Voici un nouveau récit avec de nouveaux personnages, Vienne Brooks et Eva d’Uberville-West, et une nouvelle époque.
J’ai pris la liberté de modifier quelques dates pour les besoins de mon récit. Bonne lecture.
Vienne et Eva
Parade
Eva d’Uberville-West était sortie de l’hôpital où elle travaillait sans interruption depuis quarante huit heures.
Elle voulait fuir ces odeurs de chloroforme et d’éther. Cette atmosphère de mort.
Pendant quelques minutes, elle ne voulait plus voir ces hommes qui se cramponnaient à sa main en la suppliant de soulager leurs souffrances et ceux qui mouraient en murmurant le nom d’une femme. Parfois celui de leur mère.
Elle s’assit sur le banc de bois posé le long du mur et regarda autour d’elle.
La nature reprenait ses droits au milieu des décombres. Des fleurs sauvages poussaient sur les ruines du village.
Le soleil brillait dans le ciel bleu de ce mois d’août.
Eva sortit un paquet de cigarettes de la poche de sa blouse, maculée de sang.
C’étaient des cigarettes américaines, au tabac blond de Virginie, qu’un soldat, rencontré à Paris, lui avait données.
Elle alluma la fine cigarette à la flamme vacillante de son briquet.
Elle songea à ce soldat. A Tom.
Ils s’étaient rencontrés dans un de ces salons où la bourgeoisie parisienne recevait ces jeunes hommes venus de l’autre côté de l’Atlantique pour donner leur vie à la France.
Ils avaient dansé, flirté. Mais c‘était tout. Rien de plus...
Elle ne voulait plus tomber amoureuse. Tant que cette guerre durerait. Elle ne voulait plus souffrir à l’annonce de la mort de son amant...
Où était Tom à présent ? Etait-il encore en vie ? Ou était-il allongé dans une tranchée, la bouche ouverte sur un cri muet ?
Les troupes alliées, composées de régiments français, anglais, américains, canadiens et australiens, avaient repris l’offensive. L’armée allemande de l’empereur Guillaume reculait partout.
Mais malgré les batailles gagnées au prix de la vie de milliers de jeunes hommes, Eva savait que cette guerre, qui durait depuis bientôt quatre ans, n’était pas près de finir.
Ici dans cet hôpital de campagne situé derrière la ligne des combats, dans un village ravagé par les bombardements de l’artillerie allemande, les blessés affluaient toujours.
Peut-être qu’un jour Tom serait de ceux-là...
*
Elle aimait ce jeu avec la fumée. Elle aimait regarder ses volutes apaisantes.
Elle ressentit une douleur. Ces heures, pendant lesquelles Eva était restée penchée sur les blessés, lui avaient brisé le dos et la nuque. Elle se leva et fit quelques pas.
Elle entendit une voix derrière elle.
- Décidément, je ne m’y ferai jamais !! Voir une femme fumer !! Cette guerre aura tout changé. Rien ne sera jamais plus comme avant. Des royaumes, des empires vont tomber. Le Kaiser, le Tsar de toutes les Russies, l’Empereur d’Autriche... Que sais-je encore ?... Mais le vrai bouleversement, le seul peut-être, c’est l’émancipation des femmes...
- Nous en sommes encore loin, Docteur Vincent...
- Vous fumez. Vous conduisez des automobiles, et même des avions. A l’usine, à l’école, vous avez remplacé les hommes partis au combat...
- Nous devrons leur laisser la place quand ils reviendront...
- Des millions d’entre eux ne reviendront pas... Et des millions d’autres ne pourront plus jamais travailler... Comme les pauvres bougres que nous avons soignés cette nuit... A ce sujet, je voulais vous dire, vous avez été épatante... Si solide, si professionnelle... Vous feriez une grande infirmière... Vous devriez continuer quand cette guerre sera terminée...
- Merci Docteur. Mais... non. J’arrêterai. Définitivement. J’ai voulu soigner les blessés en souvenir de Paul...
- Votre époux mort dans les premiers jours de la guerre...
- Le 5 septembre 1914. Fauché à 23 ans par une mitrailleuse allemande. Son pantalon rouge garance était comme une fleur au milieu des champs de blé de la Marne. Une si jolie cible...
*
Le Docteur Vincent regarda attentivement la jeune femme qui avait parlé avec tant de douceur et d’amertume.
Elle était extraordinairement belle. Ses cheveux bruns, aux longues boucles, étaient retenus par le voile blanc.
Ses clairs yeux bleus étaient comme une porte ouverte sur son âme. Les traits fins de son visage n’étaient que beauté et harmonie.
Il aimait jusqu’à ce léger accent anglais qui ponctuait ses phrases.
Le vieux bonhomme qu’il était aurait volontiers donné tout ce qu’il possédait pour avoir vingt ans de moins. Et tenter sa chance auprès d’elle. Mais hélas, les miracles n’étaient pas de ce monde. Seulement la douleur et les larmes...
- Où irez-vous quand cette guerre sera terminée Eva ? Vous allez retourner en Angleterre ?
- Non, je vais rester en France. C’est mon pays à présent. La famille de Paul m’a accueillie avec chaleur et affection. Moi, la petite londonienne pauvre. J’ai trouvé ma place dans la famille d’Uberville...
- Et qu’allez-vous faire ?
- J’aimerais écrire et vivre de mes écrits... C’est comme ça que j’ai rencontré Paul. A une lecture publique... Il travaillait à Londres, auprès de la succursale de la banque d’Uberville... Nous avions le même amour des livres...
- Vous voulez devenir écrivain ?
- Ou journaliste... Le monde est un roman. Tragique...
- Oui. Vous avez raison. Il faut des journalistes pour témoigner de la folie de notre monde. J’ai hâte de vous lire...
- Je n’en suis pas encore là... Cette guerre n’est pas terminée...
Comme pour approuver les propos d’Eva, un vrombissement explosa dans le ciel au-dessus de leur tête.
*
Il volait très bas en faisant de brusques écarts. On aurait dit que son pilote était ivre ou qu’il somnolait.
Tout à coup, il se mit à piquer du nez vers le sol et s’approcha au plus près du toit de l’hôpital de campagne. Il passa dans un terrifiant bruit de moteur pour se diriger vers un champ.
Deux infirmiers étaient sortis pour suivre l’avion des yeux.
Le Docteur Vincent se mit à crier.
- Vous deux, allez chercher un brancard ! Eva, venez avec moi ! Le pilote doit être blessé !
L’avion avait disparu derrière un petit bois. Ils se mirent à courir dans la direction qu’il avait prise. Ils entendirent distinctement le bruit qu’il fit en touchant le sol.
Ils sortirent du petit bois au moment où l’avion s’immobilisait au milieu du champ en tanguant. Le moteur cala et s’arrêta en hoquetant.
Ils se précipitèrent vers lui. Des soldats, en redingotes bleu horizon, entouraient déjà l’engin.
*
C’était un avion américain. Il portait le signe distinctif de l’escadrille La Fayette : une tête de sioux, avec une grande coiffe de plumes blanches, peinte sur un long fuselage en bois.
Ils remarquèrent que le pilote ne bougeait plus. Sa tête, enserrée dans un casque de cuir, était rejetée en arrière sur le dossier de son siège. Ses lunettes avaient glissé sur son front. Il semblait évanoui.
En s’approchant de lui, ils virent que son visage était ensanglanté.
Déjà, les infirmiers, aidés par les soldats, étaient montés sur les ailes de l’avion. Ils avaient saisi le pilote pour l’extraire de son appareil.
- Attention ! Sortez-le avec précaution ! criait le Docteur Vincent.
Ils le portèrent et l’étendirent sur le brancard.
*
Eva se pencha sur lui. Elle vit un jeune et beau visage aux traits harmonieux. Une petite bouche. Un nez droit. De longs cils bruns.
Une trainée de sang balafrait son front et sa joue. Le Docteur Vincent posa sa main sur la veine carotide. Il était évanoui, mais vivant.
Mais on voyait distinctement un trou dans le cuir de sa combinaison de vol.
Le Docteur Vincent fit un rapide diagnostic.
- Il a reçu une balle dans l’épaule et il a dû s’assommer contre le bord du poste de pilotage en se posant.
Devant ce visage si beau et ce corps meurtri, Eva ressentit un sentiment qu’elle reconnut immédiatement. Elle était séduite. Et elle était déterminée à sauver ce pilote.
Elle lui retira un gant et prit sa main dans la sienne. C’était une main chaude et douce aux longs doigts fins et délicats.
Eva marchait à côté du brancard, tenant toujours la main du pilote inconscient.
Pendant qu’ils revenaient à l’hôpital, les soldats restés sur place soulevèrent la queue de l’avion pour le faire pivoter. Puis le poussant, le tirant, ils le conduisirent jusqu’aux limites du champ où il s’était posé.
*
Le Docteur Vincent donna ses ordres.
- Eva, je vous le confie. Retirez-lui son casque en cuir et sa combinaison de vol. Vous deux, vous allez l’aider dit-il en s’adressant aux infirmiers. Appelez-moi dès que ce sera fait. Mais je crois que ce n’est pas trop grave. Il a perdu peu de sang. Notre as des airs a eu plus de peur que de mal.
Eva et ses aides couchèrent le pilote sur un lit aux draps blancs. Ils lui ôtèrent ses bottes.
Avec l’aide des deux infirmiers, elle ouvrit l’épaisse combinaison de cuir. Ils virent l’uniforme beige des pilotes américains.
Mais l’un des infirmiers ne put s’empêcher de crier.
- Çà alors !! Mais c’est une femme !!!
*
Puis elles lui avaient prodigué les premiers soins.
Les blessures étaient heureusement superficielles. Une balle allemande avait frôlé son épaule droite, et sa tête avait dû heurter le bord du cockpit quand elle avait atterri.
Mais le peu de sang qu’elle avait perdu s’était coagulé, collant la chemise à la peau.
Au moment où Eva l’avait dévêtue, la douleur avait tiré la jeune femme de son inconscience. Elle avait poussé un léger gémissement.
Ses yeux s’étaient ouverts et son premier regard, effrayé, s’était posé sur le visage d’Eva, penchée sur elle.
Elle avait alors souri. Et son regard s’était rempli d’une infinie douceur et d’une totale confiance.
Sa tête était retombée sur l’oreiller blanc et elle avait murmuré dans un souffle - Merci...
*
Le Docteur Vincent avait prévenu le général commandant l’escadrille La Fayette qu’un de ses pilotes avait été blessé au-dessus du village de X... et qu’il était soigné dans l’hôpital qui y était installé.
Le lendemain, un militaire étoilé était arrivé dans une lourde voiture. Il en était descendu et avait parcouru l’hôpital d’un pas rapide, saluant soldats et personnel soignant en portant la main à la visière de sa casquette.
Il parlait le français avec un fort accent américain et avait demandé à “voir le lieutenant Brooks. Du moins, si elle pouvait le recevoir...”
Il était resté trente minutes à son chevet, s’excusant de devoir la laisser bientôt pour retourner au front.
Il avait, hélas, peu de temps à lui accorder car les troupes allemandes reculaient partout et on avait besoin de chaque soldat allié.
Il lui avait proposé de la faire transférer dans un hôpital militaire américain. Mais la jeune femme avait refusé. Elle était parfaitement soignée par les médécins et infirmiers français qui l’avaient sauvée. Et elle voulait rester auprès de son avion...
Il lui avait souhaité “un prompt rétablissement, car l’escadrille La Fayette avait besoin d’elle”.
En quittant sa chambre, il s’était tourné vers Eva qui avait, discrètement, assisté à leur entretien.
D’une voix habituée au commandement, mais qui s’était assouplie devant la beauté de la jeune infirmière, le Général avait tonitrué - Je confie le lieutenant Vienne Brooks à vos bons soins...
Le regard souriant de Vienne avait enveloppé Eva.
Et Eva n’avait pu empêcher une timide rougeur de colorer ses joues.
*
Ne se reposant que trois ou quatre heures par jour, elle était épuisée par son travail auprès des blessés.
Pourtant, elle ne voulait laisser à personne les soins à apporter à Vienne.
Elle ne savait pas pourquoi, mais elle aimait la compagnie de la jeune aviatrice. Plus que toute autre.
Elle lui rendait visite dès qu’elle le pouvait. Elle entrait dans sa chambre et, immédiatement, dès que le regard de Vienne se posait sur elle, elle avait l’impression d’atteindre une oasis dans le désert.
- Comment vous sentez-vous ?
- Bien mieux,... puisque vous êtes là...
- Je ne peux pas rester longtemps...
- Je sais... Je suis une privilégiée... Car mes blessures sont légères et pourtant vous prenez tellement soin de moi...
- Ordre de votre Général !!! répondait Eva en riant.
La jeune infirmière s’éclipsait alors en promettant de revenir pour le déjeuner.
Vienne soupirait alors et recommençait à l’attendre.
*
Vienne dormait beaucoup mais se rétablissait rapidement car, bien que mince comme une liane, elle était robuste.
La jeune infirmière veillait sur son sommeil. Le soir, après qu’elle avait terminé son travail auprès des hommes blessés, après une journée de douleurs et de mort, elle entrait dans la chambre où Vienne l’accueillait toujours de son sourire doux.
Elle lui lisait les journaux qui donnaient des nouvelles du front. Mais aussi la page des spectacles parisiens...
Comme Vienne ne pouvait pas bouger son bras, Eva l’aidait à couper sa viande. Un tel met était rare car la viande était rationnée. Mais Eva avait fait le sacrifice de ses délicieuses cigarettes américaines pour en avoir.
Elle aidait Vienne à faire quelques pas dans sa chambre en la tenant contre elle. Une curieuse émotion la submergeait alors. Et elle prolongeait ce moment.
*
Si la plaie à la tête n’était rien, puisque seule une légère bosse persistait, la blessure à l’épaule nécessitait que l’on change régulièrement le pansement.
Eva mettait une infinie douceur dans ses gestes. Car elle n’aurait pas supporté que Vienne souffre sous ses mains.
Elle aimait ce moment où Vienne se confiait entièrement à elle. Elles ne parlaient pas car elles se laissaient absorber par ce moment. Par la douceur de ce moment.
Mais il y avait plus. Eva le sentait.
Aucun des jeunes hommes qu’elle avait soignés n’avait provoqué chez elle le trouble qu’elle ressentait.
Eva ouvrait la chemise de coton qui avait remplacé l’uniforme ensanglanté de la jeune aviatrice. Le vêtement glissait sur son épaule découvrant la rondeur d’un sein.
Le simple frôlement de sa peau l’électrisait. Sa bouche était sèche. Elle passait sa langue sur ses lèvres. Son coeur battait follement.
Elle levait alors les yeux. Et elle rencontrait le regard de Vienne. Si intense.
*
Pourtant un jour, alors qu’Eva avait découvert l’épaule de Vienne, elle constata avec un peu d’amertume que la jeune femme était définitivement rétablie et qu’elle pouvait partir...
- La blessure est guérie... Je vais en avertir le Docteur Vincent. Je crois que vous pourrez me quitter demain...
Eva avait essayé de parler avec fermeté et insouciance mais sa voix était voilée. Elle se rendit compte de la force de ses propos au moment où elle les disait. Vous pourrez me quitter demain...
Vienne avait répondu avec sourire triste.
- Déjà ? Je suis déjà guérie ? Ce n’est pas que j’ai peur de retourner au front. Mais, je m’étais habituée à vos soins... Je dois bien reconnaître qu’ils vont me manquer... Et puis... je ne vous quitterai jamais Eva... Vous resterez toujours dans ma mémoire et... dans mon coeur...
Eva, de nouveau, avait rougi sous le regard intense des yeux bruns. Elle n’avait pas su quoi répondre et avait balbutié - Je vais chercher le Docteur Vincent.
Elle s’était sauvée, laissant Vienne mélancolique et... songeuse.
*
- Et bien... mais c’est exact. Vous êtes guérie, Lieutenant Brooks. Mais je vous interdis de repartir pour le front. Je vous ordonne de prendre un peu de repos à l’arrière...
- Mais Docteur, je veux retourner me battre...
- Vous battre ? Encore ? D’après ce que m’a confié votre général à cinq étoiles, vous en avez déjà assez fait... Vous méritez bien un peu de repos. Et puis rassurez-vous, la guerre ne manquera pas de vous attendre. Je vous accorde dix jours de permission... Ne discutez pas. Je suis médecin, mais je suis aussi votre supérieur hiérarchique... Obéissez !!!
Le vieux médecin se tourna vers Eva en bougonnant.
- Pendant que nous y sommes... Eva, vous allez me faire le plaisir de prendre dix jours de permission vous aussi. Vous ne tenez plus debout. Accompagnez donc votre malade à Paris... Et inutile de discuter !! C’est un ordre !!
Mais les craintes du médecin n’étaient pas fondées, car les deux jeunes femmes ne songeaient plus à discuter ses ordres.
*
Un livre, qu’elle n’avait pas eu le temps de lire, son étui à cigarettes, une trousse contenant maquillage et parfum, un gros cahier sur lequel elle jetait parfois ses impressions et ses pensées... Si peu de choses. Mais qui résumaient sa vie des derniers mois.
Elle avait quitté son uniforme d’infirmière pour des vêtements civils.
Elle était prête à partir.
Elle allait profiter de la voiture d’un officier qui la laisserait à une gare proche que l’artillerie allemande n’avait pas complètement rayée de la carte.
De là, en changeant plusieurs fois de train, elle pourrait gagner Paris...
*
Alors, elle se dirigea vers sa chambre et, timidement, frappa à la porte.
- Entrez !
Elle obéit à l’ordre et pénétra dans la chambre mais elle s’arrêta sur le seuil, étonnée.
Vienne lui souriait. Elle était habillée. Déjà. Elle avait revêtu son uniforme d’aviateur. Vareuse beige et pantalon d’équitation rentré dans de souples bottes de cuir.
Une large ceinture, à laquelle était accroché un revolver dans son étui, entourait sa taille.
Eva était troublée. Car la jeune femme restait étonnamment féminine et attirante dans cet uniforme d’homme. Et elle avait toujours ce regard si doux... comme une caresse...
- Je suis venue vous dire au revoir, Vienne... Je pars dans quelques minutes. Dans la voiture d’un officier... Nous nous croiserons peut-être à Paris...
*
La jeune américaine n’avait que quelques centimètres de plus qu’elle.
Elle se pencha vers son visage. Ses lèvres semblaient hésiter sur le chemin à suivre. Puis, elles se déposèrent sur sa joue en un baiser léger.
Eva s’empourpra sous le contact de ses lèvres chaudes, si chaudes...
- Non, Eva, nous ne nous croiserons pas à Paris...
Pendant une seconde, Eva éprouva un sentiment proche du désespoir. Ne plus la voir... Ô mon Dieu, non...
- Et vous ne partez pas dans la voiture d’un officier...
- Mais si Vienne. Je vous assure...
- Non Eva, vous allez partir avec moi. Dans mon avion...
- Dans... dans votre avion ??
- Oui Eva. Dans mon avion. J’ai demandé au Général de me faire parvenir suffisamment de carburant pour gagner Orly. C’est un champ près de Paris... C’est là que sont stationnés les appareils de l’escadrille La Fayette. Il ne nous faudra pas plus d’une heure. Vous voulez bien, n’est-ce pas ? Vous n’avez pas peur ? Car je présume que vous n’avez jamais volé en avion...
- Non jamais... Mais je n’ai pas peur Vienne. Avec vous, je crois que je n’aurai jamais peur...
Vienne sourit à nouveau et son regard s’attarda sur les lèvres d’Eva...
- Eva, je ferai toujours en sorte que vous n’ayez jamais peur...
*
Elles avaient quitté le Docteur Vincent qui s’était mis à mâchouiller nerveusement sa moustache tombante quand il avait su qu’Eva allait monter dans l’avion de Vienne.
Mais il n’avait rien osé dire de peur de passer pour un vieux grincheux passéiste.
D’ailleurs, l’avion de Vienne ne ressemblait pas à ceux qu’il avait déja vus et qui semblaient être construits de bric et de broc, avec un peu de corde et de toile.
Eva regardait l’engin avec admiration car il était superbe. C’était tout à fait l’avion qui convenait à son amie.
- Je n’avais pas fait attention à votre avion lors de votre accident... Mais, je dois dire qu’il est magnifique...
- C’est un avion français. Construit en Champagne, près de Reims. C’est un Deperdussin. Le fuselage est constitué d’une coque en bois moulé. Il est incroyablement rapide. Il peut voler à plus de 200 kilomètres heure.
Tout en parlant, elle caressait le bois finement profilé.
Eva s’amusa de l’enthousiasme de Vienne. - Quelle chaleur dans votre voix ! Vous en parlez comme d’un membre de votre famille...
- Vous ne vous trompez pas Eva. Cet avion, c’est tout ce qui me reste de mes parents et de mon frère Mike...
- Pardon, Vienne... Je suis désolée... Ma réflexion était stupide...
- Non, elle ne l’était pas Eva. Vous ne pouviez pas savoir...
- Pourquoi est-il peint en bleu ?
- Bleu comme le ciel avec lequel il se confond. C’est un camouflage. Ce n’est pas un avion de combat. Seulement d’observation. Comme je suis une femme, je ne suis pas autorisée à me battre. Je n’ai aucune arme. Seulement le revolver que je porte à la ceinture. Je survole le front et je prends des photographies... La rapidité de mon avion est ma seule chance d’échapper à l’ennemi. Ça ne suffit pas toujours...
- Mais c’est horriblement dangereux !! Comment l’Armée peut-elle vous laisser prendre de tels risques ?
- Parce que je fais ce que je veux. Cet avion m’appartient. Je l’ai mis au service des Alliés. Pour gagner cette guerre. Mais aussi, en souvenir de mon frère Mike. Il a été l’un des premiers pilotes américains abattus par la chasse allemande. En 1917. C’est grâce à lui que j’ai été admise dans l’escadrille La Fayette. Moi, une femme.
- Et grâce à votre courage...
- Mon seul courage n’aurait pas suffi à me faire admettre au milieu de ces hommes...
- J’aimerais tant que vous me parliez de votre frère...
- Oui, J’adorerais vous parler de lui... Mais plus tard... Nous devons partir avant qu’il ne fasse trop froid...
- Trop froid ? Mais, nous sommes en plein mois d’août...
- Plus on monte dans le ciel et plus il fait froid. On perd presque un degré tous les cent mètres... Tenez... Mettez cette veste en cuir par-dessus vos vêtements... Très bien... Donnez-moi votre bagage. Je vais l’installer à vos pieds... Maintenant, je vais vous aider à monter à bord... Donnez-moi la main. Posez votre pied sur le train d’atterrissage. Voilà. Très bien... Sur l’aile à présent... Glissez-vous dans le cockpit, à la place réservée au passager. Attention, c’est très étroit... Voilà... Vous y êtes... Je vais attacher ce harnais autour de vous. Mettez ce casque en cuir et ces lunettes... Très bien. Vous êtes prête. A mon tour...
Vienne enfila la combinaison de vol sur son uniforme et enserra sa tête dans le casque en cuir. Elle mit de larges lunettes. Puis elle se glissa avec souplesse sur le siège du pilote.
*
Eva était assise juste derrière Vienne. Un simple dossier les séparait. La place était chichement comptée.
Un soldat se tenait debout près de l’hélice de l’avion. Il la prit à deux mains pour la faire tourner. Ce qui eut pour effet de lancer le moteur qui se mit à vrombir. Le soldat s’écarta en courant.
Tout doucement, le Deperdussin monocoque se mit à avancer au milieu du champ. Prenant de la vitesse, il roulait de plus en plus vite, secoué par les chaos du sol.
Tout à coup, il n’y eut plus de secousses car l’avion avait quitté la terre pour s’élever lentement dans les airs.
Eva vit les maisons détruites et l’hôpital militaire avec sa croix blanche peinte sur le toit. Si petits. On aurait dit un jeu de construction. Elle vit les églises, les routes et les rivières. Les champs et les bois. Elles vit les hommes, les animaux, grands comme des fourmis.
L’avion montait toujours. Et il faisait de moins en moins chaud.
Le vent de la course fouettait les joues d’Eva.
Mais elle n’avait pas peur. Vienne pilotait d’une main sûre.
Eva éprouvait une sorte de griserie, de puissance à se voir si haut au-dessus de tout. Jamais elle n’avait ressenti un tel sentiment de liberté.
Elle se sentait bien. Elle pensait qu’elle était là où elle devait être.
Près de Vienne.
*
Un hangar était construit au bout d’un vaste champ. Des dizaines d’avions, français, belges et américains, étaient stationnés.
Le ciel était totalement dégagé. Sans le moindre nuage.
Eva ne put s’empêcher de pousser un petit cri en voyant, au loin, la silhouette fine de la Tour Eiffel qui dominait Paris, couchée à ses pieds.
Elle compris qu’elle était une privilégiée qui pouvait voir ce que d’autres ne verraient jamais.
L’avion commençait à perdre de la hauteur et vira doucement sur l’aile. Vienne le plaçait face à la piste d’atterrissage.
Puis il perdit de la vitesse et ses roues touchèrent le sol, presque sans à-coup. Il se mit à rouler, de moins en moins vite jusqu’à atteindre une vitesse si réduite qu’un homme à vélo aurait pu le dépasser.
Vienne fit tourner l’avion au bout de la piste pour le diriger vers la partie du hangar réservée aux avions de l’escadrille La Fayette. Il roula encore pendant quelques centaines de mètres pour, enfin, s’immobiliser.
Déjà des soldats marchaient vers elles pour réceptionner l’avion.
*
Vienne quitta le siège du pilote et se tourna vers sa passagère pour détacher son harnais. Puis elle sauta au sol.
Eva voulu la rejoindre mais son pied s’accrocha à un cable en acier tendu entre le fuselage et l’aile.
Elle perdit l’équilibre, bascula en avant et tomba... dans les bras de Vienne qui la retint contre elle. Pendant une courte seconde.
Eva était confuse. - Pardon, Vienne. Je suis désolée de ma maladresse...
La jeune aviatrice se mit à rire. - Moi, je ne le suis pas. Alors, ne vous excusez pas. Comment avez-vous trouvé votre voyage dans le ciel ?
- J’ai adoré... C’était magique. Je suis prête à recommencer quand vous voudrez...
- Oui. Nous... volerons encore ensemble. C’est promis...
- Prendre une voiture ou un train pour gagner Paris va me paraître si fade à présent...
- Il n’est pas question de train ou de voiture. J’ai mieux à vous proposer...
- Nous reprenons l’avion ?
- Non. On ne peut pas se poser à Paris. Venez. Suivez-moi...
*
Vienne retira sa combinaison de vol, qu’elle jeta sur le siège de l’avion, et s’empara du bagage d’Eva.
Elles entrèrent dans le hangar et se dirigèrent vers un coin où un gros objet bâché attendait contre un mur.
Vienne retira la bâche d’un coup sec et fit apparaître une motocyclette et son side-car. Ils étaient peints en rouge vif avec des pneux blancs.
Eva regarda le véhicule rutilant - Vienne, c’est magnifique !! Qu’est-ce que c’est ??
- C’est une Indian motorcycle. Elle appartenait à mon frère Mike. Il l’a fait venir des Etats-Unis. Elle est à moi à présent...
- Et vous savez la conduire ???
- Bien sûr... J’ai appris avec Mike. Comme pour le pilotage. Il m’a appris tout ce qu’il savait...
- Ce devait être un garçon merveilleux. J’aurais aimé le connaître...
- Vous l’auriez adoré... Il était impossible de ne pas l’aimer...
Sa voix était devenue triste. Mais Vienne se reprit.
- Allez ! En route pour Paris !! Asseyez-vous dans le side-car...
Eva obéit et s’installa dans le baquet rouge où trônait un siège en cuir.
Vienne déposa son bagage à ses pieds et recouvrit la jeune femme d’une couverture imperméabilisée.
Puis elle s’installa sur la selle de la motocyclette et démarra le moteur qui se mit à pétarader.
Elle tourna la poignée d’accélérateur. La motocyclette rouge et son side-car bondirent en avant dans une odeur d’essence et un grand éclat de rire.
*
A côté de Vienne, qui pilotait avec dextérité, Eva ressentit les mêmes émotions que celles éprouvées dans le ciel. Sécurité. Griserie. Liberté.
Quand elles traversaient les villages, elle s’amusait de voir les têtes se retourner sur leur équipage.
Vienne était absorbée par la conduite et elle ne remarqua pas le regard attentif qu’Eva avait posé sur elle.
Vienne chevauchait sa machine avec assurance. Elle était magnifique.
De nouveau, elle éprouva ce trouble qui l’avait envahie quand elle la soignait. Quand elle la touchait pour panser son épaule.
Elle pensa qu’elle aimait tellement être près d’elle. Mais elle songea aussi, avec amertume, que ce bonheur d’être avec son amie allait prendre bientôt fin.
Dès qu’elles seraient de retour chez elles. A Paris.
*
Elles avaient croisé des convois militaires qui partaient pour le front et qui leur rappelaient que la guerre n’était pas finie.
Que le danger et la mort rôdaient toujours. Et qu’ils pouvaient toujours séparer les amies et les amants.
Elles remontèrent les rues et les grands boulevards jusqu’au Parc Monceau où se trouvait l’hôtel particulier des d’Uberville.
Vienne décéléra et s’arrêta le long du trottoir devant une belle bâtisse. Elle sauta de la selle et tendit la main vers Eva pour l’aider à quitter le side-car.
*
Elles ne parlaient pas. Sans doute parce que le moment de se séparer était venu alors qu’elles avaient encore tant de choses à se dire.
Ce fut Vienne qui brisa le silence. Mais elle ne trouva que des mots banals et elle s’en voulut de cette banalité désolante.
- Voilà, Eva. Vous êtes chez vous... Mon Dieu que c’est bête !! Elle le voit bien qu’elle est chez elle...
- Et oui, je suis arrivée. Bon sang Eva, essaie d’être plus originale !! Merci de m’avoir ramenée. C’est encore pire !! J’ai adoré notre voyage... L’avion, la motocyclette... C’était à la fois... enivrant et amusant... J’ai adoré... Et... je n’ai pas eu peur. A aucun moment...
- J’ai vu ça... Vous avez été très courageuse...
- Ce n’est pas du courage Vienne. J’ai simplement l’impression, qu’avec vous, il ne peut rien m’arriver de dangereux ou de mal.
- Merci... C’est l’un des plus beaux compliments que l’on puisse faire à un pilote... Je veux vous remercier à mon tour. Pour m’avoir soignée avec tellement de gentillesse et de dévouement. Votre présence a éclairé les journées passées dans ce triste hôpital de campagne. Je ne les oublierai jamais...
Elles se sentaient rougir sous l’aveu de leur confiance et de leur attachement mutuels.
Elles étaient sur le point de se séparer. A jamais peut être pour retourner à un quotidien où l’autre ne serait plus.
Mais le coeur de Vienne protesta et elle tenta sa chance avant qu’il ne soit trop tard. Elle tendit une petite carte sur laquelle elle avait jeté quelques mots.
- Eva. Voici mon adresse. Vous pourrez me contacter quand vous le voudrez... Si vous avez un message urgent, il vous suffira de m’envoyer un télégramme... Je serai toujours là pour... vous offrir un nouveau voyage dans le ciel ou sur ma motocyclette...
- Ce sera avec plaisir...
- Bien... alors je vais vous laisser... Au revoir... A très bientôt, j’espère...
- A très bientôt Vienne...
*
La jeune aviatrice sourit tristement. Elle se pencha sur Eva et déposa un baiser furtif sur sa joue. Puis elle s’approcha de sa machine pour partir.
Eva la regardait s’éloigner. Et cet éloignement, de quelques pas à peine, lui faisait mal. Alors, elle cria. - Vienne !
- Oui ?
- Je pensais... Vous pourriez peut-être... déjeuner avec mes beaux-parents et moi... Ils seront ravis d’avoir un pilote américain à leur table... Enfin, si vous le voulez bien...
Un court instant, Vienne fut troublée. Ses beaux-parents ? Je n’avais pas songé qu’Eva pouvait être mariée... Mais bien sûr... une telle femme ne peut pas être seule... Cette alliance à son doigt... Mais elle répondit - J’aimerais beaucoup faire leur connaissance. Mais... vous croyez qu’ils vont accepter de recevoir une femme qui porte des pantalons ?..
- Les d’Urberville ne sont pas des bourgeois étroits d’esprit... Vous êtes en uniforme. En puis, vous risquez votre vie pour notre pays. Pour eux. Pour... moi... Enfin, vous êtes américaine... Et tout le monde sait bien que les américains sont excentriques répondit-elle en riant.
- Alors, je veux bien... Si vous êtes certaine que ça ne va pas les choquer...
- Et quand bien même... On s’en moque !! Venez... Vous pouvez garer votre fabuleuse machine dans leur cour...
Tout en parlant, Eva avait appuyé sur la sonnette de la vaste maison et déjà un domestique s’était présenté pour lui ouvrir. Les deux lourds battants de la porte cochère s’écartèrent pour laisser le passage à Vienne et à sa motocyclette.
*
Elle était étonnée.
Jamais, depuis son arrivée en France, elle n’avait fréquenté les salons de la bourgeoisie parisienne. Et la famille d’Uberville était l’une des plus aisées.
Un domestique leur avait ouvert la porte. Un autre leur avait indiqué, sur un ton suave, que “Monsieur et Madame d’Uberville attendaient dans le jardin le moment de passer à table”.
Eva lui servait de guide dans ce monde qui lui était totalement étranger.
Elle regardait les meubles qui l’entouraient. Ils étaient harmonieux, raffinés dans les moindres détails. Les formes étaient gracieuses sans être grêles, denses sans être massives.
Les tableaux aussi étaient étonnants. Ils n’avaient rien de pompier ou de petitement “bourgeois”.
Eva surprit son regard - Ma belle-mère, Marie, a un goût très sûr. Elle s’est entichée des créations d’Emile-Jacques Ruhlmann, dont vous voyez les meubles, et des tableaux d’un certain Pablo Picasso. Elle affirme, qu’un jour, les oeuvres de ce peintre espagnol vaudront des fortunes. Henri, mon beau-père, la traite de folle mais les achète. D’autant qu’ils ne coûtent rien...
- Je connais cet artiste. J’ai eu l’occasion de le rencontrer. Il hante les cafés de Montparnasse... Mais vous avez parlé de votre belle-mère, de votre beau-père...
- Les parents de mon mari, Paul.
- J’ignorais que vous étiez mariée. Même si je m’en doutais un peu...
- Je suis veuve. Paul est mort en 1914... Dans les tous premiers combats...
- Pardon Eva. Je suis désolée de vous rappeler de si tristes souvenirs...
- Ne vous excusez pas Vienne. Vous ne pouviez pas deviner. Même s’il est vrai que mon cas n’est pas rare. Nous sommes des milliers... Venez, je vais vous présenter à eux...
*
Elles sortirent dans le jardin, qui aurait bien mérité le nom de parc avec ses arbres centenaires, et avancèrent vers un couple, assis dans des fauteuils.
Lui, un homme robuste de soixante ans à la grosse moustache, commentait le journal en bougonnant.
Elle, une femme de cinquante ans, élégante malgré sa robe de deuil, écrivait une lettre en prêtant une oreille distraite aux propos de son époux.
Mais l’un comme l’autre cessèrent lecture et courrier quand ils virent Eva avancer vers eux.
Ils se levèrent pour aller à la rencontre de la jeune femme.
Quand enfin ils furent assez proches pour se toucher, Marie prit Eva dans ses bras et la serra contre elle.
- Mon enfant... Vous êtes enfin de retour parmi nous... Après toutes ces semaines interminables... Comme je suis heureuse de vous revoir... Laissez-moi vous regarder... Mon Dieu, que vous avez l’air fatigué !! Combien de temps allez-vous rester avec nous ?
- Dix jours Marie...
- Dix jours ?? Dix jours seulement !! C’est tellement peu... Mais je présume que nous allons devoir nous en contenter... Tant que cette horrible guerre durera...
Henri s’était approché et avait saisi la main de la jeune femme qu’il avait portée à ses lèvres - Elle est à peine arrivée que tu parles déjà de son départ !! C’est bien la logique féminine !! Et dire qu’il se trouve des fous qui veulent vous donner le droit de vote uniquement parce que vous conduisez des autobus !!
- Vous voyez Eva. Mon époux n’a pas changé. Toujours aussi moderne ! Mais je vois que vous nous avez amené une amie...
- Oui. Je vous présente le lieutenant Vienne Brooks de l’Armée de l’Air des Etats-Unis d’Amérique. Le lieutenant Brooks est aviatrice.
- Aviatrice ? Une femme aviatrice ? Et dans l’armée ? Comment est-ce possible ?
- Je ne participe pas aux combats aériens, Madame. Je fais de l’observation. Je vole au-dessus du front et je prends des photographies des positions ennemies...
- C’est incroyable !! bougonna Henri. Comment peut-on laisser une femme prendre de tels risques...
- C’est vrai que prise en otage, déportée, bombardée, outragée c’est tellement plus confortable !!! persifla Marie.
- Je ne vois pas le rapport...
- Moi si. Vous nous préférez en victimes. En ventres qui vous donnent de la chair à canon, plutôt qu’en combattantes...
- Qui ça “vous” ? hoqueta Henri.
- Vous. Les hommes...
- Risquer de se faire abattre par une balle allemande et porter des... des pantalons, c’est ton idée du progrès ?...
- Mon Dieu ce que tu peux être vieux jeu ! Quand je pense que tu vénères Jeanne d’Arc ! Tu crois qu’elle portait une robe sous son armure ?... Et puis... j’ai croisé des soldats écossais sur les Champs Elysées. La jupe est très seyante... sur certains hommes...
Vienne était sidérée. Elle était gênée d’assister à cet échange de propos aigres-doux. Elle s’adressa à Eva dans un murmure. - Je crois que je ferais mieux de partir...
Eva sourit et répondit en chuchotant. - Non. Restez. Ne vous inquiétez pas. Henri et Marie s’amusent. Ils s’adonnent, avec délice, à leur passe-temps favori : se chamailler... Henri est un grand bourgeois conservateur bousculé par les idées progressistes de sa femme. Mais ils s’adorent. C’est aussi une façon de résister aux tragédies qui ne les ont pas épargnés...
- Les tragédies ?
- La disparition de Paul. Quant à leur plus jeune fils, Roger, il n’a dû qu’à la perte de sa main, arrachée par un éclat d’obus, de ne pas être déjà mort au combat.
- Je comprends mieux...
Eva interrompit la dispute, qui avait continué pendant qu’elle rassurait Vienne. - Marie, savez-vous que Vienne connaît Pablo Picasso ?
Le nom du peintre arracha Marie à sa dispute. - C’est vrai ? Vous le connaissez ? On dit qu’il est extraordinaire. Que c’est une force de la nature... Surtout avec les femmes dit-elle en jetant un coup d’oeil amusé vers Henri qui leva les yeux au ciel en soupirant.
Vienne sourit. - Oui, je le connais un peu... Mais pas aussi bien...
Marie s’approcha de la jeune aviatrice et glissa son bras sous le sien. - Venez Vienne. Vous me permettez de vous appeler Vienne ?..
- Bien sûr Madame. J’en serais honorée et ravie...
- Alors Vienne... Allons déjeuner. Et parlez-moi de Picasso...
Elles marchèrent vers la maison, suivies par Eva qui avait glissé son bras sous celui d’Henri.
*
Le déjeuner avait été servi sur une petite table ronde, près d’une fenêtre qui donnait sur le jardin.
Les deux amies étaient face à face. Eva encourageait Vienne du regard. Mais la jeune aviatrice, qui avait l’habitude de risquer sa vie dans les airs, n’était pas intimidée et participait à la conversation avec aisance.
Eva racontait les événements des dernières semaines. Les corps qu’elle avait soignés, les yeux qu’elle avait fermés.
- Mon Dieu Eva, comme ça doit être affreux... De ne rien pouvoir faire pour empêcher que la mort emporte tous ces hommes...
- Oui Marie. C’est très dur. Heureusement, parfois, il y a des jours comme celui où Vienne a atterri à deux pas de l’hôpital militaire... Elle a été une malade très patiente...
Les deux jeunes femmes échangèrent un regard complice.
- Vous avez été blessée Vienne ?
- Oui Madame... Un avion allemand m’avait prise en chasse alors que je survolais la ligne des combats. J’ai réussi à le semer. Mais une balle m’a touchée à l’épaule. C’était tellement douloureux. C’était comme... un coup de lance... J’ai failli perdre connaissance, mais j’ai réussi à atterrir...
- C’est incroyable !! Je continue à penser que la place d’une femme n’est pas dans les airs à se battre... marmonna Henri.
- Ce n’est pas non plus la place des hommes, Monsieur... Le ciel devrait être un endroit à part, préservé... Et pourtant, on en a fait un lieu de combats et de mort...
- Que ressent-on quand on est là-haut ?
- Et bien... Madame...
Mais Vienne n’eut pas le temps d’en dire plus car Eva la coupa pour répondre à sa place à la question de Marie.
- C’est fabuleux ! C’est unique ! C’est grisant ! C’est si merveilleux d’être là-haut... On éprouve des sensations... indescriptibles. On se sent libre. Et heureux. On a l’impression que la terre vous appartient. Que rien ne peut vous atteindre. On est à la fois fragile et fort... Je n’ai pas assez de mots pour le dire...
- Vous êtes montée dans cet avion Eva ? toussa Henri.
- Mais oui. J’ai voyagé dans l’avion de Vienne pour revenir à Paris...
- Mon Dieu... Les femmes !!! Décidément, je ne m’habituerai jamais à leur inconscience...
- Mais ce n’est pas de l’inconscience... Je n’ai pas eu peur. J’étais en parfaite sécurité... avec Vienne. C’est vraiment un pilote doué...
Marie se mit à rire.
- En tout cas quelle passion dans votre voix quand vous nous parliez de cette expérience !! Vienne, je crois que vous avez là une élève attentive qui ne demande qu’à apprendre...
- Je serais ravie d’être son professeur, Madame...
Une fois encore, Eva se sentit rougir sous le regard intense de Vienne.
- Sornettes que tout ça !! Il faudrait me payer cher pour que je monte dans un avion...
- Oh toi !!! Dès qu’il s’agit de quitter tes pantoufles... S’il avait fallu compter sur toi, l’Amérique resterait encore à découvrir...
Vienne intervint pour calmer la tempête qui se levait entre Henri et Marie.
- L’avion, c’est l’avenir Monsieur... Un jour, on en prendra pour aller à l’autre bout de la terre... J’en suis convaincue. Si j’avais des fonds, après la guerre, j’achèterais des avions et je créerais une société de transport de courrier, de passagers...
- Qu’allez-vous faire après la guerre Vienne ? Vous allez retourner chez vous ? En Amérique ? interrogea Marie.
Eva avait baissé la tête. Elle ne voulait pas qu’on voit son trouble. Mon Dieu, c’est vrai... Elle va retourner chez elle... Dès que cette guerre sera terminée... Et alors... je ne la verrai plus. Elle n’est ici que parce qu’elle se bat. Elle restera avec moi tant que ce conflit durera... Après, elle partira...
Vienne avait marqué un temps avant de répondre à la question de Marie. Elle regardait Eva.
- J’habite en France depuis 1910, Madame. Ce n’est pas la guerre qui m’y a amenée... C’est mon frère Mike. C’était un passionné d’aviation... Il disait que c’était en France que l’on trouvait les avions les plus beaux et les plus rapides. Alors il a voulu y venir. Je l’ai suivi... La France est mon pays, désormais. Totalement. Surtout maintenant que je me suis battue pour elle... Maintenant que mon frère y est enterré... Non. Je ne retournerai pas en Amérique. Car en France, je suis chez moi...
Eva avait lentement levé les yeux. Au fur et à mesure que Vienne parlait. Elle éprouvait un bonheur fou à chacun des mots qu’elle prononçait. Quand enfin, Vienne prononça la phrase ultime, Eva rayonnait.
*
Les d’Uberville avaient raccompagné Vienne à leur porte.
- A bientôt Vienne. A très bientôt. Notre demeure vous sera toujours ouverte...
- Merci Madame. Merci infiniment...
- C’est nous qui vous remercions... Et tous ceux de votre pays...
Henri avait pris la main de Vienne entre les siennes et l’avait portée à ses lèvres. Il parla avec une émotion qu’il ne songea pas à dissimuler.
- Soyez très prudente, jeune dame... Je continue à penser que votre armée ne devrait pas vous laisser prendre de tels risques... Enfin... Revenez quand vous voudrez... Nous parlerons de votre projet de société d’aviation... Ma femme me traite comme une vieille baderne, mais j’ai encore quelques lueurs quand il s’agit d’investissements...
- Merci Monsieur... Avec plaisir...
*
Le moment de se dire au revoir était arrivé.
Mais elles n’arrivaient pas à s’y résoudre. Elles n’arrivaient pas à prononcer les mots.
Chacune cherchait le moyen de retenir l’autre. Ou de la revoir.
Eva songeait à une invitation à dîner. C’est stupide... Elle va penser que je n’ai pas d’autre activité que celle de manger...
Elle ne savait pas ce qui pouvait intéresser Vienne. Après tout, elle la connaissait si peu. Mais elle devinait que les distractions d’une jeune bourgeoise ne pouvaient pas lui convenir.
Une femme comme elle, qui risquait sa vie dans les airs comme peu d’hommes le faisaient, ne devait pas aimer perdre son temps à flirter avec des garçons inconsistants, aussi légers que la fumée de leurs cigarettes.
Soudain, Eva pensa Un homme l’attend peut-être. Vienne ne m’a pas dit s’il y avait un homme dans sa vie. Mais elle est si pudique... Elle a si peu parlé d’elle jusqu’à présent. J’ignorais qu’elle habitait en France depuis huit ans...
Tout à coup, elle éprouva un curieux sentiment à l’idée que Vienne puisse avoir un amant. Elle était irritée que son amie la quitte pour le rejoindre.
Il fallait qu’elle sache.
- Voilà... Vienne... je ne sais pas quand nous allons nous revoir... Je présume que vous allez retrouver vos amis...
- Oui. Je vais aller chez moi, à Montparnasse...
- Oui. Bien sûr... Et... je présume que vous allez prendre un peu de repos après cette blessure...
Vienne se mit à rire - J’ai pris suffisamment de repos et grâce à vos soins, je suis totalement guérie. D’ailleurs, le Docteur Vincent l’a dit... Non. Je n’ai pas l’intention de me reposer. Je suis à Paris... Je veux vivre, rencontrer des gens, sortir, aller au théâtre...
Elle prit un air sérieux - D’autant que je ne sais pas ce que l’avenir me réserve... Alors, je ne veux pas perdre mon temps... Il m’est peut-être compté...
Eva prit peur et, sans réfléchir, posa ses doigts sur la bouche de Vienne pour la faire taire.
- Taisez-vous ! Ne dites pas ça ! Ça me fait mal !
Gênée par son audace, elle retira rapidement ses doigts.
Mais il lui sembla que Vienne avait très légèrement bougé les lèvres. Et que ce mouvement, presque imperceptible, était un baiser.
Eva se sentit rougir à nouveau. Elle se reprit pour cacher son trouble. - Mais je vous comprends. Je comprends votre besoin de vous amuser. Après ces horribles semaines de guerre... Et vous... allez chez des amis ? Mon Dieu, tu lui fais subir un véritable interrogatoire de police !! Ne t’étonne pas si elle t’envoie au bain !!
Mais Vienne répondit doucement - Non. On m’a donné deux places pour le tout nouveau spectacle des Ballets Russes. Parade. La musique est d’Erik Satie, le livret de Jean Cocteau, les décors de Picasso. La première représentation a lieu ce soir...
- Oh oui... J’en ai entendu parler... Et vous... y allez avec un ami ?..
- C’est ce que j’espère...
- Ce que vous espérez ? Je suis certaine qu’il sera ravi de vous y accompagner...
- Je ne sais pas... Je n’ai pas encore posé la question...
- Si vous le faites, je suis sûre qu’il vous dira oui...
- Vraiment ? Alors, je vais suivre votre conseil. Et je vais l’inviter à m’accompagner à ce spectacle...
De nouveau, Eva ressentit la même irritation. Elle va sortir avec cet homme... Mais elle tenta de faire bon visage - Très bien. J’espère que vous me raconterez comment s’est déroulée la première de Parade...
- Ce ne sera pas nécessaire...
- Mais si... J’adore les Ballets Russes... Je tiens beaucoup à ce que vous me racontiez...
- Ce ne sera pas nécessaire, parce que c’est vous, Eva, l’amie que j’ai envie d’inviter...
- Moi ??
- Oui. Vous. A moins que vous n’ayez déjà quelque chose de prévu ?
- Oh non. Pas du tout... Je n’avais rien de prévu. Et de toute façon, j’aurais tout annulé pour aller avec... Pour aller voir Parade !!
Vienne sourit et de nouveau déposa un rapide baiser sur sa joue.
- Très bien alors. Je viendrai vous chercher ce soir à 19 heures... A tout à l’heure Eva. A tout à l’heure...
Elle démarra sa motocyclette et salua son amie d’un petit signe.
Une main posée sur son coeur, Eva la regarda s’éloigner jusqu’à ce qu’elle disparaisse au bout de la rue.
*
L’absence de Vienne lui pesait déjà. Alors, qu’elles ne s’étaient quittées que depuis quelques minutes à peine.
Elle pensait qu’elle avait déjà éprouvé ce vide. Mais quand était-ce ? Soudain, elle se souvint. Avec Paul, son époux.
Elle fut troublée. Elle ne pouvait pas ressentir avec Vienne ce qu’elle avait ressenti avec lui... Et pourtant...
Elle avait besoin de la présence de Vienne. Elle attendait déjà son retour avec impatience. Comme elle le faisait avec Paul.
Elle se dit, qu’après tout, il n’y avait là rien de bien extraordinaire.
Elles étaient amies, camarades de combat. Elle l’avait soignée. Vienne lui avait offert son premier voyage en avion. Cela créait des liens. Ceux d’une amitié profonde...
Pour tuer les heures qui les séparaient, elle chercha dans son armoire la tenue qu’elle porterait ce soir, au théâtre...
Bien sûr, elle aurait une robe noire car elle portait toujours le deuil de Paul.
Mais elle voulait être belle pour... Pour qui au fait ? Vienne était une femme... Elle n’avait pas besoin de lui plaire... Et pourtant, elle avait envie d’être belle.
Pour elle...
*
Vienne roulait au milieu de la circulation parisienne. Elle croisait des véhicules militaires, des taxis, des vélos, des autobus à impériale, des voitures tirées par des chevaux...
Mais, si elle roulait avec prudence, comme par automatisme, son esprit n’arrivait pas à se concentrer sur la foule qui l’entourait.
Elle voyait, sans les voir vraiment, les bâtiments protégés par des sacs de sable des assauts d’un formidable canon allemand, qui pilonnait la ville depuis des mois, et que les parisiens, par gouaille et dérision, avaient surnommé la Grosse Bertha.
Elle voyait, mais sans les voir vraiment, des soldats de tous les pays. Sikhs indiens aux turbans safran, tirailleurs sénégalais à la chéchia rouge, australiens aux chapeaux de brousse, écossais aux kilts rayés, américains, anglais, canadiens, bersagliers italiens.
Il avait donc fallu une guerre et la plus meurtrière que le monde ait connue, pour que ces hommes, venus des cinq continents, se retrouvent à Paris et communient dans la même détestation de l’ennemi allemand.
Mais Vienne ne les voyait pas. Elle ne songeait pas à philosopher sur l’absurdité de ce monde qui ne se retrouvait jamais aussi bien que pour s’entretuer.
Elle pensait à Eva.
A cette jeune femme qui était une partie de sa vie à présent.
Qui était devenue toute sa vie...
*
Elle avait essayé différentes robes dans la gamme du noir qui était la couleur des veuves. Qui était la sienne depuis quatre ans.
Elle avait finalement choisi un ensemble en tissu léger, acheté au numéro 21 de la rue Cambon. Dans la toute nouvelle boutique d’une couturière, Gabrielle Chanel, que tout le monde appelait Coco.
Elle était prête depuis longtemps. Elle attendait dans le salon des d’Uberville en faisant les cent pas.
Elle n’arrivait pas à rester assise, pour lire, calmement le dernier livre de James Joyce, Portrait of the artist as a young man.
Elle ne le pouvait pas. parce qu’elle ne cessait pas de penser. Dans quelques minutes, Vienne sera là. Enfin...
Elle s’étonna de son impatience à la revoir. Que je suis bête !! C’est la perspective de découvrir ce spectacle dont parle tout Paris !!
Soudain, elle eut une vision. Celle d’une Vienne ensanglantée sur un champ de bataille. Et son coeur se fit lourd comme une pierre. Elle pensa alors La perspective de voir Parade ? Vraiment ?
*
Malgré ses efforts, elle ne prêtait qu’une attention distraite aux propos du chauffeur.
En la voyant, sanglée dans son uniforme de pilote américain, des ailes d’or accrochées au col de sa veste, il n’avait pas su cacher sa surprise.
Puis, il lui avait dit que lui aussi, malgré son âge qui lui interdisait de se battre, il avait participé, avec le véhicule Renault dans lequel elle avait pris place, à un haut fait d’arme. L’épopée des taxis de la Marne.
Il lui raconta, comment dans la nuit du 6 au 7 septembre 1914, sur l’ordre du Général Galliéni commandant la place de Paris, il avait, avec six cents autres de ses collègues, emmené les troupes françaises à quelques kilomètres du front.
Vienne connaissait cet épisode de la guerre. Elle laissa le vieux chauffeur le raconter et enjoliver son rôle. Sans l’écouter vraiment.
Elle souriait. Elle allait revoir Eva.
Elle ne l’avait quittée que depuis quelques heures. Et pourtant, cela lui semblait une éternité.
Elle devait se faire une raison. La balle allemande qui l’avait blessée à l’épaule, l’avait touchée au coeur...
Elle se souvint de cette première image, alors que, gisant sur le lit de cet hôpital de campagne, la douleur l’avait tirée de son inconscience.
Ce visage si beau penché sur moi. Ce regard si doux qui cherchait à me rassurer...
Le taxi remontait le boulevard Malesherbes. Et elle pensa Bientôt elle sera là. Eva... Et nous serons ensemble... Encore une fois...
*
Le taxi se gara le long du trottoir. Vienne sauta du véhicule alors qu’il était encore en mouvement.
Elle avait tenté de réprimer son impatience d’être auprès d’elle. Mais à quoi bon ? Pourquoi cacher le besoin qu’elle avait de sa présence ? En deux pas, elle l’avait rejointe.
- Eva ! Je suis désolée de vous avoir fait attendre...
- Je n’ai pas attendu Vienne ! Je ne suis là que depuis deux minutes...
- Vous êtes éblouissante dans ces vêtements...
- Merci Vienne... C’est un tel bonheur de pouvoir porter les toutes dernières créations de Paris... Je sais que je devrais avoir honte de moi. Honte de ma futilité alors que des hommes se battent et meurent...
- Vous ne devez pas avoir honte. Vous avez bien mérité un peu d’insouciance... Et puis, ces hommes se battent aussi pour que Paris reste Paris... En tout cas, moi, c’est pour ça que je me bats...
Eva la regarda.
Elle portait un autre uniforme. Pas celui avec lequel elle affrontait la mort. Mais un uniforme de cérémonie. Le tissu était de bonne qualité et la veste de meilleure coupe.
- Vienne... vous êtes si belle dans cet uniforme...
- Merci. J’aurais voulu quelque chose de moins sévère. De moins martial... Mais tant que ce sera la guerre, je suis obligée de le porter dans les réceptions, les premières des spectacles...
- Vous êtes superbe, Vienne... Et si femme...
Eva n’osa pas finir sa phrase et son compliment s’éteignit sur ses lèvres.
Elle se sentit rougir de nouveau sous l’intensité du regard de Vienne. Alors, maladroitement, elle changea de sujet de conversation.
Elle se tourna vers la voiture auprès de laquelle le chauffeur se tenait, la casquette à la main.
- Vous avez trouvé un taxi ? Bon sang, je recommence à débiter des évidences !!
- Oui. Et pas n’importe quel taxi. Notre ami est un héros. C’est un des taxis de la Marne. Venez. Il nous attend.
Vienne saisit la main d’Eva pour l’entraîner vers la Renault dont la porte était ouverte. Elle l’aida à monter puis prit place à son côté.
Elle se tourna vers le chauffeur et lui jeta quelques mots - Conduisez-nous au Théâtre du Châtelet !
*
Vingt minutes plus tard, le taxi les déposait Place du Châtelet, au milieu d’un encombrement de voitures. Le “tout Paris” se bousculait pour voir la dernière création des Ballets Russes.
Vienne et Eva se retrouvèrent au milieu d’élégantes parées de longues tuniques créées par Paul Poiret, aux cous cerclés de plusieurs rangs de perles et aux yeux charbonneux.
Parfois, au milieu de ses femmes, une audacieuse aux cheveux courts, dont la mode avait été lancée un an auparavant.
Pourtant Vienne et Eva n’eurent aucun mal à se frayer un chemin dans cette foule qui se pressait à la représentation du premier ballet cubiste.
Tous s’écartaient, avec un murmure, devant la jeune aviatrice, dont l’uniforme portait les ailes de l’escadrille La Fayette et devant sa compagne à la beauté si évidente et si pure.
*
Vienne et Eva avaient gagné leurs places au premier balcon. De là, elles dominaient la scène et les fauteuils de l’orchestre et de la corbeille.
Un gigantesque rideau, de plus de 16 mètres de large sur 10 mètres de haut, fermait la scène. Picasso qui y avait représenté un cheval, un Arlequin, des forains.
La salle était pleine. Il n’y avait plus un seul strapontin disponible.
Tous les amis de Cocteau, Satie et Picasso étaient là pour soutenir leur création. Tous les artistes de Montmartre et de Montparnasse étaient venus.
L’atmosphère était électrique. Les rires fusaient, dans l’excitation de l’attente des premières notes de musique et des premiers pas de danse.
Il y avait quelque chose de presque indécent dans cette joie insouciante. Alors qu’à quelques centaines de kilomètres, on mourait toujours.
Eva ne pouvait pas s’empêcher d’éprouver des remords d’être là. Elle aurait dû être heureuse. Mais elle ne le pouvait pas. Elle avait l’impression de voler ce bonheur à quelqu’un.
Elle tournait entre ses doigts, sans le lire, le programme écrit par Guillaume Apollinaire.
Vienne sentait que son amie était mélancolique. - Qu’avez-vous Eva ? Je croyais que vous aimiez les Ballets Russes ? Vous regrettez d’être venue ?
- Je les adore. Mais je me sens mal à l’aise. S’amuser alors que sur le front...
- N’y pensez pas. Vous avez plus que quiconque le droit de vous amuser Eva. Vous prenez des risques dans cet hôpital militaire, si proche de la ligne des combats. Vous pourriez être bombardée... C’est déjà arrivé, hélas. Des hôpitaux ont souvent été pris pour cible. Croyez-vous que les élégantes que nous avons croisées tout à l’heure, en sortant du taxi, ont vos scrupules ?
- Je sais tout cela Vienne... Et pourtant...
- Et pourtant ? Il y a autre chose... N’est-ce pas ?
- Oui Vienne... Il y a autre chose...
- Et... c’est une chose que vous ne voulez pas me dire ?
- Je ne veux pas vous ennuyer avec mes états d’âme...
- Et si j’ai envie qu’on m’ennuie ?
Vienne lui souriait de ce sourire si doux. Si chaud.
Eva avait envie de se confier. Mais elle n’osait pas.
D’ailleurs, il n’était plus temps. Car les spectateurs était en train de gagner leurs places au son de la Marseillaise.
Eva était heureuse que le spectacle commence enfin. Car l’obscurité de la salle serait son alliée. Elle pourrait y dissimuler son trouble.
Son regard pourrait profiter de la pénombre pour s’attarder sur le profil délicat de Vienne. Sur ses lèvres fines. Sur sa nuque gracile.
Elle savait ce qu’elle n’osait pas lui dire ni même s’avouer.
Cela tenait en peu de mots. Mais ces quelques mots étaient essentiels : jamais, depuis longtemps, elle n’avait été aussi bien avec quelqu’un.
Jamais... depuis Paul. Son mari.
Enfin, peu à peu les murmures du public cessèrent. Le silence se fit. Le rideau s’ouvrit.
*
Le décor représentait les maisons de Paris un dimanche. On pouvait voir une baraque foraine. Deux bonimenteurs tentaient d’y attirer les badauds. Des artistes, prestidigitateur chinois, danseuse, apparaissaient, tour à tour, et exécutaient leur numéro.
La musique d’Erik Satie était joyeusement cocasse. Elle évoquait celle qu’on peut entendre dans les fêtes foraines.
Les costumes de Picasso étaient étonnants. Surréalistes pour reprendre le mot de Guillaume Apollinaire. Les bonimenteurs avaient revêtu des constructions cubistes en bois mesurant près de trois mètres. L’un d’eux portait un jardin suspendu sur son dos.
Vienne et Eva, que ses sombres pensées avaient abandonnée, se laissaient subjuguer par ce spectacle résolument moderne. Elles souriaient. Elles riaient devant les pantomimes des danseurs.
Mais leur enthousiasme était loin d’être partagé par tous.
Le public allait de surprise en surprise. Et de nombreux spectateurs, outrés devant cette oeuvre qu’ils ne comprenaient pas, se déchaînaient.
Certains sifflaient, alors que d’autres se levaient pour applaudir. Des insultes fusaient. “Boches ! A Berlin ! Imbéciles ! Goujats ! Béotiens !”
Des hommes échangèrent des gifles et des chapeaux furent écrasés à coups de cannes.
On ne pouvaient plus entendre la musique. Car ce n’était plus qu’un vacarme assourdissant de cris, d’applaudissements et de hurlements. Le chahut était à son comble.
Le cri de “A Berlin” fut scandé de plus belle, asphyxiant les acclamations. De nouvelles injures éclatèrent. “Fumeurs d’opium”!
Enfin, le ballet s’achèva dans le tumulte et le chaos.
*
Vienne et Eva se levèrent pour quitter leur loge. Elles empruntèrent le couloir qui longeait le premier balcon. Une foule compacte s’y pressait déjà.
Elles furent plongées dans une cohue indescriptible.
Les insultes volaient toujours entre les détracteurs de Parade et ses admirateurs.
Des hommes en venaient aux mains. Des femmes, la coiffure en bataille, et les rangs de perles tressautant sur la poitrine, se traitaient de “gourgandines, de suffragettes et de “bas bleus”.
Vienne et Eva étaient partagées entre le rire et les larmes.
Elles étaient tristes de constater que Paris, qui donnait le “la” dans tant de domaines, était complètement passé à côté de cet événement artistique.
Mais malgré cette déception, le spectacle de ces hommes et femmes éructant les amusait. Elles pensaient que ces jeux du cirque étaient bien l’épilogue qui convenait à Parade.
Avant de quitter leur loge, elles avaient regardé en direction de celle où Cocteau, Satie et Picasso se tenaient, impassibles, si loin de cette foule déchaînée.
Ils regardaient, surpris et légèrement dédaigneux, la salle surchauffée insulter leur oeuvre.
Ils se savaient pas encore que cette soirée avait vu, tout à la fois, la naissance et la mort de Parade.
Car, devant un tel accueil, les Ballets Russes allaient renoncer à donner une seconde représentation.
*
Elles avaient réussi à se glisser au milieu des spectateurs qui sortaient des loges du premier balcon.
Mais la foule était si dense qu’Eva avait eu peur d’être emportée et séparée de Vienne. Alors, sans plus réfléchir, elle avait glissé sa main dans la sienne. Et leurs doigts s’étaient mêlés alors que leurs yeux se souriaient.
Elles avançaient côte à côte. Leurs bras se touchaient.
Peu à peu, elles avaient réussi à rejoindre l’escalier qui conduisait au rez-de-chaussée.
La foule hystérique, qui les bousculait, les pressait toujours, avait jeté Eva dans les bras de Vienne.
Les lèvres de la jeune aviatrice avaient frôlé la tempe d’Eva. Et s’étaient attardées sur cette peau si fine.
Mais la foule, capricieuse, avait voulu les séparer. Vienne avait alors enlacé Eva et l’avait gardée contre elle.
*
Vers la délivrance.
Mais dans le secret de leur coeur, elles ne souhaitaient pas être libres. Elles ne souhaitaient pas quitter cette foule qui abritait et cachait leur étreinte discrète.
Elles savaient qu’elles devraient alors se quitter. Que leurs doigts devraient se délacer.
Qu’elles devraient retourner à cette politesse amicale.
Et elles ne le voulaient pas. Elle ne le voulaient plus.
*
Alors qu’elles arrivaient près des portes qui donnaient sur la Place du Châtelet, une rixe éclata juste à côté d’elles.
Tout en s’invectivant, deux hommes brandissaient leurs cannes pour s’affronter.
Ils étaient si obnubilés par leur querelle, qu’ils ne voyaient pas, qu’en se battant au milieu de la foule, ils risquaient de frapper leurs voisins.
Tout à coup un moulinet menaça d’atteindre Eva. Vienne tendit le bras et saisit la canne avant qu’elle ne la touche.
L’homme et son adversaire, surpris, regardèrent la jeune femme.
Ils virent l’uniforme d’aviateur et les ailes dorées accrochées à son col.
Alors, honteux, ils baissèrent les yeux et s’écartèrent pour la laisser passer.
Vienne prit le bras d’Eva et l’entraîna.
*
Elles avaient couru pour lui échapper. Et elles avaient trouvé refuge dans l’ombre d’une porte cochère.
Elles étaient essoufflées et elles riaient au souvenir de ces visages congestionnés, de ces femmes échevelées, de ces chapeaux défoncés.
Puis leurs rires s’éteignirent et elles restèrent silencieuses, ne sachant que dire, que faire.
Surtout, elles pensaient que l’heure de se séparer était proche. Mais aucune des deux n’avait envie de faire le premier pas.
Enfin, Eva brisa le silence. - Merci Vienne. Merci pour tout. C’était un spectacle étonnant. Je ne l’oublierai jamais...
- Le spectacle était autant dans la salle que sur scène. Mais ça, ce n’était pas prévu... Dire que ces hommes osent se battre pour un ballet alors, qu’à l’est, on meurt toujours...
- Quel dommage que le public n’ait rien compris. La musique avait un côté si espiègle...
- L’avenir, je pense, rendra justice à Satie, Picasso et Cocteau...
- Oui. L’avenir appartient toujours aux visionnaires et pas aux petits bourgeois étriqués. Merci Vienne... merci encore... Bien. Je vais prendre un taxi à présent. Je vais rentrer au Parc Monceau...
- Rien ne presse... Nous pourrions... A moins, bien sûr que vous ne préfériez rentrer chez vous...
- Oh non... Pas du tout... Mais où pourrions-nous aller ?
- Je pensais... nous pourrions aller dîner...
- Dîner ? Mais, il est trop tard. Vous savez bien que les restaurants doivent impérativement fermer à vingt et une heures trente. Et puis, ils manquent de tout. Le pain qu’ils servent est rassis. Ils n’ont pas de sucre parce qu’il est rationné. La viande est interdite deux jours par semaine...
- Je ne pensais pas vous inviter au restaurant...
- Mais où irions-nous ?
- J’ai une amie qui habite à deux pas... Sur les quais... Elle est polonaise. Elle vivait entre Varsovie, Saint-Pétersbourg et Moscou. La Révolution russe l’a contrainte à l’exil et elle est venue se réfugier à Paris, où elle a de la famille. Elle est peintre. Elle est pleine de ressources et a énormément de relations. Elle n’a aucun mal à trouver du pain frais, du sucre et de la viande... Venez, je suis certaine que vous allez l’adorer...
- J’admire votre éclectisme Vienne !! Vous semblez connaître tant de gens si passionnants. Des aviateurs américains et français. Picasso. Cette femme peintre et polonaise... Alors que moi, je rencontre toujours les mêmes personnes, dans les mêmes salons...
- Eva. Vous n’avez qu’un mot à dire. Et... toutes ces personnes, qui sont mon quotidien, seront aussi le vôtre. Je n’ai qu’un seul souhait... Vous faire partager mes amitiés, mes coups de coeurs et mes passions... Comme l’aviation...
- J’aimerais tellement Vienne. Mais vous n’avez que faire d’une petite bourgeoise d’adoption comme moi. D’une petite londonienne qui n’avait jamais quitté ses quatre rues avant de rencontrer son mari...
Vienne s’approcha plus près. Elle la regardait. Elle pensait Rien à faire ? Vraiment ? Mon Dieu, lui dire... Mais non... Tais-toi... ne dis rien...
- Vous êtes une aventurière dans l’âme Eva. Vous risquez votre vie dans cet hôpital...
- Non Vienne. Je fais comme les autres. C’est tout. Vous, vous risquez votre vie. Et vous bravez le conformisme de notre société qui interdit aux femmes de pratiquer les métiers des hommes...
- Parlons-en... Qu’allez-vous faire après la guerre ?
- Je voudrais être journaliste... J’avais adressé des articles à des journaux de Londres quand j’habitais en Angleterre. Mais sans succès. Henri d’Uberville a proposé de me donner “un petit coup de pouce” comme disent les Français. Mais avec un tel nom, on me propose tout de suite la direction du journal. Ce n’est pas ce que je veux... Je veux faire mes preuves...
- Alors, laissez-moi vous aider... Vous devez rencontrer ces gens qui vont faire l’actualité et même l’histoire. Comme Tamara... Venez. Sa porte est toujours grande ouverte...
Fin de la première partie
La première, et dernière, représentation de Parade a eu lieu le 18 mai 1917. Mais pour les besoins de mon récit, je l’ai déplacée en août 1918.
*
Les aventures de Vienne et Eva
continuent dans un autre récit,
Esquisses.
continuent dans un autre récit,
Esquisses.
*
J'ai créé deux rubriques intitulées
les portraits de Vienne, les portraits d'Eva.
*
Tu as une façon de "fêter" le 11 novembre tout à fait charmante. J'adore déjà ce récit, et tu évoques l'horreur de cette période avec infiniment de subtilité.
RépondreSupprimermerci.
Béa.
La vierge de Noël... pour Noël, Halloween pour... Halloween, Vienne et Eva pour le 11 novembre. Il reste encore le 1er mai, le 14 juillet, et la fête des Mères.. Chic... Merci. Anne
RépondreSupprimerQuelle excellente idée de situer un récit dans cette période si riche. La sobriété du style fait ressortir les caractères.
RépondreSupprimerC'est ciselé, sobre, bref un pur bonheur.
RépondreSupprimerEva semble si fragile et si forte, un paradoxe si grisant. Est ce que le bonheur peut tomber du ciel....? Les anges n'ont pas toujours l'apparence que l'on imagine.
Merci.
Béa.
Ps: magnifique photo!
J'aime beaucoup ton idée de nous replonger dans la Première Guerre 14-18 et l'émancipation des femmes, j'attends la suite avec impatience.
RépondreSupprimerQuel merveilleux voyage dans l'histoire!
RépondreSupprimerSon pantalon rouge garance était comme une fleur au milieu des champs de blé de la Marne. Une si jolie cible.Merci Gustave.Anne
RépondreSupprimerUn autre voyage, qui saura sans aucun doute merveilleux malgré la guerre.............
RépondreSupprimerRamsès 88
Décidément tu as beaucoup de talent Gustave...le début de ce récit est magnifique, on a l'impression d'y être, et cet avion on a l'impression de l'entendre et de le voir.
RépondreSupprimerMerci pour ce nouveau récit.
Marie Pierre
Quelle chute, c'est le cas de le dire, le pilote est une femme!!!! Magnifiquement écrit, l'époque est admirablement dépeinte et malgré le contexte tellement romanesque.
RépondreSupprimerJ'ADORE!
Merci.
Béa.
Le pilote était une femme... C'était aussi l'époque où les femmes commençaient à s'extraire de la gangue dans lequel elles étaient encore emprisonnées. Les aventures prochaines des protagonistes devraient être fertiles en péripéties.
RépondreSupprimerQuel délice ce récit, je ne m'en lasse pas. J'adore le rapprochement, tout en douceur, de Vienne et Eva.
RépondreSupprimerC'est absolument délicieux.
Merci. Milles fois.
Béa.
Que c'est beau de lire ces sentiments naissants entre ces deux femmes. Merci Gustave.
RépondreSupprimerCette histoire me plait de plus en plus... Une nouvelle fois merci Gustave !
RépondreSupprimerMarie Pierre
Joli et délicat rapprochement entre Vienne et Eva.
RépondreSupprimerMille merci encore Gustave pour ce récit touchant
Je ne crois pas me tromper en supposant que de tendres sentiments pourraient naître entre nos deux héroïnes ...
RépondreSupprimerElles sont trop mimi ces deux là. Décidément ça plane pour elles. C'est vraiment too much ton récit.
RépondreSupprimerBis repetita: J'ADORE!
Merci.
Béa.
Vienne et Eva qui vont s'envoler ensemble pour Paris, magnifique...
RépondreSupprimerHâte de lire le récit de leur escapade.
Merci Gustave
Je suis impatiente de connaître les aventures que Gustave a concoctées à nos deux héroïnes.
RépondreSupprimerEt bien leur histoire de coeur se précise un peu plus, j'aodre cette histoire sur fonds de guerre. Merci Gustave.
RépondreSupprimerVienne est, dans ce récit, le synonyme d'aventure. La confiance d'Eva en son pilote préféré est absolument charmante.
RépondreSupprimerBéa.
Ps: Adorable la couverture du New-Yorker.
Quel magnifique avion qui nous permet de mieux imaginer nos héroïnes dans les airs, prélude à d'autres aventures que je devine riches en émotions en tous genres!
RépondreSupprimerMerci aussi pour la couverture teintée d'humour du New Yorker.
Joyeux Noël à Gustave et à ses proches!
Quel joli récit avec ces deux jeunes femmes et ce superbe avion, sur fond de guerre...
RépondreSupprimerHâte de lire la suite de leur voyage...
Vienne est pleine de ressources. Après l'avion, la moto et quelle moto!!!!
RépondreSupprimerEva semble complétement sous le charme. C'est rythmé, tout tendre et terriblement romantique.
MAGNIFIQUE!
Merci.
Béa.
Ps: j'adore la couverture du New-Yorker et ce tableau de Edward Hopper "détourné".
J'aime beaucoup le rapprochement peu à peu entre les deux femmes, leurs sentiments naissants... avec en plus le charme de l'aventure !! C'est un vrai plaisir cette histoire.
RépondreSupprimerMerci Gustave.
Marie Pierre
Un avion, une motorcycle.. Quelle bonne idée d'illustrer le récit avec les dessins des engins pilotés par Vienne! Et de célébrer l'entrée dans l'année nouvelle par le célèbre tableau d'HOPPER, légèrement retouché pour l'occasion. Je souhaite à Gustave une excellente année, en formant le souhait que sa plume continue à nous accompagner au fil des saisons.
RépondreSupprimerCe récit me plait infiniment. J'adore la pudeur des deux jeunes-femmes, leur maladresse si touchante. Bref, que du bonheur.
RépondreSupprimerMerci.
Béa.
Ps: Bonne année Gustave. Meilleurs voeux à toutes tes lectrices et lecteurs.
Je me réjouis qu'Eva ait eu la présence d'esprit d'inviter Vienne à la table de ses beaux-parents. Voilà qui va accélérer le rapprochement entre les deux héroïnes.
RépondreSupprimerCe récit est exquis, je l'aime beaucoup. Marie me semble très sympathique et on sent qu'elle apprécie déjà Vienne et son côté non conformiste.
RépondreSupprimerEt ton goût pour l'art, et la peinture en particulier, est toujours bien présent pour notre plus grand plaisir Gustave.
Merci.
Marie Pierre
Vienne fait connaissance avec les charmants beaux parents de Eva; trés plaisante cette suite.
RépondreSupprimerMerci Gustave
J'aime beaucoup la joute verbal entre Marie et...son mari. Oups c'est bizarre donc entre Marie et son époux.
RépondreSupprimerJ'aime aussi l'idée que Vienne et Marie aiment Picasso. Des femmes modernes qui bousculent les idées reçues. J'adore.
Merci Gustave.
Béa.
Intéressante découverte d'un intérieur bourgeois d'avant-garde, mais les deux termes ne sont-ils pas antinomiques ?
RépondreSupprimerBravo pour le spirituel échange entre le mari et la femme, au travers duquel on perçoit néanmoins les sentiments qui unissent le couple.
Ouf ! La séparation de Vienne et Eva est encore repoussée et ce report permettra aux lecteurs de participer à la première d'une représentation qui a marqué la vie artistique.
RépondreSupprimerToujours aussi beau ce récits avec Vienne et Eva, avec le trouble grandissant entre les deux jeunes héroïne...
RépondreSupprimerMerci Gustave
Ce récit est délicieusement rétro. Eva regarde partir son...amie, une main sur le coeur. J'ADORE. De plus tu évoques Parades! Pourquoi je fredonne Satie depuis 5 minutes????
RépondreSupprimerMerci. Une brassée de merci, quelqu'un m'a dit que les fleurs sont périssables...
Béa.
Tiens, tiens, Eva ne cherche pas à refouler le sentiment de manque que l'absence de Vienne fait naître en elle...
RépondreSupprimerAvec, en toile de fond, une fascinante plongée dans l'histoire.
Quelle délicieuse suite, avec l'impatience des deux jeunes femmes de se retrouver, sitôt s'être quittée...
RépondreSupprimerJ'ai déjà hâte de lire la suite de cette romance naissante
Merci Gustave
Elles sont à croquer ces deux girls. Et tu les croques si bien Gustave.
RépondreSupprimerMerci.
Béa.
Belle description de la première de parade, qui devait être un grand moment à tous points de vue.
RépondreSupprimerBravo pour la photographie de Vienne, l'actrice incarne à merveille le personnage.
Jolie suite encore avec nos délicieuses héroïnes qui assistent à ce spectacle pour le moins houleux et controversé...
RépondreSupprimerRemarquable description de l'époque.Poiré pour les vêtements, Parades pour le spectacle etc... Ainsi que l'effervescence qui régnait au 'tombé de rideau". Bravo!
RépondreSupprimerEt puis quel joli montage de Vienne alias Dylan alias Alex.(rires).
Merci.
Béa.
Très émouvant les sentiments cachés des deux femmes. Hâte de les retrouver dans un prochain récit.
RépondreSupprimerC'est trop trognon. Style "je te tiens la main afin que la foule ne m'arrache pas à toi". Ouhhhh, elles sont vraiment trop mignonnes ces deux là.
RépondreSupprimerJ'adore.
Merci Gustave.
Béa.
Touchant de voir Eva et Vienne se rapprocher, se frôler voire s'enlacer l'air de rien mais le coeur battant...
RépondreSupprimerHâte de lire la suite de ce récit
Chic, je présume que la suite sera une occasion de nous faire découvrir l'univers d'un autre artiste.
RépondreSupprimerJ'adore vraiment ce récit ! Tu sais si bien nous décrire cette époque et son contexte et j'ai hâte de voir vers quoi tu nous entraines maintenant Gustave.
RépondreSupprimerEt Vienne et Eva sont tellement attendrissantes !
Merci.
Marie Pierre