EAUX CHAUDES





Le récit que vous allez découvrir est la suite de Gens du Nord.  Il est absolument nécessaire d’avoir lu ce récit pour comprendre :




Eaux chaudes






Cela faisait plusieurs heures qu’elles avaient quitté Lille en direction de la Bretagne. Elles n’avaient pas encore dépassé Caen et avaient encore plus de deux cents kilomètres à parcourir avant d’arriver à Dinard.

Virginie conduisait.

Céline, assise sur la banquette arrière, près du lit du bébé, s’était endormie à côté de leur fils.

De temps en temps, Virginie jetait un coup d’oeil dans le rétroviseur pour veiller sur la mère et l’enfant assoupis. Puis rassurée, elle concentrait de nouveau toute son attention sur la route.

Dans le silence de la voiture, simplement perturbé par le léger ronronnement du moteur et le souffle de son amante, Virginie se remémora tous les événements qui s’étaient accumulés en un peu plus d’un an. Leur séparation, son errance, et enfin leurs retrouvailles à Lille il y a dix mois.


*


Elle se souviendrait longtemps de cette épouvantable journée d’avril. De ce champ pollué qui servit de décor à leur rupture. De ces mots stupides qu’elle avait prononcés. “Nous deux, c’est fini”.

Puis sans même attendre que Céline lui réponde, elle lui avait tourné le dos et elle était partie.

Un long calvaire de six mois avait alors commencé. Six mois sans Céline.

Car, naturellement, elle s’était immédiatement rendu compte que non, décidément, “ça n’était pas fini”. Que Céline occupait toujours ses pensées et son coeur. Et que c’était une torture de vivre sans elle et sans rien savoir de ce qu’elle était devenue.

Car Céline avait disparu dans les quelques jours qui avaient suivi leur rupture. Elle avait quitté Marseille en vendant tous les biens qu’elle y possédait. Nul ne savait où elle vivait.


*


En dehors de son père, Fernand Mirbeau, plus rien ne la retenait à Marseille. Alors elle avait décidé de partir.

D’ailleurs, elle n’avait pas eu le choix, Vincent Chaumette l’avait licenciée.

Marquée au fer rouge par le scandale de la pollution qui touchait tout ceux qui avaient travaillé pour Phénicie, elle n’avait pas réussi à trouver dans le Midi une autre entreprise de BTP prête à l’embaucher.

Ses pas l’avaient menée à l’autre bout de la France. A Lille !

Là, de braves gens du Nord l’avaient accueillie, embauchée, avaient tenté de la sortir de sa prison de solitude et de tristesse.

Mais c’était peine perdue. Car, pour en sortir, il aurait fallu qu’elle cesse d’aimer Céline.


*


Pour tenter d’avoir moins mal, elle s’était lancée à corps perdu dans son travail de chef de chantier pour le compte de Gaston Vandenrosen, dont la spécialité était la rénovation de vieilles maisons ou d’usines à l’abandon.

Chaque soir, anéantie par la fatigue, elle rentrait dans la pension de famille où elle vivait. Elle ne cherchait rien d’autre, dans le sommeil, que l’oubli d’elle même et de son amour.

Chaque journée qui passait était semblable à la précédente et ne différait en rien de la suivante. Elle savait que désormais sa vie ne serait faite que de cette routine ennuyeuse. Sans désir, sans plaisir.


*


Six mois avaient passé.

C’est sans joie que, sur l’invitation de ses nouveaux propriétaires, elle s’était rendue dans une maison qu’elle avait rénovée pour eux.

Ils l’avaient invitée à une petite pendaison de crémaillère.

Le bonheur d’Amélie et Grégoire lui faisait mal.

Elle avait voulu profiter d’un moment où les deux jeunes époux l’avaient laissée seule, pour fuir cette maison.

Elle se leva, se retourna.

C’est alors qu’elle la vit.

Elle avait si peu changé. Elle était toujours si belle. Ses cheveux étaient toujours si blonds. Ses yeux bleus capturèrent et emprisonnèrent son regard.

A l’entrée du salon, n’osant aller plus loin, la regardant avec une intensité telle qu’elle aurait pu croire qu’elle l’aimait toujours, Céline était là.


*


Céline était là.

Et tout à coup ce fut comme un coin de ciel bleu au milieu des nuées noires.

Car Céline lui avait dit qu’elle l’aimait toujours. Qu’elle avait passé des semaines à la chercher. Qu’elle portait un enfant. Leur enfant. Et que cette maison où elles se trouvaient était la leur.

Elle ne savait pas que le bonheur pouvait faire si mal. Elle avait eu l’impression que son coeur allait exploser. Elle était tombée aux pieds de Céline. Puis elle l’avait aimée.


*


Ensuite, ô mon Dieu ensuite, une autre routine avait suivi.

Mais quelle routine ! Faite de joies et d’amour.

La naissance de leur enfant. Un fils. Aux boucles brunes et aux yeux bleus. Un merveilleux bébé, si calme et qui dormait si bien. Qui les regardait en souriant, en leur tendant les bras.

Les gentilles querelles autour du choix du prénom. L’une et l’autre ne voulaient d’aucun prénom qui leur rappelle Marseille. Alors, elles avaient choisi Victor.

Les amis, Amélie et Grégoire, Gaston et Lise, qui formaient un cercle de tendresse et d’affection autour d’elles et de leur enfant.

Son père, Fernand Mirbeau, qui avait quitté Marseille pour vivre auprès d’elles et de Victor.


*


Elle avait retrouvé ces moments intenses avec Céline. Ces étreintes passionnées qui les laissaient épuisées, le corps tremblant encore du plaisir qu’elles avaient pris.

La séparation de six mois, l’absence du corps de l’autre avaient exacerbé leur désir.


*


Elle se consacrait toujours à son métier. Mais plus avec cette volonté acharnée de trouver l’oubli de sa douleur. Simplement par plaisir du travail bien fait. Un travail qu’elle aimait.

Céline aussi avait cherché un emploi. Et une nouvelle fois, la solution était venue des gens du Nord. Grégoire, avocat, lui avait proposé de venir travailler à son cabinet comme clerc spécialisé dans les dossiers immobiliers.

Mais en regardant plus attentivement ses diplômes et son expérience professionnelle, il lui avait suggéré de devenir avocat et de s’inscrire au Barreau de Lille.

Tout d’abord, Céline n’avait pas cru que ce fut possible. Mais en étudiant les textes, en interrogeant les membres du Conseil de l’Ordre, elle s’était rendue compte que tout ne dépendait que d’elle. Il suffisait qu’elle en fasse la demande.

Être avocat, alors que son père n’avait jamais pu le devenir. Quelle revanche et quelle vengeance !

Alors elle avait préparé un dossier de candidature et après quelques démarches indispensables, elle avait été autorisée à s’inscrire au Barreau.

Et, un jour de janvier, Maître Céline Frémont, revêtue de la robe noire, au milieu de plusieurs dizaines de jeunes gens, avait prêté serment devant les magistrats de la Cour d’Appel de Douai.

“Je jure, comme avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité”.

En prononçant ces mots, alors que son enfant dormait encore dans son ventre, Céline avait eu la conviction qu’elle avait, définitivement, changé de vie.


*


Sa première plaidoirie avait été un intense moment d’émotion.

Elle avait préparé son dossier avec soin. Elle se rappela les gestes que Grégoire lui avait enseignés. Prendre une respiration profonde avant de parler pour évacuer le stress, poser sa voix, parler lentement, faire des phrases courtes.

Mais quand le Président lui avait donné la parole dans ce Tribunal correctionnel où la foule se pressait, elle avait eu un moment de panique. Son coeur s’était mis à battre follement. Bien sûr, personne n’avait rien vu de son trouble.

Sauf une personne. Celle qui la connaissait le mieux au monde.

Virginie était là. Cachée au milieu du public. Elle n’avait rien dit à Céline de son intention d’assister à sa première plaidoirie pour ne pas ajouter au trac de sa compagne. Mais elle aurait traversé une barrière de feu pour être là, comme elle avait été présente à sa prestation de serment devant la Cour d’Appel de Douai.

Elle regardait Céline avec fascination.

La jeune femme était magnifique. Les robes noires lui allaient toujours si bien ! Sa voix était agréable et ne tremblait pas. Au fur et à mesure qu’elle parlait, elle prenait de l’assurance.

Malgré le réquisitoire impitoyable du Procureur de la République, elle démontra brillamment l’innocence de son client.

A la fin de sa plaidoirie, elle se rassit. Après avoir donné la parole au prévenu, le Président ordonna une suspension d’audience pour délibérer sur le dossier de Céline et quelques autres.

Quant il revint, quarante minutes plus tard, il prononça la relaxe de son client.

Pour une première plaidoirie, c’était un triomphe. Céline se retourna vers la salle et aperçut Virginie qui paraissait si fière. Elles échangèrent un regard amoureux.


*


Leur vie professionnelle les comblait.

Leur vie personnelle avait atteint sa plénitude.

Elles avaient retrouvé ce bonheur d’être ensemble.

Et leurs nuits, aussi belles que leurs jours. Bien qu’enceinte, Céline ne voulait renoncer à rien. Et Virginie voulait étancher une soif qui ne l’avait pas quittée malgré l’absence de son amante.

Elles voulaient rattraper le temps perdu. Ces six mois de séparation.

Dans la chaleur de la nuit, Virginie se blottissait contre le dos de Céline et posait une main sur son ventre. Ce ventre qui contenait la vie. Puis sa main, doucement, glissait sur son sexe. Ses doigts suivaient le sillon des lèvres ouvertes et mouillées. Son pouce agaçait la pointe du clitoris. Les hanches de son amante roulaient. Céline gémissait, et enfin, dans un râle d’abandon, jouissait sous les caresses de Virginie.


*


Un petit homme était devenu leur seigneur et maître. Leur vie tournait à présent autour de Victor.

Virginie découvrit ces scènes magiques qu’elle avait cru ne jamais connaître. Elle s’émerveillait de tout. De l’enfant endormi dans ses bras. De ses jeux dans l’eau de son bain.

Mais naturellement, pourquoi le cacher, la scène qui la faisait fondre plus que tout était ce moment où, le corps nu de l’enfant contre le ventre de Céline, ses petites mains potelées posées sur le sein de sa mère, Victor tétait goulûment son mamelon.

Virginie avait alors la certitude que son amante et leur enfant étaient toute sa vie.


*


Elles n’étaient plus qu’à une vingtaine de kilomètres de Dinard.

Virginie poussa un léger cri qui réveilla Céline.

- Que se passe-t-il ?

- Regarde ! C’est magnifique !

La voiture venait de s’engager sur la route qui longe le barrage marémoteur de La Rance. D’un côté l’embouchure du petit fleuve qui s’élargit majestueusement à l’approche de la Manche. De l’autre, la côte bretonne déchirée par le fleuve, le village de Saint-Servan dominé par la Tour Solidor, les voiliers qui dansent sur l’eau bleue. Le tout sous un soleil éclatant.

La voiture franchit le barrage et, après quelques kilomètres encore, parvint aux portes de la ville où elle dut s’arrêter à un premier feu rouge. Et là, Céline et Virginie eurent le souffle coupé comme on l’a toujours quand on arrive pour la première fois à Dinard.

Au dessus des solides maisons en granit et aux toits d’ardoises de la cité balnéaire, on voyait au loin, de l’autre côté de la baie, la ville de Saint-Malo, tapie autour de son clocher en pointe, et dont la mer venait lécher les remparts.

Le feu étant passé au vert, elles durent s’arracher à la contemplation de la cité corsaire. Elles traversèrent Dinard, admirant les hautes maisons de style anglais. Elles atteignirent le quartier de Saint Enogat, ancien village de pêcheurs.

Puis après avoir encore parcouru deux ou trois rues, elles arrivèrent enfin à leur destination, le centre de thalassothérapie.

Le bâtiment moderne étaient recouvert de pierres de granit. Très bas, il se confondait avec la falaise qui dominait un sentier de douanier et la plage en contrebas.

Virginie se gara sur le parking qu’une armée de jardiniers avait parsemé de centaines de plantes tropicales et européennes.

Elles sortirent de la voiture. Céline prit Victor dans ses bras. Elles pénétrèrent dans le vaste hall de l’hôtel. L’ameublement était moderne et confortable. Un jeune réceptionniste les regardait avec un sourire bienveillant. Elles se dirigèrent vers lui. Un bagagiste s’empara de leurs clefs de voiture.

Afin que Victor ait sa propre chambre, elles avaient retenu la seule suite de l’hôtel.

Le bagagiste les précéda en poussant un chariot sur lequel il avait entreposé leurs valises. Arrivés devant la suite, il ouvrit la porte et s’effaça pour leur permettre d’en prendre possession.

Elles eurent de nouveau le souffle coupé.

Une baie vitrée donnait sur une vaste pelouse. Au delà de la pelouse, la falaise qui dominait la mer. Au-delà de la mer, la ville de Saint-Malo.


*


Virginie ouvrit la baie afin de permettre à Céline de sortir sur la pelouse avec Victor.

Elle se promena lentement en tenant l’enfant dans ses bras. Victor était réveillé et montrait du doigt les mouettes et les albatros qui volaient au dessus d’eux.

Céline vit que toutes les chambres de l’hôtel offraient une vue sur la mer et certaines sur Saint-Malo.

Devant chaque chambre, deux chaises longues.

Elle revint vers la suite et aperçut deux jeunes femmes allongées sur leurs transats. Elles étaient leurs voisines directes. Un mur séparait leurs chambres.

Elles lui sourirent.

Céline répondit à leur sourire et entra dans la suite. Il était temps qu’elle aide Virginie à défaire les bagages et que celle-ci découvre le lieu magique où elles allaient passer les quinze prochains jours de ce mois de juillet.

Virginie sortit à son tour. Serrant Victor dans ses bras, elle marcha en direction de la haie qui entourait la pelouse et l’hôtel. Elle vit une porte basse qu’elle poussa et se retrouva sur un sentier de douanier.

L’hôtel était idéalement placé. Il suffisait de suivre ce sentier pour rejoindre la plage de Saint-Enogat puis Dinard.

Virginie respira à pleins poumons. Victor babillait, heureux. Ils revinrent vers l’hôtel et vers les deux jeunes femmes qui, toujours allongées sur leur transat, les regardaient avec étonnement.

Elles allaient être voisines, alors Virginie les salua d’un sourire et s’assit à son tour sur un transat.

La conversation s’engagea.

- C’est votre fils ? Il est si beau. Il a des yeux bleus magnifiques.

- Oui, Victor a les yeux de sa mère.

- Oh, ce n’est pas votre fils ? Pourtant, il a vos boucles brunes.

- Si, si, Victor est mon fils. Enfin... je suis sa seconde maman. Céline est ma compagne.

- Votre compagne ? Quel hasard amusant. Je m’appelle Catherine. Mais tout le monde m’appelle Cath. Et voici Léa, ma compagne. Vous semblez découvrir l’hôtel. C’est la première fois que vous venez ici ?

- Oui. Nous sommes venus sur les conseils d’un couple d’amis, Amélie et Grégoire. Amélie a accouché deux mois avant Céline et elle a fait ici une thalassothérapie post-natale “mère et enfant”. Elle a conseillé à Céline d’en faire une. Quant à moi, je suis assez fatiguée. L’année qui vient de passer a été très éprouvante.

- Nous faisons une thalasso également. Nous aurons peut-être l’occasion de nous revoir. En tout cas, si vous ne connaissez pas ce coin de Bretagne, vous pouvez nous demander des renseignements.

- Nous venons d’arriver et nous n’avons pratiquement pas déjeuné. Nous mourons de faim. Pouvez-vous nous conseiller un restaurant pour ce soir ?

- Les excellents restaurants ne manquent pas. Mais si vous êtes fatiguées après la route, je vous conseille de dîner à l’hôtel. La salle de restaurant est au-dessus de nos têtes, quelques étages plus haut. Elle dispose d’une terrasse superbe avec vue sur la mer et sur l’île de Cézembre. C’est l’île que vous voyez là-bas. Celle avec une plage.

- Je vous remercie. Je vais changer Victor. J’espère que nous nous retrouverons plus tard.

- Nous dînons à l’hôtel. Alors, nous nous reverrons sans aucun doute.


*


Avant d’aller dîner, Céline et virginie décidèrent de partir à la découverte de cet hôtel qui allait être leur demeure pendant deux semaines.

La moitié de l’hôtel était consacrée à l’hébergement des estivants, l’autre moitié à la thalassothérapie avec ses cabines de soins, au salon d’esthétique, à la piscine d’eau de mer et au parcours marin. Un solarium prolongeait la piscine.

Toutes ces pièces avaient des fenêtres qui donnaient sur la mer et, selon l’orientation, sur la vieille ville de Saint-Malo.

L’architecte avait réellement fait des prodiges.

Elles pénétrèrent dans le restaurant. Elles virent que cette salle était pourvue, comme les chambres, de larges baies vitrées qui donnaient sur une grande terrasse baignée par le soleil déclinant de cette soirée de juillet. Au loin, on voyait un chapelet d’îles éparpillées sur la mer, et sur le côté, la plage de Saint-Enogat et plusieurs maisons dinardaises accrochées aux falaises.

Toutes les tables de la terrasse étaient occupées.

Elles regrettaient déjà de ne pas avoir fait de réservation et s’apprêtaient à dîner à l’intérieur quand elles virent Léa s’approcher d’elles.

- Bonsoir. Cath et moi avons une table pour quatre personnes. Si le coeur vous en dit, nous pouvons la partager. Bien sûr, Victor est le bienvenu. Le restaurant dispose de chaises pour bébé.

- Merci Léa. Permettez-moi de vous présenter Céline, mon amie.

- Bonsoir Céline. Nous sommes voisines.

- Bonsoir Léa. Je le sais. Je vous ai vue tout à l’heure devant votre chambre. Virginie m’a parlé de vous et de votre amie.

Elles gagnèrent la table où elles s’installèrent. Victor présidait, assis sur sa chaise.

Puisqu’elles étaient en Bretagne et qu’elles mouraient de faim. elles décidèrent de commander un gigantesque plateau de fruits de mer. Tout en dégustant les crustacés, elles firent mieux connaissance.


*


Cath était puéricultrice. Elle avait tout naturellement été attirée par la beauté de Victor. Léa était commissaire au Service Régional de Police Judiciaire de Rennes.

Elles n’étaient pas bretonnes, mais lyonnaises. Les hasards des affectations de Léa les avaient conduites dans cette région.

Elles sourirent en découvrant que deux marseillaises s’étaient exilées à Lille. Les professions de Céline et de Virginie, avocat pour l’une, chef de chantier pour l’autre, furent un autre sujet d’étonnement.

Elles parlèrent longtemps. Après le dîner, elles décidèrent de prendre un dernier verre au bar de l’hôtel dont les fenêtres donnaient sur Saint-Malo.

Elles se sentaient en confiance les unes avec les autres. Mais surtout, elles avaient vécu les mêmes choses. La vie de femmes qui s’aiment. Qui doivent affronter le regard des autres et les obstacles mis sur leurs routes.

Elles revinrent à leurs chambres. Depuis longtemps, Victor s’était endormi dans les bras de Virginie, une boucle de cheveux bruns serrée dans son petit poing.

Elles se dirent au revoir. Elles se donnèrent rendez-vous pour le petit déjeuner du lendemain qu’elles prendraient sur la terrasse du restaurant.


*


Céline et Virginie furent réveillées par le soleil qui pénétrait à flots dans leur chambre. Elles baignèrent Victor, prirent une douche rapide et se présentèrent au breakfast à l’heure convenue avec Cath et Léa.

Celles-ci les attendaient avec le sourire.

- Bonjour. Bien dormi ?

- Oui merveilleusement bien. Le voyage nous avait fatiguées. Nous avons été réveillées par le soleil.

- Oui, ce sera une très belle journée. Vous avez des projets pour l’occuper ?

- Nous souhaitons découvrir Dinard et Saint Malo que nous ne connaissons pas. Mais nous devons nous présenter à la thalasso pour organiser le programme des soins. Et nous rêvons de nous plonger dans la piscine.

- Céline, quel programme ! Vous n’aurez pas assez de vingt quatre heures pour tout faire ! Léa et moi nous faisons nos soins en début de matinée ou en fin d’après midi. Ainsi nous avons la journée complète pour d’autres activités. Nous vous conseillons de faire comme nous.

- Excellente idée !

- Par ailleurs, Cath ne vous l’a pas dit, mais vous pouvez laisser la voiture et aller à Dinard à pied par le sentier des douaniers puis de là prendre un bateau pour Saint-Malo.

- En attendant, prenez un solide petit déjeuner. Allez vous servir au buffet. Léa vous servira de guide. Moi, je reste avec Victor.

- Nous ne voulons pas vous ennuyer avec notre petit bonhomme.

- Il ne m’ennuie absolument pas. Et puis, c’est mon métier,  vous savez. De toute façon quelqu’un doit rester ici pour surveiller Victor et protéger le contenu des assiettes.

- Protéger le contenu des assiettes ? Mais contre qui ?

- Contre les mouettes et les albatros. Si on laisse la nourriture sans surveillance sur une table, les oiseaux viennent se servir. Hier encore, ils ont mangé, directement dans l’assiette, les oeufs brouillés d’un estivant qui était retourné au buffet chercher du pain et de la confiture. Je sais que ce n’est pas très charitable mais j’ai trouvé ça très drôle. Léa n’a rien fait pour arrêter ces voleurs.

- Je suis en vacances, Cath ! J’ai laissé mon insigne de flic au fond de ma valise !


*


Suivant les conseils de leurs nouvelles amies, Céline et Virginie arrêtèrent un programme de thalassothérapie sur six jours.

Leurs vacances se présentaient sous les meilleures auspices.

Soins le matin ou le soir, entrecoupés de séjours dans la piscine d’eau de mer, déjeuners à l’hôtel ou ailleurs,  balades l’après-midi afin de découvrir cette côte si magnifique qu’on l’appelle la Côte d’Emeraude, shopping dans les boutiques de Dinard ou de Saint Malo. Enfin dîners à l’hôtel ou dans un des nombreux restaurants dinardais ou maloins.

Leur cure de thalassothérapie ne commençant que le lendemain, elles décidèrent de se rendre à la piscine et d’y attendre Cath et Léa.

Alors que Céline s’allongeait sur l’un des transats du solarium, Virginie entra dans la piscine en tenant Victor dans ses bras.

L’eau n’était pas une découverte pour lui. Il appréciait le contact de cet élément et le faisait savoir en poussant des cris de joie. Il frappait l’eau de ses petits poings, s’amusant des éclaboussures.

Tout au bonheur de s’occuper de son fils, Virginie se demanda comment elle avait pu, des mois auparavant, refuser d’avoir un enfant avec Céline. Comment elle avait pu la quitter.

Heureusement, Céline avait tenu bon.

Elle avait décidé, seule, d’avoir cet enfant qui les comblait, l’une comme l’autre. Elle avait décidé de retrouver et de reconquérir Virginie.

Grâce à Céline, grâce à Victor, sa vie avait connu un renouveau fabuleux.

Il n’était rien qu’elle n’était prête à faire pour eux.


*


Quand elle revint avec Victor auprès de sa compagne, Céline lui fit une moue très touchante. Elles se parlèrent en chuchotant.

- Virginie, tu ne t’occupes plus de moi. Tu te consacres uniquement à Victor. Je vais finir par être jalouse de mon propre fils...

- Tu n’as pas à être jalouse. Je crois que je t’aime dix fois plus depuis qu’il existe. Je passe mon temps à rechercher, en lui, des traces de toi. Il y a les yeux bleus naturellement, mais aussi cette façon intrépide de vivre sa vie...

- Virginie, voyons... c’est un bébé de six mois...

- Il n’a jamais peur. Il n’est effrayé par rien. Il regarde les choses et les gens avec curiosité  et gentillesse. Avec ce sourire désarmant qui est aussi le tien.

- Je n’ai pas toujours eu envie de sourire, Virginie.

- Mais maintenant, je ferai tout pour que tu en aies toujours envie... Je t’aime, Céline. Et si nous n’étions pas entourées d’estivants en train de se dorer au soleil, je te le prouverais avec enthousiasme... Tu es tellement belle dans ce maillot de bain... La maternité n’a pas transformé ta silhouette. Tu as toujours ses formes parfaites qui attisent ma faim...

- Vraiment ? J’avais pourtant l’impression que nos deux amies étaient à ton goût. Léa est mince et sportive, avec un beau visage de madone, aux traits fins, des yeux intelligents, des cheveux noirs et courts. Cath est également ravissante, avec son côté brindille, sa bouche petite mais pleine, ses cheveux bruns, son nez droit, ses yeux couleur marine.

- Ce sont de très jolies filles, c’est vrai. Si je ne te connaissais pas, et si elles n’étaient pas amoureuses l’une de l’autre, il est possible que j’essaierais de les séduire. Mais, tu es là et je ne vois plus les autres femmes depuis que je t’aime.

- Tiens les voici, justement.

Virginie tourna la tête et aperçut Léa et Cath traverser la terrasse pour venir près d’elles.


*


Elles prirent possession de deux transats. Elles semblaient heureuses et détendues. Elles l’étaient.

- Alors ces soins ? Agréables ?

- Fantastiques ! Même si on est obligé de regarder sa montre comme au boulot, car les soins sont minutés et à heure fixe. Ce petit inconvénient est largement compensé par le plaisir qu’on éprouve. Bain bouillonnant, douche à affusion, bain d’algues. Je me sens reposée, en forme, prête pour une journée de marche sur les sentiers de douaniers.

- Léa ne vous le dit pas. Mais elle n’a pas apprécié que je me fasse longuement masser par un charmant kinésithérapeute.

- Ca ne t’a pas gênée d’être pratiquement nue devant lui ?

- Mais lors des soins, nous sommes en maillot de bain ou totalement nues. Et toi cela ne t’a pas gênée d’être nue devant ton hydrothérapeute - une femme ravissante, je l’ai vue - pour ton bain d’algues ?

Léa et Cath continuèrent cette querelle sous les regards amusés de Céline et Virginie pendant quelques minutes. Victor y mit un terme en tendant ses bras vers Léa, manifestant ainsi son souhait qu’elle le prenne sur ses genoux.

- Quel est votre programme pour aujourd’hui ?

- Céline et moi aimerions découvrir Dinard et Saint-Malo. Vous nous avez dit que l’on pouvait tout faire à pied ?

- Oui, à marée basse, il suffit de traverser la pelouse qui se trouve devant les chambres, de passer la haie et on se retrouve sur le sentier des douaniers. Il y a un escalier le long de la falaise qui permet de descendre sur la plage de Saint-Enogat. Vous traversez la plage en longeant la mer et vous prenez un sentier aménagé qui se trouve au pied des falaises et qui les longe jusqu’à la plage de Dinard. C’est la promenade de la Malouine. A Dinard, vous prenez un bateau qui traverse la baie en dix minutes et vous arriverez aux pieds des remparts de Saint-Malo. Mais si vous le voulez, Cath et moi pouvons vous servir de guides. Nous connaissons tout cela par coeur.

- C’est étrange pour deux lyonnaises.

- Nous sommes venues à Rennes quand Léa a été mutée au SRPJ. Rennes est une ville très agréable. Mais dès que nous le pouvons, nous venons ici. La côte est si belle. Il y a des balades extraordinaires à faire. Des lieux idéaux pour un pique-nique.

- Et bien c’est entendu. Nous vous embauchons comme guides touristiques.

- Parfait, Cath et moi nous vous invitons à déjeuner à Dinard d’où nous prendrons la vedette pour Saint-Malo. Mais pas dans une crêperie car j’ai horreur des crêpes !


*


Cath et Léa leur firent découvrir Dinard et Saint-Malo. La journée fut exceptionnelle. Tout simplement parce que ce coin de Bretagne est exceptionnel

Les trois promenades qui enserrent Dinard permettent de découvrir les immenses villas construites en surplomb des falaises, entre 1860 et 1929, par de riches touristes anglais ou américains.

Un grand nombre d’entre elles évoquent des manoirs anglais. Ce n’est que profusion de tourelles, de bow-windows, de vérandas. Ce n’est qu’un mélange fantaisiste de tous les matériaux : bois, granit et stuc peuvent se côtoyer sur une même façade.

De grands toits d’ardoise coiffent le tout entouré d’une végétation luxuriante composée d’hortensias blancs, roses, bleus ou violets ou de plantes tropicales.

La traversée en bateau, qui est ici considéré à l’identique d’un bus ou d’un tramway, leur permit de rallier Saint-Malo en dix minutes. Elles voyaient s’éloigner la cité balnéaire de Dinard avec ses cinq cents villas accrochées à la falaise et se rapprocher les solides remparts de Saint-Malo.

La ville intra-muros est composée de hautes maisons de granit construites autour de la cathédrale Saint-Vincent. La ville, pratiquement rasée après les bombardements de 1944, a été reconstruite à l’identique.

Les quatre jeunes femmes marchaient le long des rues réservées aux flots des touristes. Céline butinait de boutiques en boutiques. Virginie, Léa et Cath, plus sages, la suivaient, en portant les paquets et Victor.


*


La vieille ville de Saint-Malo est encerclée de remparts qui la protègent des assauts de la mer, et, pendant des siècles, de ceux des navires anglais. C’est pourquoi la vieille ville est appelée intra-muros, dans les murs.

Les jeunes femmes avant de quitter la ville, firent un tour de ces remparts et admirèrent la vue qui ont y avait, le spectacle de la mer, les solides maisons de granit et d’ardoises aux fenêtres tournées vers le large, les plages blotties au pied des remparts, les petites îles rocheuses qui l’encerclaient, puis elles regagnèrent le quai où elles remontèrent à bord de la vedette en direction de Dinard.

Il était presque 20 heures quand elle arrivèrent dans la cité balnéaire. Alors Léa et Cath proposèrent de dîner immédiatement dans un restaurant situé à deux pas de l’embarcadère.

Là, devant une bouteille de champagne rosé qui reposait dans son seau, devant Victor qui reposait dans les bras de Céline, elles organisèrent la journée du lendemain.

Leurs soins avaient lieu en fin d’après-midi, ce qui leur laissait toute la journée libre. Léa et Cath proposèrent un pique-nique sur la plage, au pied du fort La Latte, au-delà du cap Fréhel.

Ce nom étonna Céline et Virginie, qui n’étaient pas emballées à l’idée de se rendre près d’un fort militaire. Mais les deux bretonnes d’adoption leur promirent une promenade dont elles se souviendraient longtemps.

Quelques heures plus tard, alors qu’elles avaient enfin regagné leur chambre et couché Victor, Céline et Virginie, épuisées par cette journée de shopping et de tourisme, s’endormirent rapidement.


*


Pour des jeunes femmes en vacances, elles s’étaient levées aux aurores. Huit heures. Immédiatement, elles s’étaient rendues à la piscine de l’hôtel. A cette heure “matinale”, il n’y avait personne d’autre qu’elles dans le bassin.

Elles nagèrent pendant une heure, chacune, à tour de rôle, s’occupant de Victor .

Puis elles s’étaient rendues dans le bassin contigu de 100 m2, appelé parcours marin, où elles s’étaient adonnées au plaisir des jets sous-marins qui venaient masser leur corps.

Comme la piscine, le parcours, entouré de baies vitrées sur trois côtés, était baigné de lumière et donnait sur la baie de Saint-Malo.

C’était si relaxant de bavarder tout en admirant la vieille ville au loin et en laissant l’eau masser un dos endolori par une année de travail !

Après un solide petit déjeuner, elles étaient parties en direction du fort La Latte, s’arrêtant au préalable dans les boutiques de Dinard pour acheter les victuailles du pique-nique.

Elles avaient garé leur voiture sur un parking et avaient pris, à pied, la direction du fort La Latte. Elles avaient revêtu des vêtements de randonneuses, tee-shirt sur un maillot de bain, short et solides chaussures de marche. Les victuailles dans les sacs à dos de Léa et Cath, Victor dans un porte-bébé sur le ventre de Virginie.

En approchant du Fort, Céline et Virginie comprirent pourquoi leurs amies leur avaient promis un souvenir inoubliable.

Protégé par deux ravins qu’on ne franchit que par pont-levis, ceint de murailles en grès rose, surmonté d’un formidable donjon, le fort La Latte est un château-fort, construit sur une falaise soixante mètres au-dessus de la mer. A cet endroit la côte est déserte. Aucune habitation. Le fort n’est entouré que de rochers, de plages, de bruyères et de mousses.


*


En découvrant ce château moyen-âgeux qui dominait la mer, Céline et Virginie eurent le souffle coupé. Léa et Cath s’amusaient de leur étonnement.

- Le fort La Latte a servi de décor à de nombreux films et notamment aux “Vikings” de Richard Fleischer tourné ici en 1958 avec Tony Curtis et Kirk Douglas.

- Léa oublie de vous dire que toute l’équipe du tournage logeait à Dinard et les stars au Grand Hôtel. Kirk Douglas s’y est, paraît-il, beaucoup amusé. Il y a créé un cocktail, le 333. Un tiers de gin, un tiers de liqueur d’orange, un tiers de jus de pamplemousse...

- Cet endroit est fabuleux ! Vous avez eu raison de nous y conduire.

- Suivez-nous. Nous allons emprunter un sentier de douaniers. Puis un petit chemin que nous avons repéré entre les buissons de bruyères, qui n’est connu que de nous et de quelques très rares habitués. Il mène à la plage qui se trouve en contrebas, juste au pied du fort La Latte.

Elles empruntèrent le chemin qui serpentait le long de la falaise au milieu d’une végétation très haute.

Léa marchait en tête devant Céline et Virginie. Cath fermait la marche. A un moment Léa écarta les buissons et un étroit sentier, dissimulé par les herbes, apparut.

Elles suivirent une pente douce et débouchèrent sur une petite plage parsemée de rochers, dominée par la masse impressionnante du château.

Cath et Léa déplièrent une toile sur le sable et disposèrent les boîtes qui contenaient leur repas, des assiettes et des verres. Elles sortirent le champagne et le Muscadet de leurs sacs à dos.

Elles étaient aussi bien qu’il était possible de l’être. Seules au monde sur cette plage que la marée haute n’avait pas encore envahie.

Elles discutaient sans fin en savourant les plats achetés chez un traiteur de Dinard, le champagne et le vin blanc.

A un moment, Victor fit comprendre que, lui aussi, avait faim. Céline, rougissante, s’excusa.

- Victor a faim. Je dois lui donner son repas.

- Vous avez apporté son biberon ?

- Léa, voyons, tu plaisantes. Céline n’a pas besoin de biberon pour son fils !

- Non, en effet. Je n’ai pas besoin de biberon. Je vous prie de m’excuser...

Elle retira son tee-shirt et son haut de maillot de bain. Sa magnifique poitrine apparut. Elle prit Victor dans ses bras et le posa contre elle. L’enfant, immédiatement, saisit le sein de sa mère entre ses petites mains potelées et commença à téter goulûment.

Léa et Cath étaient fascinées et ne pouvaient détacher leur regard de ce spectacle. Virginie s’approcha alors de sa compagne et de leur fils.

Céline comprit que, par ce geste, son amante voulait signifier que Victor et elle étaient sa propriété.


*


Le soir avant de se coucher, alors que Victor dormait déjà dans sa chambre, Céline en fit la remarque à Virginie.

- Tu ne nous aurais pas fait un petit coup de jalousie, tout à l’heure, sur la plage ?

- Je ne vois pas à quoi tu fais allusion...

- Mais si. Quand je donnais le sein à Victor. Il m’a semblé que tu n’appréciais pas l’intérêt que je suscitais chez Léa et Cath...

- Mais pas du tout !!!

- Vraiment ?

- Et bien... elles te regardaient avec de tels yeux... Léa encore, je peux comprendre... Mais Cath est puéricultrice. Des femmes qui donnent le sein, elle en voit tous les jours.

- Donc, tu étais bien jalouse...

- Mais non ! Enfin... c’est-à-dire... Oui, j’étais jalouse !

- Virginie, tu n’as rien à craindre. Elles sont amoureuses l’une de l’autre. Et moi, je le suis aussi... de toi...

Céline s’approcha d’elle et emprisonna son visage entre ses mains. Elle déposa un long baiser sur ses lèvres. Puis elle brisa cette étreinte.

- Viens maintenant, viens...

- Céline... Nous n’allons pas faire l’amour devant Victor...

- Il dort déjà. Et je te rappelle qu’il a sa propre chambre. Pour permettre à ses deux mamans de s’isoler et de faire ce que ses petits yeux ne doivent pas voir. Ce que ses petites oreilles ne doivent pas entendre...

Lentement, Céline déboutonna sa veste de pyjama. Elle en ouvrit les pans, dévoilant ses seins et son ventre. Elle fit glisser le vêtement le long de ses bras et le jeta sur un fauteuil.

Virginie la regardait, subjuguée.

Céline lui prit la main et la posa sur son ventre.

- A toi, Virginie. Finis ce que j’ai commencé...

Virginie s’agenouilla devant elle et fit glisser son slip le long de ses jambes. Céline était nue. Elle caressa ses fesses. Embrassa son ventre.

Elle sentit le désir monter en elle comme une déferlante. Elle se leva, enlaça Céline et la serra contre son corps. Elle prit possession de ses lèvres avec voracité. Puis elle la repoussa vers le lit où elle l’allongea.

Elle se déshabilla fébrilement et s’allongea sur elle. Elle glissa une jambe entre ses cuisses. Elle sentit son sexe humide sur sa peau, ses mains qui effleuraient son dos.

Leurs corps ne demandaient qu’à s’aimer, à jouir l’un de l’autre.


*


Le petit-déjeuner se déroulait de cette façon si agréable qui leur était devenu habituelle. Céline, Virginie et Victor avaient rejoint Cath et Léa sur la terrasse. Elles bavardaient et préparaient le programme de la journée.

A un moment, Virginie tourna la tête vers la falaise.

- Les oiseaux nous laissent tranquilles ce matin. Ils ne tentent pas de piller nos assiettes. Par contre, on dirait qu’ils ont à faire là-bas au pied de la falaise.

Céline tourna la tête à son tour. Elle vit une quinzaine d’oiseaux qui volaient au dessus d’un point situé en contrebas. Certains plongeaient en piqué puis s’envolaient de nouveau. Les oiseaux se querellaient et criaient.

- Ils ont dû trouver quelque chose à manger qui leur plaît mieux que les tartines beurrées et la confiture. Un poisson rejeté par la mer sans doute.

Cath pris la parole à son tour.

- Les mouettes et les albatros sont de vrais poubelles. Ils mangent tout ce qu’ils trouvent.

Léa s’étonna.

- C’est curieux. Ce ne peut pas être un poisson rejeté par la mer. La marée haute ne monte pas si loin en été. Les oiseaux ont dû trouver autre chose. Je me demande ce que ça peut être.

Léa eut rapidement sa réponse.

Un promeneur, qui marchait sur le sentier des douaniers, s’était penché, intrigué par le manège des oiseaux. Il se mit à hurler.

Les vacances de Léa étaient terminées.

Un corps, désarticulé, gisait, sur les rochers, au pied de la falaise.


*


Léa avait bondi.

Empruntant les escaliers qui couraient le long des étages de l’hôtel, de la terrasse jusqu’à la pelouse, elle avait, en quelques minutes, rejoint l’homme qui avait crié.

Virginie, abandonnant Céline, Cath et Victor, l’avait suivie.

L’homme qui avait découvert le corps, profondément choqué, était tombé à genou et sanglotait.

Les deux jeunes femmes se penchèrent à leur tour au-dessus de la falaise.

La nausée leur vint aux lèvres.

Le corps reposait sur le dos. Les bras et les jambes, brisés au contact des rochers, présentaient des angles curieux.

Sous la violence du choc, la boîte crânienne s’était ouverte. Mouettes et albatros venaient picorer son contenu ensanglanté.

Les parties tendres du visage, aux orbites vidés, avaient été dévorées en premier. Les oiseaux s’envolaient, tenant dans leur bec des bribes de chair arrachées au cadavre.

En plus de la quinzaine d’oiseaux qui volaient autour du corps, plusieurs albatros s’acharnaient sur ce qui n’était plus qu’un pantin disloqué.

Léa prit son portable et composa rapidement le numéro du Commissariat de Dinard. En quelques phrases brèves, elle fit part de la macabre découverte. Elle raccrocha.

- Mes collègues arrivent. Il seront là dans quelques minutes.

- C’est toi qui vas être chargée de l’enquête ?

- En principe non. C’est le Commissaire de Dinard. Sauf, si le Procureur de la République de Saint-Malo juge préférable de la confier au SRPJ de Rennes. Mais même alors, j’espère qu’elle sera attribuée à un collègue. Après tout, je suis en vacances...

- Nous ne devrions pas descendre pour chasser ces oiseaux ?

- Non. Je sais ce que cela a de pénible de les voir dévorer le corps. Mais, nous ne devons pas marcher sur la scène de crime.

- Sur la scène de crime ? Tu crois qu’il s’agit d’un meurtre ?

- Je n’en sais rien. Mais dans le doute, nous ne devons rien faire qui risquerait d’effacer des indices.

Des badauds s’étaient approchés, certains accompagnés de très jeunes enfants.

- Virginie, aide moi à écarter ces gens. Surtout ceux avec des enfants.

Léa intima aux chalands l’ordre de s’éloigner. Elle leur disait qu’elle était policier et qu’il ne fallait pas que les enfants regardent. Son ton, calme mais autoritaire, fit merveille. Les badauds s’écartèrent.

Quelques minutes plus tard, elles virent des policiers en uniforme qui sortaient de l’hôtel pour les rejoindre. A leur tête, un homme d’une trentaine d’années. Il regarda Léa avec étonnement.

- Commissaire Noly ? Mais que faites vous là ? Le SRPJ de Rennes a déjà été prévenu ? On nous retire l’enquête ?

- Mais non, Commissaire Nardi, rassurez-vous. Je suis là en spectatrice. En fait, je suis en vacances au centre de thalassothérapie. J’étais sur la terrasse, en train de prendre mon petit déjeuner avec des amies, quand le corps a été découvert. C’est moi qui vous ai appelés. J’ai essayé de préserver la scène de crime de toute invasion intempestive.

- Un crime ? Qu’en savez-vous ?

- Je n’en sais rien. Cela peut tout aussi bien être un accident par imprudence. Notre homme a pu s’éloigner du sentier des douaniers, se pencher au dessus du vide et tomber. Mais il a pu aussi être attiré au bord de la falaise d’où on l’aura poussé... Je n’ai aucune certitude. Ou plutôt si. Une seule...

- Laquelle ?

- Maintenant que vous êtes là, je vais retourner à mon petit déjeuner et à mes vacances. Au revoir, Commissaire Nardi. Bon courage...

Léa lui serra la main, un petit sourire aux lèvres, lui tourna le dos et retourna à l’hôtel suivie de Virginie.

- Léa, il avait l’air soulagé de te voir partir.

- C’est naturel. Il y a une rivalité entre la police locale et les services régionaux de police judiciaire. C’est à qui marchera sur les plates-bandes de l’autre. Mais moi, je n’ai pas envie de faire concurrence au Commissaire Nardi. Je n’ai envie que d’une seule chose. De mes vacances avec Cath. En attendant, inutile de donner aux filles trop de détails sur ce que nous avons vu...


*


Tout en parlant, elles avaient rejoint Céline, Cath et Victor.

- Léa, c’est bien un corps qui gît sur les rochers ?

- Oui, Cath. C’est bien un corps.

- J’espère qu’on ne va pas te demander de mener l’enquête.

- Il n’y a aucune raison, Cath. ça a tout l’air d’un simple accident par imprudence. Cela ne concerne pas le SRPJ.

- Un simple accident ? A dix mètres au moins du sentier des douaniers. C’est quand même curieux. Il s’est peut-être suicidé ?

- Non, Céline. Je ne crois pas que ce soit un suicide.

- Pourquoi Léa ? Pourquoi pas un suicide ?

- Parce qu’il est en tenue de jogging. Un tee-shirt, un short et des tennis au pieds. Ce n’est pas une tenue pour se suicider. Et puis la méthode. Il pouvait se rater et rester paralysé toute sa vie. Non, vraiment je doute que ce soit un suicide...

- Reste donc la thèse de l’accident.

- Ou du meurtre. On ne peut pas l’exclure... Mais c’est au cher Commissaire Nardi de résoudre l’énigme. Je la lui laisse avec plaisir...

Tout en prononçant ses paroles, Léa recouvrait un toast grillé d’une épaisse couche de beurre salé et de confiture.

Virginie la regardait faire. Elle était incapable de toucher à son assiette.

- Léa, comment peux-tu avaler quoi que ce soit après un tel spectacle ?

- J’ai l’habitude Virginie. J’ai l’habitude. Hélas...


*


Elles avaient fini leur petit déjeuner rapidement. Léa était la seule à avoir encore de l’appétit.

Ce n’était pas du mépris ou de l’insensibilité. Mais la force de l’habitude.

Elle en avait tant vu ! Elle était blindée.

Virginie n’arrivait pas à oublier cette vision de cauchemar. Ce visage énucléé, sans nez, sans oreilles, sans lèvres. Ces oiseaux qui se disputaient des lambeaux de chair humaine.

Elle se souvint de ce poème de François Villon. Pies et corbeaux nous ont les yeux cavés et arraché la barbe et les sourcils.

Elle avait l’impression d’être dans un film d’horreur.

Elle ne pouvait pas s’en empêcher. Dès qu’elle fermait les yeux, des images se bousculaient sur l’écran noir de ses paupières. Les images atroces du corps mutilé. Mais aussi le souvenir de films qu’elle avaient vus et qu’elles avaient adorés car ils n’étaient que fiction.

Les Oiseaux d’Hitchcock, Excalibur de John Boorman.

Leurs soins de thalassothérapie avaient lieu dans la matinée. Elle avait tenté de trouver l’oubli dans les bains bouillonnants, sous les douches à affusion. Mais rien n’y faisait.

Elle espérait que le massage prodigué par Morgane, sa kinésithérapeute, allait enfin chasser ses idées noires.

Elle la suivit dans les couloirs de l’institut. Elles entrèrent dans la cabine de massage dont les fenêtres donnaient sur Saint-Malo.

Elle retira son peignoir en coton-éponge, son maillot de bain et se retrouva nue devant la jeune femme qui lui tendit un string jetable.

Virginie s’allongea sur le ventre sur la table de massage. Le silence régnait dans la pièce simplement perturbé par le léger bruit des pieds nus de Morgane sur le sol et le souffle de la mer qui pénétrait par les fenêtres ouvertes.

Morgane s’assit devant elle et commença à masser son cou.

- Je sens une contracture. Sans doute due au stress.

- Oui, je suis un peu perturbée. J’ai vu le cadavre qu’on a découvert ce matin au pied de la falaise.

- Oui, je suis au courant de cette histoire. On ne parle que de ça, en ville, à l’hôtel... Quand je suis arrivée tout à l’heure, la Police était en train d’emmener le corps... Un accident à ce qu’il paraît...

- La Police n’en sait rien. L’enquête commence...

- Vous devez oublier ce que vous avez vu. Détendez-vous...

Morgane massa lentement le cou. Puis ses mains glissèrent sur les omoplates et le dos.

Virginie se laissa aller. L’apaisement vint enfin. Elle oublia tout ce qui n’était pas le contact de ces deux mains chaudes et douces sur son corps.


*


L’après-midi fut consacré à découvrir une autre promenade. Elles avaient décidé d’un nouveau pique-nique sur une plage près du golf de Saint-Briac, à une dizaine de kilomètres de Dinard.

Après avoir garé leur voiture, elles avaient suivi le sentier des douaniers qui longeait l’un des plus vieux golfs de France, créé en 1887 par des touristes anglais, anciens officiers des armées des Indes ou d’Egypte venus séjourner à Dinard et désireux de pratiquer un de leurs sports favoris.

Sa situation est fabuleuse, dominant la mer, entre les ajoncs et les genêts, sur les landes, les dunes, les falaises et les grèves.

Puis elles avaient quitté le sentier et emprunté un escalier dont les marches étaient constituées de sable retenu par des rondins de bois. Elles avaient gagné facilement une petite plage où elles avaient pique-niqué et s’étaient adonnées aux joies de la natation et du bain de soleil.

Virginie, peu à peu, avait oublié les images qui la hantaient.

Au retour, un incident amusant chassa définitivement ses idées noires.

Alors qu’elles marchaient sur le sentier pour regagner leur voiture, elles virent un golfeur de quarante cinq ans environ occupé à chercher sa balle qu’un swing trop puissant avait sortie du green.

Elles le reconnurent immédiatement. Il était bien tel qu’elles l’avaient vu des dizaines de fois. Les cheveux bruns ébouriffés, l’air penaud du petit garçon pris en faute.

- Léa... je ne savais pas qu’il habitait la région.

- Il n’habite pas la région, Céline. Il vient y passer ses vacances tous les étés. Il loue une maison près du golf. C’est un joueur acharné mais pas très adroit. Tout le monde dit qu’il est très gentil.

Cath intervint à son tour.

- Il a découvert la côte en participant au Festival du Film anglais qui a lieu, à Dinard, tous les ans en septembre. Il paraît qu’il cherche une maison à acheter dans le coin.

Elles approchaient de plus en plus du golfeur. Céline fut la première à voir sa balle. Elle la ramassa et au moment où elles le croisaient, la lui tendit en souriant.

- Joli coup, Monsieur.

Il prit sa balle et la remercia en bafouillant.

Elles continuèrent leur route. Après avoir marché pendant vingt mètres, les quatre jeunes femmes ne purent s’empêcher de se retourner.

Hugh Grant les regardait s’éloigner, l’air songeur.


*


Le dîner fut très animé. Bien sûr, la rencontre fortuite avec l’acteur anglais Hugh Grant était au centre de la conversation.

Léa et Cath précisèrent que Dinard et ses alentours avaient l’habitude des célébrités.

Agatha Christie y avait séjourné quand elle était enfant. Les mystérieuses villas dinardaises l’avaient sans doute inspirée quand, devenue écrivain, elle avait imaginé les scènes de crime de ses romans les plus fameux.

Pablo Picasso y avait passé plusieurs étés dans les années 20 et y avait peint. Naturellement.

Claude Chabrol y avait tourné plusieurs films, notamment Cérémonie avec Isabelle Huppert et Sandrine Bonnaire.

L’incident avec Hugh Grant, le sourire ravageur que lui avait lancé Céline, la réponse bafouillante de la star amusaient beaucoup Cath et Léa.

Virginie, accaparée par Victor, se taisait.


*


Elle se taisait encore quand, après avoir couché Victor et fait sa toilette, elle avait rejoint Céline dans leur lit.

Sans un mot, elle avait pris son livre et en avait commencé la lecture.

Céline la regardait en souriant. Elle laissa passer quelques minutes puis brisa le silence.

- Je me trompe ou tu me fais la tête ?

Le bruit des pages que l’on tournait lui répondit.

- Virginie ?

Son amante ne daignant pas lui répondre, Céline lui prit le livre des mains et le posa sur la table de chevet. Virginie croisa les bras sur sa poitrine, l’air buté.

- Oui visiblement, tu me fais la tête. Et je peux savoir pourquoi ?

- Tu ne devines pas ?

- Non, je ne vois pas...

- Cherche...

- Voyons... Je nage le crawl plus vite que toi ? Non... Au dessert, j’ai repris deux fois du Kouign amann ? Non plus... J’ai acheté trop de choses dans les boutiques de Saint-Malo et de Dinard ? Ce n’est pas ça... Désolée, je ne vois pas...

- Céline tu peux faire mieux que ça... J’ai l’impression très nette que tu te moques de moi.

- Oui, je l’avoue. Je me moque de toi. Mais gentiment. Dis-moi ce qui ne va pas.

- Comme l’ont dit Léa et Cath. Le sourire ravageur que tu as fait à cet acteur.

- A Hugh Grant ? Mais enfin Virginie, je voulais seulement être aimable. Il était tellement drôle avec son air déconfit. Et puis, quand j’avais vingt ans, j’en étais amoureuse, comme toutes les filles qui ont vu le film Quatre mariages et un enterrement.

- Non, pas toutes les filles. Moi, je n’en étais pas amoureuse.

- Je m’en doute... Je présume que tu préférais ses partenaires, Andie Mac Dowell ou Kristin Scott Thomas. A moins que ce ne soit la petite boulotte aux cheveux rouges...

- Céline !

- Tu es gonflée de me faire des reproches ! Toi qui regarde The-L-Word en boucle... Quand cette actrice, Rachel Shelley, apparaît, j’ai toujours l’impression que tu vas violer la télévision !

- Céline !

Les deux jeunes femmes ne prononcèrent plus un mot. Elles se couchèrent et se tournèrent le dos.

Quelques minutes passèrent.

Virginie fut la première à briser le silence en se mettant à rire doucement. Intriguée, Céline se tourna vers son amante et posa son menton sur son épaule.

- Pourquoi ris-tu ?

- Je me demande vraiment comment on peut violer une télévision...

Céline se mit à rire à son tour.

- C’était une image. Osée, je te l’accorde.

- En plus, Rachel Shelley est très belle, mais je connais mieux, beaucoup mieux...

- Ah oui et qui ça ?

- Tu ne devines pas ? Décidément Céline, tu n’y mets pas du tien ce soir...

- Je suis prête à faire des efforts...

Virginie se tourna vers elle.

- Ah oui ? Je voudrais bien voir ça...

- Tu vas voir...

Céline se pencha sur son amante et l’embrassa.

- Virginie, tu n’es qu’une ravissante idiote... Je t’aime...

Un bouton après l’autre, elle ouvrit la veste de Virginie et la fit tomber de ses épaules. Elle la saisit et la jeta. Le vêtement retomba sur un fauteuil. Puis elle posa ses mains sur ses hanches et lui ôta son slip en frôlant sa peau.

Son amante était nue. Elle massa ses bras du bout des doigts, caressa ses seins et son ventre.

Virginie se laissa envahir par la douceur enivrante de ces effleurements. Elle écarta les cuisses, invitant Céline à la prendre. Elle cambra les reins et attendit.

Mais Céline prenait son temps pour jouer de l’impatience de sa maîtresse. Elle se mit à mordiller sa gorge, à agacer sa poitrine et son ventre de sa langue.

- Céline, Céline, je t’en prie. Touche moi... Je n’en peux plus de t’attendre...

Céline posa la paume de sa main sur son pubis. Elle sentit sa chaleur humide. Ses doigts s’insinuèrent entre les plis de ses lèvres gonflées. Les hanches de Virginie roulaient, essayant de provoquer ce feu qui pourrait la consumer.

Céline jugea qu’il était temps de mettre fin à son délicieux supplice. Elle glissa entre ses jambes et posa ses lèvres sur son sexe.

Virginie se mit à gémir sous les attaques de la langue, de la bouche qui la goûtait, qui la buvait et elle s’offrit toujours plus, s’ouvrant comme un fruit mûr.

Elle enfouit ses poings dans les cheveux de son amante, la soumettant à son désir, jusqu’à ce que, tendue comme un arc, elle relâcha son étreinte dans un rugissement de plaisir.


*


Comme tous les matins, elles étaient en train de prendre leur petit déjeuner sur la terrasse ensoleillée de l’hôtel, face à l’île de Cézembre.

Elles parlaient de leurs projets pour la journée, leurs soins ayant lieu en fin d’après-midi, quand Léa interrompit leur joyeux bavardage d’un air maussade.

- Le Commissaire Nardi ! Qu’est-ce qu’il vient faire ici ? Je m’attends au pire...

Elles tournèrent la tête en direction de l’homme qui venait en leur direction.

- Bonjour, Mesdames. Je vous souhaite un bon appétit et une bonne journée. Je peux vous parler Commissaire Noly ? Je n’en ai que pour quelques minutes...

Léa quitta la table et suivit Nardi. Ils s’écartèrent des estivants et Nardi parla longtemps. Puis ils se saluèrent et le policier quitta la terrasse, laissant la jeune femme rejoindre ses amies qui l’attendaient, curieuses et intriguées.

- Que se passe-t-il Léa ? Rien qui risque de gâcher nos vacances, j’espère ?

- Non Cath. Rien pour le moment. Tant que je ne suis pas chargée de l’enquête par le SRPJ de Rennes. Comme je l’ai immédiatement prévenu hier, Nardi a simplement voulu me renvoyer l’ascenceur.

- Et bien. Ils en savent plus maintenant ? C’est bien un accident ?

- Je veux bien vous en parler les filles. Mais promettez-moi de garder pour vous tout ce que je vais vous dire. Si je lis la moindre information dans le journal Ouest-France...

- Nous serons trois tombes. Promis.

- Bien, je vous fais confiance. D’après Nardi, il semblerait que ce soit un meurtre et prémédité qui plus est.

- Un assassinat !

- Exactement, Céline. Un assassinat.

- Comment la Police est-elle arrivée à cette conclusion ?

- Je vais y arriver Virginie. Mais tout d’abord l’identité de la victime. Il s’appelait Bertrand Loma, 37 ans, architecte, habitant Dinard mais travaillant à Saint-Malo. Tous les matins à sept heures, qu’il pleuve, neige ou vente, il faisait un footing d’une heure en suivant le sentier des douaniers et les plages à marée basse, en passant par les villas à marée haute. Puis il rentrait chez lui, prendre une douche et avaler un café. Ensuite seulement il partait à son travail.

- Un habitué donc. Ce qui exclut la thèse de l’accident.

- Absolument, Céline. Restent le suicide ou le meurtre. Il était marié depuis cinq ans à une jeune femme ravissante de neuf ans sa cadette. Ils ont deux enfants. Le couple était un modèle d’équilibre, de santé et de bonheur. Riche, possédant une villa dinardaise. Par ailleurs sa tenue de sport, la méthode employée et même la façon dont il semble être tombé, sur le dos et non en plongeant, tête en avant, semblent exclure le suicide.

- Reste le meurtre...

- Oui Virginie. Reste le meurtre. On l’aura attiré au bord de la falaise puis poussé. Ce qui explique la chute sur le dos.

- Cela reste une hypothèse.

- Non Cath, c’est une certitude. Car il y a eu un témoin.

Les trois jeunes femmes ne purent s’empêcher de s’exclamer.

- Un témoin ???!!!!

- Chut, les filles ! Moins fort ! Oui, un témoin oculaire. Une personne habitant une des villas de Saint-Enogat. Elle regardait la mer avec des jumelles. En balayant le paysage, elle aurait aperçu deux hommes, Bertrand Loma et un autre en survêtement à capuche. Le témoin dit que l’homme en survêtement aurait poussé Loma qui est tombé sur le dos. Il devait être 7 heures et demi.

- Pourquoi n’a-t-elle pas appelé la police ?

- C’est une personne âgée qui ne quitte pratiquement jamais son fauteuil et qui n’a pas de téléphone à portée de main. Et puis elle n’était pas sûre de ce qu’elle avait vu. Cela s’est passé si rapidement. Quand son aide ménagère lui a raconté la macabre découverte, elle a compris qu’elle ne s’était pas trompée.

- Pourquoi un assassinat ? C’est peut-être un meurtre sans préméditation.

- Non, Céline. La Police a trouvé un mot dans la poche de la victime.

- Un mot ?

- Oui. Une petite feuille de papier sur laquelle on avait imprimé cette phrase : “la première bête est morte” suivie d’une lettre. Un E majuscule.

- La première ? Cela veut dire qu’il y en aura une autre ?

- Nardi est venu me dire qu’on avait retrouvé un homme étouffé dans sa propriété de Dinard. Sur lui, on a retrouvé un  billet. Avec ces mots, “la deuxième bête est morte” et une lettre en majuscule. Un R.


*


Les jeunes femmes étaient abasourdies.

En moins de vingt quatre heures, deux crimes avaient été commis à Dinard et à Saint-Enogat. Deux assassinats, car la préméditation ne faisait aucun doute.

Si l’on s’en tenait à la simple grammaire, un autre crime était en préparation, s’il n’avait pas déjà été commis. Le billet ne parlait-t-il pas d’une “deuxième” bête ce qui supposait qu’une “troisième” allait bientôt périr ?

Céline posa la question qui brûlait toutes les lèvres.

- Comment la victime a-t-elle été étouffée ?

- Sans doute avec le coussin que l’on a retrouvé à ses pieds. Nous en saurons plus dans quelques heures. Nardi n’a pas pu faire autrement que de demander l’assistance du SRPJ de Rennes et de ses techniciens de scènes de crime.

- Tu ne vas pas devoir te coltiner cette enquête ?

- Non Cath. Mais Nardi m’a demandé un peu d’aide. De manière officieuse. Je n’ai pas osé lui dire non. C’est la meilleure façon pour qu’il reste chargé de l’enquête et que je puisse poursuivre mes vacances. Comme nos soins sont en fin d’après-midi, je lui ai dit que j’irais le rejoindre ce matin sur les lieux du second crime.

- Je peux t’accompagner ?

- Virginie, ce n’est pas possible. Tu n’es pas flic. A quel titre viendrais-tu ?

- Oh, je t’en prie Léa. J’en meure d’envie. Présente-moi comme une stagiaire.

- Une stagiaire ? Nardi ne le croira jamais.

- Quelle importance ? Il a besoin de toi. Il fermera les yeux.

Léa réfléchit quelques secondes. Après tout, pourquoi pas se dit-elle, un oeil neuf et candide peut s’avérer utile.

- D’accord je t’emmène. Mais si jamais je lis...

- ... la moindre information dans Ouest-France... Je sais...

- Sois prête dans vingt minutes. Nardi envoie une voiture nous chercher.

- Merci, Léa. Je serai prête bien avant.

Virginie se leva immédiatement de table, sans même finir son assiette, déposa un baiser rapide sur la joue de Céline et de Victor, fit un petit signe en direction de Cath et couru vers sa chambre.


*


Nardi avait regardé Virginie sans sourciller. Visiblement, il faisait semblant de gober la fable de Léa à son sujet.

Mais il ne fit aucune difficulté pour laisser la jeune femme pénétrer à l’intérieur de la villa dinardaise que les techniciens de scènes de crime venaient de quitter.

La maison était l’une des plus impressionnantes de la cité balnéaire. Construite en bordure de falaise, elle dominait la mer. Elle bénéficiait d’un panorama à 180 degrés et embrassait tout à la fois Dinard, Saint-Malo mais aussi l’Ile de Cézembre, et la plage de Saint-Enogat.

Ses toits pentus recouverts d’ardoise, ses murs en briques et ses bordures de fenêtres en pierres de taille lui donnaient un air de manoir de style Henri IV. Sur la façade, face à la mer, deux logettes vitrées en saillie, appelées aussi bow-window.

Léa posa tout de suite les questions essentielles.

- Où a-t-on trouvé le corps ?

- Au rez-de-chaussée. Dans le bow-window de la bibliothèque. Tous les soirs, la victime avait l’habitude de s’installer dans un fauteuil avec un livre, face à la mer. On a utilisé un coussin pour l’étouffer. Venez. Je vous y conduis. Les spécialistes de scènes de crime ont terminé.

Léa et Virginie suivirent Nardi à travers la maison. Elles virent le hall et son escalier en chêne massif, le salon et la salle à manger aux boiseries sombres. Toutes les pièces étaient pourvues de fenêtres tournées vers la mer.

Enfin, ils arrivèrent dans la bibliothèque.

Sur un côté, elle présentait cette forme arrondie, pourvue de fenêtres, caractéristique des bow-window. Elle virent les fauteuils qui y étaient installés. Le coussin de l’un deux avait servi d’instrument du crime.

- A quelle heure la victime a-t-elle été tuée ?

- D’après le légiste, hier, aux alentours de 21 heures.

- Qui est-ce ?

- Robert Sernes. 39 ans. Divorcé. Agent immobilier. Grosse fortune.

- Il vivait seul dans cette énorme maison ?

- Oui. Depuis le départ de sa femme et de leur trois enfants. Mais c’est une maison de famille. Il ne l’aurait quittée pour rien au monde. Les gens d’ici sont accrochés à leur demeure comme une moule à son rocher.

- Il y a bien une employée pour faire le ménage.

- Absolument. C’est même elle qui a découvert le corps. En raison de la taille de la baraque, elle arrivait tous les matins à sept heures et demi... Elle a ouvert la porte avec sa clef. Elle a commencé son ménage immédiatement en commençant par les pièces du bas. Quand elle est entrée dans la bibliothèque, elle a vu que Sernes était toujours dans son fauteuil. Elle a pensé qu’il s’était endormi et qu’il y avait passé la nuit. Elle s’est approchée. Quand elle a vu son visage...

- Vous dites qu’elle a pris sa clef pour ouvrir la porte de la maison. Mais alors comment est sorti le meurtrier ?

- On suppose qu’il avait la clef.

Virginie, qui s’était tue jusqu’à présent, osa intervenir.

- Il est peut-être entré et sorti par une fenêtre. La maison n’en manque pas.

Nardi la regarda avec un petit sourire. On sentait qu’il pensait “jolie fille, mais flic médiocre”. Virginie se mit à rougir.

- La seule fenêtre qui a été trouvée ouverte est celle du bow-window dans lequel on a retrouvé le corps de Robert Sernes. Mais il faudrait être une mouette ou un goéland pour passer par là.

- Pourquoi ?

- Parce qu’on ne peut accéder à cette fenêtre que par un escalier privé qui mène au sentier des douaniers qui serpente en contrebas de la falaise. Mais à l’heure du crime, ils étaient recouverts par la marée haute. L’un comme l’autre.

Léa reprit la parole.

- Il a bien fallu que votre meurtrier entre dans la maison pour y tuer Sernes.

- C’est pourquoi, nous pensons qu’il s’agit d’un proche qui est entré par la porte avec la clef.

- Mais quelle raison aurait-il eu de tuer aussi Bertrand Loma ? Car les deux meurtres sont vraisemblablement le fait de la même personne.

- L’enquête permettra de le découvrir.

Léa fit une moue dubitative. Elle laissa Nardi a ses certitudes et commença à observer la pièce, suivie de Virginie. Tout était parfaitement rangé. Aucun désordre, aucune trace de lutte.

Le meurtrier était entré, avait tué et était ressorti. Il avait dû agir rapidement. Il devait connaître les habitudes de la victime. Nardi aurait-il raison ? S’agirait-il d’un proche ? Mais pourquoi tuer aussi Loma ?

Elle se pencha par la fenêtre. Elle vit que le bow-window surplombait, d’un mètre tout au plus, une petite terrasse recouverte d’herbes.

A partir de cette terrasse, un escalier privé qui permettait de rejoindre le sentier des douaniers situé en bas de la falaise.

Léa pensa que Virginie avait raison.

Le meurtrier était entré et sorti par la fenêtre du bow-window.


*


Léa enjamba la fenêtre, et sauta sur la petite terrasse en contrebas. Elle fit signe à Virginie de la rejoindre. Ce que la jeune femme fit aussitôt.

Elles étaient là, côte à côte, regardant autour d’elles.

- Quelle vue ! C’est quand même étonnant que personne n’ait aperçu le meurtrier entrer et sortir.

- Il était tard, Virginie. Plus de 21 heures. De toute façon, je crois que l’assassin se moque d’être vu ou pas.

- Que veux-tu dire ?

- Il se rend méconnaissable. Le meurtrier de Loma portait une capuche. Il est même impossible de savoir si c’est un homme ou une femme.

- Tu crois que j’ai raison ? Tu penses qu’il est passé par la fenêtre ?

- Oui, sûrement. Si c’est un bon nageur, il a pu venir, même à marée haute, jusqu’à l’escalier qui n’était que partiellement  englouti sous l’eau. Ainsi, il a gagné la terrasse. Puis la fenêtre. Sernes a dû avoir une telle surprise en le voyant surgir qu’il ne s’est pas défendu...

- C’est un proche qui connaît les habitudes de la victime.

- Par nécessairement. Le soir, avec la lumière allumée, on peut voir à l’intérieur du bow-window. La maison est disposée de telle façon qu’elle est vue de partout. Le meurtrier a pu étudier les habitudes de Sernes.

- Comment diriger l’enquête ?

- Les techniciens de scènes de crime ont relevé des traces. Après analyse, nous en saurons plus. Et puis il y a les deux messages laissés sur le corps des victimes. Il y a forcément un point commun entre Loma et Sernes.

- Ce doit être quelque chose de terrible pour que le meurtrier les ait qualifiés de bêtes...

- Oui. Il faut que ce soit quelque chose de terrible pour qu’il les ait tués de façon aussi horrible.


*


Céline, Cath et Victor avaient rejoint les deux jeunes femmes devant le Palais des Congrès de Dinard.

On pouvait y voir une partie des oeuvres contemporaines de la collection François Pinault, prêtées à l’occasion d’une exposition temporaire intitulée “Qui a peur des artistes ?” Fontana, Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Jeff Koons, Soulages figuraient parmi les artistes exposés.

Victor avait été très intéressé par la représentation animée  d’une truie grandeur nature, appelé “Mechanical Pig”. L’animal, en plastique, couché sur le côté, semblait dormir. Il respirait régulièrement, ses flancs se soulevaient et ses pattes bougeaient.

Les quatre jeunes femmes avaient été amusées par cette oeuvre mais sans enthousiasme excessif. Par contre, elles avaient adoré le Soulages.

Elles avaient quitté l’exposition pour aller déjeuner dans un restaurant face à Saint-Malo. Puis elles avaient regagné leur hôtel où, en attendant leurs soins, elles s’étaient installées sur la terrasse de la piscine, alternant bains de soleil et jeux nautiques.

Leurs conversations tournaient autour des deux meurtres et des oeuvres contemporaines de Pinault.

Décidément, leurs vacances en Bretagne ne manquaient pas d’imprévus.


*


Virginie allait mieux.

Elle n’éprouvait plus ce malaise qui avait été le sien à la découverte du corps de Loma. Elle pensait que Léa avait raison : on s’habitue à tout.

Pourtant, elle attendait son massage avec impatience. Elle fut heureuse de revoir Morgane.

- Vous allez mieux. Les muscles de votre cou ne sont plus tendus comme des cordes de piano. Vos angoisses se sont apaisées ?

- Oui, ça va beaucoup mieux. Et pourtant, il y a eu un second meurtre...

- Oui, je suis au courant. Ce sont vos premières vacances à Dinard, je crois ? Pour une première fois, vous n’avez pas beaucoup de chance. Vous nagez en plein faits divers. Mais notre ville est si belle. Elle a tant à offrir.

- Vous êtes bretonne ?

- Oui. Bretonne. Dinardaise. Je n’ai quitté ma ville que pour suivre mes études de kiné à Rennes.

- Vous avez de la chance de ne jamais avoir quitté votre ville natale. Moi je suis marseillaise et je vis à Lille.

- En effet, j’ai de la chance. Mais vous ne songez jamais à rentrer chez vous ?

- Je suis chez moi à Lille. Parce que j’y suis heureuse. Comme je n’ai jamais pu l’être à Marseille.

- Oui vous avez raison. Le bonheur, c’est le seul critère.


*


Après avoir dîné, elles avaient regagné leur chambre.

Elles avaient pris leur douche. Virginie s’était couchée la première car Céline était restée avec Victor dans la pièce qui lui était réservée.

Elle ne réapparaissait pas. Virginie pensa que l’enfant devait être endormi depuis longtemps et que sa mère s’était assoupie à côté de lui.

Elle quitta le lit et, doucement, ouvrit la porte de la chambre. La pièce était plongée dans la pénombre mais le  faisceau de lumière, qui suivait Virginie, l’éclaira.

- Que veux-tu ?

- Céline ? Je croyais que tu t’étais endormie ?

- Non, je ne dormais pas. Je réfléchissais.

- Et à quoi ?

Céline quitta le fauteuil sur lequel elle était assise, jeta un dernier regard sur son fils et sortit de sa chambre.

Virginie répéta sa question qui était restée sans réponse.

- A quoi pensais-tu ?

- A toi. A moi. A nous.

- Et tu as besoin de t’enfermer dans le noir pour y penser ?

- Je voulais être près de mon fils.

- Ton fils ? Ce n’est plus le mien ?

- Je me demande si tu tiens encore à ce que Victor et moi fassions partie de ta famille...

- Céline ! Comment peux-tu dire une chose pareille ? Qu’ai-je fait pour t’avoir mis une pareille idée en tête ?

- Cela fait deux fois que tu suis Léa comme son ombre.

- Léa ?

- Oui, Léa. Elle semble beaucoup t’intéresser...

- Mais je m’intéresse à son enquête. Rien d’autre... C’est tellement nouveau pour moi. Avec ces meurtres au bord de la mer, j’ai l’impression d’être dans un roman policier d’Henning Mankell ou d’Arnaldur Indridasson...

- Tu es bien certaine de t’intéresser plus à l’enquête qu’à l’enquêtrice ?

- Oui j’en suis certaine. Nous en avons déjà parlé. Léa est une jolie fille. Elle est extrêmement compétente dans son domaine et c’est passionnant de suivre une enquête auprès d’elle. Mais elle est amoureuse de Cath et surtout, surtout, je le suis de toi.

- Alors prouve-le...

Céline prit la main de Virginie et l’entraîna vers le lit.


*


Virginie était allongée, nue, sur un banc. Au-dessus d’elle, plusieurs douchettes laissaient tomber une fine pluie d’eau de mer tiède.

Elle ne pensait à rien. Rien qu’à ses parties de son corps massées par cette eau qui ruisselait sur ses épaules, son dos, ses reins, ses fesses, ses jambes. Elle ressentait un infini bien être, un calme apaisant.

Elle était si bien. Peu de choses pouvaient être comparées à ce moment qu’elle vivait. Sauf peut-être, les instants vécus avec Céline.

Elle repensa à leur dernière nuit. Aux doutes de Céline. Qu’elle avait chassés en l’aimant.

Elle revoyait la scène quand Céline lui avait pris la main et l’avait entraînée vers leur lit.

Elle s’était laissé faire. Céline avait ouvert le col de sa chemise et avait caressé son cou de ses lèvres.

Ce simple contact, ce doux effleurement avaient provoqué une onde de chaleur dans son corps. Une pulsion érotique avait bouleversé ses sens. Elle avait enlacé Céline.

Sans même prendre le temps de la dévêtir, tant l’urgence de son désir la talonnait, elle lui avait offert ce plaisir qu’elle attendait.

Elles avaient recommencé. Encore et encore. Puis, épuisées, elles s’étaient endormies blotties l’une contre l’autre.


*


Virginie pensait à cette nuit.

Tout à coup, elle se dit que la jeune hydrothérapeute qui l’avait accueillie tardait à revenir. Le soin ne durait que vingt minutes. Elle regarda la montre étanche qu’elle avait gardée au poignet. Il y avait déjà vingt cinq minutes qu’elle était allongée sur ce banc. Certes, c’était agréable et reposant mais elle ne voulait pas manquer son massage avec Morgane.

Elle se leva et saisit la serviette éponge qui avait été laissée à sa disposition. Elle sécha soigneusement son corps, remis son maillot de bain et se drapa dans le peignoir vert émeraude fourni aux curistes par l’institut de thalassothérapie.

Elle sortit de la cabine et tomba nez à nez avec Léa.

- Tu tombes bien. Tu veux toujours jouer les policiers amateurs ? Alors suis-moi...

- Que se passe-t-il ?

- On vient de découvrir un autre cadavre...

- Où l’a-t-on trouvé ?

- Ici même. Dans l’une des cabines de soins. Tout le monde ici a l’air de savoir que je suis flic. Sans doute parce qu’on m’a vue avec Nardi. Alors, ils m’ont appelée quand ils l’ont trouvé.

Tout en parlant, les deux jeunes femmes avaient remonté un couloir. Elles s’arrêtèrent devant une porte de couleur bleue.

- Je te préviens. Ce n’est pas joli à voir. Mais tu es blindée maintenant que tu as vu Loma. N’entre pas dans la pièce. Contente-toi de le regarder de loin.

Léa ouvrit la porte et s’écarta pour permettre à Virginie de regarder. Le corps se trouvait assis dans une baignoire vide. La tête reposait sur le bord, les yeux grands ouverts.

- Comment est-il mort ?

- Noyé. On a dû lui maintenir la tête sous l’eau. Il n’a pas fallu plus que quelques secondes. Puis l’assassin est parti. Il a dû retirer la bonde. La baignoire, s’est vidée et, à la fin du soin, le système de nettoyage s’est enclenché automatiquement, effaçant toutes les traces qu’on aurait pu trouver.

- C’est le même assassin ?

- En tout cas c’est le même mobile. On a trouvé un billet dans la poche du peignoir de la victime. “La troisième bête est morte”. Et une lettre majuscule. Un I.

- Ça nous donne le mot ERI. Ça ne veut rien dire.

- Ce sont peut-être les premières lettres d’un nom ou d’un prénom. Eric, par exemple.

- C’est le début d’une piste. Le meurtrier fait forcément partie des curistes ou des employés de l’hôtel et de la thalasso.

- Non, je ne crois pas que ça soit si simple. Le meurtrier a pu se vêtir d’un peignoir vert émeraude et se glisser parmi les curistes. Tuer ne lui aura pris que quelques minutes.

- Qui est la victime ?

- Nous l‘ignorons pour le moment. J’ai prévenu Nardi. La cabine va être condamnée dans l’attente de la police. Elle va profiter de la fermeture de l’institut entre 13 et 14 heures, pour retirer le corps et faire les investigations nécessaires. Il ne faut pas effrayer les curistes.

- Tu as l’air inquiet, Léa.

- Oui, car je suis certaine que la série n’est pas terminée. Comme tu l’as dit il y a un instant. ERI, ça ne veut rien dire...


*


Virginie était arrivée avec dix minutes de retard devant la cabine de massage. Elle savait qu’elle devrait renoncer à ce moment qu’elle aimait tant.

Mais Morgane l’attendait.

- Bonjour. Entrez. Installez-vous.

- Malgré mon retard ? Mais le curiste suivant ?

- Le curiste suivant ne viendra pas. On vient de me prévenir qu’il avait eu un malaise.

- Un malaise ?

- Oui. On l’a trouvé évanoui dans une baignoire.

Virginie comprit que ce curiste n’était autre que l’homme que l’on avait retrouvé noyé. Elle éprouva une curieuse sensation à la pensée que, d’une certaine façon, elle allait profiter de son décès en recevant le massage qui lui était destiné.

Elle se dévêtit pourtant, mit le string jetable que lui tendait Morgane et s’allongea sur la table de massage.

Les mains chaudes et douces de Morgane se posèrent sur sa nuque.

Le massage était ferme et précis. Morgane insistait sur les points douloureux. Comme toujours, l’apaisement gagna Virginie qui se laissa aller.

- Je vais pouvoir vous garder plus longtemps, si vous le souhaitez. Puisque le curiste suivant ne viendra pas...

- Oui, je veux bien. C’est tellement agréable...

- Vous ne vous faites jamais masser à Lille ?

- Non, je n’ai pas le temps avec mon travail. Et mon temps libre, je préfère le passer avec ma compagne et notre fils.

- Votre compagne ?

- Oui. Ma compagne. Je vous choque ?

- Nullement. Je crois que l’amour n’a pas de sexe. L’essentiel est de trouver son paradis sur terre et de le garder...

- Oui. Vous avez raison. Mais tout le monde n’est pas comme vous. Tout le monde n’a pas votre ouverture d’esprit.

- C’est parce que ces gens ne savent pas ce que c’est que d’aimer.


*


Il était 13 heures 30. L’institut de thalassothérapie était fermé. Les techniciens de scène de crime s’affairaient dans la cabine où le corps avait été retrouvé.

Nardi était présent avec son visage des mauvais jours. Léa et Virginie, sa “stagiaire”, étaient là également.

- Le Procureur de Saint-Malo m’a téléphoné. Il veut des résultats et vite.

- Nardi, vous savez bien que je veux vous aider. On sait qui était cet homme ?

- Oui, on a retrouvé ses papiers dans ses vêtements qu’il avait laissés au vestiaire. Il n’est pas descendu à l’hôtel. C’est un habitant de Dinard. Il avait l’habitude de venir tous les jeudis matin, pour recevoir les mêmes soins : un bain hydromassant, un massage, un enveloppement d’algues. Il arrivait à 10 heures. A midi, il repartait.

- Cette régularité d’horloge suisse a dû aider son meurtrier. Son nom, sa profession ?

- Georges Natens. Libraire. 38 ans. Marié. Trois enfants. Comme pour Loma et Sernes, on va éplucher sa vie pour essayer de trouver un mobile. Un événement qui peut expliquer ce meurtre. Mais nous avons peu d’espoir. Pour les autres, on n’a rien trouvé.

Virginie tenta une question.

- Ils se connaissaient peut-être ?

- Dinard est une petite ville, Mademoiselle. Trois notables dinardais comme Loma, Sernes et Natens se connaissaient forcément...

- Il y a un monde entre partager une flûte de champagne à l’occasion de mondanités et être amis.

- Nous allons évidemment chercher de ce côté là.

- Vous avez les résultats de l’analyse des prélèvements effectués sur Loma et Sernes et sur les scènes de crime ?

- Sur Loma, rien qui puisse nous aider, les oiseaux ont fait un tel carnage... Par ailleurs, le sentier des douaniers a été tellement piétiné, avant et pendant la découverte du corps... Nous avons seulement la confirmation que Loma s’est reçu sur le dos.

- Et Sernes ?

- Il a bien été étouffé au moyen du coussin qui a été retrouvé à ses pieds. On a détecté dessus des traces de sels et de micro-organismes aquatiques. On a trouvé les mêmes traces sur le sol. Ce qui tend à prouver que l’assassin est venu de la mer et qu’il est entré par la fenêtre du bow-window.

- Ma stagiaire avait donc raison...

- La chance des débutants, concéda Nardi.

Léa et Virginie échangèrent un regard entendu. Nardi n’était pas beau joueur. Il admettait difficilement qu’une stagiaire soit si perspicace alors que lui même semblait dépassé par cette série de meurtres dignes d’un roman d’Agatha Christie...


*


Léa et Virginie avaient rejoint Victor, Cath et Céline qui les attendaient, pour déjeuner, sur la terrasse du restaurant de l’hôtel.

Naturellement, la découverte macabre de la matinée servait de hors-d’oeuvre.

- Alors vous en savez plus sur ces meurtres ?

- Oui, un peu plus. Mais si jamais...

- ... tu lis quoi que ce soit dans Ouest-France... Oui, on sait déjà. Alors ?

Léa résuma pour Cath et Céline la conversation qu’elles avaient eue quelques minutes plus tôt avec le Commissaire Nardi.

- Mais toi, Léa, comment imagines-tu que ce nouveau meurtre a eu lieu ?

- Je n’en suis pas encore aux conclusions. Uniquement aux hypothèses. Il est évident que le meurtrier connaissait parfaitement l’habitude de Natens de venir ici tous les jeudis matins.

- Il avait accès à l’institut. C’est peut-être un curiste ou un employé.

- Cela ne diminue nullement le nombre de meurtriers potentiels. L’hôtel et la thalasso sont des endroits très faciles d’accès. On peut y pénétrer sans attirer l’attention, sans être obligé de passer devant la réception. On peut venir par l’entrée principale. Ou par le sentier des douaniers qui passe sur la falaise. On monte alors par l’escalier qui court le long de la façade et qui dessert tous les étages et les terrasses. On peut se mêler aux occupants de l’hôtel ou de la thalasso. Il suffit d’un peignoir et de sandales aux pieds.

- Une personne qui arriverait attifée de cette manière se ferait immédiatement remarquer.

- Sauf si elle dissimule ses vêtements dans un sac puis qu’elle se change dans les toilettes qui se trouvent au rez-de-chaussée, près de l’institut de thalasso. Par ailleurs, le soin, le bain hydromassant, que le meurtrier a choisi pour tuer Natens était parfait. Le curiste reste seul, pendant vingt minutes, dans la cabine de soin.

- Il a dû agir très vite. Les hydrothérapeutes passent une fois pour voir si tout va bien.

- Oui, mais elles ne passent qu’une seule fois. Il suffisait au meurtrier d’attendre ce passage puis d’entrer à son tour et de tuer Natens.

- La police a une piste pour les deux premiers meurtres ?

- Non. Pour le moment, pas la moindre. Le meurtrier a trois manches d’avance sur nous...


*


La journée s’était déroulée aussi normalement qu’il était possible. La Police s’était montrée discrète. Mais les quatre jeunes femmes avaient préféré quitter l’hôtel pour une nouvelle balade.

Il était presque 19 heures. Elles étaient en train de finir leur promenade sur le sentier des douaniers qui longe la côte à partir de Cancale, village de pêcheurs spécialisé dans la culture des huîtres, quand le portable de Léa se mit à sonner.

Elle décrocha et eu une brève conversation. Puis elle se tourna vers ses amies qui, déjà, avaient deviné.

- Léa, par pitié ne nous dis pas qu’il y a eu un nouveau meurtre ?

- Si Cath. Nardi vient de m’annoncer qu’on avait trouvé un homme chez lui à Dinard, le crâne défoncé à coups de club de golf. Avec un message. La dernière bête est morte. Et une lettre. Un C.

- Eric !

- Oui, Virginie. Eric.


*


Elles avaient rapidement regagné Dinard où le commissaire Nardi les attendait.

Elles arrêtèrent leur voiture devant la Plage de l’Ecluse près du Casino.

Léa et Virginie descendirent du véhicule. Cath, Céline et Victor continuèrent leur route en direction de la thalasso de Saint Enogat.

Après avoir marché quelques minutes, la jeune policière et sa “stagiaire” arrivèrent devant une villa entourée de hauts murs sur trois côtés, avec une façade donnant sur la mer.

Nardi se précipita vers elles dès qu’il les vit.

- Noly. Enfin !

- Bonjour Nardi. Un quatrième et dernier meurtre ?

- Oui. Si on s’en tient au message qu’on a trouvé sur lui, c’est le dernier de la série.

- Il a été tué avec un club de golf ?

- Oui. C’est la victime qui a fourni l’arme qui l’a tuée. Olivier Rolmaix revenait du Golf de Saint-Briac. Il est entré en voiture dans sa propriété. S’est garé sous l’auvent. A ouvert le hayon pour sortir son sac. On présume que son assassin a surgi a ce moment. Il s’est emparé d’un club et a frappé.

- Personne ne l’a vu ?

- Non. La propriété est cernée de hauts murs. Avec l’auvent et la végétation...

- Il n’y avait personne dans la maison ?

- Non. A l’heure du crime, la femme et les enfants de Rolmaix étaient à la plage. La maison était vide. C’est un voisin qui a donné l’alerte... En passant devant la maison, il a vu la voiture dont le hayon était ouvert et le corps de Rolmaix allongé sur le sol.

- Des indices ?

- Aucun pour le moment. Les techniciens ont relevé des traces. On espère en tirer quelque chose...

- Qui était la victime ?

- Olivier Rolmaix. 36 ans. Marié. Deux enfants. Propriétaire d’une concession automobile. Une marque allemande. Grosses bagnoles.

- Riche naturellement ?

- Naturellement.

- Il connaissait les autres victimes ?

- Sûrement. Ils sont tous les trois dinardais et notables. Ils pratiquaient le golf tous les quatre.

- Je ne crois pas que le meurtrier frappe au hasard. Il y a forcément un lien entre ces quatre victimes. Un événement qui explique cette folie homicide. 

- Nous avons épluché la vie de Loma, Sernes et Natens. Nous n’avons rien trouvé. Rien que la vie de braves pères de famille, bien tranquilles.

- Aucun incident mettant en scène un dénommé Eric ?

- Nous n’avons rien trouvé de tel.

- Il ne vous reste plus qu’à éplucher la vie de Rolmaix. Nous allons vous laisser Nardi. Si vous trouvez quelque chose, prévenez moi.


*


Sur le chemin qu’elles firent à pied pour rejoindre la thalasso, Léa passa un coup de fil sur son portable. Quand elle eut fini, Virginie l’interrogea.

- A qui as-tu téléphoné ?

- A un ami qui travaille au Ministère de la Justice. Si nous pouvons trouver des indices, ce sera par rapport à Rolmaix.

- Pourquoi ?

- Je crois que le meurtrier l’a tué en dernier parce qu’il savait que sa mort nous conduirait à lui. J’ai demandé à un ami de consulter son casier judiciaire. Il va me rappeler dans quelques minutes.

- Tu sais Léa, depuis que je sais que Rolmaix vend des voitures, je n’arrête pas de penser aux messages laissés sur les corps. La bête est morte. Je pense au film de Claude Chabrol. “Que la bête meure”. C’était une histoire d’accident je crois.

- Oui, Virginie. J'ai pensé au même film. Un chauffard écrase un enfant et prend la fuite. Le père de l’enfant le retrouve et le tue. C’est pourquoi, j’ai demandé à mon ami de consulter le casier judiciaire de Rolmaix.

Le téléphone de Léa se mit à sonner. Elle répondit.

- Nous avons notre réponse, Virginie. Il y a dix ans, Rolmaix a été condamné pour homicide involontaire par le Tribunal correctionnel de Saint-Malo.

- Homicide involontaire ?

- C’est la qualification pénale qui est généralement retenue pour les accidents de la circulation. Demain, nous irons au Greffe du Tribunal fouiller dans les archives. Le dossier nous en apprendra plus et, qui sait, nous donnera enfin une piste.


*


Le soir venu, Céline et Virginie s’était retrouvées dans leur chambre.

- Alors, toujours heureuse de jouer les détectives avec Léa ?

- Quelle est la question ? Heureuse de jouer les détectives ou heureuse d’être avec Léa ?

Céline ne répondit pas. Elle s’empara d’un magazine et commença à en tourner les pages, en faisant semblant d’être absorbée par son contenu.

Virgine n’était pas dupe. Elle s’amusait de la mine boudeuse de son amante. Céline jouait les belles indifférentes.

Elle décida de lui donner un petite leçon. Elle se leva du lit et se planta en face d’elle.

Céline continua sa lecture.

Alors, doucement, très doucement, Virginie commença un lent effeuillage. Elle ouvrit sa chemise, un bouton après l’autre. Elle en écarta les pans, laissant apparaître ses seins et son ventre. Elle laissa glisser le vêtement le long de ses bras et le fit tomber sur un fauteuil.

Elle était à moitié nue devant Céline qui la regardait, comme hypnotisée.

Elle fit tomber son pantalon de pyjama à ses pieds.

Elle était nue.

Elle approcha lentement du lit et s’assit sur le bord. Puis soulevant les draps, elle se glissa à côté de Céline.

Elle vit que son amante attendait, espérait.

Elle la regarda avec intensité, éteignit sa lampe de chevet, puis lui dit :

- Bonne nuit, Céline. Dors bien.

Puis elle se tourna sur le côté, et attendit que le sommeil vienne.


*


Léa et Virginie se trouvaient dans les archives du Tribunal de Grande Instance de Saint-Malo, sous les toits du Palais de Justice. Le greffier qui les accompagnait ouvrit une boîte cartonnée. Après quelques secondes, il finit par en extraire un dossier.

- Voilà ce que vous cherchiez. Olivier Rolmaix. Homicide involontaire.

Léa prit connaissance du jugement. Rapidement, elle nota sur un calepin, les noms des parties civiles. Puis l’incrimination retenue contre Rolmaix. Elle marmonnait entre ses dents.

- ... attendu qu’Olivier Rolmaix est prévenu d’avoir à Dinard, le... , à l’occasion de la conduite d’un véhicule, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, en l’espèce en omettant de rester maître de sa vitesse ou de la réduire en fonction de l’état de la chaussée, des difficultés de la circulation ou des obstacles prévisibles, causé la mort de Eric Le Ciltec...

- Eric Le Ciltec !!!

- Oui, Virginie, je crois que nous y sommes. Ça ne peut pas être une coïncidence. Voyons les noms des parties civiles... François et Marie Le Ciltec, ses père et mère, Morgane Lientro épouse Le Ciltec, sa femme... Je vais transmettre ces noms au Commissaire Nardi. Il n’aura plus qu’à enquêter sur eux et sur d’autres proches de la victime. Il trouvera sans doute quelque chose. Nous ne pouvons rien faire de plus. Retournons à Dinard. Céline et Cath nous attendent. Si nous tardons trop, nous allons rater nos soins...


*


Virginie attendait que Morgane vienne la chercher pour son massage.

Depuis quelques minutes, elle éprouvait un curieux sentiment de malaise. Bien sûr, ce prénom était tellement répandu en Bretagne.

La fée Morgane, personnage de la légende du Roi Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde.

Elle entendit des pas dans le couloir où elle était assise. Elle tourna la tête. Elle vit Morgane qui avançait vers elle en souriant. Elle venait de la salle réservée au personnel où les kinésithérapeutes avaient droit à dix minutes de repos entre chaque massage.

Elle était grande et svelte, avec des épaules larges et un bassin étroit.

- Bonjour, vous allez bien ? Prête pour votre massage ? Entrez et installez-vous.

Virginie obéit de façon automatique. Elle s’allongea sur la table. Elle sentit les mains de Morgane se poser sur sa nuque. Des mains fermes et puissantes.

- Vous avez passé une bonne journée ?

- Une journée curieuse. Elle a commencé par une visite au Palais de Justice de Saint-Malo. Au greffe pénal.

Les mains qui massaient son cou marquèrent un léger temps d’arrêt, presque imperceptible.

- Oh vraiment ? Quelle étrange idée...

- J’accompagnais mon amie Léa. Elle est commissaire de police. Elle enquête de façon officieuse sur cette série de meurtres.

- Oui. Quelle horrible chose. La Police fait-elle des progrès ? Est-elle sur le point d’arrêter le coupable ?

- Oui, c’est possible. Je crois qu’ils vont bientôt avoir un suspect. Ce n’est plus qu’une question d’heures...

Virginie eut l’impression que les mains s’attardaient sur la nuque pendant un bref instant puis la caresse reprit.

- Tant mieux. Cette affaire allait finir par nuire à la réputation de Dinard et de l’hôtel...

Elles ne prononcèrent plus un mot. Virginie se laissa aller sous le contact apaisant des paumes de Morgane. Elle perdit la notion du temps. La voix douce de Morgane la ramena à la réalité.

- Voilà, c’est terminé.

- Déjà ? Merci.

Elle se rhabilla lentement, enfila son peignoir et pris le sac dans lequel elle avait glissé un livre.

Morgane était face à elle, lui barrant le chemin de la porte.  Les deux jeunes femmes se mesurèrent du regard. Puis Morgane s’écarta en souriant et laissa Virginie sortir de la cabine.

- Au revoir, Virginie.

- Au revoir, Morgane.

Virginie se retrouva dans le couloir, une infinie tristesse dans le coeur.


*


Elle était avec Céline, Cath et Léa, installées sur la terrasse du bar de l’hôtel. Elles prenaient un apéritif avant d’aller dîner. Victor babillait dans les bras de Céline.

Elle écoutait la conversation d’une oreille distraite.

Elle pensait à ce morceau de papier qu’elle avait trouvé dans la poche de son peignoir. Elle avait lu les quelques mots qui y avaient été jetés, alors que Céline finissait de se préparer.

Elle aurait dû en parler immédiatement à Léa. Mais elle n’en avait rien fait. Elle voulait lui laisser une chance et laisser faire le destin.

Elles s’apprêtaient à quitter la terrasse pour aller dîner quand le portable de Léa se mit à sonner. La conversation fut brève. Elle se tourna vers ses compagnes.

- Ca y est. Ils ont identifié le criminel. Ils sont à son domicile. Ils ont trouvé l’imprimante avec laquelle il a confectionné les messages. Le texte était encore dans l’ordinateur.

- Ils t’ont donné son nom ?

- Oui. Elle s’appelle Morgane Lientro. Elle travaille ici. Elle est kiné.

- Tu plaisantes ? On avait un assassin juste sous notre nez ?

- Ils l’ont arrêtée ?

- Non. Elle a disparu. Elle a quitté la thalasso avant de finir ses soins. On ne sait pas où elle est. Ils la recherchent activement. Elle ne pourra pas leur échapper bien longtemps.

Les jeunes femmes étaient abasourdies. Virginie se taisait toujours.

- Bon, cela ne nous regarde plus. Allons dîner à présent.

Alors qu’elles se dirigeaient vers la salle à manger, Virginie glissa à Léa.

- Il faut que je te parle, Léa. Je sais où se trouve Morgane.

- Quoi ? Comment le sais-tu ?

- Morgane était ma masseuse. On avait un peu sympathisé...

- Sympathiser avec une criminelle ?

- Cet après-midi, je lui ai laissé entendre que la police avait une piste. Je pense qu’elle a compris et qu’elle a pris la fuite.

- Virginie... Tu te rends compte de ce que tu as fait. Cette femme a tué quatre hommes de façon horrible.

- Je suis certaine que ce n’est pas un monstre...

- Et si elle tue encore pendant sa cavale ?

-  Elle ne le fera pas. Elle ne m’a pas tuée. Elle ne m’a rien fait quand elle a compris que je savais... C’était si facile pourtant. Ses mains étaient posées sur ma nuque.

Léa prit son portable. Elle composa le numéro de Nardi.

- Où est-elle ?

- Elle m’a donné un rendez-vous. Mais je refuse de te dire où si tu appelles la police...

- Virginie. Tu es folle ! Tu te fais sa complice...

- Promets. Sinon, je ne dis rien ! 

- Très bien, mais je t’accompagne. Il est hors de question que tu t’y rendes seule.

- D’accord, je te fais confiance. Morgane a glissé un message dans mon peignoir. Elle a dû le rédiger pendant que je remettais mon maillot de bain et ma montre. Il n’y a que quelques mots. Ce soir, 22 heures, Saint-Briac, Plage du Golf.


*


Léa et Virginie attendaient, assises sur la plage. Il était 22 heures 15. Morgane était en retard.

- Elle ne vient pas. La Police a dû l’arrêter.

- Je ne crois pas, Virginie. Je crois plutôt qu’elle est là, mais qu’elle vérifie que nous sommes bien seules. Avec cette pleine lune, on peut voir comme en plein jour. Tiens, la voilà. Je ne m’étais pas trompée.

Elles virent une ombre s’approcher. Elle avait revêtu un sweat-shirt. Quant elle fut près d’elles, elle abaissa sa capuche. Elles reconnurent Morgane.

- Bonjour Virginie. Je vois que vous êtes venue avec votre amie ?

- Oui Morgane. Léa est commissaire de Police. Nous sommes venues pour vous aider...

- Je n’ai pas besoin de votre aide. J’ai déjà tout prévu.

- Pourquoi avez-vous tué ces hommes ?

- Vous le savez déjà. Rolmaix était au volant de sa grosse voiture allemande. Loma, Sernes et Natens étaient ses passagers. Ils revenaient du Golf de Saint Briac. Rolmaix roulait vite. Sur la route, il a heurté un cycliste. Ils ont tous prétendu qu’ils ne l’avaient pas vu. Il est mort sur le bas-côté.

- Ce cycliste était votre époux ?

- Oui, Eric Le Ciltec. Nous étions mariés depuis six semaines. Mais nous nous connaissions depuis des années. Nous étions allés au collège, au lycée ensemble, en fac. Nous partagions la même passion pour le triathlon.

- Le triathlon ? C’est donc ça...

- Oui commissaire. C’est ça. Natation, cyclisme, course à pied. J’excelle dans ces trois disciplines... Vous comprenez mieux que je n’ai eu aucune difficulté à suivre Loma pendant son footing, à nager jusqu’à la fenêtre de Sernes, à noyer Natens et à ouvrir le crâne de Rolmaix.

- Mais pourquoi maintenant ?

- Au moment de l’accident, j’ai laissé faire la Justice. Rolmaix a été condamné pour homicide involontaire. Et j’ai tenté d’oublier. J’ai sombré dans la mélancolie. Je n’avais envie de rien. Je n’avais plus aucune volonté. J’ai réussi à décrocher mon diplôme de kiné et j’ai cherché du travail. Un jour, on m’a signalé une place à la thalasso. J’ai été embauchée. Je n’avais aucune envie de vengeance. Et puis un jour...

- Vous avez rencontré le libraire Natens.

- Oui. Il venait toutes les semaines. Nous avons fini par sympathiser. Je ne lui ai pas dit qui j’étais. Il ne connaissait que mon prénom. Il se confiait volontiers sous le massage. Un jour, il m’a parlé d’un ami qui avait un lourd secret. Il m’a confié qu’au cours d’un accident de la circulation, cet ami avait abandonné sa victime sur la route, sans lui porter secours. J’ai compris que cet ami, c’était lui. Que lui et les trois autres avaient menti. Ils avaient vu Eric. Ils savaient qu’il était blessé. Ils ont préféré fuir et l’abandonner. Puis ils ont menti pour se couvrir.

- Alors vous avez décidé de les tuer.

- Non, pas tout de suite. C’est quand je les ai vus. Ensemble. A nouveau dans une des grosses voitures allemandes de Rolmaix, roulant vite au milieu des cyclistes que j’ai compris que la mort d’Eric ne leur avait pas servi de leçon et qu’ils étaient prêts à recommencer.

- Vous avez pris des risques énormes...

- J’ai préparé cette série de meurtres pendant un an. C’était facile, car ils étaient tous des hommes aux habitudes réglées comme du papier à musique. Il n’y a eu aucune surprise. J’ai suivi Loma pendant un footing. Je l’ai attiré au bord de la falaise et je l’ai poussé. Je savais que Sernes lisait tous les soirs dans ce bow-window. J’ai nagé jusqu’à son escalier privé. Je suis entrée par la fenêtre et je l’ai étouffé avec un coussin du fauteuil. J’ai attendu Rolmaix. Quand il a ouvert son coffre pour prendre son sac de golf, j’ai saisi un club et j’ai frappé. Seul le meurtre de Natens a été plus risqué, car je l’ai commis au milieu des curistes. Mais je connaissais son emploi du temps à la seconde près. J’ai profité d’une pause entre deux massages. J’ai attendu le passage de l’hydrothérapeute. Je suis entrée dans la cabine et je l’ai noyé.

- Et maintenant ?

- Maintenant je vais partir.

- Vous ne pourrez pas aller loin. La Police est à vos trousses. Elle ne va pas tarder à vous retrouver.

- Je n’ai pas l’intention de me faire prendre.

Morgane sortit sa main de sa poche. Elle tenait une arme.

- Vous allez rester assises les mains sur la tête. Ne faites pas le moindre geste. Sinon je tire. Je vais vous laisser à présent. Je vous ai fait venir pour vous faire ma confession et pour vous dire que je m’en vais. Je vais rejoindre Eric. Je vais m’enfoncer dans l’eau et je vais nager aussi loin que je le pourrai. Mais à un moment, mes muscles vont se tétaniser. Les crampes vont apparaître. Je ne pourrais plus nager. Le froid va me paralyser. Ce sera la fin.

- Morgane, non. Il y a une autre solution.

- Comme moisir en prison pendant trente ans ? Non, merci. Mais je voulais vous dire une dernière chose. Ce jour-là sur la route, j’aurais dû être avec Eric. Nous partions tous les dimanches pour nous entraîner. Nous nous étions querellés et j’avais refusé de le suivre. Je n’ai revu que son cadavre. Je voulais simplement vous dire qu’il faut vivre chaque seconde avec l’être que l’on aime comme si c’était la dernière. Je vais vous laisser à présent. Ne bougez pas.

La jeune femme recula de plusieurs pas. Elle ôta rapidement son sweat-shirt et son pantalon. Elle portait une combinaison de plongée. Elle se retourna et se mit à courir vers l’eau où elle plongea.

Léa et Virginie se dressèrent et se mirent à courir. Elles s’arrêtèrent et ne virent plus qu’une silhouette dont les bras puissants fendaient l’écume.

Puis la silhouette disparut dans l’obscurité de la nuit et de la mer.


*


Virginie et Léa avaient regagné leur hôtel.

Pendant le trajet en voiture vers Dinard, seule la conversation que Léa avait eue au téléphone avec le commissaire Nardi avait troublé leur silence.

Elle avait donné les indications nécessaires pour rechercher Morgane. Mais il y avait peu de chances qu’on la retrouve, en pleine nuit, dans l’immensité de la mer.

Elles s’étaient séparées devant leurs chambres et, pour la première fois, avaient échangé un baiser sur la joue. Cette confession à laquelle elles avaient assisté ensemble était comme un lien pour la vie.

Virginie était entrée dans sa chambre sans faire de bruit.

Immédiatement elle les avait vus, allongés sur leur lit, dans la faible lumière des lampes de chevet.

Victor et Céline s’étaient endormis, l’un à côté de l’autre.

Rapidement, elle retira ses vêtements et passa une veste de pyjama. Puis elle vint se blottir contre le dos de Céline. Elle entoura son corps de ses bras et la serra contre elle.

Ce contact réveilla la jeune femme.

- Tu est rentrée ? Enfin... J’ai essayé de t’attendre. Mais je me suis endormie. J’étais tellement inquiète...

- Il ne fallait pas t’inquiéter. Morgane n’avait pas l’intention de me faire du mal. Elle voulait seulement que je comprenne ses actes terribles. Elle voulait que je sache qu’elle avait vengé la mort de son époux que ces quatre hommes avaient laissé mourir sur le bord de la route.

- Mon Dieu... C’était donc ça... Un délit de fuite...

- Oui. C’était simplement ça.

- Léa l’a arrêtée ?

- Non. Morgane avait une arme. Léa n’a rien pu faire. Elle n’a pas pu l’empêcher de se suicider. Elle s’est jetée à l’eau. Elle va nager aussi longtemps et aussi loin qu’il lui sera possible. Jusqu’à ce que le froid et la fatigue la paralysent et qu’elle se noie...

- Quelle tragédie...

- Je n’approuve pas son geste. Tuer ces hommes. Mais je le comprends. Si jamais cela nous arrivait, je crois que je serais capable de faire ce que Morgane a fait...

- Virginie... La vengeance ne lui a pas rendu Eric.

- Non. Mais savoir que ces hommes continuaient à vivre, à rire et à aimer alors qu’elle et lui... Comme elle a dû souffrir... Cette solitude... Nous avions sympathisé, tu sais. J’aurais pu être son amie... J’aurais pu la rassurer et l’aider. J’aurais pu lui dire que malgré la distance ou le silence, je serais toujours là pour elle. Elle aurait pu me contacter à tout moment pour me parler. J’aurais été à son écoute. Toujours... Je ne pourrai jamais l’oublier...

- Je sais. Mais ne pense plus à ce drame. Pensons à nous. Je suis là. Victor est là.

- Morgane a dit quelque chose avant de s’enfuir. Elle a dit : il faut vivre chaque seconde avec l’être que l’on aime comme si c’était la dernière... C’est ce que je veux faire maintenant. Ne plus jamais te quitter. Passer chaque seconde de ma vie avec toi.

- Ça va être pratique ! Tu deviens avocat ou c’est moi qui deviens charpentier ou maçon ?

- Ne plaisante pas ! Je suis sérieuse. Je ne pourrais pas vivre sans toi...

- Virginie, tu le savais avant de découvrir l’histoire de Morgane et d’Eric. Tu sais bien que nous ne pouvons pas vivre l’une sans l’autre. Tu le sais depuis plus d’un an. Depuis que nous nous sommes quittées à Marseille...

- Oui, je le savais. Mais aujourd’hui je sais aussi que la vie peut nous reprendre ce qu’elle nous a donné. Sans prévenir. Sans pitié... Et qu’il ne faut pas gâcher le bonheur qu’elle nous donne. Parce qu’il nous est compté...

Tout doucement pour ne pas réveiller Victor, Céline tourna la tête vers Virginie et déposa un baiser sur ses lèvres. Puis les deux femmes se serrèrent l’une contre l’autre et, tout en veillant sur le repos paisible de leur fils, laissèrent le sommeil les envahir.


*


Elles avaient repris le cours de leurs vacances.

Leur thalassothérapie était terminée. Elles avaient été soulagées d’en avoir fini. Bien sûr, ces soins étaient toujours aussi agréables. Mais, elles ne pouvaient pas s’empêcher de penser à Morgane.

Son corps n’avait pas été retrouvé. Pas encore.

Elles savaient que la jeune femme était capable de nager pendant des kilomètres. Et le courant avait dû l’entraîner en haute mer.

Elles avaient passé leur seconde semaine de vacances à se promener. A découvrir cette Bretagne si magnifique. Mais toujours, elles voyaient la mer et pensaient à la jeune femme qui y avait trouvé l’oubli de sa douleur et la punition de ses crimes.

Un matin, Léa reçut un appel du commissaire Nardi.

Un bateau de pêche avait ramené un corps dans ses filets. Une jeune femme revêtu d’une combinaison de plongée.

Une autopsie fut pratiquée. C’était bien Morgane.

L’action de la Justice était éteinte. Alors le corps fut rendu à ses parents. Les obsèques eurent lieu dès le lendemain.

Céline, Virginie et Victor, Cath et Léa se rendirent dans la petite église de Saint-Enogat. Puis le corps de Morgane fut déposé dans la tombe où Eric reposait déjà.


*


Leurs vacances étaient terminées.

Céline, Virginie et Victor repartaient pour Lille après un dernier déjeuner avec Cath et Léa. Ces dernières repartaient à Rennes, mais plus tard dans la journée.

Elles échangèrent leurs adresses, leur numéro de portables, leurs boîtes e-mail. Tout ce qui leur permettrait de rester en contact les unes avec les autres, au-delà de cette distance qui allait les séparer.

Céline et Virginie invitèrent Cath et Léa à Lille. Elles furent invitées à Rennes.

Puis enfin, elles se quittèrent en s’embrassant avec l’affection des vieilles amies.

Elles roulaient depuis plusieurs heures déjà. Céline conduisait. Victor dormait. Virginie se taisait.

- Virginie, ma chérie. Ça va ?

- Oui. Ça va. Malgré tout ça, j’ai aimé nos vacances. Mais je suis contente de rentrer à Lille.

- Mais tu voudras bien revenir, n’est-ce pas ? Ce coin de Bretagne est si beau. Et puis, Cath et Léa espèrent notre retour.

- Bien sûr, Céline. Moi aussi, j’espère que nous reviendrons à Dinard. J’ai laissé ici une amie.



FIN




Une villa dinardaise

86 commentaires:

  1. Quelle jolie surprise avec cette nouvelle bannière; elle est vraiment splendide avec le montage de trés belles photos de Rebecca et Virginie !
    Bravo Ninie et encore merci Gustave pour tout le plaisir que m'apporte ton blog à travers tes récits !

    STEF31

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  2. Ne vous étonnez pas si le commentaire de Stef se trouve sous Eaux Chaudes ! En fait, j'utilise la "place" de la rubrique Scoop quand je publie un nouveau récit. Ainsi Scoop est toujours une création "nouvelle" et figure toujours sur la première page de mon blog. Mais je ne peux pas déplacer les commentaires.

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  3. Un nouveau récit Gustave... Que du bonheur!

    Et j'adore plus particulièrement cette phrase:
    "Elle ne savait pas que le bonheur pouvait faire si mal."

    C'est tellement vrai.

    Merci pour ton imagination et ton talent.

    B a b a

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  4. Et la douleur d'avoir cru perdre quelqu'un est incommensurable.

    Merci de décrire aussi bien les émotions.

    Nath.

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  5. Merci pour ce nouveau récit, quel régal de te lire

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  6. Merci pour ce magnifique récit.

    Ramsès 88

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  7. Quelle plaisir de découvrir ce nouveau récit avec la suite de "gens du Nord"; tu décris merveilleusement la plénitude entre les deux femmes et leur fils dans leur nouvelle vie !
    Je me réjouis à l'avance de lire chaque semaine la suite de cette histoire...

    Merci Gustave !

    Stef31

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  8. Coup de chapeau à Gustave pour la diversité des aventures de Céline et Virginie

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  9. Ta ff est toujours un régal à lire ...

    Ramsès 88

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  10. Céline a opté pour une autre profession: avocate. C'est ce que j'aime dans tes récits rien est figé.

    Et puis c'est charmant de les imaginer avec leur petit Victor.

    Nath.

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  11. Je sens que je vais bien les aimer les deux voisines ^^

    Jspr qu'elles reviendront régulièrement ds l'histoire =)

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  12. Je crois que je vais bien aimer itou les deux voisines.

    C et V qui rencontrent un couple de JF c'est nouveau et c'est bien.

    Merci Gustave.

    B a b a

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  13. Trés jolie suite encore, magnifiquement imagée avec l'arrivée à Dinard et la baie de St Malo; un bien agréable voyage au travers du bonheur des deux jeunes femmes avec leur fils.

    Merci infiniment Gustave !

    Stef31

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  14. Ah non, j'espère qu'il n'y aura pas d'écart de la part de Virginie avec l'une des deux filles ! Si c'est le cas je me permet de te demander une place dans ton histoire juste pour lui botter les fesses !! (Rires)

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  15. Ce récit est infiniment reposant et cruel...En effet, je rêve maintenant de St Malo, de crustacés (sans les albatros) et de thalasso... Pas gentil ça Gustave car mes prochaines vacances sont dans quelques mois.

    Merci tout de même.

    B a b a

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  16. Que du bonheur de te lire Gustave, j'attends toujours tes suites avec impatience, quel talent !

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  17. "Sur la plage abandonnée, coquillages et crustacés." Ce n'est pas la Madrague mais je me demande ce que tu nous a encore imaginé Gustave.

    Pourquoi ce commissaire de police? Encore des aventures je suppose enfin je l'espère. (rires).

    Nath

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  18. Alléchantes descriptions qui donnent envie d'aller faire un tour en thalassothérapie sur la côte bretonne !

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  19. Délicieux récit avec tout l'amour et la complicité entre Céline et Virginie dans un cadre de rêve...
    Quelle douce harmonie !
    Mais leurs de charmantes ne viendront-elles pas perturber cette équilibre !?

    Hate de lire la suite...
    Merci Gustave !

    Stef31

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  20. Céline et Virginie plus amoureuses que jamais ^^

    Mais j'ai un mauvais pressentiment en ce qui concerne Cath et Léa...

    Kidnapping d'enfant ?

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  21. Je vais prendre illico presto un billet de train pour Dinard.

    Ta description de cette région est absolument parfaite. Je les trouve sympa leurs deux nouvelles amies et en plus elles portent les paquets! (rires).

    Merci Gustave.
    Toujours un plaisir de te lire et te relire.

    B a b a.

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  22. De très jolies descriptions, merci Gustave

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  23. Très jolie description de St Malo, je ne connais pas et grâce à ton récit j'ai très envie de connaître.

    Je ne sais pas si ces deux jeunes femmes sont très fréquentables. Elles sont trop serviables pour être honnêtes. Et rien ne prouve que Léa soit commissaire de police.

    Au plaisir de te lire.

    Nath

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  24. Quelle agréable suite avec la ballade entre Dinard et St Malo des nos deux héroines et leurs amies; bien plaisant la découverte de la région de la sorte !
    Cath et Léa m'intriguent tout de même...

    Merci infiniment Gustave !

    Stef31

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  25. Très belle balade, merci

    Ramsès 88

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  26. Quel délice que ces flâneries bretonnes !

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  27. Je me doutais bien que ces vacances bretonnes ne seraient pas de tout repos pour nos héroïnes.

    Nous nous promenons, grâce à ton talent Gustave, dans cette merveilleuse région quand...ô damned! un cadavre.... J'adore.

    Merci, merci, merci.

    B a b a.

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  28. Très jolie description du paysage, une pointe de jalousie de la part de Virginie et maintenant une intrigue, tu nous gâtes vraiment Gustave

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  29. Quelle jolie promenade encore entre Dinard, St Malo et le Cap Fréhel...
    Tout cela devient encore plus palpitant avec la jalousie de Virginie et ce cadavre au bas de la falaise !

    Merci infiniment Gustave !

    Stef31

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  30. Encore du suspense! Par contre je trouve ça bizarre la façon dont Cath et Léa regardent Céline.

    J'espère qu'elles ne cachent pas une fausse identité!

    J'aime bien te retrouver chaque dimanche.

    Nath

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  31. Quelle belle promenade, on s'y croirait...........

    Ramsès 88

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  32. Quel coup de théâtre ! Je ne m'attendais vraiment pas à ça ! Dans ton récit, en quelques lignes, il y a tout. Une promenade sur un sentier des douaniers, un pique-nique au pied du fort La Latte, la scène touchante du sein donné à Victor, la charmante crise de jalousie de Virginie, de l'érotisme, de la passion...

    Et en plus une intrigue policière ! Merci !

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  33. Et voilà Gustave, j'ai pris de longues et longues minutes d'isolement social pour lire ton nouveau récit que j'adore ! Toujours autant de talent et d'aventures !

    Je ne sais pas quand je pourrai lire la suite étant donné mon planning onverbooké, mais je ne t'oublie pas!

    Nounou

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  34. Vraiment passionnant, je pense que les filles vont pas tarder à mener l'enquête. Merci Gustave

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  35. Quelle imagination, pour notre plus grand plaisir,merci.........

    Ramsès 88

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  36. J’aime énormément tes récits. Je les attends avec impatience tous les dimanches matin. Je les lis et relis. Puis, je prépare un commentaire que je poste dans la semaine qui suit.

    J’adore ce rendez-vous du dimanche à 10 heures. Et je suis toujours émerveillée quand je vois que tu n’as pas oublié tes lecteurs, que tu es exact au rendez-vous et que tu as encore su trouver de nouvelles péripéties à raconter.

    Je voulais te remercier pour le temps que tu consacre à Céline et Virginie, Alice et Louis, Cath et Léa, et aussi à nous.

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  37. Passionnante encore cette suite avec la découverte du corps qui mènera peut etre les jeunes femmes à mener leur propre enquète...!?

    Merci Gustave

    Stef31

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  38. Gustave ,
    je viens de lire ton récit, et j'avoue que c'est vraiment un régal !!!! j'aime beaucoup, et j'ai vraiment hâte de voir ce que tu nous réserve pour la suite. Tu as vraiment un réel talent d'écriture! bravo en tout cas. ;)

    dr scully

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  39. Toujours aussi bien et très drôle la rencontre fortuite avec Hugh Grat, merci Gustave

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  40. Virginie est toujours bouleversée par la scène de "crime" à laquelle elle a assisté, heureusement qu'elle est bien entourée...
    Les quatre filles semblent avoir "taper dans l'oeil" de Hugh Grant !

    Toujours aussi passionnant, merci Gustave !

    Stef31

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  41. "C'est quatre jeunes femmes et un homme maladroit" Ah oui j'oubliais un enterrement pour bientôt. (rires).

    C'est macabre et drôle comme l'humour anglais que j'adore.

    Great!!! Gustave.

    B a b a.

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  42. Un grand merci pour cette suite très agréable à lire .....

    Ramsès 88

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  43. Très amusants la jalousie de Virginie à propos du sourire ravageur de Céline à Hugh Grant et le dialogue qui suit. Très érotique, la scène intime. Et très inquiétants, les meurtres à Dinard. Tu passes de la comédie à l'amour, puis de l'amour au mystère avec le même talent. Et pour notre plus grand bonheur.

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  44. Très, très bien le suspens et merci pour la petite scène de jalousie entre les filles !

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  45. J'aime bien quand Céline taquine Virginie...mais elle sait parfaitement se faire pardonner ensuite...

    "Que la bête meure", très Chabrolienne cette suite, qu'est ce que les victimes ont fait pour mériter un tel sort?

    B a b a.

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  46. Merci gustave pour ces suites que je rattrape à nouveau ;)

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  47. Magnifique encore cette suite mélant passion,amour et suspens; de la jalousie de Virginie au mystère autour de la nouvelle victime en passant par l'ardente réconciliation, tu nous fait vivre de multiples et belles émotions !

    Merci infiniment Gustave!

    Stef31

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  48. Toujours aussi palpitant Gustave, Merci

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  49. Très captivant..........

    Ramsès 88

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  50. Ton récit est toujours aussi riche, passionnant, et le suspens continue...

    Merci infiniment Gustave!

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  51. Elle est mignonne Virginie en "fausse suivante" euh en fausse stagiaire je veux dire et d'une perspicacité redoutable.

    Il y a comme un parfum du "Mystère de la chambre jaune" dans ton récit.

    Merci Gustave.

    B a b a.

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  52. La description que tu fais de la Bretagne que je connais un peu et que j'aime beaucoup(mais pas la région de DINARD), me donne envie d'y retourner.
    Alors lorsque tu rajoutes à celà une enquête policière, avec meurtres en série sur les sentiers côtiers, celà me fait penser à Agatha Christie.
    Et en prime Virginie qui se transforme en détective amateur...! Et toujours cet amour entre les deux filles. Tout celà me plait beaucoup. Merci Gustave.

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  53. Gustave est aussi doué pour les intrigues policières que pour les récits historiques.

    Cette fiction est particulièrement palpitante !

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  54. La crise de jalousie de Céline est absolument charmante et ton récit toujours aussi palpitant.

    Dis moi Gustave, es-tu sur de ne pas avoir de lien de parenté avec Agatha Christie?

    B a b a.

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  55. Merci beaucoup, j'ai beaucoup aimé les doutes de Céline.

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  56. Ce récit est toujours aussi plaisant à lire; les doutes et la jalousie de Céline sont trés touchants...

    Merci infiniment Gustave

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  57. Merci Gustave ................

    Ramsès 88

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  58. Il y a du Hitchcock et du Agatha Christie. Il y a une description de la Bretagne telle que j'ai envie d'y passer mes prochaines vacances. Le syndicat d'initiative de Dinard te doit beaucoup.

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  59. L'étau se resserre, merci Gustave

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  60. Toujours aussi passionnant ce récit, avec la douce rêverie de Virginie et le mystère qui s'épaissit autour de la nouvelle victime...
    Merci Gustave

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  61. Toujours aussi prenant..................

    Ramsès 88

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  62. Et de trois !!! J'espère pour les Bretons que ce n'est pas un mot en douze lettres. Le drame surgit au milieu du paradis. Les vacances de Léa sont à l'eau... chaude.

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  63. Voilà je te fais une confidence Gustave, je suis inquiète.
    J'ai l'oeil bas comme un pigeon blessé. Pffff Rassures moi, son prénom est bien Eric? Cette vague de violence est tellement insupportable que je prie chaque soir. La démence me guette et je vais nager à la piscine certes mais je nage en plein désespoir! Alors je te le demande Gustave, du fond de mon coeur, quand cesseras-tu cette vague de crime?

    Un coeur desespéré.

    B a b a.

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  64. L'enquête continue avec ce nouveau meurtre, merci Gustave

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  65. Captivant récit : Gustave peut être classé parmi les as du polar

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  66. Tu passes de "Que la bête meure" à "Sept semaines et demi" sans transition... (rires).

    J'aime bien ce jeu du chat et de la souris, l'assassin avec les enquêteurs et Virginie avec...Céline.

    B a b a.

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  67. Toujours aussi captivant. Cruelle Virginie face à Céline qui montre une pointe de jalousie légitme.

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  68. C'est vrai Virginie est un peu cruelle face à Céline ...........

    Ramsès 88

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  69. Toujours passionnant ce récit avec ce nouveau meurtre et nos enquêtrices de charmes, puis le petit "numéro" de Virginie face à la jalousie de Céline...

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  70. Les Oiseaux, Excalibur, Quatre mariages et un enterrement. Que la bête meure. Sans oublier Les Enchaînés et Bunuel dans Un mort en ce Jardin. Gustave, tu ne pourras pas prétendre que tu n'aimes pas le cinéma. Moi, j'adore tes récits.

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  71. Merci Gustave.................

    Ramsés 88

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  72. Retournement de situation. Bam! Morgane.

    Nous sommes tous et toutes des Virginie, j'éprouve de la compassion pour cette présumée meurtrière.
    La vengeance est un plat qui se mange froid, la preuve, il y a beaucoup de « viandes froides » dans ce récit. (rires).

    Merci.

    B a b a.

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  73. Toujours aussi passionnant, avec Virginie qui, à présent, cotoie la meurtrière...
    Merci Gustave

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  74. C'est beau et tragique à la fois. Ce désespoir à fleur de peau, à fleur de l'eau.

    Un suicide à la Virginia Woolf...Sublime.

    B a b a.

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  75. Très captivant Gustave, merci beaucoup

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  76. Passionnants et bouleversants ces aveux de Morgane....
    Merci Gustave

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  77. Toujours aussi prenant, merci

    Ramsès 88

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  78. Quel suspense ! Le récit aurait pu s'arrêter là, mais Gustave, jamais à court d'idées, nous ménage de nouvelles surprises.

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  79. Une fin pleine de tristesse, de douceur et de mélancolie.
    Cette histoire était passionnante.
    merci
    fred2638

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  80. Jingle bells, jingle bells...

    Je devrais te sonner les cloches Gustave car tu viens de mettre un terme à ce récit... Cependant je n'en ai pas le coeur car je trouve cette fin très belle, mélancolique. La mer en linceul et pour seul repère, que l'arrivée des vagues.

    Tragique et magnifique à la fois.

    B a b a .

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  81. Très belle fin, un peu triste quand même, merci Gustave pour ce magnifique récit...

    Ramsès 88

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  82. Un grand merci pour ce joli récit. Tu m'as fait visiter une partie de la France que je ne connais pas, j'avais l'impression d'y être.
    Encore merci et j'espère beaucoup de nouveaux récits pour 2010. Bonne fête de fin d'année à toi et ta famille;

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  83. les envolées de ta plume continuent de me ravir, combler ma soif de lecture!!! et pas n'importe laquelle puisque depuis le début je te suis fidèle Marie...Bravo et encore Bravo!! à très vite. Dana

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  84. magnifique je viens de lire ce récit du début à la fin. Quelle suspens, pleins démotions et toujours beaucoup d'amour.
    Merci
    bisous
    sev.

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