Les aventures de Céline et Virginie continuent avec ce récit écrit à quatre mains avec un autre auteur, Béa, dont vous pouvez lire les récits sur le forum celinevirginie.leforum.tv. Il est nécessaire d’avoir lu les récits précédents, Dix Jours, Insomnies, Parents Amies Amants, la Vierge de Noël, Portrait et Un mort en ce jardin pour comprendre :
Enchères
En ce mois de février, la nuit était tombée sur Paris. Le ballet des limousines était incessant autour du Grand Palais.
Les véhicules, après avoir traversé le pont Alexandre III, remontaient l’avenue Winston Churchill, interdite à la circulation, et déposaient leurs passagers devant la nef de l’imposante bâtisse.
Des policiers, en uniforme de cérémonie ceint d’une fourragère blanche, maintenaient les photographes et le public derrière des barrières métalliques.
Les flash crépitaient, projetant une lumière irréelle sur les hommes et les femmes qui pénétraient dans l’édifice.
Tous les hommes avaient revêtu des smokings et les femmes étaient en robes du soir. Chanel, Dior, Prada, Saint-Laurent, Versace se disputaient leurs faveurs.
La vente Laurent Saint-Yves et l’exposition qui la précédait venaient de commencer.
La foule des invités se rassemblait sous une gigantesque photographie du couturier décédé, accrochée aux poutres métalliques du Grand Palais.
Pendant cinquante ans, le grand couturier parisien avait accumulé une collection de près de huit cents chefs d’oeuvre. Picasso, Léger, Mondrian figuraient au nombre des objets qui seraient dispersés au cours de ce que les journaux appelaient déjà la “vente du siècle”.
Avant cette vente, la société Sophie’s organisait une exposition destinée, pendant trois jours, à présenter ce fabuleux trésor au public.
Mais ce soir, seuls les collectionneurs et les marchands du monde entier, les égéries du couturier, les “petites mains” qui avaient travaillé pour lui, les stars du cinéma, de la musique ou de la télévision, françaises ou étrangères, les personnalités du “tout-Paris” et du monde des arts, avaient été autorisés à assister à l’inauguration de cette exposition et au cocktail qui l’accompagnait.
Trois mille personnes, en tout et pour tout, se pressaient sous la nef du Grand Palais.
*
Pour la jeune experte en art, employée par la maison de ventes aux enchères Sophie’s, cette exposition faisait partie de son travail. Elle devait chaperonner un milliardaire brésilien et lui présenter la collection.
Virginie était là en qualité d’invitée.
Elle n’était plus la petite artiste qui avait tant de mal à vendre ses propres créations. Elle n’était plus la jeune femme qui vivait dans un minuscule studio au fond d’une cour de Montmartre.
En devenant Virginie Mirbeau-d’Uberville, la fille adoptive de Camille, qui lui avait donné son nom, elle était entrée dans le cercle très fermé des grandes fortunes françaises.
Elle avait à présent sa place dans les manifestations mondaines les plus courues de Paris et d’Europe. Du monde.
Elle ne pouvait s’empêcher de penser au chemin parcouru depuis ce soir d’octobre où, au cours du modeste vernissage qu’elle avait organisé pour présenter ses tableaux, elle avait proposé un verre de bière blanche à Céline.
*
Céline avait tenu à rendre hommage au couturier disparu, dont la collection allait être dispersée dans les tous prochains jours, en portant une des dernières créations Saint-Yves.
Virginie avait choisi une maison de couture rivale, Kiki Flanel.
Mais, sans se concerter, elles avaient fait des choix identiques. Des robes simples et courtes, sans le moindre bijou, qui mettaient en valeur la splendeur de leurs jambes, l’éclat velouté de leur peau subtilement hâlée, la perfection de leurs formes.
Au milieu de ces femmes couvertes de bijoux, et qui, parfois, devaient tout au savoir-faire d’un habile chirurgien, Céline et Virginie étaient deux beautés, jeunes, naturelles et rayonnantes sur lesquelles les regards s’attardaient.
*
L’exposition venait d’ouvrir. Les premiers invités étaient reçus par les plus hauts représentants de la maison Sophie’s. Même Sir Winston avait fait le déplacement depuis Londres en compagnie de Lady Agatha, son épouse.
Les invités recevaient un catalogue de l’exposition, à la rédaction duquel Céline avait collaboré pendant des semaines, et une flûte de champagne Veuve Clicquot. Puis ils s’éparpillaient dans les salles, reconstituées sous la magnifique verrière du Grand Palais, qui contenaient les trésors de Laurent Saint-Yves.
Au milieu des invités, apparut, tout à coup, un homme de quarante ans, grand et bronzé, au cheveu d’un noir de jai. Céline le reconnu immédiatement pour être le Senhor Mario de Castro, milliardaire brésilien auquel elle devait servir de guide pendant la soirée.
Elle se tourna vers Virginie.
- Virginie, ma chérie. Je vais devoir m’occuper prioritairement du Senhor De Castro. Tu veux nous accompagner ou tu préfères nous laisser ?
- Je vais vous laisser pour aller admirer les oeuvres de la collection. Mais je te fais confiance. Ne succombe pas au charme de ton milliardaire brésilien.
- J’en attends autant de toi. Ne succombe pas au charme des belles invitées.
- Il n’y a aucun risque. Tu es, et de loin, la plus belle. Mais surtout tu es celle que j’aime.
Virginie saisit Céline par la taille et déposa un léger baiser sur la commissure de ses lèvres. Puis elle disparut dans la foule.
Céline la regarda s’éloigner en poussant un petit soupir. Puis elle se tourna vers le Senhor De Castro qu’elle accueillit avec un sourire éclatant.
*
Elles regardaient, d’un air désabusé, la foule qui déambulait sous la verrière.
Elles étaient toutes les deux américaines et actrices.
Dylan était très belle. Grande, mince, les cheveux bruns coupés très courts. Un visage aux traits purs, au nez droit, au menton énergique. Une bouche petite mais aux lèvres brillantes. Un regard doux et amusé sous les accents de ses sourcils.
Elle pratiquait la photographie avec un talent reconnu. Sa dernière exposition à Londres avait été particulièrement remarquée. Les dirigeants de Sophie’s, impressionnés par son travail, lui avait confié le reportage de l’exposition, du cocktail et de la vente.
Helena DeXeres cachait sa féminité, sous un casque de courts cheveux blonds et d’éternels costumes masculins.
Elle n’était pas jolie mais, avec ses yeux bleus, elle possédait un certain charme. Celui des femmes de pouvoir. Comme à son habitude, elle avait revêtu un veston et un pantalon, avec gilet et chemise blanche.
Dylan, qui n’était pas qu’une simple invitée, arborait un jean usé et un tee-shirt sur lesquels elle avait jeté une veste de smoking. Un appareil photos était accroché à son épaule.
Les deux femmes attiraient tous les regards.
Car elles avaient été amantes et avaient vécu ensemble pendant trois ans, avant de se séparer dans le bruit, la fureur et les procès, faisant ainsi le bonheur des paparazzi et... des avocats.
*
De temps en temps, quelques personnalités du showbiz, de la mode ou des arts venaient les saluer. Ce fut le cas de Carl Chesterfield, styliste de renom de la maison Kiki Flanel.
- Helena, ma chérie, tu es là ! Enfin, la soirée va me paraître moins sinistre ! J'ai regardé ton talk-show avant hier soir. Tu étais tordante !
Comme à son habitude, Carl parlait très rapidement, butant sur les mots, avec ce léger accent allemand qui pouvait aussi bien charmer qu'irriter.
- Merci Carl répondit Helena, tu sais combien je suis sensible à tes compliments.
Carl l'interrompit soudainement.
- Ma chérie, cache-moi, je ne veux pas que cette grosse vache me voit. Je sais que c’est une de nos plus importantes clientes, mais c'est un crève coeur pour moi de la voir porter mes chefs d'oeuvre.
Il se tourna alors légèrement et rencontra le regard glacial de Dylan.
- Tu es là, toi aussi ? Pardonne-moi, je ne t'avais pas vue...
- Chacun sait, Carl, que tu ne vois que ce que tu veux voir, rétorqua Dylan en souriant.
La jeune femme brandit alors son appareil photos et immortalisa les représentants de la sous-culture télévisuelle et de la haute-couture parisienne.
Helena écoutait d'une oreille distraite la joute verbale entre Carl et Dylan. Depuis quelques minutes déjà, elle regardait une jeune femme brune qui se promenait, seule, un verre de champagne à la main au milieu des oeuvres de la collection Saint-Yves.
- Carl connais-tu cette splendide jeune femme ? demanda Helena.
Carl suivit son regard et acquiesça.
- Virginie Mirbeau-d'Urberville. Elle fait partie de la famille très chère... Dis-moi, tu as un sixième sens ?
Dylan l'interrompit.
- Helena n'a pas un sixième sens. Je suis persuadée, qu'à la naissance, un chirurgien lui a greffé un gaydar dans le cerveau.
Héléna se tourna vers Dylan.
- Que tu es drôle ma chérie. Tu sais combien j'apprécie ton humour si subtil...
Carl écoutait en souriant. Il appréciait en connaisseur les disputes, célèbres, des deux jeunes femmes. Il s’amusa à jeter de l’huile sur le feu.
- Tu n'as pas mauvais goût, Helena. D’autant que cette jeune femme dispose d’une très jolie fortune.
A ces mots, le regard de Dylan brilla d'une étrange lueur. Helena lui glissa à l'oreille.
- Tu devrais baisser les yeux, Dylan. Tout le monde peut lire en toi comme dans un livre ouvert. Le procès que tu essaies de m'intenter, afin que je te verse une substantielle pension alimentaire, ne te suffit pas ?
Dylan ignora la remarque.
- Tu la connais, Carl ?
- Tu me déçois chérie. Regarde le contenant et pas le contenu. Et tu verras qu’elle est vêtue en Kiki Flanel de la tête aux pieds. J’ai fait sa connaissance quand elle est venue à la boutique pour commander la robe qu’elle porte ce soir. Une cliente jeune, superbe, intelligente et... riche, ça ne court pas les rues.
- Riche ?
- Oh que oui... Elle est la fille adoptive de Camille d’Uberville, l’héritière de la Banque d’Uberville. Ce nom ne dit rien aux épouvantables américaines que vous êtes. Disons que c’est une version française de JP Morgans ou de Goldman Sachs. En plus petit, naturellement. C’est une banque privée qui gère les fonds de clients fortunés. Il est impossible d’ouvrir un compte si on n’y dépose pas au moins un million d’euros... Un million cinq cents mille dollars, si vous préférez... Les financiers qui y travaillent sont excellents. Rien à voir avec cet horrible Madoff. Au fait, Helena, ma chérie, j’ai appris la triste nouvelle... Tu fais partie des victimes de cet ignoble escroc...
- Je vois que les nouvelles vont vite...
- Les mauvaises nouvelles vont toujours à une allure supersonique, ma chérie.
- Rassure-toi, il m’en reste encore suffisamment pour vivre très confortablement et pour me payer les meilleurs avocats américains, ajouta-t-elle en jetant un regard à Dylan.
- Parfait, j’en suis ravie pour toi, ma chérie. Alors je présume que tu peux laisser la jeune Mirbeau-d’Uberville à d’autres... moins fortunées que toi.
- Et que fais-tu du plaisir ? Je te laisse. J’ai envie de flâner à mon tour.
- Aucun problème honey, je dois aller voir mon imposante cliente. Je ne peux pas, hélas, lui échapper éternellement.
Il les quitta en leur faisant un petit signe de la main et un clin d’oeil.
Helena planta Dylan sans même lui jeter un regard. Cette dernière la suivit des yeux. Elle sourit.
- Que la meilleure gagne Helena murmura-t-elle, levant son verre, pour porter un toast imaginaire.
Elle prit son appareil photos et flasha Helena alors que celle-ci, comme une panthère, marchait vers sa proie.
Helena s'approcha de Virginie qui était en train d’admirer un tableau de Piet Mondrian, l’une des pièces majeures de la collection Laurent Saint-Yves.
- Il est magnifique n’est-ce pas ? Si simple et si fascinant en même temps. Au fait, je me présente. Helena DeXeres. Enchantée. Elle lui tendit la main en souriant.
Virginie fut surprise un instant, puis sourit à son tour. Elle répondit en anglais.
- Heureuse de vous rencontrer Madame DeXeres. J'ai ainsi l'occasion de vous dire combien j'apprécie votre talk-show.
- Vraiment ? Je croyais qu'il n'était connu qu’aux USA, mais je vous en prie appelez-moi Helena.
Virginie connaissait les moeurs des américains mais elle restait toujours étonnée. Leur familiarité lui semblait tellement excessive.
- Très bien, Helena... Je m'appelle Virginie Mirbeau-d’Uberville.
- Je sais Virginie, dit-elle en la regardant fixement.
Virginie n’eut pas le temps de s’étonner du fait qu’Helena connaisse son nom car, en un éclair, elle vit Dylan Hederson s'approcher d’elles. Elle l'interpella.
- Mademoiselle Hederson, quelle chance de vous rencontrer. Vous êtes la photographe officielle de cette exposition, n'est ce pas ?
Dylan l'enveloppa d'un seul regard et lui répondit d'une voix très douce.
- En effet, vous êtes... ?
- Virginie Mirbeau-d’Uberville, pardonnez mon impolitesse.
Helena jeta un regard assassin à Dylan.
Cette dernière lui sourit. Elle prit la main de Virginie et la garda dans la sienne un peu plus longtemps que nécessaire...
- Je suis ravie de vous rencontrer.
*
Céline et le Senhor De Castro déambulaient au milieu des oeuvres d’art, une flûte de champagne à la main, s’arrêtant devant les objets qui retenaient l’attention du milliardaire.
Ils s’arrêtèrent devant une représentation du dieu Apollon. La statue était un magnifique exemple de la statuaire grecque et de la beauté masculine.
Aussi Céline ne fut-elle pas surprise de retrouver son vieil ami Hector en contemplation devant le dieu grec dont une feuille de vigne dissimulait opportunément les parties viriles.
Elle posa une main sur son épaule. Le jeune homme se retourna, surpris.
- Céline !!! Que fais-tu ici ?
- Dois-je te rappeler que je suis l’un des éléments les plus prometteurs de la maison de vente Sophie’s ? Et toi, que fais-tu ici, à part te rincer l’oeil ?
- Dois-je te rappeler que je suis l’un des éléments les plus prometteurs du département des antiquités grecques, étrusques et romaines du Musée du Louvre ? Et que mon métier me permet de conjuguer ma passion de la statuaire grecque et des beaux jeunes gens.
Céline ne put s’empêcher de rire devant la franchise désarmante d’Hector.
- Senhor De Castro permettez-moi de vous présenter mon vieil ami Hector... Un spécialiste reconnu des antiquités grecques et romaines. Nous avons fait nos études ensemble à l’Ecole du Musée du Louvre. Hector y travaille à présent. Vous ne trouverez pas de meilleur spécialiste. Ni de plus passionné...
Les deux hommes se saluèrent et échangèrent quelques mot en anglais, seule langue que De Castro parlait en dehors du portugais.
- Dis-moi Céline, serais-tu redevenue célibataire ? Je ne vois pas ta délicieuse amie.
- Non. Virginie est ici, mais elle flâne de son côté.
- Oh... et tu crois qu’il est bien prudent de la laisser “flâner” toute seule.
- Où est le risque ?
- J’ai appris que Sophie’s avait confié le reportage photo de l’exposition à Dylan Hederson et qu’Helena DeXeres faisait partie des invitées. Mon Dieu, c’est vrai... J’oublie toujours que tu fais partie du “milieu” depuis peu et que ces personnes te sont aussi étrangères que si tu venais de naître. Ce sont des “femmes qui aiment les femmes” et deux redoutables prédatrices selon la rumeur... Elles sont célèbres, font la une des journaux aux States. Ont vécu ensemble pendant trois ans, se sont séparées avec pertes et fracas et se font un procès pour “vol d’amour”... Bref, si elles tombent dessus, elles ne feront qu’une bouchée de ta Virginie.
- Oui, maintenant que tu m’en parles, je crois que je les connais. L’une a un talk-show et l’autre a joué dans une série culte.
Elle n’avait plus qu’une hâte : rejoindre Virginie. D’autant qu’Hector crut bon d’ajouter.
- Céline, à douze heures derrière toi, la jeune femme qui sert de garniture dans le sandwich lesbien, c'est bien Virginie, n’est-ce pas ?
Céline se retourna promptement. Elle vit Virginie qui lui tournait le dos.
En face d'elle se tenaient Helena DeXeres et Dylan Hederson.
*
- Hector, je t’en prie, prends ma place auprès du Senhor De Castro. Je n’en ai que pour quelques minutes...
- Tu plaisantes ? Il n'est pas du tout mon type d'homme !
- Le Senhor De Castro possède une maison à Rio de Janeiro, près de la plage de Copacabana. Je suis sûre qu’il serait ravi de t’y inviter...
- Tu sais toujours trouver les mots qu’il faut pour me convaincre...
Céline s'excusa auprès du riche collectionneur brésilien. Puis elle s'approcha de Virginie et la prit par la taille.
- Tu ne me présentes pas Virginie ?
Virginie resta muette quelques instants et elle bafouilla.
- Céline Frémont, une amie. Je te présente Helena DeXeres et Dylan Hederson. Mais je présume que tu les connais.
- Enchantée. En effet qui ne vous connaît pas ? Mademoiselle Hederson, je vous ai particulièrement appréciée dans ce showtime “LOL” que Virginie, je crois, a adoré. N'est-ce pas ma chérie ?
Dylan fut surprise.
- LOL, c'est l'abréviation française ? C'est amusant...
- Oui Los Angeles Lesbian, cela peut paraître stupide dit Virginie un peu gênée. Mais vous incarniez si parfaitement le personnage d’Alexandra.
Elle baissa la tête en rougissant.
- N'est ce pas ? dit Helena. Toutes ses fans, et il y en a des millions à travers le monde, sont en transe quand Rachel Peabody, l'actrice qui lui donne la réplique, lui déclare “Nobody makes me wet like that” dans la scène de la salle de bains.
Céline et Virginie restèrent quelques secondes sans voix. Exaspérée, Dylan leva les yeux au ciel.
- Dylan, tout le monde sait combien tu es sensible à la beauté des femmes et particulièrement à celle de Rachel, continua Helena.
- En effet, je ne le nie pas, je suis très sensible à la beauté des jeunes femmes, dit elle en regardant Virginie. Ainsi, chère Helena, tu étais l'exception qui confirme la règle.
- Chérie, murmura Céline, je ne sais pas si tu as compris, mais...
- J'ai parfaitement compris... et elle vida son verre d'une seule traite. Je vais me chercher un autre verre, déclara Virginie.
Helena spontanément se proposa de l'accompagner.
Dylan et Céline restèrent face à face.
*
Elle se sentait mal.
Elle n’avait jamais vu Virginie comme cela. La jeune femme semblait n’avoir plus d’yeux que pour ces gloires de la télé et de la photographie. Pour ces icônes lesbiennes.
Elle entendit un flash crépiter et elle tourna la tête vers Dylan qui venait de la prendre en photo.
- Ne me photographiez pas. Je vous prie.
- Désolée, mais je n’ai pas pu m’en empêcher. Vous avez un profil... intéressant. Et puis c’est mon job. Je suis chargée de la couverture photos de cet événement mondain.
- Oui. Mais moi, je ne suis pas une gloire des arts ou de la politique. Moi aussi, je suis là pour mon job. Je travaille pour Sophie’s.
- Oh, très bien. Et vous connaissez Virginie ?
- Vous l’appelez déjà par son prénom ?
- Miss Mirbeau-d’Uberville, si vous préférez.
- Oui, je préfère. Virginie est ma compagne.
- Oh, vous faites partie de la “famille” vous aussi ?
- La famille ?
- C’est ainsi que les lesbiennes se désignent entre elles.
- Virginie en fait partie. Moi, je suis une convertie de fraîche date. Avant Virginie, je n’ai eu que des amants.
- Je comprends mieux à présent.
- Vous comprenez mieux quoi ? demanda Céline quelque peu irritée.
- Vous n'avez pas le look. Vous êtes si féminine, si sûre de vous...
- Vraiment ? Toutes les lesbiennes devraient ressembler à Helena ? Des butchs ? Pardonnez-moi. Je n’aurais pas dû dire cela. Je sais qu'elle a été votre compagne.
Dylan regarda Céline d'un air amusé, ce qui exaspéra encore plus la jeune femme.
- Ne vous excusez pas. Helena, sous son costume trois pièces, cache ses peurs. La peur de tomber dans l'oubli, de ne plus faire un audimat suffisant pour attirer les publicitaires ou les maîtresses. Alors elle se montre excessive, impudique.
- Vous semblez l'aimer encore...
Elle regarda Dylan qui souriait toujours. Mais son regard avait changé.
- Vous vous trompez. Je ne l'aime plus. Sa présence me donne envie de vomir. Mais nous devons satisfaire la curiosité des gens. Le spectacle doit continuer... N'est ce pas ?
Céline ne répondit pas.
Dylan fit rebondir la conversation sur le seul sujet qui l’intéressait vraiment. Pour elle, Helena c’était le passé et un présent gênant et irritant.
- Virginie doit être une redoutable séductrice. Elle a tout. La beauté, le charme...
- La beauté et le charme, oui. Mais quand j’ai rencontré Virginie, elle n’était qu’un peintre sans argent et sans succès. Elle faisait de la photo de presse pour arrondir ses fins de mois.
Céline s’étonna de la facilité avec laquelle Dylan obtenait ses confidences.
Mais elle voulait qu’elle comprenne que c’était elle qui avait tout apporté à Virginie.
Elle se détesta. Elle détestait cette réaction qui était la sienne. Cette réaction de propriétaire qui voulait garder son bien.
- Miss Mirbeau-d’Uberville fait de la photo ? Oh, mais dans ce cas, nous avons une passion commune sourit Dylan.
Céline se mordit la lèvre. Elle venait bêtement de fournir un angle d’attaque à celle dont elle devinait qu’elle était sa rivale.
Dylan ne la regardait pas comme d'autres la regardaient. Elle ne semblait absolument pas conquise. Sa beauté la laissait de glace. Par contre, le regard dont Dylan avait enveloppé Virginie ne lui avait pas échappé.
*
Virginie et Helena s’étaient approchées d’un serveur qui leur présenta un plateau sur lequel étaient posées de nombreuses flûtes de Champagne. Elles se servirent.
- Votre amie est une fort jolie personne. Elle est mannequin ? Actrice ?
- Céline est experte en art chez Sophie’s.
- Oh, et cultivée en plus... Vous êtes plus que des amies, je présume ?
- En effet, Céline est ma compagne.
- Vous formez un si charmant couple. Vous vous connaissez depuis longtemps ?
- Nous nous sommes rencontrées il y a quatre mois.
- Un coup de foudre ? J’adore les coups de foudre. Je suis une véritable midinette. Racontez-moi ça.
- Et bien, Céline était venue à Paris depuis Londres pour organiser les préparatifs de son mariage et nous nous sommes rencontrées par hasard...
- Votre amie devait se marier ? Avec un homme ?
- La France ne reconnaît pas d’autre union qu’entre un homme et une femme.
- Et... votre amie a renoncé à ce mariage ?
- Oui. Par amour pour moi.
- Mon Dieu, mais c’est un vrai conte de fée ! Je bois à votre bonheur ! Et je vous souhaite d’être l’exception qui confirme la règle.
- Quelle règle ?
- Une règle que vous connaissez parfaitement, Virginie. Car vous, vous faites partie de la famille. Il n’y a pas d’amour qui dure entre une homo et une hétéro.
- Il ne dure pas non plus entre deux hétéros ou deux... homos. Je me trompe ?
- Non, vous ne vous trompez pas. Après le petit numéro que, Dylan et moi, nous vous avons servi, je ne risque pas de vous dire le contraire. Mais, dans une ville comme Paris, les tentations, hommes et femmes, ne doivent pas manquer à votre amie...
- Céline est très sage. Elle s’est totalement investie dans son travail d’experte en art et dans notre couple. Nous vivons très simplement. L’une pour l’autre.
- Vraiment ? Cela paraît délicieux. Mais n’est-ce pas un peu ennuyeux à la longue ? Moi, je ne pourrais pas le supporter. J’aime tant rencontrer les gens qui comptent. J’en ai fait le principe de mon talk-show, où j’ai même reçu Michelle et Barack Obama. Tenez, l’autre jour à New York, j’étais invitée à dîner chez des amis qui ont un appartement superbe sur Park avenue... Ils avaient invité Moody Ellen. Je me suis follement amusée. Malheureusement, ma petite amie n’était pas à la hauteur... Elle est restée muette toute la soirée, ne comprenant qu’un mot sur deux... Moi, je crois que c’est ça la vie. Faire des rencontres exceptionnelles. Voir des gens exceptionnels... La vie est trop courte pour perdre son temps en banalités. Vous ne trouvez-pas ?
Virginie ne répondit pas.
Helena sourit. Elle avait distillé son venin. A présent, il lui suffisait d’attendre qu’il agisse.
*
Céline s’apprêtait à répondre à Dylan en lui décochant quelques propos bien sentis, quand elle vit le Senhor De Castro et Hector s’approcher d’elles.
- Céline, ma chérie. Je suis absolument désolé mais je ne peux pas servir de mentor à ton client plus longtemps. Par ailleurs, mon charme a cessé d’agir. Il te réclame.
Le jeune homme sourit, les salua avec élégance et les quitta sans attendre de réponse.
Le milliardaire brésilien s’adressa à Céline.
- Vous m’abandonnez, Mademoiselle. Votre ami Hector est fort savant, mais je préfère de loin votre compagnie à la sienne. J’ai aperçu une oeuvre qui me plaît beaucoup. Venez, je voudrais vous la montrer.
Dylan sauta sur l’occasion.
- Vous pouvez me laissez Céline. Je trouverai bien à m’occuper sans vous.
Céline avait envie de hurler.
Mais elle était piégée. La mort dans l’âme, elle dut se résoudre à laisser Helena et Dylan libres de séduire leur proie.
Elle se dit aussi qu’elle devait faire confiance à Virginie.
Et laisser faire le destin.
*
Dylan se glissa au milieu de la foule des invités, shootant l’un ou l’autre. Ici, une actrice, là, un mannequin.
Petit à petit, elle se rapprocha de Virginie et d’Helena.
Elle connaissait les méthodes de son ancienne amante, pour les avoir expérimentées.
Elle séduisait grâce à son humour et... son carnet d’adresses. Helena avait ses entrées partout. Elle connaissait tout le monde. Et tout le monde la connaissait. Et la craignait.
Son talk-show était une tribune où elle pouvait faire et défaire les réputations. Elle avait “outé” plusieurs personnalités du show-biz. Elle y faisait le compte de ses petites amies.
Sans aucune pudeur, elle y avait étalé leur relation. Et à présent, dans la bataille judiciaire qui les opposait, elle prenait son public à témoin.
Helena l’écoeurait. Comment avait-elle pu l’aimer ?
Mais aujourd’hui, elles étaient adversaires.
Cette jeune française était sa chance. Sa fortune lui permettrait de se sortir du pétrin financier où elle se trouvait. Elle lui permettrait d’organiser à New York une exposition de ses nouvelles photos. Et de rebondir enfin dans ce qui était la Mecque de l’art contemporain.
Virginie était jeune. Elle était belle.
Il y avait tellement longtemps qu’elle avait envie d’un corps comme le sien.
Oui, Virginie était sa chance.
Helena l’avait compris et, pour se venger et lui nuire, elle ferait tout pour la séduire.
Mais elle n’avait pas encore dit son dernier mot.
*
- Tu n'as pas assez de photos de moi ? Tu es insatiable, dis-moi ? Ou bien, serais-tu à la recherche d'un scoop ?
- Helena, le seul véritable scoop ce soir, ce serait que tu sois venue sans ta flasque de whisky et tes Davidoff, cachés dans les poches de ton costume. Comme je suis persuadée que ce n'est pas le cas...
Elle choisit de l’ignorer et se tourna vers Virginie.
- Votre compagne m'a dit que vous étiez photographe. Quelle heureuse et agréable surprise.
- Je ne suis qu'une photographe modeste. Je n'ai pas votre notoriété ni votre talent. Céline m'a parlé de votre dernière exposition qu’elle a vue à Londres, “(re)construction”. La critique est unanime. Tout le monde dit qu’elle est remarquable. Pourquoi le choix d'un tel titre et d'un tel thème ?
Dylan n'eut pas le temps de répondre, Helena la devança.
- Dylan adore les faux semblants. Elle ne conçoit que l’inachevé, le chaos ou la destruction. Alors elle prend les choses à contre-pied. Ainsi, plutôt que des scènes bucoliques, elle photographie des immeubles ou des maisons en construction.
Gênée par ce nouveau règlement de comptes, Virginie baissa les yeux. Ce trouble n'échappa pas à Dylan.
- Je suis désolée Virginie. Ton analyse est erronée Helena. Tu devrais arrêter ta psychanalyse ou le whisky. La vérité, c'est que j'ai envie de photographier ce qui est en devenir... Tout simplement parce que je ne peux pas deviner sa finalité. Sera-t-elle belle ou pas ? Cela ne m'intéresse pas. La possibilité, l'infini des possibilités sont une source d'inspiration pour moi, une source de fantasmes. Vous comprenez ?
Elle caressa légèrement le bras de Virginie, et plongea ses yeux dans les siens en souriant.
Devant la douceur de ce regard posé sur elle et face à l’ambiguité de ces propos, qui semblaient être une invitation, Virginie comprit pourquoi les fans de la série LOL aimaient tant le personnage d'Alex.
*
- Mais cessons de parler de moi. Parlez-moi de vos oeuvres, Virginie.
- Il y a peu de choses à en dire. Mes photographies étaient purement alimentaires. Je ne voulais pas faire oeuvre de création, ni faire passer un message.
- Votre dernier sujet ?
- Les jardins des Tuileries et du Carrousel sous la neige. Pour un magazine de décoration. Vous voyez, rien de bien révolutionnaire. Rien de corrosif.
- Mais Paris est révolutionnaire ! Et les parisiennes sont tellement..... tout !
Helena murmura, assez fort toutefois pour être entendue : Subtils, les travaux d’approche !
Dylan ignora la remarque.
- Et vous n’avez jamais songé à exposer vos oeuvres ?
Virginie se mit à rire.
- Au pays de Brassaï, de Cartier-Bresson ou de Doisneau ? Pour ne citer que les photographes français les plus fameux. Je n’aurai jamais cette prétention !
- J’aimerais voir vos créations. Et qui sait, nous pourrions travailler ensemble ?
Helena intervint.
- Quelle merveilleuse idée, Dylan ! Vous pourriez même exposer vos oeuvres ensemble. Cela mettrait un terme à ta recherche d’un financement pour ta prochaine exposition à New York.
- On dirait que mes difficultés t’amusent !
- Que veux-tu Dylan. Peupler les fantasmes de millions de lesbiennes, inspirer la création de dizaines de sites ou de blogs sur internet, ça ne remplit pas le portefeuille et ça n’attire pas les mécènes !
Virginie coupa court à la querelle naissante.
- Vous n’arrivez pas à monter la prochaine exposition de vos oeuvres malgré le succès de “(re)construction” à Londres ?
- En effet. Certaines personnes ont suggéré à mes commanditaires potentiels qu’il serait malvenu que j’expose à New York...
Dylan et Helena échangèrent un regard assassin. Virginie n’eut aucun mal à mettre un nom sur les “certaines personnes”.
- Dans ce cas, laissez-moi vous aider. J’ai une telle admiration pour votre travail... Je veux la faire partager...
- Virginie ! Je ne sais pas comment vous remercier...
- Remerciez plutôt Helena qui en a eu l’idée...
Dylan se tourna, tout sourire, vers Helena qui bouillait intérieurement.
- Merci Helena.
- De rien répondit Helena, généralement mieux inspirée.
- Virginie, je meurs d’envie de vous parler de notre prochaine exposition. Helena, ne te vexe pas. Mais nous allons te laisser seule. Je ne veux pas t’ennuyer avec nos histoires de boutique.
Sans attendre de réponse, Dylan glissa son bras sous celui de Virginie et l’entraîna loin de sa rivale.
Helena jura.
- Shit ! Dire que c’est moi qui la lui offre sur un plateau !
Elle sortit une flasque de whisky de sa poche, l’ouvrit et la porta à ses lèvres.
- Bon, il n’y a plus qu’à trouver la blonde amante de notre jeune richarde. Ce n’est que la première manche, Dylan. Il y aura un deuxième set. Et au final, le match sera pour moi.
*
La mort dans l’âme, Céline marchait aux côté du Senhor De Castro. Son esprit était loin des oeuvres fameuses que ce dernier admirait.
Ils s’arrêtèrent devant la composition cubiste de Pablo Picasso, Instruments de musique sur un guéridon. Ils la regardèrent en silence pendant quelques minutes. Puis le milliardaire rompit le silence.
- L’amour est une chose étrange, Mademoiselle. Si difficile à mettre en musique...
- Pourquoi me dites-vous cela ?
- Parce que je ne suis pas aveugle, Mademoiselle. Et parce que votre ami Hector est très bavard. Il ne m’a pas échappé que vous étiez amoureuse. Même si l’objet de votre amour m’a étonné... Vous êtes très belle. Et l’amour vous fait rayonner. Puis-je vous donner un conseil ?
- Je vous en prie. J’en ai bien besoin.
- L’indifférence est la meilleure façon de séduire. “Cours après moi que je t’attrape”, comme on dit chez vous.
- Merci Senhor De Castro. J’essaierai de m’en souvenir.
- Voici cette femme qui vient vers nous. Je vais vous laisser. Mais je reste à proximité.
Céline tourna la tête et vit Helena qui fendait la foule pour les rejoindre. Celle-ci joua la surprise.
- Oh, Miss Frémont ? Je cherche Dylan et votre amie Virginie. Vous ne les auriez pas vues ?
- Non. Je vous ai laissée avec elles il y a une petite heure. Vous les avez perdues ?
- Disons plutôt qu’elles m’ont semée ! Elles devaient avoir mieux à faire que de discuter avec moi. Elles n’avaient pas envie d’un chaperon.
- Helena. Je vous trouve subitement beaucoup moins drôle que dans votre talk-show mais toujours aussi langue de vipère. Vous savez très bien que Virginie est ma compagne. Vos insinuations sont odieuses.
- Pourquoi odieuses ? Je vous rends service. Vous devriez me dire merci.
- Je sais bien ce que j’ai envie de vous dire. Mais je n’ai pas l’intention de m’abaisser à votre niveau. Vous avez des comptes à régler avec Dylan. Et vous cherchez à m’utiliser comme instrument de votre vengeance. Mais je n’ai pas l’intention d’être un jouet entre vos mains.
- Vous n’êtes qu’une gourde. Dylan n’a pas vos scrupules. Si elle peut séduire Virginie, elle ne se gênera pas.
- Si elle peut la séduire, c’est que Virginie le voudra bien.
- Et c’est tout ce que ça vous fait ? Vous m’avez pas l’intention d’intervenir pour l’en empêcher ?
- Non.
- Vous n’aimez pas Virginie.
- Oh si. Jamais avant aujourd’hui, je n’avais compris à quel point je l’aimais. Au moment où je risque de la perdre pour une autre. Mais ce n’est pas sur votre épaule que je vais m’épancher.
- Si vous l’aimez, vous devriez vous battre pour la garder.
- Me battre contre qui ? Contre Dylan ? Ce n’est pas Dylan, le problème. C’est Virginie.
- Vous n’êtes qu’une petite bourgeoise ennuyeuse et étriquée. Ne vous étonnez pas qu’on vous quitte. J’espérais un peu mieux de vous. Vous manquez furieusement de caractère ma petite !
- Désolée de vous décevoir. Mais dans la vieille Europe, on ne lave pas son linge sale dans les talk-shows pour faire de l’audimat.
- Vous y viendrez. Les States ont toujours dix ans d’avance.
- Et bien ce sera sans moi. Je vais vous laisser Helena. Je dois accompagner le Senhor De Castro.
Céline tourna les talons, laissant une Helena médusée.
- Shit, shit, shit !!! Ces européennes, quelles poseuses !!!
*
Sous la verrière du Grand Palais, Dylan et Virginie suivaient le parcours en douze salles dans lesquelles on retrouvait l’atmosphère unique des demeures de Laurent Saint-Yves.
De la rotonde avec ses voiles blancs où trônait un Apollon en marbre, le chemin conduisait à une première salle qui célébrait l’archéologie puis à une autre qui accueillait Picasso et Matisse. Des sculptures menaient à une grande pièce blanche où étaient accrochés Mondrian et Léger.
L’orfèvrerie précédait les tableaux anciens, tels le Frans Hals.
Un long passage, qui longeait la salle de ventes de mille deux cents places, guidait le visiteur jusqu’au temple de l’Art déco où trônait le mobilier de Jean-Michel Frank. La salle des trésors, et ses camées, débouchait sur la salle à manger de Saint-Yves de style XVIII ème.
Après les tableaux XIX ème, le salon de musique, avec sa collection d’instruments anciens, terminait ce parcours magique au milieu des oeuvres collectionnées par le grand couturier.
*
La foule des invités s’était clairsemée. Beaucoup d’entre eux étaient partis pour dormir quelques heures. Ils savaient que les festivités n’étaient pas terminées.
Elles allaient se poursuivre, le soir même, par un grand dîner, dans un lieu tenu secret, où se retrouveraient toutes les stars internationales de la mode et des arts.
Il ne restait plus que quelques centaines d’invités sur les trois mille qui, quelques heures plus tôt, papillonnaient d’un objet à l’autre.
Les douze salles que Dylan et Virginie venaient de traverser étaient, pour la plupart, devenues désertes.
Elles avaient suivi ce parcours en prenant leur temps, commentant chaque oeuvre majeure. Dylan avait photographié objets et invités.
Les salles étaient disposées en enfilade et formaient un rectangle de telle façon, qu’à la fin de leur promenade, elles se retrouvèrent à leur point de départ, dans la rotonde dominée par la statue d’Apollon.
- Venez Virginie. Si cela ne vous dérange pas, j’aimerais revoir le Picasso.
- Cela ne me dérange nullement. Je vous suis.
*
Elles arrivèrent dans la salle déserte. Une nouvelle fois, elles contemplèrent en silence le tableau du maître espagnol.
Projetées par les lumières électriques, leurs silhouettes, gigantesques se dessinaient sur les murs, se confondant presque.
Dylan sourit à Virginie puis elle pencha la tête. Ses doigts effleurèrent sa main en une caresse aérienne.
Elle releva lentement la tête et plongea son regard dans le sien.
Elle ne dit pas un mot.
Son regard s'attarda sur sa bouche. Dylan eut un bref instant d'hésitation et approcha ses lèvres de celles de Virginie.
*
Son baiser fut léger. Ses lèvres étaient chaudes. Elle prit Virginie par la taille et, la poussant doucement contre le mur, l'embrassa dans le cou.
Ses mains, par effleurements légers, remontèrent lentement le long de ses bras nus. Virginie frissonna. Elles s'attardèrent sur ses épaules, qu’elles caressèrent, avant d'emprisonner son visage.
Dylan la regarda intensément et lentement, très lentement, approcha ses lèvres des siennes.
Elle les mordilla. Puis, sa langue commença à les caresser. Virginie se pressa un peu plus contre son corps et répondit ardemment à son baiser.
Dylan se fit alors plus entreprenante. Elle glissa sa main sur la cuisse de Virginie et remonta sa robe. Sans hâte, son autre main défit la fermeture éclair.
Virginie gémit. Dylan s'arrêta, s'écarta et la regarda longuement. Elle fit glisser le haut de la robe et dénuda presque entièrement le buste de Virginie.
- Mon Dieu, que tu es belle... Je veux te faire l'amour. j'ai envie de t'entendre jouir...
Sa bouche erra à la naissance de sa gorge, effleura l'un de ses seins.
Virginie caressa les cheveux de Dylan de ses lèvres. Sa respiration s'accéléra. Soudain, elle sentit la main de Dylan se glisser sous son string.
Le corps de Virginie se crispa et elle murmura.
- Non, je t'en prie Dylan. Je ne peux pas. Je ne veux pas...
Cette dernière s'écarta et murmura.
- Pourquoi ?
- J'aime Céline. Elle est la femme de ma vie.
Virginie avait les yeux embués de larmes. Émue, Dylan la regarda. Elle saisit sa main qu’elle porta à ses lèvres pour y déposer le plus tendre et le plus doux des baisers.
Virginie se rhabilla maladroitement, évitant de croiser le regard de Dylan.
- Merci Virginie...
Virginie la regarda surprise.
- Merci ? Mais de quoi Dylan ?
- De me prouver, ce soir, que l'amour existe encore... et de ne pas me dire que tu me trouves repoussante.
Elle éclata de rire. Virginie rit à son tour.
- Dylan, je suis persuadée que toutes les femmes sont à tes pieds et ce soir, j'ai failli succomber mais il y a Céline...
- Toutes les femmes sont à mes pieds ? L'image est osée mais complètement fausse. Je t'envie Virginie. Tant de certitudes, tant d'amour. Je souhaite connaître ce bonheur un jour...
Elle baissa la tête.
- Je suis certaine que tu le connaîtras. Je veux que nous restions amies, Dylan. Je souhaite sincèrement financer ton exposition à New York.
- Virginie, je ne veux pas de ta pitié...
- Détrompe toi, ce n'est pas de la pitié. Je veux rendre hommage à ton talent.
Mais Dylan ne l'écoutait plus. Elle fixait quelque chose ou quelqu'un par dessus son épaule. Elle se retourna et vit Helena qui les regardait en souriant.
Virginie prit instinctivement la main de Dylan. Dans un souffle, elle murmura,
- Dylan... Mon Dieu...
- Attends moi ici Virginie. J'en ai pour une minute.
Dylan sortit rapidement de la pièce et rejoignit Helena. Elle l'a pris brutalement par le bras, l'obligeant à se retourner.
- Où vas-tu ?
Sa voix était sourde, emplie d'une colère à peine contenue.
- Dylan, lâche moi. Je ne vois pas en quoi cela te regarde.
- Je te connais. Je suis sûre que tu vas t'empresser de raconter à Céline ce que tu sais et surtout ce que tu ne sais pas....
- Dylan... Dylan... J'ai tout vu... J'ai été étonnée. Je ne me souvenais pas que tu avais un tel talent.
- Disons que certaines femmes m'inspirent plus que d'autres.
Helena blêmit sous l’affront.
- Tu peux dire adieu à tout Dylan. Ta réputation. Ton expo. Tu vas tout perdre et tu ne peux pas savoir à quel point cela me met en joie. Lâche-moi...
Dylan obéit et la laissa s'éloigner. Elle revint vers Virginie.
- Je suis désolée. J'ai tout gâché. Laisse-moi parler à ta compagne. Je t'en prie...
- Je te remercie mais c'est à moi de le faire. Crois-tu qu'Helena..?
- Je ne le crois pas Virginie. J'en suis persuadée.
*
Elle tenait sa vengeance.
Contre Dylan qui l’avait quittée.
Contre Virginie qui voulait l’aider en finançant son exposition.
Contre Céline qui l’avait traitée avec cette condescendance insupportable de petite bourgeoise européenne bien élevée.
L’amour de Virginie et de Dylan s’épanouirait sur un tas de cendres et sur le désespoir de Céline.
Elle marchait à grands pas, traversant les salles les unes après les autres.
Enfin elle les vit. La petite gourde blonde et son milliardaire brésilien.
- Miss Frémont, un instant ! J’ai deux mots à vous dire !
- Encore vous ! Je n’ai aucune envie d’échanger ne serait-ce que deux mots avec vous !
- Gardez vos grands airs pour plus tard ma petite ! Vous en aurez bien besoin quand vous aurez entendu ce que j’ai à vous dire !
- Parlez et finissons-en.
- Pendant que vous jouez les pédantes au milieu de ces vieilleries, votre amie prend du bon temps avec une certaine photographe. Si vous voyez ce que je veux dire...
- Vous mentez... Votre haine de Dylan vous fait dire n’importe quoi...
- Je les ai vues. Posez donc la question à votre chérie. Je ne crois pas qu’elle osera vous mentir...
Céline ferma les yeux. Elle prenait sur elle pour ne pas éclater en sanglots. Mais elle ne voulait pas s’humilier devant cette femme. Son visage était bouleversant.
De Castro s’adressa à Helena d’une voix froide.
- Disparaissez immédiatement. Ou par Dieu, je vous jure que j’oublierai que c’est une femme qui habite ce costume d’homme...
Helena compris la menace et quitta le Grand Palais, un sourire aux lèvres.
*
- Je suis désolé. Je n’aurais pas dû assister à cette scène. Vous allez me détester. Vous ne devez pas écouter cette femme. Elle ne vit que du mal qu’elle fait aux autres.
- Je crains qu’elle ne dise la vérité. J’ai bien vu tout à l’heure que Virginie, ma compagne, était attirée par cette photographe, Dylan Hederson.
De Castro s’approcha d’elle et prit sa main dans les siennes.
- Céline. Je sais que le moment est mal choisi. Mais tant pis. Je voudrais être votre ami. Et même, bien plus que cela. Ces quelques heures avec vous ont été un enchantement. Je suis prêt à mettre Rio, à mettre tout le Brésil à vos pieds. Vous n’avez qu’un mot à dire.
Céline lui sourit d’un pauvre sourire.
- Senhor De Castro, non. Je ne serais pas honnête avec vous si je vous disais oui. Car je ne peux pas vous aimer tant que j’aime Virginie...
- Je comprends... En tout cas, vous pouvez dire que, dorénavant, vous avez un ami au Brésil.
Il s’inclina légèrement et porta la main de la jeune femme à ses lèvres.
*
- Senhor De Castro, je vais vous laisser. J’ai besoin de quitter cet endroit.
- Céline, où comptez-vous aller ? Qu’allez-vous faire ?
- Je vais simplement marcher dans les rues. J’ai besoin de réfléchir. Soyez sans crainte. Je vous promets d’être raisonnable.
Tout en parlant, ils s’étaient rapprochés du vestiaire où Céline avait repris son manteau.
- Au revoir, Senhor De Castro.
- Au revoir, Céline. Je dirai à Lord Winston tout le bien que je pense de sa jeune collaboratrice.
- Merci beaucoup, Senhor. Au revoir.
Elle lui fit un dernier signe de la main et descendit les marches du Grand Palais sans se retourner.
Le Brésilien la regarda s’éloigner, admirant la grâce de sa silhouette. La jeune femme remonta la rue Winston Churchill, en direction du Pont Alexandre III.
Bientôt, elle disparut à sa vue.
*
- Monsieur, vous êtes bien le Senhor De Castro, n’est-ce pas ?
- Oui, Mademoiselle. Et vous êtes bien Virginie ? J’ai beaucoup entendu parler de vous ce matin et cette nuit.
- Céline n’est pas avec vous ?
- Non. Elle a voulu partir. Elle avait besoin d’être seule.
- Où est-elle allée ?
- Je l’ai vue s’éloigner en direction du Pont Alexandre III.
- Mon Dieu...
- Non, Mademoiselle. Vous n’avez rien à craindre. Céline est une jeune femme raisonnable. Et je lui ai offert une occasion d’oublier son amour déçu.
- Laquelle ?
- Je lui ai proposé de partir avec moi. Au Brésil. Rassurez-vous. Elle a refusé. Elle m’a dit qu’elle ne serait pas honnête avec moi si elle me disait oui. Qu’elle ne pourrait pas m’aimer tant qu’elle aimerait Virginie...
- Merci Senhor.
Virginie arracha littéralement son manteau des mains du préposé au vestiaire et se mit à courir en direction du Pont.
Dylan s’apprêtait à la suivre, mais De Castro la retint par le bras.
- Laissez-les. Elles n’ont pas besoin de votre aide. Elles ont besoin d’être seules. Venez. Faisons quelques pas ensemble. Vous savez, Miss Hederson, ma plus jeune soeur adore regarder LOL...
*
Elle remonta la rue Winston Churchill en longeant la colonnade du Grand Palais.
Bientôt, elle vit les deux pylônes, surmontés des statues équestres de Pégasse, situés au bout du Pont Alexandre III.
Elle traversa le Cours de la Reine qui longeait la Seine et prit pied sur le pont.
Elle n’avait fait que quelques mètres quand elle la vit.
Céline était accoudée sur la rambarde et regardait en direction du Louvre.
Elle s’arrêta de courir et s’approcha doucement.
Céline ne tourna pas la tête vers elle.
Pendant de longues minutes, elles restèrent silencieuses l’une à côté de l’autre.
Virginie se sentait misérable. Elle était au bord des larmes. Elle ne savait pas comment briser ce silence.
*
Elle parlait calmement. Sans haine et sans colère.
Devant cette douleur digne, la peine de Virginie n’en était que plus forte.
- Helena m’a tout dit. Elle l’a fait avec délectation. Elle m’a dit qu’elle t’avait vue avec Dylan. Je préfère ne pas répéter les mots qu’elle a utilisés. C’était méchant et vulgaire. Comme elle.
- Céline, je ne sais pas ce qu’elle t’a dit, mais je te jure que nous n’avons pas fait l’amour. Dylan m’a embrassée et m’a caressée. Mais nous n’avons rien fait de plus. je l’ai arrêtée avant qu’elle n’aille plus loin.
- Tu t’es laissée embrasser et caresser...
- Céline, je ne l’ai pas encouragée. Mais c’est vrai que j’étais flattée qu’elle s’intéresse à moi... Elle qui vit dans les fantasmes de centaines de milliers de femmes à travers le monde. Mais quand j’ai senti ses mains sur moi, j’ai repris mes esprits et je l’ai repoussée. Tu dois me croire Céline. Et me pardonner.
- Je te crois. Je te connais suffisamment pour savoir que tu es quelqu’un d’entier et de franc. Je ne veux pas te mettre en cage Virginie. Tu es libre. Libre d’aimer qui tu veux. Tu peux me choisir ou la préférer.
- Tu ne veux pas te battre pour me garder ?
- A quoi bon ? Je ne crois pas à l’amour que l’on force. Tu dois rester avec moi parce que tu le souhaites. Pas parce que je t’en supplie. Cette femme te trouble, je le vois...
- Céline je ne l’aime pas. Je n’aime que toi.
- Virginie, tu dis cela parce que tu vois ma peine. Mais aujourd’hui j’ai compris qu’il y aura toujours des Dylan Hederson pour te séduire. Et que tu ne sauras pas toujours leur résister.
- Mais c’est vrai pour toi aussi. Il y aura des Gilles et des De Castro...
- De Castro ? Il t’a parlé ?
- Il m’a répété ce que tu lui as dit... Nous nous aimons toujours Céline...
- Ces quatre derniers mois, nous avons vécu comme dans une bulle. Elle a éclaté cette nuit. Je suis désolée... mais j’ai besoin de réfléchir...
- Céline, je t’en prie. Ne gâchons pas tout... pas pour cette histoire qui ne veut rien dire...
- Je suis désolée... je vais prendre un taxi. Je vais rentrer à la maison... Fais ce que tu veux...
Céline avait à peine prononcé ces derniers mots, qu’une Rolls Royce noire s’arrêta à leur hauteur. Un chauffeur en costume et cravate en descendit. Il ôta sa casquette, s’approcha et salua la jeune femme.
- Mademoiselle Frémont ? Je suis le chauffeur du Senhor De Castro. Le Senhor De Castro met sa limousine à votre disposition. J’ai ordre de vous conduire où vous le souhaitez.
Céline hésita, puis avança vers le véhicule.
- Pourquoi pas ? J’accepte avec plaisir l’offre du Senhor De Castro. Vous le remercierez de ma part. Conduisez-moi rue Pierre Jeanneret.
Le chauffeur ouvrit la porte arrière de la Rolls Royce. Céline monta dans la voiture. Mais l’homme ne ferma pas la portière. Il attendait, la casquette à la main, en regardant en direction de Virginie.
Celle-ci n’osait pas bouger. Elle ne savait que faire.
De longues secondes s’écoulèrent, quand enfin Céline prononça un mot, un seul : - Viens.
Virginie s’engouffra dans le véhicule, et le chauffeur, un léger sourire aux lèvres, claqua la portière sur elle.
*
Il n’était que cinq heures du matin. L’heure où Paris s’éveille.
Céline et Virginie n’avaient pas échangé un mot.
Le chauffeur de De Castro les avait déposées devant leur maison et avait attendu qu’elles soient entrées pour partir.
Céline avait jeté son sac à main et son manteau sur un fauteuil.
- J’ai besoin d’une douche. Ces paroles que j’ai échangées avec Helena DeXeres... J’ai l’impression d'avoir été souillée.
Elle monta à l’étage où se trouvait la salle de bains.
Virginie resta seule dans le salon.
*
Elle ne pouvait pas croire que tout était fini pour une histoire si bête, qui ne voulait rien dire. Un baiser et une caresse rapides. Elle avait déçu Céline. Elle en avait conscience. Mais son intransigeance l’étonnait et la blessait.
En quatre mois, ses propres sentiments avaient souvent été mis à rude épreuve par le regard que les hommes posaient sur Céline. Elle avait appris à s'en accommoder. Avec plus ou moins de patience. Pourtant, elle s'était tue.
Elle n’avait rien dit depuis le baiser volé de l’Hôtel Salé (Parents Amies Amants). Céline lui avait dit qu'il n’avait aucune importance. Qu'il lui avait simplement donné l'envie de goûter d’autres lèvres. Les siennes. Elle l'avait crue.
Petit à petit, sa peine fit place au dépit puis à la colère. La colère devant l’incapacité de Céline à pardonner.
Elle jeta à son tour son manteau sur un fauteuil et monta rapidement l’escalier. Elle pénétra dans la salle de bains et vit que Céline était déjà dans la cabine de douche qui occupait tout un mur de la pièce.
Elle voyait son corps nu à travers la vitre.
Elle ressentait de la colère mais aussi un violent désir.
Elle retira ses vêtements et se glissa derrière la paroi en verre.
Céline se retourna, surprise.
- Non, Virginie. Je ne veux pas !
Mais, refusant de lui obéir, Virginie l’enlaça d’un bras et la serra contre elle. Elle saisit sa nuque et écrasa sa bouche de ses lèvres. Céline se débattait, tentant d’échapper à son étreinte.
Elle savait que c’était peine perdue. Elle ne pouvait rien contre la force de Virginie, habituée depuis l’adolescence à soulever les meubles fabriqués par son père.
Sa bouche avait pris possession de la sienne, ne lui laissant aucun répit. Elle parvint à murmurer dans un souffle.
- Virginie, tu me fais mal.
Virginie relâcha un peu son étreinte.
- Je m'en fiche, aujourd'hui je veux que tu sois à moi. Exclusivement. Regarde moi Céline, je ne veux plus que tu utilises avec moi ces artifices que tu réserves aux hommes. Je veux effacer définitivement ce sourire de midinette que tu arbores quand ils te désirent... Avec moi, tu ne dois plus être cette poupée de porcelaine...
- Virginie, je t'en prie...
- Tais-toi. Je te veux tellement...
Virginie avait le regard fiévreux, ses yeux paraissaient immenses. Céline lut dans ce regard de la colère... et un désir absolu.
Elle comprit que rien ne pourrait l'arrêter. Elle trembla devant ce déchaînement de passion. Elle s'abandonna enfin à la bouche de sa maîtresse, à ses mains qui la caressaient sans ménagement, à cette voix qui lui murmuraient des mots fous.
Alors, elle cessa de se débattre et, sous l’eau qui tombait en pluie du plafond pour venir ruisseler sur leurs corps, elle se donna à son amante.
*
Elle ne pouvait plus lui échapper. Leurs corps s'épousaient parfaitement. Seins contre seins, ventre contre ventre, cuisses contre cuisses.
Elle plongea son visage dans son cou et embrassa, mordilla son épaule et sa gorge. Ses mains caressaient ses courbes, s'attardant sur ses fesses.
Elle sentit les ongles de Céline labourer doucement son dos. Aiguillonnée par la douleur infime, elle obligea Céline à glisser au sol avec elle. Elle enveloppa de ses jambes les hanches de Céline. Elle colla son sexe contre le sien et donna de légers coups de reins jusqu'à ce qu'une onde de chaleur inonde son ventre.
Céline bascula la tête en arrière en gémissant. Le plaisir les foudroya en même temps.
Elles se regardèrent silencieusement. L'eau tiède continuait à gicler sur leur peau. La main de Virginie caressa sa joue, glissa, emprisonnant sa nuque. Elle s'approcha pour lui donner un baiser passionné, presque brutal.
- Je veux t'entendre me dire que tu es à moi... Dis-le.
- Je suis à toi mon amour. Il n'y a que toi. Fais-moi l'amour. Je t'en prie, fais-moi encore jouir...
Virginie regarda les yeux de son amante et elle fut parcourue d'un violent frisson. Ses mains descendirent le long de son corps, s'attardèrent sur ses seins.
Elle pencha la tête et prit un mamelon entre ses lèvres. Elle le tortura de sa langue, le mordillant. Céline se cabra sous le plaisir, elle gémit plus fort.
La main de Virginie continua sa tendre exploration, et se glissa enfin sur le sexe de sa maîtresse. Elle trembla de sentir sous ses doigts son intimité si douce et humide.
Elle commença à la caresser. Elle releva la tête, plongeant ses yeux dans ceux de Céline, regardant émerveillée son regard chavirer, ses lèvres s'ouvrir légèrement, son souffle se précipiter...
Elle suivit le cheminement de son plaisir. Attentive, elle su que Céline allait jouir alors elle vint en elle.
Son cri rauque de plaisir la laissa comme une poupée de chiffon entre ses bras. Des larmes coulèrent sur ses joues. Elle était son amour, l'amour de sa vie.
*
Elles prenaient leur petit déjeuner, allongées sur un canapé du salon, face à un feu de bois. Elles avaient glissé des peignoirs en éponge sur leurs corps nus.
Céline était blottie dans les bras de Virginie, son dos reposant contre sa poitrine. Elle regardait les flammes danser dans la cheminée. Une douce odeur embaumait la pièce grâce aux pommes de pin que Virginie avait jetées dans le brasier.
Elles n'avaient pas envie de parler. Elles n'osaient pas troubler cet instant d'intimité et de paix. Elles étaient si bien.
L'une et l'autre songeaient à ce moment de passion ultime qu'elles avaient vécu quelques minutes plus tôt.
Ce moment où les rôles avaient été inversés. Avec une Virginie sûre d'elle et dominatrice, et une Céline doutant et dominée.
Virginie fut la première à briser le silence.
- Céline, ma chérie, à quoi penses-tu ?
- A toi. Je me disais que, finalement, je ne te connaissais pas. Qu'il me restait tant de choses de toi à découvrir. En quelques heures, j'en ai appris beaucoup. Que tu es une redoutable séductrice. Que tu es une amante impérieuse... Pendant ces heures où tu m'as fait l'amour, j'ai eu l'impression d'être ta chose...
- Je t'ai fait peur ? Je m'en excuse. Je ne sais pas ce qui m'a prise. J'étais en colère contre toi. Je n'arrivais plus à me contrôler...
- Non tu ne m'as pas fait peur Virginie... J'ai été surprise. Ça oui. Mais j'ai aimé ce que tu as fait et la façon dont tu l'as fait.
- Pas de regret alors ?
- Oh non !!! Je me rends compte que pendant ces quatre mois que nous avons vécus ensemble, j'ai dû te donner l'impression de te faire une faveur en t'aimant. Le privilège d'être la compagne de Céline Frémont... Alors que c'est moi qui suis vernie...
- Céline, ma chérie...
- La nuit dernière, quand j'ai vu ces deux femmes tenter de te séduire, j'ai compris que rien n'était acquis... C'est comme dans une vente aux enchères. Il faut y mettre le prix si on veut emporter l'objet convoité. Sauf que tu n'es pas un objet, mais un être de chair et de sang. Avec ses passions et ses pulsions. Ses désirs...
- Je n’aime et ne désire que toi Céline...
- Ça tombe bien. Parce que, moi aussi, je n’aime et ne désire que toi.
Céline appuya sa tête sur l'épaule de son amante et laissa Virginie couvrir son visage de baisers, dévorer son cou et sa gorge.
- Virginie, je n'ai pas envie d'aller au dîner. Restons ici ce soir. Ainsi, nous ne verrons pas cette horrible Helena et la dangereuse Dylan. Tu veux bien ?
- Bien sûr Céline. Moi aussi, je préfère que nous restions chez nous. Seules. Mais pour ce qui est de Dylan...
- Oui ?
- Je lui ai promis de financer l'exposition de ses photos à New York. Je vais être amenée à la revoir...
- Quand doit avoir lieu cette expo ?
- En septembre ou octobre prochain, je crois...
- Très bien, Virginie. Il n'y a aucun problème. Tu dois tenir ta promesse.
- Merci Céline...
- D'autant que j'adore New York dans la chaleur de l'été indien...
FIN
Vous pouvez lire la suite des aventures de Céline et Virginie
dans un autre récit : Big Apple.
Vraiment hâte de lire ce nouveau récit écrit à 4 mains. Merci
RépondreSupprimerUn nouveau récit ? Je ne sais pas où tu trouves toutes ces idées. Par contre, je sais où tu ne les trouves pas (rires) Je piaffe d'impatience à l'idée de découvrir le récit à 4 mains de deux auteurs talentueux. Rien que le titre me fait saliver.
RépondreSupprimerContente de retrouver un nouveau récit qui me captive déjà.
RépondreSupprimerMerci les fllles.
Et bien vu "Kiki Flanel" lol
Quel beau début pour ce nouveau récit à quatre mains.....
RépondreSupprimerRamsès 88
Un vrai plaisir de découvrir encore un nouveau récit, avec de nouveaux personnages et décors trés prometteurs !
RépondreSupprimerCurieuse aussi de parcourir cet écrit à quatre mains...
Merci Gustave
Ce récit à 4 mains est un pur enchantement.
RépondreSupprimerJe crois reconnaître des personnages du réel et d'une célèbre série télévisée.
C'est, à la fois, distrayant et captivant... Alors, un seul mot. Bravo.
Nath.
Houlala, Virginie qui devient la proie de ces deux femmes... hâte de lire la suite
RépondreSupprimerEt bien Virginie est l'objet de bien des convoitises...!
RépondreSupprimerLa suite s'annonce déja passionnante.
Merci Gustave
Milles excuses, j'ai du faire une faute, je voulais dire toujours aussi sublime, merci.....
RépondreSupprimerRamsès 88
C'est vif et spirituel. Gustave est à l'aise dans toutes les sociétés.
RépondreSupprimerExcellence suite .....
RépondreSupprimerRamsès 88
Déjà passionnant et toujours si bien écrit.
RépondreSupprimerle danger guète notre couple préféré,
Virginie va-t-elle résister ?
Merci à toutes les deux.
Fred2638
Je pressens beaucoup de danger dans notre couple préférée, hâte de lire la suite mais beaucoup d'appréhension aussi. Merci les filles pour ce récit et bonnes fêtes de fin d'année à vous deux et à tous ceux et celles qui viennent sur ce site.
RépondreSupprimerIl va y avoir de la bataille dans l'air, merci pour ce récit à quatre mains ...
RépondreSupprimerRamsès 88.
Passionnante encore cette suite; Héléna et Dylan font parler Céline et Virginie comme pour mieux "tisser leurs toiles" autour d'elles... Un jeu bien dangereux autour du jeune couple !
RépondreSupprimerMerci infiniment à vous deux pour ce dernier récit de l'année
Merci pour ces très, très jolies suites. Très bonne année à vous deux et à tous ceux et celles qui viennent sur ce blog.
RépondreSupprimerQuel combat......
RépondreSupprimerRamsès 88
Ahhh non, Virginie ne te prends pas au piège de Dylan, merci les filles et vivement la suite.
RépondreSupprimerElles sont machiavéliques ces deux
RépondreSupprimerfemmes...
Virginie va-t-elle résister ?
Et j'aime beaucoup la réaction de
Céline face à Héléna.
merci à toutes les deux pour ce
récit prenant.
Marie-pierre.
Merci.................. à toutes les deux
RépondreSupprimerRamsès 88
Jolie suite avec la visite, trés détaillée et passionnante, de l'exposition, mais de l'inquiétude par rapport au petit "jeu" de Dylan avec Virginie.
RépondreSupprimerMerci à vous deux
Aie...les choses se compliquent, même si Virginie a résisté juste à temps.
RépondreSupprimerQue va faire Céline ?
merci encore à toutes les deux et vivement la suite.
Marie pierre.
aie aie aie je crains le pire, quel malentendu ! espèrons que cela ne dure pas trop longtemps. Merci à vous deux les filles pour cette écriture à 4 mains
RépondreSupprimerQuel(s) échange(s) entre Céline/Helena et Virginie/Dylan ! Et maintenant le Brésilien qui a de l'or et qui vient de Rio de Janeiro... Comment Céline va-t-elle réagir? Merci les filles.
RépondreSupprimerVirginie prise au piège par le numéro de charme de Dylan puis piégée par Héléna; la suite s'annonce bien compliquée entre Céline et Virginie, avec ce malentendu...
RépondreSupprimerMerci pour ce duo d'écriture toujours aussi plaisant !
Déjà la fin ! mais quelle fin pleine de passion, de colère, et wouah la réconciliation, sublime... Merci les filles et au plaisir de vous lire bientôt.
RépondreSupprimerMagnifique suite, avec des émotions trés fortes; la jalousie, les doutes et la passion des réconciliations....
RépondreSupprimerUne fin en feu d'artifice et j'ai hate de retrouver Céline et Virginie pour de nouvelles "aventures" à New-York???!
Merci à vous deux pour vos écrits, à quatre mains, si passionnants et réussis.
Waouh... ! que d'émotions et quelle passion entre les deux filles. Tout simplement magnifique cette fin, qui n'en est pas vraiment une, heureusement! Et j'aime beaucoup l'évolution des personnages et de leurs sentiments.
RépondreSupprimerMerci beaucoup à toutes les deux et
continuez comme ça!
Marie pierre
Merci pour cette magnifique passion, que d'amour...
RépondreSupprimerRamsès 88
Bravo pour ce récit à quatre mains, admirablement rythmé !
RépondreSupprimermerci gustave et baba pour ce magnifique récit je suis plus que contente d'avoir retrouvé l'adresse de ce site grâce à baba.
RépondreSupprimerJe vais pouvoir de nouveau me délecter de tes sublimes récits gustave et me réjouis que baba prenne la plume ici aussi c'est un réelle plaisir de lire deux auteurs comme vous deux. Merci encore
sev