'étais excédée - Il faudrait savoir !! Hier, Leland m’a dit exactement le contraire !! Que je devais être plus d’Uberville que West avec les Cheyennes !!!
Vienne se mit à rire - Il y a un temps pour tout, ma chérie. Il y a un temps pour tout...
Je soupirai mais je tentai quand même de conserver un soupçon d'élégance - Très bien. Au moins, est-ce que je peux m’acheter ce joli gilet et ce foulard ?
*
J’avais revêtu les curieux habits que Vienne m’avait fait acheter.
Le gigantesque chapeau. Un Stetson. Le pantalon en toile bleue, protégé par des chaps en peau.
Heureusement, le gilet passé sur un chemisier blanc et le joli foulard noué autour de mon cou sauvaient cette tenue si peu féminine.
Dubitative, je me regardais dans le miroir de notre chambre.
Vienne s’approcha de moi et murmura - Tu es une ravissante cowgirl, ma chérie. A croquer... Ses vêtements te vont très bien. Tu es toujours aussi belle et élégante... Et maintenant, pour compléter ta panoplie de la parfaite coureuse des bois, deux objets, hélas indispensables. Une carabine Winchester et un colt...
Elle attacha autour de ma taille une ceinture à laquelle pendait un colt à crosse de nacre glissé dans un étui.
J'étais atterrée - Mais Vienne, je n’ai jamais eu d’armes à feu... Je ne sais pas m’en servir...
- Je vais te montrer... Et puis être armée est une précaution élémentaire. Pour se défendre contre les animaux sauvages... Et certains hommes, tout aussi sauvages...
Je me tournai de nouveau vers le miroir. Et je regardai, étonnée, la femme qui s’y reflétait.
*
Nous ne savons pas quand nous retrouverons une nourriture et un lit corrects. Alors Vienne m’a proposé de profiter de notre dernière soirée au Broadwater et Natatorium.
Nous avons bavardé tout en dînant d’un repas fin. Nous avons parlé des voyages que nous voulons faire. Des contrées que nous voulons découvrir. La Russie, les Indes, l’Indochine, le Japon, le Sahara...
Ensemble. Toujours ensemble. Car, à présent, je ne peux plus imaginer d’aller là où elle n’est pas. Sa présence donne un charme particulier aux lieux que je découvre avec elle.
J’ai la curieuse sensation que, partout où j’irai avec elle, même dans les pays les plus lointains, les plus inattendus, je serai toujours chez moi. Parce qu’elle sera là. Et qu’elle est mon refuge.
*
Je suis assise dans un fauteuil de notre chambre. J’ai défait mon chignon. Mes doigts jouent machinalement avec une mèche.
Je suis songeuse. Je pense aux péripéties qui nous attendent. A ce voyage insensé vers l’inconnu.
Vienne s’est approchée de moi. Elle a saisi la brosse et, lentement, elle lisse mes cheveux d’un geste très doux et apaisant. Si lent, si doux, si apaisant...
Ce moment de “complicité folliculaire”, comme le nomme drôlement Vienne, se renouvelle chaque soir. C’est un rite délicieux. L’occasion pour nous de chasser les soucis quotidiens mais aussi d’échanger mots tendres et fous rires.
Mais ce soir je me tais.
Mon silence intrigue Vienne. - Que se passe-t-il ma chérie ?.. Tu es perdue dans tes pensées... Rien de grave ?..
- Non. Je pense à demain et aux jours qui vont suivre... En compagnie de ce curieux bonhomme...
- Tu regrettes de partir ?...
- Non, je ne regrette pas... Mais j’ai un peu peur... de ne pas être à la hauteur...
- Quelle idée !! Pourquoi ??
- Je n’ai jamais fait une chose pareille. M’habiller comme un homme... Vivre comme un homme... Passer des heures à cheval... Dormir à la belle étoile... J’ai peur de ne pas en avoir la force...
- Tu as fait bien pire quand tu soignais des blessés pendant des journées entières. Sans prendre le moindre repos... Il faut bien plus de force et de courage pour faire ce que tu as fait pendant la guerre... Alors, je suis sure que tu seras à la hauteur, ma chérie...
- Tu crois ??
- Je ne le crois pas... J’en suis certaine...
- Tu me rassures un peu... Mais... il n’y a pas que ça...
- Ah bon ??
- Oui... Nous n’allons plus avoir... d’intimité pendant plusieurs jours...
Vienne se met à rire - C’était donc ça... cette mélancolie... Mais ma chérie, pour éviter les questions indiscrètes, nous disons souvent que nous sommes de lointaines cousines... Et bien nous allons devoir nous comporter comme telles devant Monsieur MacNab... Mais pendant quelques jours seulement...
Résignée, je soupire - Pendant combien de jours ??
- Deux petites semaines, je pense...
- Deux semaines !! mais c’est énorme !!
Vienne pose la brosse sur la coiffeuse et murmure - Tu as raison ma chérie... C’est énorme... Alors, je crois que nous devons faire provision de... souvenirs pour ce long et abstinent voyage.
*
Je vois ses mains se poser sur ma chemise.
Elle la déboutonne. Bouton après bouton. Puis elle en écarte légèrement les pans. Ses doigts frôlent ma peau, caressent mon torse. Ils suivent la courbe de mes seins et de mon ventre.
J’ai renversé la tête en arrière. Contre l’épaule de Vienne. Je sens ses lèvres sur ma joue. Elles glissent vers ma bouche.
J’ai posé ma main sur sa tête. J’ai saisi ses courts cheveux dans mon poing alors qu’elle butine mon cou et la naissance de mes seins.
Je m’entends gémir.
Doucement, Vienne m’invite à me lever.
Nous sommes face à face. Elle me domine très légèrement.
Elle se penche vers moi et m’embrasse.
Elle fait glisser ma chemise le long de mes bras.
Je suis nue.
Elle tombe à genoux devant moi. Ses doigts suivent le creux mes reins, l’arrondi de mes fesses et de mes hanches. Ils s’aventurent le long de mes cuisses, là où la chair est si sensible.
Je frémis. Je me sens brûler. Je bascule sur le lit tout proche.
Je plonge mon poing dans ses cheveux pour guider son visage vers mon sexe.
Elle obéit à mon ordre.
Sa bouche me possède. Jusqu’au chavirement.
*
Nous avons quitté l'hôtel, habillées avec les vêtements que nous avons achetés hier. Il va falloir que je m'y habitue. Comme je l'ai fait avec le smoking.
Ce ne sera pas difficile. Car, curieusement, je me sens plus à l'aise aujourd'hui. j'éprouve une liberté que jupe et robe ne me donnaient pas.
Nous nous sommes levées tôt. Pour découvrir un petit matin frais caressé par un pâle soleil.
L’heure où blanchit la campagne... C’est curieux de penser à Victor Hugo alors que nous sommes si loin de Villequier...
Nous voici de nouveau dans le ranch où nous avons passé notre épreuve d’équitation.
Et c’est nous qui attendons que Jim MacNab apparaisse.
Je suis légèrement inquiète. Nous lui avons donné une forte somme d’argent pour qu’il achète nos montures, les mules et l’équipement dont nous aurons besoin pour ces quelques jours de voyage et pour supporter les nuits froides du Montana.
Nous lui avons aussi donné une avance sur son salaire...
Je confie mes craintes à Vienne - MacNab est en retard... Tu crois qu’il va venir ? Et s’il avait décidé de garder pour lui tout l’argent que nous lui avons remis ??
- J’en doute. Il nous a donné sa parole. Il s’est engagé devant Joseph Leland. Il perdrait la face s’il nous abandonnait... Et puis je crois que notre périple l’intéresse et l’amuse...
- Oui... Tu as sans doute raison... Je me laisse trop influencer par la première impression que j’ai eue de cet homme... Je me demande quels chevaux il a bien pu nous trouver ? Peut-être des montures fatiguées et aussi vieilles que lui...
Vienne se mit à rire doucement - Fais-lui confiance, ma chérie... D’ailleurs, regarde... Le voici...
*
Jim MacNab arrivait au petit trot de son cheval. Deux autres chevaux, déjà sellés, et deux mules, attachés les uns aux autres, le suivaient en file indienne.
Je ne pouvais pas détacher les yeux des chevaux qui nous étaient destinés. Je n’en avais jamais vus de semblables.
Ils étaient magnifiques.
J’entendis Vienne murmurer avec admiration - Ô mon Dieu... Des appaloosa... Je croyais que la race avait disparu...
- Ils sont superbes... Comment les appelles-tu ?
- Des appaloosa... Des chevaux indiens... Ici, en Amérique, Monsieur MacNab ne pouvait pas trouver mieux...
Pendant que nous parlions, notre guide avait arrêté le petit convoi à quelques mètres de nous.
Avec une souplesse surprenante pour un homme de cet âge, il avait sauté à terre. Il nous fit un grand sourire. - Bonjour Mesdames… Donnez-moi vos sacs de voyage. J'vais les attacher sur les mules. Nous devons partir tout de suite afin de profiter du jour… Ça vous laisse que quelques minutes pour faire connaissance avec vos chevaux…
Vienne répondit à son salut - Bonjour Monsieur MacNab. Nous sommes heureuses de vous revoir. Vous avez fait un excellent choix avec ces appaloosa.
- Merci M'dame.
Vienne se tourna vers moi. - Lequel veux-tu ? Je te laisse choisir…
- J'aimerais beaucoup prendre celui qui est alezan et blanc.
- Très bien. Alors, je prends celui qui est léopard.
Vienne sauta sur le dos de son cheval. Elle lui fit faire quelques pas puis elle le mit au trot, décrivant un cercle. Elle semblait parfaitement à l'aise. L'animal lui obéissait docilement. Elle caressa son encolure pour le récompenser.
C'était mon tour de montrer ce que je savais faire.
Je m'approchai du cheval que j'avais choisi. Il me regardait venir à lui. Il y avait une infinie douceur dans ses yeux.
Je sortis une petite poire de ma poche et la lui tendis, posée sur la paume de ma main. Il la saisit du bout des lèvres et je sentis leur caresse duveteuse sur mes doigts. Il mangea le fruit à belle dents.
J'admirais la jolie tête, le corps trapu et magnifiquement proportionné. Les muscles qui frémissaient sous la peau.
Quand il eut fini de dévorer la friandise que je lui avait offerte, il me regarda. Je vis une invitation dans ses yeux. Alors, je glissai mon pied dans l'étrier et je me hissai sur la lourde selle. Une simple impulsion sur les rênes et il se mit au pas. Une autre et il se mit à trotter.
Vienne et MacNab nous regardaient en souriant. Il était tellement visible que j'étais heureuse d'être là.
Je me tournai vers notre guide - Monsieur MacNab !! Merci !! Ces chevaux sont merveilleux !! Ils ont des noms ??
- Oui M'dame. Le vôtre s'appelle Apache. L'autre s'appelle Cherokee… Vous êtes prêtes à partir Mesdames ?
- Oui bien sûr !!! fut notre réponse.
- Alors en route Mesdames !!!
FIN de la deuxième partie
Vous pouvez lire la suite des aventures
de Vienne et Eva dans le récit
Little Big Women
*
Très heureuse de te retrouver Gustave et de retrouver ton nouveau récit !
RépondreSupprimerEt je suis impatiente de lire la suite et de voir vers quelles aventures tu nous emmènes avec Vienne et Eva.
Merci
Marie Pierre
Toujours en attente de vos écrits dépaysants ! c'est toujours agréable!
RépondreSupprimer"Ave ô Gustave, ceux qui vont te lire te saluent!!!!!"
RépondreSupprimerPour faire plus simple, heureuse de te retrouver. Et que vois-je? Une très jolie photo montage de Miss Shelley, des illustrations à foison et un récit qui s'annonce tout bien comme il faut!
C'est quand le bonheur? Ben maintenant pardi!
Merci.
Béa.
Très heureuse de te retrouver Marie-Pierre. Très heureuse de vous retrouver tous et toutes.
RépondreSupprimerNos rendez-vous du dimanche me manquaient.
Pour les futures aventures de Vienne et Eva, à vrai dire, je ne sais pas moi-même où je vais (rires). Mais j'y vais (rires) A très bientôt. Gustave.
C'est aussi infiniment agréable d'aller sur le blog Esprit de Femmes dont les superbes photos sont une source d'inspiration pour moi.
RépondreSupprimerMerci encore et à bientôt. Gustave
Panem et circenses (rires)
RépondreSupprimerJe veux vous offrir le pain et les jeux avant la messe du dimanche. Pour ceux et celles qui croient. Et de quoi occuper leur grasse matinée pendant quelques minutes pour les autres. (rires)
Heureuse de te retrouver Béa. Très heureuse.
Quant à Miss Shelley, je crois que tu ne seras pas déçue par les autres photomontages que j'ai déjà réalisées avec cette sublime actrice qui porte tous les costumes avec la même élégance. Il est tout simplement impossible de l'enlaidir (rires)
A bientôt. Gustave.
Très belle introduction pour ce nouvel épisode des aventures de nos deux intrépides héroïnes.
RépondreSupprimerUne fois de plus, le récit s'appuie sur une documentation très précise et les photographies choisies l'accompagnent à merveille.
La suite nous dira si l'inquiétude d'Eva est fondée...
Il est vrai que, assez sottement, nous nous attendons à ce qu'Eva attire toutes les attentions. J'aime bien que le tortilla soit retournée! Un peu de piquant pour un récit qui n'en manque pas.
RépondreSupprimerLes affres de la jalousie sont un puits sans fond, il vaut mieux y aller en apnée et ne rien dire de fâcheux!
Merci Gustave, petit piment du dimanche matin.
Béa.
Bonjour Oscar. Très heureuse de te retrouver.
RépondreSupprimerPour la documentation, je n'aurais rien pu faire sans les auteurs de blogs et de sites qui ont constitué une encyclopédie fabuleuse sur les sujets les plus divers.
Et, naturellement, sans les auteurs qui utilisent toujours un support plus classique mais si précieux : le livre.
Bonne lecture Oscar et merci. A bientôt. Gustave.
Je ne sais si c'est parce qu'elles vont se promener dans le Far West, mais j'avais envie d'une cuisine genre tex-mex.
RépondreSupprimerL'épice, c'est la jalousie d'Eva. A utiliser avec modération. Comme le tabasco dans le gaspacho (rires)
C'est malin !!! Tout ça m'a donné faim. À présent j'ai envie d'un... chili con carne (rires)
Bon dimanche Béa. A bientôt. Gustave
"Qu’elle en était le centre de gravité. Le nord et le sud, l’ouest et l’est."Très jolie formule...N'empêche qu'elle a complétement perdu la boussole! Imaginer Vienne s'intéresser à quelqu'un d'autre qu'elle! Elle a abuser du champagne,ce n'est pas Dieu possible.
RépondreSupprimerVoyons comment se déroulera les retrouvailles. Eva n'est pas le genre à faire des scènes...Dommage! (rires).
Merci Gustave et merci pour ta réponse dimanche dernier.
Béa.
Quel suspense ! Moi qui pensais que les craintes d'Eva se dissiperaient dès ce nouvel épisode ! Peut-on imaginer qu'une idylle est en train de se nouer entre Vienne et le séduisant américain ? Dire qu'il va nous falloir attendre pour connaître la suite !
RépondreSupprimerJoyeux Noël Gustave ainsi qu'à tes lectrices et lecteurs.
RépondreSupprimerComment prendre une bonne leçon quand on est stupidement jalouse...
Vienne est un remarquable maître d'école en la matière mais elle le fait avec tendresse et amusement. Et puis diantre elle se sent flattée! On le saurait à moins.
Merci pour cette petite scène "chat et souris". La souris Eva s'est rendue certes mais avec les honneurs.
Béa.
Tout s'arrange! Comment ai-je pu penser un instant que Vienne se détournerait d'Eva, même pour les beaux yeux d'un séduisant américain! Mais ma curiosité est en éveil : vers quelle nouvelle contrée les projets de nos deux héroïnes vont-ils nous conduire ?
RépondreSupprimerJe rattrape mon retard de lecture et je trouve très charmante cette scène du "je suis jalouse moi non plus"...
RépondreSupprimerJ'en profite pour te souhaiter une très belle et très bonne nouvelle année Gustave, en espérant, mais j'en suis sure, que tu nous gâteras avec tes récits tout autant que pendant l'année écoulée !
Merci à toi - Meilleurs vœux de santé et de bonheur
Marie Pierre
Bonjour Béa, j'espère que tu as passé de joyeuses fêtes de Noël. Je te souhaite une bonne et heureuse année 2012.
RépondreSupprimerJ'espère te retrouver fidèle aux posts tous les dimanches.
Mais tant que les aventures de Vienne et d'Eva dureront, je suis pratiquement certaine de te retrouver.
Merci d'aimer mes récits et de me le dire.
Gustave
Bonjour Oscar et très belle année 2012.
RépondreSupprimerJ'espère que le Père Noël t'a gâtée.
Will Kane ne pouvait être qu'un séduisant américain puisque j'ai emprunté les traits de l'acteur Gary Cooper quand il avait une vingtaine d'années.
Vienne et Eva vont découvrir une nouvelle contrée mais je leur réserve encore d'autres pays à découvrir.
Merci pour ta fidélité à mes récits et pour tes commentaires si gentils.
Gustave
Bonjour Marie-Pierre,
RépondreSupprimerJe te souhaite une très belle année 2012. Santé, bonheur et prospérité.
Pour mes récits, j'espère continuer. Car j'ai des idées... de pays à faire visiter à mes personnages. C'est déjà un début !!!
Merci pour tes commentaires et à bientôt.
Gustave.
Bonne année Gustave et comme je suis d'humeur dispendieuse: BONNE ANNEE TOUT LE MONDE!
RépondreSupprimerAdorable la "fragilité" de Vienne et encore plus adorable l'amour, la tendresse d'Eva et sa façon très personnelle de la rassurée.
Merci Gustave.
Béa.
Je profite de la nouvelle fonctionnalité de Blogger qui me permet de répondre aux messages. J'adore m'amuser avec mes nouveaux jouets !!! Après tout Noël n'est pas si loin !!!
SupprimerJ'aime les personnages avec des failles, des faiblesses. Cela les rend plus attachants. Et puis... on a envie de les consoler. N'est-ce pas Béa.
Tous mes voeux, Cher Gustave et que cette nouvelle année nous permette de traverser de nouvelles contrées (merci pour cet aperçu de géographie nord-américaine) en partageant les aventures de nos deux intrépides héroïnes.
RépondreSupprimerJe n'ai jamais raffolé de la géographie. Mais je dois bien reconnaitre qu'avec Vienne et Eva comme guides, mais aussi Céline et Virginie, Alice et Louis ou encore Dylan et Rachel, je commence à y prendre goût !!!
SupprimerTous les voeux aussi Oscar. Bonne, très bonne année.
bien...elles apprennent à se connaître et ce n'est pas toujours facile mais c'est intéressant.
RépondreSupprimerElles poursuivent cahin-caha ce périple, mon Dieu que cette gare semble immense à la démesure de ce pays.
Merci.
Béa.
C'est vrai que ce n'est pas facile de se découvrir, de se comprendre et encore plus de s'accepter. Mais Vienne et Eva vont y arriver.
SupprimerParce que, si les histoires d'amour finissent mal, en général, j'ai envie que celle-ci finisse bien.
Voilà une explication bienvenue, mais je ne pense pas que les lecteurs auraient douté de la pureté des intentions de Vienne à l'égard des Indiens.
RépondreSupprimerNous voici sur le point de découvrir une nouvelle culture sous la houlette de Vienne.
Une nouvelle culture que je suis en train de découvrir moi-même. Alors, je n'ai pas beaucoup d'avance sur Vienne.
SupprimerA bientôt.
Je viens de dévorer d'un coup ce nouveau récit. Toujours aussi passionnant et bien écrit. Que d'aventures à venir pour Eva et Vienne et pour nous lecteurs aussi. Hâte de lire la suite.
RépondreSupprimerRose1230
Bonjour Rose,
SupprimerJe te souhaite une très heureuse année 2012.
J'ai hâte de te la faire lire. Enfin, dès qu'elle sera écrite !!!
Quel plaisir de te lire Gustave; ce nouveau récit (j'avais beaucoup de retard de lecture...) s'annonce passionnant avec l'histoire de ces indiens et le voyage de nos deux héroïnes pour rejoindre leur territoire.
RépondreSupprimerMerci Gustave et bonne année à toi.
Merci Stef. Tu me fais rougir !!!
SupprimerJ'espère que la suite de mon récit sera à la hauteur de ton attente.
Très bonne année à toi aussi.
Nous ne pouvons que partager l'indignation de Vienne à la lecture de la douloureuse histoire des Indiens d'Amérique.
RépondreSupprimerEt même si les moeurs se sont aujourd'hui adoucies, les Indiens restent victimes de l'appât du gain de certaines compagnies minières, qui cherchent à les déloger de leurs territoires ancestraux pour tirer profit de la richesse du sol, au prix de la dévastation de la nature et de la pollution de l'environnement, comme au Mexique.
C'est terrible !! On a vraiment l'impression que rien n'a changé depuis l'arrivée des conquistadors. Sauf qu'il n'y a plus de massacres de populations.
SupprimerMerci Oscar.
Jolie suite, avec le récit touchant de Vienne sur le jeune indien et la tendre complicité des deux jeunes femmes.
RépondreSupprimerMerci Gustave
Bonsoir Stef.
SupprimerMoi aussi, j'aime bien le calme avant la tempête. Et puis au moins c'est reposant !!!
A très bientôt et merci.
Franchement je préfère dire que je vais à Chicago et non à "Oignon sauvage"!!!! Snobisme quand tu nous tiens....
RépondreSupprimerMa ché ce sont deux chamallows ces deux girls, deux nuages de lait dans un peu de thé (Eva est anglaise).
Instructif, émouvant, je ne sais pas si c'est la recette des chamallows mais c'est la tienne et j'en reprendrais bien une gourmandise.
Merci.
Béa.
Bonsoir Béa.
SupprimerChamallows ? Tu as dit Chamallows. Comme c'est bizarre... Il me semble avoir justement écrit quelque chose à propos de cette friandise dans Cluedo. Je crois que ça disait cela :
(..) - Voilà... Je rêve de choux à la crème... Je lape lentement la crème... puis je dévore les choux à belles dents... Ensuite, j’engloutis, un à un, des chamallows que je laisse doucement fondre sur ma langue... Docteur Dylan, quelle est la signification de mon rêve ?...
Dylan se mit à rire.
- Un chou à la crème ? Voyons... réfléchissons... sa forme peut suggérer la rondeur d’une épaule...
Ses lèvres se posent à cet endroit précis, caressant la peau satinée de Rachel.
- Ou d’un sein...
Ses lèvres glissent doucement sur la gorge pour venir agacer un mamelon puis l’autre.
- Ou la courbe du ventre...
Sa bouche vient jouer avec le nombril. Rachel avait enfoui ses doigts dans les courts cheveux de sa maîtresse. Gémissant doucement, elle s’offrait à la gourmandise de Dylan.
- Oui, Dylan, ô oui... continue... les chamallows maintenant...
Dylan murmura et, son souffle sur sa peau fit frissonner Rachel.
- Une confiserie que l’on fait fondre sur sa langue... Je n’en vois qu’une... elle est si bien cachée... comme un trésor... mais je saurai la trouver... et je vais m’en repaître... jusqu’à apaiser ma faim et la tienne (..)
Voilà Béa. Je te laisse découvrir, ou redécouvrir, la suite...
Bonne lecture. A bientôt et encore merci.
allons bon je fais du Gustave sans m'en rendre compte comme ce brave M.Jourdain fait de la prose...
RépondreSupprimerMon subconscient me joue des tours et le clavier fait le reste. Serai-je victime de mon subconscient? De mon clavier? des deux peut-être???? Voir même des chamallows???? Mazette je ne vais pas en fermer l'oeil de la nuit!!!!! Franchement merci Gustave!!!!!
Béa.
Tu ne vas pas fermer l'oeil de la nuit ???
RépondreSupprimerChère Béa, aurais-tu quelques chamallows à portée des papilles (rires)
A moins que tu ne préfères te gaver de choux à la crème !!! (rires)
Bon appétit Béa.
Chère Gustave, j'ai toujours une petite réserve de chamallows.
RépondreSupprimerQuant aux choux à la crème, il faut avancer à pas de loups, la prudence s'impose. connaître le pédigrée du pâtissier si j'ose dire, les contrôles sanitaires, le tatouage, si c'est un bon cru....Rien de pire qu'un chou bouchonné!J'en connais un que je garde jalousement!!! Un peu loin certes mais excellent!
Béa.
Oups, chère Béa, tu me mets l'eau à la bouche !!! (rires)
SupprimerMais un seul chou, est-ce suffisant pour rassasier les fringales ? (rires)
Moi, j'aime beaucoup les tartes aux... poires ou aux... pommes !!! (rires) Et toi ?...
Qand le chou est excellent cela suffit. Du dicernement avant toute chose, ce n'est pas une orgie que diable!
RépondreSupprimerLes poires je n'en raffole pas, les pommes je peux toujours leur faire confiance, elles affichent leurs couleurs, elles sont craquantes, d'où l'expression "une brave pomme". La pomme est mon verger et le baton fait le berger...Comprenne qui pourra!
Béa.
Je suis d'accord avec toi. Il vaut mieux la qualité que la quantité !!! (rires)
RépondreSupprimerEntre pommes et poires, mon coeur balance.
Les pommes ont de si jolies couleurs. Quand elles sont rouges et marbrées, on a l'impression qu'elles sont intimidées (rires) Par contre, elles peuvent parfois être un peu sèches.
J'ai le souvenir d'une poire passe-crassane juteuse à souhait... Hmmm.
Et moi d'une "Pour la soif" qui me laisse un souvenir impérissable!
RépondreSupprimerMais souvent elles sont farineuses, tout dans la robe rien dans le coeur. Foin de ces vaniteuses farineuses, la pomme elle, par sa rondeur et sa couleur satisfait ma gourmandise.
Béa.
Ce sont parfois les mets les plus modestes, les plus simples, ceux dont les autres ne veulent pas parce qu'ils ne sont pas assez prétentieux, qui laissent les meilleurs souvenirs... (rires)
SupprimerOn ne peut que partager la tristesse de Vienne à l''évocation du triste sort que les Américains ont réservé aux Indiens d'Amérique et au massacre de cette civilisation dont il reste peu de témoignages.
RépondreSupprimerC'est le sort réservé au faible par le fort.
SupprimerEt encore aujourd'hui. Ailleurs qu'en Amérique.
Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Hélas.
Finalement, ce n'est pas plus difficile d'aller au coeur du Far-West que d'aller en Suisse...
RépondreSupprimerHum....Connaissant un peu tes récits je crois qu'Eva est un peu trop optimiste...et nous nous frottons les mains car leur vie sera tout sauf tranquille. Ce n'est pas un "couple tisane" que Diable!
Merci;
Béa.
Je crois que tu te frottes les mains aussi pour les réchauffer. L'hiver est très rude.
SupprimerMais bon, promis. Je vais essayer de leur concocter un cocktail d'aventures.
Le traitement réservé aux Indiens par les Américains est effectivement révoltant dans un Etat qui avait pourtant proclamé le droit de chacun au bonheur dans la déclaration d'indépendance. Que de chemin a-t'-il fallu parcourir pour les rétablir dans leur dignité, alors que leur culture était déjà grandement anéantie !
RépondreSupprimerJe crois que la déclaration d'indépendance ne parlait pas des Amérindiens, ni des noirs. NI des... femmes.
SupprimerBref pour les white aglo-saxon protestants qui ont rédigé la consitution américaine, ces êtres n'existaient pas.
Ce nouveau guide est fort réjouissant : il a tout d'un personnage de bande dessinée. A n'en pas douter, l'effroi (relatif) d'Eva devant ses manières peu policées cédera bien vite la place à une grande curiosité.
RépondreSupprimerJ'avoue tout !!!
SupprimerJe me suis en effet inspirée du personnage Jimmy Mc Clure, le vieillard bougon de la série Blueberry.
J'espère que la copie sera digne de l'original.
Bravo d'avoir deviné.
Je suis complètement plongée dans les westerns que je regardais souvent à la tv. Tu me replonges dans mon enfance avec ce guide hors du commun. Je pense que tu vas nous faire vivre de jolis aventures...
RépondreSupprimerRose1230
Moi aussi j'adorais les westerns. Ceux de John Ford et plus tard ceux de Sergio Leone.
SupprimerJe me suis également inspirée de l'acteur Walter Brennan qui joue le rôle d'un vieil assistant shérif dans Rio Bravo.
Mais les femmes servaient surtout de faire-valoir dans ces films. De repos du cow-boy.
J'aime bien l'idée de leur donner le premier rôle.
Le dialogue entre Eva et Vienne est particulièrement savoureux et l'indignation d'Eva devant le comportement très "naturel" de Monsieur Mac Nab ne fait que commencer. Je pense que la suite de leurs aventures lui réservera bien d'autres surprises. En tout cas, elle est particulièrement élégante pour son test d'équitation.
RépondreSupprimerOù Monsieur Mac Nab apprend à Eva à s'habiller pour l'occasion... Mais d'après la photo, le costume de cowgirl lui sied plutôt bien.
RépondreSupprimerJ'espère que la suite nous permettra de découvrir la photo des chevaux indiens. Qui sait, peut-être en avant- goût de la suite annoncée dans un mois.
Bonjour Oscar,
SupprimerJe dois bien reconnaître que je suis plus intéressée par des photos de Rachel que par des photos de chevaux (rires)
Mais le lecteur a toujours raison. je vais chercher des photos ou des images d'appaloosa pour illustrer ce récit.
Bon dimanche et merci.
Et voilà !! C'est fait.
SupprimerJ'ai posté le portrait de Cherokee, l'appaloosa de Vienne.
Et les voilà en route pour un long périble avec plein belles aventures... A très vite alors et bonnes vacances.
RépondreSupprimerRose1230
Bonjour Rose.
SupprimerJe ne pars pas en vacances hélas.
Mais je n'ai pas trop le temps d'écrire en ce moment. Alors, je préfère faire une pause plutôt que de publier des suites bâclées. D'autant que je lis aussi un très beau livre qui m'aide beaucoup : INDIENS par Marie-Hélène Fraissé aux Editions du Chêne.
Bon dimanche Rose. Et merci.
Bonjour!
RépondreSupprimerJ'espère que tu nous réserves un beau récit (comme d'habitude) sans arêtes le 1er Avril!
J'ai lu 3 fois le dialogue entre Vienne et Eva après leur rencontre avec Mac Nab et encore une louchette ce matin. J'ADORE! L'indignation toute européenne d'Eva et l'hilarité à peine voilée de Vienne me font hurler de rires.
Tu fais une pause, remets tes neurones en état de marche et concocte nous un récit à la hauteur de celui-ci. Vous avez dit PRESSION? Meuh non ....(rires).
Merci.
Béa.
Me voici de retour !!! J'ai abandonné mon blog pendant plusieurs semaines.
SupprimerJ'ai suivi ton judicieux conseil Béa. J'ai nettoyé mes neurones. Un grand ménage de printemps... (rires)
Et à présent je reviens avec de nouvelles idées d'aventures, de personnages. Mais je vais d'abord publier le récit que je vous ai promis : Little Big Women. Dès... la semaine prochaine... Premier avril oblige (rires)
Aujourd'hui je ne publie qu'une petite scène qui manquait à North by Northwest. Petite mais... "tendre" (rires)
Bonne lecture. Et bon dimanche...