Il est absolument nécessaire d’avoir lu ces trois récits pour comprendre :
Révolutions 3
l’Angleterre
Bientôt nous quittâmes la Baie du Delaware pour entrer dans l’Océan Atlantique.
Nous faisions voile vers l’Europe.
A mesure que nous nous éloignions des Etats Unis, j’éprouvais une tristesse dans mon coeur. Ce pays nous avait accueillies et nous avait donné la liberté.
Mais la peste nous en chassait.
Nous étions guéries certes. Mais il nous était impossible de mettre pied à terre et de retourner dans notre maison de Philadelphie.
Comment expliquer que nous avions pu quitter le Sunshine en survivant aux flammes qui le dévoraient ? Aux balles des soldats qui abattaient ses occupants afin de les empêcher de propager la maladie en gagnant la ville ?
Notre sauvetage risquait de compromettre les hommes les plus puissants d’Amérique.
Ils avaient payé la dette qu’ils avaient contractée auprès de nous quand nous avions risqué nos vies pour sauver les leurs.
Mais en nous donnant les moyens de fuir, et à nous seules, Washington, Jefferson, Adam Pitt et tous les autres, avaient fait un choix que leurs concitoyens risquaient de leur reprocher.
Nous n’avions pas que des amis à terre.
Il y avait cet affreux esclavagiste. Ce Judas Cobb, à qui nous avions arraché Tara, et qui devait ruminer sa vengeance.
Mon soupirant, John Smith, qui avait toujours une revanche à prendre sur Louis.
Le temps était venu pour nous de rentrer en Europe.
Alors Louis mit le cap vers le nord-est.
Peu à peu, nous vîmes les côtes de l’Amérique s’éloigner. Inexorablement. Enfin, elles se confondirent avec l’horizon.
*
Sous la main habile de Louis, il fendait les flots. Il était incroyablement rapide. Et nous pouvions faire la course avec les animaux marins qui nous accompagnaient.
Sa rapidité était un atout non négligeable sur cet océan ou croisaient navires pirates et corsaires.
Sa coque était fine. Son pont, en teck et acajou, brillait. Son mat unique pouvait porter une voile aurique, de forme trapézoïdale, et le boute-hors, un foc et un clinfoc.
Il pouvait accueillir six personnes.
La cabine comportait deux pièces. Le carré avec deux couchettes individuelles à mi-hauteur, deux bancs qui pouvaient se transformer en couchage et une table, pliante, où prendre nos repas, tracer la route du voilier, dessiner. Dans son prolongement, une seconde pièce qui contenait une couchette pour deux personnes. Partout, des placards recevaient vêtements, armes, cartes, livres et objets divers, boussole et sextant.
Les flancs du voilier contenaient les voiles, notre nourriture et de l’eau potable pour plusieurs semaines.
L’espace était chichement compté mais pour nous, c’était un paradis comme l’avaient été nos maisons de New York et de Philadelphie.
Mais avec une différence de taille. Le Spirit of America était à nous.
*
Peu après notre départ, nous avions découvert une lettre qu’Adam Pitt avait glissée dans le porte-feuille qui contenait nos papiers.
Notre loyal et fidèle ami nous y expliquait les conditions de notre sauvetage.
*
Philadelphie, le... juin 1791
Chère Alice, Cher Louis,
Bien Chers Amis Français,
Quand vous lirez cette lettre, et si Dieu le veut bien, vous serez loin. Et saufs.
Le capitaine du Sunshine nous a fait passer, en grand secret pour ne pas effrayer la population de la ville, une lettre qui relatait le malheur qui s’abattait sur son navire.
Il y racontait aussi votre fabuleux courage lors de l’attaque des pirates et le succès de votre entreprise de réunir Tara et ses parents.
Nous avons été atterrés de découvrir votre présence sur le Sunshine. Comment le sort pouvait-il vous être si contraire alors que vous aviez quitté Philadelphie pour faire le bonheur d’une enfant ?
Nous avons compris qu’il nous était impossible de vous abandonner pour affronter seuls votre destinée. Que vous méritiez, plus que quiconque, qu’on vous sauvât.
Nos amis m’ont chargé de trouver un moyen de permettre votre fuite. Je me suis souvenu que Louis était un marin, fils et petit-fils de marin.
Nous avons acheté le Spirit of America que j’ai préparé pour une traversée atlantique. Vous trouverez à bord suffisamment de provisions et d’eau pour plusieurs semaines. Vous trouverez également de la poudre, des munitions et des armes.
Je me suis fait ouvrir votre maison d’Elfreth’s Alley et j’ai récupéré tous vos biens que j’ai portés moi-même à bord du voilier.
Avec cette lettre, vous trouverez les documents officiels, signés par le Président et le Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères, qui font de vous des citoyens et des consuls américains protégés par l’immunité diplomatique.
Vous trouverez également vos lettres de mission qui vous accréditent auprès des ambassades américaines où que vous soyez, et d’abord en France, ainsi qu’un billet à ordre.
Le Spirit of America est à vous. Vous trouverez un titre de propriété rédigé à vos noms. C’est ainsi un peu des Etats Unis que vous conserverez.
J’en arrive au moment le plus pénible de ma missive.
Vous ne devez pas revenir aux Etats Unis. Vous devez retourner en Europe.
Ici, les esprits sont terriblement échauffés. La peur de la peste a rendu nos concitoyens comme fous. Pour sauver leur misérable carcasse, ils sont prêts à faire le sacrifice de leurs malheureux compatriotes enfermés dans l’enfer du Sunshine.
Ils n’accepteront jamais que des survivants reviennent à Philadelphie, ou ailleurs dans le pays. Surtout des étrangers.
Si vous mettez un pied à terre, vous serez exterminés.
Cela me brise le coeur, mais je ne puis que vous conseiller de fuir l’Amérique.
Mais je sais qu’un jour prochain, quand la folie de ces hommes se sera éteinte, nous nous reverrons.
Je prie Dieu pour qu’il ne soit pas trop tard et je Le supplie de vous apporter Son Aide.
Nos destinées sont entre Ses Mains.
Sachez que je serai à jamais votre loyal ami, votre frère affectueux, dans l’amour et la crainte de Dieu,
Adam Pitt
*
Ainsi, de nouveau, nous ne pouvions compter que sur nous pour affronter les épreuves qui nous attendaient.
Le destin nous jetait sur les routes. Autrefois il s’appelait Révolution. Aujourd’hui, la peste était son nom.
Il nous faudrait au moins trois semaines pour relier l’Angleterre. Nous jugions plus prudent en effet de ne pas revenir immédiatement en France, même si notre nationalité américaine et notre immunité diplomatique nous protégeaient.
Nous savions peu de choses de la façon dont la Révolution évoluait, la France et les Etats Unis étant si éloignés l’une des autres.
Louis proposa d’accoster dans le grand port de Bristol sur la côte ouest de l’Angleterre puis de traverser le pays pour rejoindre Brighton, où vivaient mes parents, non sans faire une escale à Londres au préalable.
Ainsi nous éviterions l’approche des côtes françaises.
Nous devions mettre cette longue traversée à profit pour retrouver des forces, anéanties par la peste.
Je souscris à sa proposition. Nous avions suffisamment de vivres et d’eau potable et... je n’étais pas pressée.
*
Curieusement, et après que le regret de l’Amérique et de nos amis se fut dissipé, nous ne fûmes pas mécontentes de nous retrouver seules sur ce voilier.
Seules. Enfin seules.
Les dernières semaines passées ensemble, depuis notre départ de Philadelphie au début du mois d’avril, n’avaient été qu’une succession d’épreuves douloureuses.
La recherche des parents de Tara, l’attaque des pirates, notre lutte victorieuse contre la peste, notre emprisonnement sur le Sunshine au milieu des malades et des fanatiques religieux, notre fuite nocturne éclairée par les flammes qui dévoraient le malheureux navire.
Mais surtout, surtout, mon désespoir après que Louis m’eut avoué par quel moyen elle avait obtenu que Belle Ratling lui donne Mélie. Leur nuit d’amour. Mon rejet de la femme que j’aimais et ma tentative de suicide.
Les événements terribles, auxquels nous avions été soumises, s’étaient succédés avec une rapidité telle, que nous n’avions pas eu le temps de nous interroger sur la solidité de nos sentiments et sur la persistance de notre désir.
Mais les faits avaient parlé pour nous. Les risques mortels que nous avions pris, l’une pour sauver l’autre d’une mort affreuse, démontraient, plus qu’un long discours, que nous nous aimions toujours et que notre désir était plus fort que jamais.
*
Louis était captive sur ce voilier et ne pouvait échapper à son portraitiste.
Evidemment, comme nous étions seules, elle ne portait pas cette affreuse moustache. Je pouvais enfin la dessiner sans ce postiche qui la défigurait. Je ne m’en privais pas.
Je la représentai, ses longs cheveux bruns aux reflets roux flottant sur ses épaules. Ses yeux voilés par la fatigue. Son teint pâle et las. Son visage émacié par la maladie.
J’aimais ce visage. Ô oui, comme je l’aimais... Et je supportais de moins en moins cette moustache qui l’enlaidissait.
Je décidai qu’il était temps qu’elle s’en sépare.
- Louis, pourquoi continuer à porter ce postiche ? Je le trouve inutile et il flétrit votre beauté.
- Alice, sans lui je risque d’être identifiée pour ce que je suis. Une femme qui se dissimule sous des habits d’homme.
- Mais votre déguisement ne repose pas sur ces seules moustaches. Il repose aussi sur vos vêtements, votre attitude altière et courageuse, votre voix légèrement grave, votre nom, votre épouse, votre titre de consul des Etats Unis. Toutes ces signes extérieurs qui font que personne n’imagine une seconde que vous puissiez être une femme. Faites-moi plaisir, Louis...
Je me fis caressante pour mieux la convaincre. Elle ne me résista pas... Elle m’enlaça et me serra contre elle en balbutiant contre ma bouche.
- Vous savez bien que je suis incapable de vous dire non Alice. Nous allons tenter l’expérience. Mais si jamais elle tourne mal...
- Mes yeux amoureux sont votre meilleur déguisement, Louis. Car les esprits de nos contemporains sont trop étroits pour croire à l’amour d’une femme pour une autre femme...
*
Personne ne pouvait nous voir. Personne ne pouvait nous surprendre. Nos seuls témoins étaient le ciel, le soleil et les nuages. La lune et les étoiles. Nos seuls compagnons étaient les aminaux marins qui parfois, s’approchaient, curieux, du Spirit of America.
Nous n’avions pas à craindre qu’on nous dénonce. Alors...
Alors, nous nous laissâmes aller à nos désirs réprimés depuis des semaines.
Avec une faim renouvelée.
Mais surtout avec une liberté que nous n’avions jamais connue.
Louis ramena les voiles. Notre petit navire se tenait droit sur l’océan calme. Elle étendit sur le pont le matelas qui garnissait notre couchette.
Elle tendit la main vers moi pour que je la rejoigne.
Je tombai à genou près d’elle et j’enfermai son visage dans mes mains. Je le couvrais de baisers. J’ôtai, non, j’arrachai fébrilement ses vêtements. J’étais prise d’une telle fringale que j’en tremblais.
Enfin, elle fut nue devant moi.
Enfin, elle fut à moi.
*
Je perfectionnai, auprès de Louis, mes connaissances dans l’art délicat de la navigation.
Je dois bien reconnaître que c’était exaltant de voir le Spirit of American fendre les eaux sous la simple sollicitation de ma main posée sur le gouvernail.
Je pensais, en rougissant, que j’emmenai le voilier sur les sentiers maritimes comme Louis sur le chemin du plaisir.
Par une caresse.
Et j’en ressentais un bonheur et une fierté indicibles.
*
L’Europe m’imposait sa mode et j’étais obligée de garder un teint de lait. Je devais me protéger des feux du soleil réverbérés par les eaux de l’océan. Les seuls couleurs auxquelles j’avais droit étaient celles de ma carnation naturelle et des fards à joues.
Dans quelques jours nous serions à Bristol. Je ne pouvais pas m’y présenter avec un visage rouge et un corps doré. On m’aurait prise pour une paysanne. Et les portes de la bonne société se seraient fermées devant moi.
Je portais donc des vêtements, légers certes, mais protecteurs et un chapeau.
Louis avait confectionné un auvent sous lequel je prenais place et qui abritait nos amours.
Mais elle n’avait pas à obéir à ces diktats. Elle jouissait de cette liberté qu’ont les hommes de laisser le soleil dorer leur corps et leur visage. Et elle ne s’en priva pas.
Les vrais marins, me disait-elle en riant, sont toujours boucanés par le soleil et les embruns.
Maintenant, que j’étais capable de piloter le bateau, elle me laissait tenir le gouvernail et s’allongeait sur le pont. Totalement nue.
Son corps prit une jolie couleur pain d’épice.
Inutile de préciser, je pense, que son nouvel aspect ne faisait qu’aiguiser la faim que j’avais d’elle.
*
Les horribles bubons noirs qui avaient marqué nos aisselles, flétrirent, s’estompèrent et enfin ne furent plus que de simples cicatrices pratiquement invisibles.
Mais si nos corps avaient retrouvé leur beauté et leur robustesse, nos esprits restaient marqués à jamais.
Nous savions que nous avions triomphé de cette maladie mortelle en puisant dans notre amour les moyens de la combattre et d’en triompher.
Quoi que réservait l’avenir, alors que nous voguions vers cette Europe troublée où des aventures étonnantes nous attendaient sans doute, nous devions restées soudées, protégées par l’invincibilité du sentiment que nous éprouvions l’une pour l’autre.
*
J’appréhendais ce retour. Ce moment où nous allions quitter notre solitude océane pour être de nouveau plongées dans la foule et la multitude des regards.
Plus le temps passait et plus je me demandais comment Louis arrivait à tromper le monde sur ce qu’elle était vraiment.
Car pour ma part, la voyant vivre nue ou demi-nue sur ce voilier, il ne m’apparaissait que trop qu’elle était une femme et l’une des plus belles.
Ainsi donc, il suffisait de vêtements et d’une autorité que l’on n’attribue qu’aux hommes pour égarer les esprits.
Mais pas tous.
Je me souvins de cette Belle Ratling. Cette patronne de bordel à Charleston. Elle avait immédiatement deviné ce qu’était Louis. Ce qu’elle était vraiment.
Si elle l’avait pu, d’autres ne le pourraient-ils pas ?
Je me rassurais en me disant que Belle Ratlinq était une prostituée, passée maîtresse dans le commerce de l’amour vénal. Que la parfaite connaissance des hommes et des femmes étaient son fonds de commerce. Que d’autres n’auraient ni son expérience ni sa science.
Mais je devais aider Louis en ne laissant traîner aucun indice de ce qu’elle était. Malgré le désir que j’en avais, jamais je ne réalisai de dessins la représentant nue.
Alors, pour pallier ce manque, je caressais ses formes des yeux pour les capter et les enfermer dans ma mémoire.
*
Aujourd’hui encore, alors que je rédige ces mémoires que je vais laisser après moi, je revois sa longue silhouette mince et robuste.
Ses hanches rondes et étroites que j’aimais tant enlacer de mes bras. Ses cuisses fines dont mes mains parcouraient le galbe. Son ventre plat dont mes doigts suivaient les muscles. Ses seins ronds dont mes lèvres éprouvaient la fermeté. Ses épaules qui accueillaient ma tête. Le creux de son cou où je glissais mon front.
Ses bras m’enfermaient dans leur prison de force et de douceur.
Je goûtais sa peau veloutée. Je la respirais. Je couvrais son visage et son corps de baisers. Comme à chaque fois, j’étais prise d’une transe érotique. Et je lui faisais l’amour.
*
Nous profitions de la douceur de l’été pour dormir sur le pont.
Elle se blottissait contre moi et posait sa tête sur ma poitrine. Elle était faible comme une enfant et je comprenais que ce geste n’était pas seulement la manifestation de son amour pour moi.
- Louis. Parlez-moi de votre mère. Vous n’en parlez jamais...
- Ma mère était une femme douce et généreuse. Mais pendant tout le temps que j’ai vécu près d’elle, elle s’est toujours interdit les gestes de complicité féminine. Elle m’a traitée comme un garçon. Toujours. Peu de tendresse. Peu de marques d’affection...
- Pourquoi ?
- Parce qu’elle savait que le destin me condamnait à vivre comme un homme. Pis que cela, sous l’identité d’un homme. Elle pensait que m’éduquer avec douceur, comme on le fait avec une fille, risquait de m’entraîner à des gestes qui pourraient me trahir et me perdre.
- L’attitude de votre mère était bien excessive...
- Non, elle était raisonnable au contraire. Vous savez Alice, si un jour j’étais découverte pour ce que je suis, la prison à vie serait le sort le plus doux que la Justice pourrait me réserver... Le bûcher comme sorcière, la pendaison serait un sort plus certain...
- Je ne peux pas le croire... Ce n’est pas un crime que de s’appeler Louis et de s’habiller en homme. Et en plus vous n’y êtes pour rien. C’était la volonté de vos parents...
- Toutes les femmes qui ont vécu comme moi ont dû tuer pour dissimuler ce qu’elles étaient...
- Il y en a eu d’autres ???
- J’ai lu dans l'Histoire générale des plus fameux pirates, écrite par Daniel Defoe, l'auteur de Robinson Crusoé, les aventures de deux femmes qui ont vécu sous des identités d’hommes. Au moins pendant une partie de leur vie.
- Racontez-moi...
- La première s’appelait Anne Bonny. Elle serait née en Irlande. Mais aurait vécu à Charleston en Caroline du Sud. En 1710, elle est décrite sous les traîts d'un garçon de treize ans. Les cheveux roux coupés courts. Elle sait se servir d’un sabre et d’un pistolet. A seize ans elle part pour les Bahamas. Dès son arrivée, elle s'impose en faisant sauter d’un coup de feu l’oreille d’un marin saoul.
- Mon Dieu, Louis...
- Elle va se lancer dans la piraterie sous le nom d’Adam Bonny. Elle tente par tous les moyens de dissimuler sa vraie nature. Lorsque son véritable sexe est découvert par un pirate, elle le tue froidement. Au cours d'une escale aux Bahamas, elle rencontre Mary Read, qui se déguisait elle aussi en homme et se faisait appeler Mark Read. Les deux femmes deviennent amantes. On prétend que, plus tard, alors que son équipage avait été capturé et pendu, Anne aurait échappé à la pendaison en prétendant être enceinte. Puis elle aurait repris ses activités de pirate sous un autre nom, Bartholomew Roberts.
- Et Mary Read ? Comment en est-elle venue à se travestir.
- Mary est anglaise. A la mort de son frère, sa mère l'habille comme un garçon pour continuer à percevoir le soutien financier de la grand-mère de Mary, qui était destiné au fils. Sous ses habits d’homme, elle trouve un emploi de valet de pied. Puis elle s'enrôle sur un navire marchand hollandais. Sous le nom de Mark Read. Ce navire est attaqué et capturé par des pirates. Elle intègre les rangs de ces pirates qu'elle accompagne jusqu’aux Bahamas.
- Où elle va rencontrer Anne Bonny...
- Exactement. Vous voyez Alice, la vie des femmes qui prennent une identité masculine n’est pas de tout repos. Elle est même extrêmement dangereuse...
*
Nous savions que, bientôt, les côtes de l’Irlande et de l’Angleterre seraient notre horizon.
Nous allions retrouver l’Europe et son histoire tumultueuse. Ses dangers, ses intrigues.
Mais après tout, nos aventures américaines n’avaient pas été de tout repos. Et nous savions que nous pouvions trouver dans notre amour la force de triompher du pire...
*
Notre projet était de traverser rapidement l’Angleterre, de Bristol à Brighton, en passant par Londres.
J’avais hâte de revoir ma mère, mon père et mon frère Etienne.
Mais en même temps, je redoutais nos retrouvailles.
Ils avaient toujours adoré Louis. Jamais ils n’avaient soupçonné qu’elle puisse être une femme.
Mais près de deux années avaient passé depuis que nous les avions quittés. Louis alors n’avait que vingt ans. Et je craignais qu’ils ne découvrent la supercherie grâce à laquelle elle vivait, elle m’aimait et m’avait épousée...
*
Au XVIIème siècle, le port de Bristol avait connu une fabuleuse croissance avec le développement des colonies britanniques en Amérique du Nord et l'expansion rapide du commerce qui s’en suivit.
Bien qu’il fut à présent concurrencé par Liverpool, il demeurait un port important.
Mais la prospérité de Bristol nous importait guère, car il n’était qu’une étape sur le chemin qui allait nous mener jusqu’à Brighton, où vivaient mes parents.
Bristol était situé sur une rivière, l’Avon.
Abaissant la voilure, Louis navigua doucement et nous remontâmes la rivière jusqu’au premier pont qui nous empêcha d’aller plus avant.
Notre intention était d’amarrer le Spirit of America le long du quai, puis d’acheter deux chevaux afin de gagner la ville thermale de Bath, distante de six lieues (vingt quatre kilomètres).
Depuis quelques jours, nos repas à bord étaient devenus plus de frugaux. Il nous tardait de faire un vrai repas. Aussi, nous décidâmes de nous rendre dans une auberge proche.
Le hasard fit bien les choses. Car outre une assiette pleine, nous trouvâmes également auprès de l’aubergiste l’assurance que, moyennant quelques pièces, il veillerait sur le Spirit of America, amarré non loin.
Bientôt, notre bagage fut fait, les chevaux furent achetés.
Je montais en selle habillée en homme. Comme je l’avais fait quand nous avions quitté New York pour la ville de Philadelphie.
Je me souvins que notre départ de New York avait été le début de folles aventures.
Mais je ne me doutais pas alors que la paisible Angleterre nous réservait un sort identique. Et avant longtemps.
*
Depuis l’époque romaine, Bath, était célèbre pour ses bains alimentés par trois sources d'eau chaude. Leurs vertus médicinales étant réputées, les bains attiraient un public d’aristocrates et de bourgeois fortunés.
La ville possédant nombre d'immeubles cossus, nous n’eûmes aucun mal à trouver une auberge confortable où nous loger.
Louis me proposa d’assister, le soir même, à un spectacle au Théâtre Royal. Il était temps, me dit-elle, après avoir vécu en ermites pendant trois semaines au milieu de l’océan, de revenir à la civilisation.
J’acceptai avec joie.
La pièce à laquelle nous assistâmes racontait la énième version de la guerre qui, depuis des temps immémoriaux, oppose l’Angleterre et la France, l’auteur insistant naturellement sur la bravoure de l’une et le ridicule de l’autre.
Mais faisant abstraction de la perfidie du sujet, je pris plaisir au jeu des acteurs.
Enfin vint l’entr’acte.
Nous suivîmes la foule des spectateurs qui se dirigeait vers une buvette où des boissons nous furent servies.
C’était un lieu où les habitués se retrouvaient pour des mondanités, les hommes pour parler des événements politiques, les femmes des derniers potins de la Cour.
C’est alors que l’attention de Louis fut captée par une conversation qui marqua le début de nos aventures anglaises.
*
Deux gentlemen discutaient, un verre de vin blanc du Rhin à la main. Ils pouvaient avoir quarante ans. On voyait à leur mise, à leur manière de se tenir et de parler, qu'ils étaient riches et aristocrates.
- Et bien, Paul, avez-vous élucidé le mystère de votre manoir du Dorset ?
- Non. Le mystère reste entier. Mais je ne désespère pas d'y arriver. Mon fidèle James vient de s'y rendre. Il m'y attend. Je pars pour Lyme demain. A la première heure. A nous deux, ce serait misère que de ne pas réussir à faire rendre gorge aux esprits qui semblent le hanter...
- Des esprits ? Vous m'étonnez, Paul... Cela paraît si improbable à notre époque où l'on peut gagner les airs en ballon comme l'a fait ce français... Montgolfier, je crois...
- Je le sais bien. Mais des hommes valeureux ont été incapables d'y dormir plus de trois nuits... Tous ont fini par fuir le manoir... Après avoir failli y mourir de peur...
- Dans ce cas, n'est-ce pas très imprudent de vous y rendre ?
- Je n'ai pas le choix... Ce manoir est un fruit sec. Il ne me rapporte rien et il me coûte... Je ne peux ni le vendre, ni l'habiter, ni le louer. Tant que je n'aurai pas percé son mystère et chassé les esprits qui l'habitent...
- Quand et comment ces esprits se manifestent-ils ?
- Toujours au coeur de la nuit. Des craquements, tout d’abord. Puis des gémissements plaintifs. Des bruits de plus en plus assourdissants. Mais surtout, un hurlement sur la lande qui entoure le manoir...
- Un cri d’homme, d’animal ?
- Je ne sais pas. Ceux qui l’ont entendu n’ont jamais osé sortir de leur chambre pour identifier l’être qui hurlait de façon si atroce... Ils restaient barricadés, priant que le jour vienne les délivrer des terreurs de la nuit...
- Je continue à penser qu’il est très imprudent que le dernier Comte de Yorktown prenne le risque d’élucider ce mystère. Ne pouvez-vous confier cette mission à d’autres ?
- Je me dois de veiller moi-même sur mon patrimoine. Et puis qui serait assez fou pour se lancer dans une telle entreprise ? Pourtant je suis prêt à y mettre le prix... Mais même pour dix mille livres, je ne trouve pas de candidat...
*
- Alice... Avez-vous entendu ?
- Oui Louis. Ce gentleman semble avoir un problème...
- Nous pourrions peut être lui proposer notre aide...
- Louis ! Vous n’y songez pas !
- Mais si. J’y songe au contraire. Dix mille livres sont une somme... Nous n’irons pas loin avec l’argent que nos amis américains nous ont donné... Bien sûr, je ne veux pas vous obliger...
- Je vous connais Louis... L’argent n’est qu’un prétexte. Vous êtes tentée par cette aventure, n’est-ce pas ?
- Oui, je l’avoue. Ce mystère m’intrigue... Mais l’argent ne nous sera pas inutile...
- Cela paraît très dangereux, Louis... Nous allons nous heurter à des forces venues de l’Enfer...
- Comme la peste ou les pirates, Alice... Je suis certaine que nous pouvons en triompher...
- Je suis désolée de ne pas avoir vos certitudes... Mais je dois bien avouer que je suis curieuse de voir à quoi ressemble un fantôme...
- Alors, c’est oui ? Vous acceptez ?
- Oui. J’accepte. Offrez notre aide à ce gentleman... Et prions Dieu...
- Merci Alice. Je vous adore...
*
Louis s’approcha alors des deux gentlemen anglais. Elle les salua avec élégance et prononça quelques mots.
- Messieurs, pardonnez-moi. J’ai entendu vos propos. Et si vous l’acceptez, j’aimerais vous apporter mon aide...
Surpris, ils se tournèrent vers elle, l’examinant de la tête aux pieds.
Je redoutais toujours le premier regard attentif que l’on posait sur Louis. Car c’était le regard de tous les dangers. Celui par lequel on risquait de la découvrir pour ce qu’elle était. Une femme se faisant passer pour un homme.
Le Comte de Yorktown répondit sur un ton courroucé.
- Comment vous permettez-vous d’écouter si effrontément les conversations ? Et que le diable m’emporte si j’accepte l’aide d’un français... Vous méritez que je vous passe mon épée au milieu du corps...
La réaction du gentleman anglais était plus qu’hostile. Mais, curieusement, elle me rassura. Il ne voyait en Louis qu’un homme avec lequel il était sur le point de se battre en duel.
- Je n’ai pas cherché à surprendre votre conversation, Monsieur. Mais je vous ai entendus et, je l’avoue, je suis intriguée par le mystère qui entoure votre manoir... Par ailleurs, sachez que j’ai la double nationalité. Je suis français et américain. De même que ma femme.
- Français et américains !! De mieux en mieux !! Je vous prie de me présenter vos témoins. Je veux laver cet affront dans votre sang...
Louis restait remarquablement calme. Il est vrai qu’elle avait l’habitude des duels et du danger.
- Nous ne connaissons personne en Angleterre. Nous venons d’arriver en provenance des Etats Unis. Je m’appelle Louis d’Uberville et voici mon épouse Alice.
Le Comte de Yorktown resta silencieux pendant quelques secondes. Il semblait abasourdi. Enfin, il prit la parole.
- Louis et Alice d’Uberville ? Vous êtes ce couple de français, qui, il y a un an, a sauvé la vie de George Washington et de ses ministres ? En déjouant un complot au péril de leurs vies...
- En effet. Mais nous ignorions que la chose était connue en Angleterre.
- De telles événements franchissent les océans, Monsieur. Vous avez obtenu la nationalité américaine et vous avez rang de diplomates...
- Le Président Washington nous a fait cet honneur...
- Vous avez sauvé sa vie en risquant les vôtres... Pouvait-il faire moins ? Monsieur, je vous prie d’accepter mes excuses. Je me suis bêtement emporté. C’est un honneur de rencontrer l’homme et la femme qui ont eu une telle intelligence et un tel courage. Et si vous le souhaitez toujours, j’accepterai votre aide avec reconnaissance et avec joie.
*
Bien que l’entracte fut terminé, il n’était pas question de retourner à nos places pour assister à la fin du spectacle.
Nous avions à débattre d’un sujet autrement plus intéressant avec le Comte de Yorktown.
Mais nous devions aussi prendre du repos avant d’entreprendre le voyage qui devait nous conduire à Lyme Regis dans le comté du Dorset.
Moins de 28 lieues (112 kilomètres) séparent Bath de Lyme Regis. Il fallait une dizaine d’heures à un robuste cheval pour parcourir la distance, en alternant galop et trot.
Nous décidâmes de quitter Bath au petit matin afin d’être certains d’arriver à destination avant qu’il ne fasse nuit noire.
Le Comte nous salua et nous donna rendez-vous pour le lendemain. Il se proposait de nous raconter l’histoire du Manoir sur le chemin qui nous y conduirait.
Cette nuit-là le sommeil tarda à venir. L’excitation de cette nouvelle aventure et la perspective des forces obscures, que nous allions devoir combattre, nous tinrent longtemps éveillées.
*
Nous avions parcouru au galop les quatre premières lieues (16 kilomètres) de notre périple. Jusqu’au village de Clutton dans le Somerset.
Le Comte avait emporté le Paterson's British Itinary, bible de la route de la gentry anglaise. Écrit par Daniel Paterson en 1785, et constamment remis à jour depuis, ce guide décrivait les axes empruntés par les diligences entre les villes principales.
Mais nous ne suivions guère ses indications car, pour gagner un temps précieux, nous lancions nos chevaux à travers champs.
*
Je prenais un grand plaisir à cette galopade bien que nous dûmes nous arrêter parfois pour laisser souffler les chevaux.
Je savais que j’étais une bonne cavalière. L’apprentissage de l’équitation faisait partie de l’éducation d’une aristocrate.
Mais depuis peu, j’aimais l’extraordinaire liberté qu’elle me donnait. Et tout d’abord celle de revêtir des vêtements d’homme sans que quiconque s’en offusque.
Dans sa grande sagesse, Louis avait glissé dans mes sacoches, deux pistolets et une épée.
Elle m’avait dit en riant que, depuis l’attaque des pirates, j’avais prouvé que j’étais capable de m’en servir. Même si ma science du combat comportait encore beaucoup de fantaisie.
Je lui avais fait part de mon étonnement.
- Nous ne pouvons pas combattre des fantômes avec de telles armes, Louis...
- Alice, deux précautions valent mieux qu’une. Nous avons votre Bible pour vaincre les esprits. Nos armes pour les combattre s’il s’avérait que ces esprits sont faits de chair et de sang...
*
Louis était toujours cette remarquable cavalière qui obtenait la parfaite obéissance de sa monture par un simple geste de la main. Sans contrainte, sans brutalité.
Je ne pus m’empêcher de songer à ce qu’elle obtenait de moi avec la même douceur.
Aussi, étais-je heureuse que mon chapeau fut à larges bords car il dissimulait la subite rougeur de mes joues.
*
Alors que nous marchions au pas de nos montures, le Comte nous exposa le mystère qui entourait son manoir du Dorset.
- Je possède ce bien depuis peu. Depuis que je l‘ai gagné au jeu avec une main chanceuse. Mon adversaire au whist me l’a abandonné pour payer sa dette de plusieurs milliers de livres. Au début, j’étais heureux d’ajouter un nouveau domaine à mon patrimoine, dont je dois bien reconnaître qu’il est assez conséquent. Mais mon plaisir a été de courte durée quand mon adversaire, avec une joie mauvaise, m’a dit qu’il était soulagé de se débarrasser de ce morceau d’enfer.
- Voilà qui tend à prouver que le jeu est dangereux. Que l’on gagne ou que l’on perde.
- Vous avez raison mon ami. Mais je ne l’ai découvert que trop tard hélas. Croyez bien, qu’à présent, je suis définitivement guéri des jeux de hasard...
- Je présume que vous avez cherché à savoir ce que votre adversaire voulait dire par “morceau d’enfer” ?
- Naturellement, Lady Alice. J’ai mené mon enquête. J’ai découvert que, depuis des décennies, les différents propriétaires du manoir n’avaient eu de cesse que de revendre ce bien si encombrant et si... mystérieux.
- Ce que l’on vous a dit est donc vrai ?
- Oui. Tout à fait vrai. Des démons semblent l’habiter. S’il est possible d’y vivre la journée, tout homme, toute femme, sains d’esprit, y frôlent la folie pendant la nuit.
- Comment ces démons se manifestent-ils ?
- Toujours de la même façon. Quand les ténèbres sont tombées, des bruits étranges se font entendre. Des craquements tout d’abord. Pas ceux que l’on entend dans toutes les vieilles maisons. Mais ceux provoqués par un pas lourd sur un plancher. Des portes qui claquent. Puis des soupirs, des plaintes, des gémissements. Ceux qui ont osé sortir de leur chambre ont vu des ombres se mouvoir dans les couloirs du manoir. Puis, le glas de la chapelle se met à sonner. Le pire enfin vient clore ce processus. Un hurlement sur la lande...
- Un hurlement ?
- Celui d’un homme ou d’un animal... Personne ne sait... Personne n’a jamais su...
- On ne l’a jamais vu ? Il n’a laissé aucune trace de pas ?
- Personne ne l’a vu. Et il n’a laissé aucune trace... Bien sûr tout le monde pense à un loup. Mais la chose est impossible car depuis le début du XVIème siècle, les chasses et les pièges ont permis d’exterminer cet animal. Il n’y a plus de loups dans le royaume. Voilà toute l’histoire. Je ne peux pas vous en dire plus... Je n’ai jamais été témoin de ces faits extraordinaires...
- C’est la première fois que vous vous rendez au manoir ?
- Oui. Je ne le possède que depuis quelques mois et mes affaires m’ont retenu à Londres puis à Bath. Et puis, je dois avouer que je n’étais pas pressé de m’y rendre...
- Qui l’entretient si personne ne peut y vivre ?
- Un couple de domestiques accepte de s’y rendre dans la journée. Et depuis deux jours, James, mon majordome. Je ne le souhaitais pas, mais il a insisté pour me précéder et préparer ma venue. C’est un homme d’un grand courage.
Les derniers mots du Comte s’éteignirent dans un murmure. Tout à coup, il sembla comme pris d’une inquiétude soudaine. Il mit sa monture au galop.
*
Nous parcourûmes la distance qui nous séparait du manoir sans plus échanger un seul mot. Toute discussion était considérée à présent comme une perte de temps.
Enfin, nous arrivâmes dans le Dorset. Puis à Lyme Regis que nous traversâmes sans nous y arrêter.
Car, le Comte n’avait qu’une hâte : retrouver le fidèle et courageux James au plus vite.
La nuit était tombée depuis peu et il était inquiet.
Tout à coup, nous vîmes au loin la haute sihouette du Manoir.
*
Il se dressait au bord de la falaise, dominant la mer. En contrebas, une plage sur laquelle des vagues venaient mourir.
Avec son donjon et son chemin de ronde, il semblait sortir des livres d’histoire. Il avait sans doute vu les vikings, les normands et les saxons se battre sur ses murailles.
Nous galopions toujours, le Comte ouvrait la marche.
Soudain son cheval fit un écart, et, se cabrant, manqua désarçonner son cavalier. Il était visiblement effrayé par un obstacle qu’il avait aperçu dans la pénombre et qu’il avait failli piétiner.
Louis avait déjà bondi à terre.
Pour y découvrir un corps. Sans vie.
*
Louis et le Comte, qui l’avait rejointe après avoir rapidement calmé son cheval, le retournèrent avec précaution.
Mais nous savions déjà qui était l’homme allongé au sol et un cri du Comte nous le confirma.
- James !! Ô mon Dieu, mon brave James... Ce n’est pas possible... Comment ai-je pu être assez stupide pour vous laisser partir seul ?? Je ne me le pardonnerai jamais...
Les épaules du Comte pliaient sous le poids de ses remords. Des pleurs brouillaient sa voix.
J’attachai rapidement les rênes de nos trois chevaux autour d’un tronc d’arbre et les rejoignis. A mon tour, je me penchai sur le corps.
Ses yeux, grand ouverts, étaient pleins de terreur.
Je m’adressai à Louis en murmurant.
- Louis... il est mort, n’est-ce pas ?
- Oui Alice. Je crains qu’il n’y ait guère de doute. Il a une méchante plaie à la tempe. La grosse pierre sur laquelle reposait sa tête est couverte de sang...
- Regardez ses yeux Louis. Ils contiennent toute la terreur du monde. Il a dû courir pour fuir quelque chose d’effrayant. Dans sa course, il aura trébuché. Et il a heurté cette pierre dans sa chute...
- Peut-être, Alice. Peut-être... Mais méfions-nous des conclusions hâtives...
Louis s’écarta du corps. Elle se mit à scruter le sol autour du malheureux James.
Abandonnant le Comte à ses sanglots, je la suivis en l’interrogeant
- Que cherchez-vous Louis ?
- Des traces qui pourraient nous éclairer sur les circonstances de la mort de ce pauvre homme. Aidez-moi Alice. Nous allons procéder par cercles concentriques à partir du cadavre...
- Que dois-je chercher ?
- Des traces de pas ou de lutte. De petits objets qui auraient pu tomber au sol... Toute chose dont la présence vous paraîtra inhabituelle ou étrange... Surtout, faites très attention, il ne faut rien effacer. Nos chevaux ont déjà fait suffisamment de dégâts avec leurs piétinements...
Nous nous mîmes à tourner autour du corps en nous en éloignant peu à peu. Ainsi nous pûmes examiner avec soin la parcelle de terre sur laquelle il gisait.
C’était une lande couverte de hautes fougères comme on en rencontre tant sur les falaises de bords de mer. Je doutais que l’on puisse y trouver le moindre indice.
Mais je dois l’avouer, malgré la présence de cet homme qui avait donné sa vie pour le bien-être de son maître, je prenais plaisir à cette enquête.
Soudain, je poussai un cri et appelai Louis qui me rejoignit tout aussitôt.
- Qu’avez-vous trouvé, ma chérie ?
- Un espace où la terre est nue. Sans la moindre végétation. Et boueuse. Il y a des traces de pas...
- Oui, vous avez raison. Et même de nombreuses traces...
*
Nous étions en train de nous pencher sur cette aire boueuse quand, tout à coup, un nuage masqua la lune et nous priva de la faible lumière qu’elle nous offrait.
Nous fûmes plongés dans l’obscurité la plus complète.
Louis poussa un soupir.
- Il fait nuit noire. Et avec ces nuées qui ne cessent de passer, nous devrons attendre que le jour se lève avant d’y voir plus clair. Dans tous les sens du mot.
Elle me saisit par la main et nous écarta avec précaution de l’espace où nous avions trouvé les traces.
- Venez Alice. Ne restons pas ici. Dans l’obscurité, nous pourrions brouiller les minces indices de la mort de James...
- Qu’allons nous faire à présent Louis ?
- Vous voulez dire “Où allons-nous passer la nuit” ?
- En effet. C’est bien ce que je voulais dire...
- Mais Alice, un lit chaud et douillet nous attend au manoir...
Je ne répondis pas. Je savais bien que Louis me taquinait en se moquant de ma peur. Je n’avais aucune envie de pénétrer dans ce lieu que James avait fui. Mais je ne voulais rien laisser paraître et je lui répondis sur le même ton.
- Très bien, Louis, je vous suis.
- Non, ma belle aventurière... Il ne pleut pas même si la nuit est fraîche. Aussi, je crois plus prudent de dormir à la belle étoile. Nous ne savons pas ce qui nous attend au manoir... Et nous n’aurons pas l’avantage du terrain... Je crois préférable de découvrir les lieux pendant le jour...
Elle se tourna vers le Comte, toujours agenouillé près du corps de James.
- Je pense qu’il voudra veiller son serviteur... Et nous, nous devons protéger les rares indices de sa mort... Venez Alice, nous allons préparer notre couche...
Nous dessellâmes les chevaux et nous étendîmes des couvertures sur le sol, près de l’arbre où je les avais attachés.
Enfin nous prîmes place, blotties l’une contre l’autre, nos têtes reposant sur les selles.
Malgré l’épaisseur de nos vêtements, il ne fallut que quelques minutes pour que la chaleur du corps de Louis se communique au mien.
Malgré le mystère qui nous entourait et la présence d’un cadavre à quelques pas, je me sentais aussi bien qu’il était possible de l’être en un tel lieu et en un tel moment.
J’étais auprès de Louis. Tout contre elle. Le reste finalement m’importait peu. Je songeais aussi, qu’en venant à Lyme Regis, nous nous étions rapprochées sensiblement de la ville de Brighton où vivaient mes parents.
Je me souvenais aussi de ces nuits passées sous le ciel américain alors que nous avions quitté New York pour Philadelphie.
Quelles nuits merveilleuses... mais qui avaient précédé de sombres drames...
J’en étais à ce point de mes réflexions et de mes souvenirs quand soudain...
*
Il était formidable, assourdissant. La force de ce rire était telle qu’il couvrait le bruit de la mer. Il se répercuta en écho sur les rochers de la falaise. Il parcourut la lande et finit, enfin, par s’évanouir.
Tout le temps qu’il dura, j’eus l’impression que mon sang se glaçait dans mes veines.
Car ce n’était pas un rire joyeux. Non. C’était un rire de dément.
Nous avions sauté sur nos pieds. Nos yeux fouillaient l’obscurité. Louis avait saisi un pistolet qui se trouvait à portée de sa main.
D’instinct, je m’étais pelotonnée contre elle. Nos deux corps étaient si étroitement serrés qu’on aurait pu croire qu’ils ne faisaient plus qu’un.
Car, je dois bien l’avouer, je ressentis, en entendant ce rire, une peur voisine de la panique.
Le Comte nous avait parlé de hurlement dans la nuit. Et je m’attendais à entendre le cri d’un homme, ou le hurlement d’un chien ou d’un loup.
Mais ce rire... Ce rire...
Il ne pouvait provenir ni d’un homme ni d’une bête. La chose, je ne trouvais pas d’autre mot pour la nommer, la chose, qui riait ainsi, semblait comme frappée de folie.
Quand elle se tut, je pus enfin murmurer.
- Louis, ô mon Dieu... Ce rire... Jamais je n’ai entendu une chose pareille... Qui peut bien rire de cette façon ?
- Je ne le sais pas Alice... Je n’ai jamais entendu ça auparavant. Cela n’avait rien d’humain...
- La légende serait-elle vraie Louis ? Ce lieu serait-il vraiment hanté par des esprits qui viennent de se manifester à l’instant ?
- Je n’arrive pas à le croire... Je ne peux pas croire aux esprits... Je ne le veux pas...
- Mais James est mort de peur, Louis...
- Non, Alice. Il est mort d’une blessure à la tête. Vous l’avez vous-même constaté...
- Mais ses yeux, Louis... Ils étaient remplis d’effroi. Il fuyait quelque chose qui le terrorisait... Un tel homme ne devait pas prendre peur facilement...
- Je le sais... Il avait les yeux d’un dément. Mais il doit y avoir une explication rationnelle à tout cela...
- Mais laquelle ?
- Pour le savoir, nous devons entrer dans le manoir. C’est là que se trouve la clef de ce mystère...
Comme pour lui répondre, les nuages qui masquaient la lune et sa lumière, s’écartèrent pendant quelques secondes. La silhouette massive du Manoir apparut.
Comme pour nous lancer un défi.
*
Nous nous retrouvâmes plongés dans l’obscurité.
Le Comte s’était rapproché de nous. Il s’était allongé sur le sol comme nous l’avions fait.
Ainsi, les uns près des autres, nous nous apprêtâmes à finir notre nuit.
Nous savions que, dans le cas où la “chose” ricanante s’approcherait de nous pour nous attaquer, nos chevaux ne manqueraient pas de nous prévenir par leurs hennissements et leurs piaffements. Ils étaient nos alarmes.
Toutefois, nous ne pouvions pas dissimuler notre appréhension. Notre peur de cette nuit et de ce qui nous attendait dans le Manoir.
Car j’avais peur. Et cette peur était aggravée parce qu’elle était un écho de celle de Louis.
Elle n’avait jamais faibli dans les épreuves. Peste ou pirates. Duels ou complot.
Jusqu’à aujourd’hui où nous devions affronter un mystère. Et une créature qui n’était pas de notre monde.
*
Nous nous levâmes et nous nous approchâmes de l’aire boueuse où j’avais vu des traces.
Il y en avait de deux sortes.
Humaines tout d’abord. La pointe d’un soulier avait imprimé la terre à de nombreuses reprises. Les traces de James à l’évidence.
Le Comte s’étonna.
- Pourquoi James marchait-il sur la pointe des pieds ?
- Il ne marchait pas sur la pointe des pieds. Il courait. Il courait aussi vite que cela lui était possible. Pour échapper à ses poursuivants. Quand on court ainsi le talon ne touche pratiquement pas le sol et ne laisse pas d’empreinte.
Louis confirma ma théorie.
- Alice a raison, my Lord. Votre serviteur a couru désespérément... Quant aux autres traces... Un animal à l’évidence...
Le Comte intervint encore.
- Je suis un grand chasseur devant l’Eternel. J’ai chassé toutes les bêtes à plumes ou à poils que l’on peut trouver dans le Royaume-Unis ou en Europe...
- Et bien ?
- Je n’ai jamais vu de telles empreintes. Que faites-vous Lady Alice ?
J’avais pris mon carnet à dessin que j’avais emporté dans le bagage accroché à ma selle.
- Je dessine ces empreintes avant que la pluie ne les efface. Je crois qu’il est bon d’en garder le souvenir...
- Vous avez raison Alice. Vous feriez un superbe policier. Si ce métier était ouvert aux femmes.
- Il n’est aucun métier qu’une femme ne puisse faire, Louis. Et avec talent. Vous le savez bien...
- Je le sais. Mais hélas...
- Oui, hélas... Nous allons au Manoir à présent ?
- Il le faut. Et nous devons aussi nous soucier d’offrir une sépulture à James...
Nous nous tournâmes alors vers le Manoir.
Dans la lumière du jour naissant, il paraissait moins hostile. Et même, presque accueillant.
*
Il espérait y trouver de l’aide pour emporter le corps de James.
Nous restâmes seules.
Je continuai à dessiner. Le paysage sauvage qui nous entourait, le Manoir, la falaise, la plage et les rochers parsemés dans la mer.
Enfin au bout d’une heure, nous entendîmes le pas de plusieurs chevaux.
Le Comte était de retour suivi d’une carriole. Sur son ordre, le corps de James y fut allongé. Puis l’équipage s’en retourna au village où le malheureux devait reposer désormais.
Le moment de pénétrer dans le Manoir était venu.
*
Le manoir se dressait au bord de la falaise.
Nous franchîmes un pont levis et nous entrâmes dans ce lieu au pas lent de nos chevaux.
Nous nous retrouvâmes dans une cour fermée par un haut mur d’enceinte.
Devant nous se dressait le bâtiment principal, massif, carré, simplement adouci par des échauguettes posées aux quatre angles, reliées entre elles par un chemin de ronde.
Deux cheminées, crevant le toit, dominaient l’édifice
Malgré son aspect lugubre, le manoir paraissait paisible. Si éloigné de la frayeur et du drame de la nuit.
Il y régnait un calme, qui nous parut surnaturel. Seule la rumeur de la mer toute proche venait troubler le silence.
Nous attachâmes nos chevaux à un anneau scellé dans le mur.
Nous n’avions aucune clef. Mais nous nous doutions que, dans sa fuite éperdue, James n’avait pas pris le soin de fermer les portes derrière lui.
Nous parcourûmes le Manoir, une pièce après l’autre. Et nous allâmes de surprise en surprise.
Le Manoir présentait toutes les commodités des demeures seigneuriales. Vaste cuisine, salle de réception et salons, bibliothèque abondamment pouvue en ouvrages les plus divers, chambres...
S’il n’avait été l’objet de folles rumeurs quant à l’existence d’esprits qui le hantaient, il aurait fait une parfaite villégiature de bord de mer pour un aristocrate voulant fuir l’agitation de Londres...
Notre promenade nous mena jusqu’au chemin de ronde qui entourait le toit. Entre les créneaux, nous pouvions apercevoir toute la côte. Aux pieds du manoir, entre les rochers, une plage de sable fin.
Nous restâmes silencieux, fascinés par la beauté sauvage des lieux. Le Comte venait de découvrir son bien. Il était songeur.
- Quelle tristesse que ce domaine soit abandonné... J’aimerais tant lui rendre son lustre. En faire un lieu de vie et de paix...
La remarque du Comte m’étonna et j’en lui fis la remarque.
- Je ne partage pas votre avis Mylord. Le Manoir n’est pas abandonné. Il est inoccupé.
- Quelle différence Lady Alice ?
- Elle est énorme. Il y a ici tout ce qu’il faut pour y vivre et pour y vivre très confortablement et, je dirais même, luxueusement... Il ne manque pas une seule casserole dans la cuisine, les lits paraissent confortables, et la bibliothèque regorgent de livres...
- Alice a raison Mylord. Je peux concevoir qu’il n’y ait pas de poussière sur les livres puisqu’un couple de villageois vient entretenir le Manoir pendant le jour. Ce qui m’étonne c’est qu’il y ait des livres...
- Qu’en déduisez-vous ?
- Que vos esprits sont faits de chair et de sang. Qu’ils se sont appropriés ce lieu et qu’ils propagent cette légende d’un Manoir hanté pour en écarter les légitimes propriétaires ou les curieux...
- Mais ce rire... ces empreintes d’un animal mystérieux...
- Je ne sais pas comment ce rire formidable se propage dans la nuit, ni qui l’émet. Je ne sais pas quel animal a laissé ces traces... Mais je crois que tout cela provient du même stratagème... Vous chasser de votre bien...
*
- Dans quel but voudrait-on me chasser de chez moi ?
- Je l’ignore. Mais je pense que ce Manoir présente un intérêt quelconque. Ou abrite des occupants mystérieux qui ne tiennent pas à se montrer. Vous connaissez l’histoire de ce domaine ?
- Je sais qu’il a été construit au XVème siècle sur les ruines d’une forteresse qui a vu les armées de Guillaume le Conquérant...
- Il y avait donc déjà une demeure à cet endroit lors de l’invasion de l’Angleterre par les Normands en 1066...
- Exactement...
J’intervins alors.
- Je pense Mylord que nous devrions nous installer dans nos chambres et y prendre un peu de repos. En prévision de la nuit prochaine...
- Vous avez raison Lady Alice... Je propose d’occuper des chambres voisines. Nous pourrons plus facilement nous porter secours en cas de danger.
- Cela me paraît plus prudent en effet.
*
Par la fenêtre, il était possible de quitter le Manoir en se laissant glisser le long d’une corde. Il n’y avait pas plus de 20 pieds de hauteur (6 mètres)
Les fenêtres donnaient sur la lande et non sur la cour. Au dessus d’un monticule de terre qui formait comme une butte au pied du Manoir. Elles étaient donc un chemin d’évasion et même de fuite...
Comme nous ne voulions pas affronter nos adversaires le ventre creux, nous nous rendîmes dans les cuisines.
Elles étaient pour nous un sujet d’étonnement. Non pas tant parce que nous y trouvâmes les victuailles apportées par James, mais bien parce qu’il y avait tout ce qu’il fallait pour les préparer.
Il paraissait de plus en plus évident que les mystérieux occupants du château n’étaient pas de purs esprits. Mais dans ce cas, qui étaient-ils et où étaient-ils ?
*
Nos armes posées à côté de nous, sur nos tables de chevet, nous trouvâmes facilement le sommeil.
D’autant que les événements de la nuit précédente nous avaient tenues éveillées, l’oeil aux aguets.
J’étais blottie dans les bras de Louis.
Pourtant, mon repos était agité. Soudain, je crus entendre un bruit.
J’ouvris alors les yeux et quittai les bras de Louis pour m’asseoir sur notre lit. Je tendis l’oreille.
Mais aucun bruit ne se fit entendre, sauf le murmure de la mer qui dansait au pied de la falaise.
Mes mouvements avaient réveillé Louis.
- Alice que se passe-t-il ?
- Rien... Enfin, dans mon sommeil, j’ai cru entendre...
- Quoi donc ? Ce rire encore ?
- Non... Comme une plainte... Mais je me suis trompée... Il n’y a rien...
- Vous aurez fait un mauvais rêve... Les terreurs de la nuit sont revenues vous hanter. Vous avez dû entendre ce ricanement qui nous avait tant effrayées.
- Sans doute. En tout cas je ne me souviens pas d’avoir rêver cela... Il s’agissait plutôt d’un gémissement...
- N’y pensez plus... Puisque nous sommes réveillées, l’une comme l’autre, je vous propose de nous rendre à la bibliothèque du Manoir. Nous trouverons peut-être des documents qui nous en diront plus sur son histoire...
- Oui. Je n’ai plus envie de rester enfermée dans cette chambre. Je préfère agir...
Nous quittâmes la pièce. Chacune, nous avions une épée au côté et un pistolet glissé dans les vastes poches de nos vestes.
J’avais pris mon carnet à dessin dans l’intention d’étudier les empreintes que j’y avais reproduites.
Car je voulais savoir ce qu’était cette “chose”.
*
Nous quittâmes notre chambre qui était aussi notre refuge et longeâmes les couloirs qui menaient à la bibliothèque.
Nous arrivâmes dans cette pièce. Immédiatement, Louis se mit à la recherche d’ouvrages pouvant nous éclairer sur les étranges phénomènes du Manoir.
Pour ma part, je sortis mon carnet à dessin sur lequel j’avais reproduit, en quelques traits, les empreintes que nous avions découvertes.
J’avais aussi noté la distance qui séparait chaque pas fait par la “chose”. Ainsi que la profondeurs de ses traces.
J’avais toujours adoré les mathématiques que mon père m’avait enseignées quand je vivais en Normandie avec mes parents.
Il m’était donc très facile, avec les quelques renseignements que j’avais recueillis sur la lande, de calculer la taille et le poids approximatifs de la “chose” qui avait poursuivi James.
Je couvris rapidement de calculs une page de mon carnet à dessin. Et le résultat de mes déductions ne fut pas pour me rassurer...
Je poussai un soupir qui attira l’attention de Louis. Inquiète, elle s’approcha de moi.
- Alice ? Qu’avez-vous ? Rien de grave ma chérie ?
- Je n’ai rien Louis. Rassurez-vous. J’étais en train d’essayer de déterminer la corpulence de la “chose”, sans doute un animal, qui a laissé ces traces sur l’aire boueuse.
Louis se pencha sur mes équations mathématiques. Elle se mit à rire.
- C’est vrai Alice. J’avais oublié que vous adoriez les chiffres et les lettres. Vous avez trouvé là un intéressant sujet d’études...
- Non Louis. Je n’adore que vous... Sujet intéressant et sans doute redoutable...
- Pourquoi ?
- D’après mes calculs, il doit mesurer 5 pieds et 6 pouces (1 mètre soixante dix) et peser 170 livres (85 kilos).
- Mais c’est énorme !!! Quel animal est-ce donc ??
- Je crois que l’on peut exclure chiens et loups. Ces derniers ont été totalement exterminés par les chasseurs, comme notre ami le Comte de Yorktown. Et il n’existe, à ma connaissance, aucun chien de cette taille et de ce poids...
- Un ours ?
- Il ont subi le même sort que les loups. Ils ont disparu d’Angleterre depuis sept siècles. Et puis un ours de cette taille serait beaucoup plus lourd... Un ours mâle peut peser jusqu’à 600 livres (300 kilos)...
- Comment savez-vous tout cela Alice ?
- Mon père adorait la zoologie. Il me l’a enseignée avant que vous arriviez chez nous Louis...
- C’est vrai que vous étiez une élève sage et douée Alice... Quelle chance que votre frère ait toujours détesté étudier avec votre père... Sinon vos parents n’auraient pas fait appel à mes talents de précepteur et nous ne nous serions jamais connues...
- Je le sais Louis... Tous les jours, je bénis Etienne d’avoir été ce garnement insupportable qui faisait tourner mes parents en bourrique. Je pense si souvent à cette époque où nous vivions tous en Normandie...
L’évocation de ma famille et des jours heureux vécus près d’elle m’avait rendue tout à coup mélancolique.
Louis le sentit.
Elle s’approcha plus près. Je sentis ses lèvres sur ma temps.
- Nous reverrons bientôt vos parents Alice. Et un jour nous retournerons en France. En Normandie. Je vous le promets...
- Merci Louis... Je vous crois... Pardonnez-moi ce moment de tristesse. C’est passé... Revenons plutôt à notre étrange animal...
*
Louis était retournée à sa recherche de livres consacrés à l’histoire de l’Angleterre, à ses légendes. Dans l’espoir de trouver un ouvrage susceptible de nous éclairer sur les étranges phénomènes qui nous avaient accueillis au Manoir.
Pour ma part, je restais songeuse. A quel animal avions-nous à faire ?
Naturellement, je pensais à la terreur qui régna vingt ans plus tôt en France, dans la région du Gévaudan, quand une bête y sema la mort parmi les bergers et les bergères, généralement des adolescents, en faisant plus de cent victimes.
Mais la bête du Gévaudan avait fini par être abattue après trois années de traque.
Sa dépouille avait été conduite à Versailles pour être présentée au roi. Elle avait été examinée par des scientifiques qui avaient affirmé qu’il s’agissait d’un loup de très grande taille.
Mais il n’y avait plus de loups en Angleterre. A moins que des individus ne soient allés quérir cet animal sur le continent pour le ramener à Lyme Regis...
Loup ou chien ?.. Et si c’était un mélange des deux ? Un croisement de ces deux animaux si proches que parfois ils s’accouplaient.
Je regardais les empreintes que j’avais dessinées...
Le Comte avait affirmé qu’elles n’appartenaient à aucun des animaux qu’il connaissait pour les avoir chassés dans toute l’Europe...
Ni chien ni loup...
Je réfléchis encore. Et si cet animal venait d’un autre continent ? Pourquoi pas ? Même si cela semblait fou... Après tout, de nombreux animaux exotiques avaient déjà été capturés dans leur milieu naturel et ramenés en Europe...
Nous étions tellement plongées dans nos recherches et nos pensées que nous ne vîmes pas que, peu à peu, le jour déclinait.
La journée avait passé. Et une nouvelle nuit approchait.
Louis leva la tête du livre qu’elle était en train de consulter. Elle jeta un oeil par la fenêtre et en fit la remarque.
- Alice, regardez. La lumière se fait plus rare. Il fera bientôt nuit noire. Je crois qu’il serait plus prudent d’abandonner nos recherches jusqu’à demain et de regagner notre chambre...
- Je le crois aussi. Vous n’avez trouvé aucun livre sur le Manoir ?
- Non rien. Il y a ici beaucoup d’ouvrages religieux et fort peu de profanes... Je verrai demain... A moins que la grosse bête ne me croque cette nuit...
- Louis !! Comment pouvez-vous plaisanter alors que ce malheureux James est sans doute mort à cause d’elle ??...
- Pardonnez-moi, Alice... Je reconnais que cette plaisanterie était de très mauvais goût... Mais, j’essaie de rire de tout ceci...
- Pardonne-moi à mon tour Louis. Je crois que l’attente me rend nerveuse. Je commence à manquer d’humour. Il y a une question que je me pose...
- Oui ? Laquelle ?
- Le Comte nous a bien dit qu’un couple de villageois venait entretenir le Manoir dans la journée ?
- Oui, c’est bien ce qu’il nous a dit...
- Pourtant, nous n’avons vu personne aujourd’hui alors que le Comte est arrivé. Alors qu’il est passé au village pour rapporter le corps de James... C’est curieux. Vous ne trouvez pas ?
- Oui. En effet. J’avoue que je n’y avais pas pensé... Le Comte aura sans doute donné des ordres en ce sens...
- Je crois qu’au contraire le Comte aurait demandé à ce couple de préparer le manoir pour nous recevoir...
- Vous avez raison. Je pense que le mieux est de lui demander. Lui seul connait la réponse...
*
Le Comte ne put nous donner d’explications. Il n’avait donné aucun ordre pour la simple raison qu’il n’avait pas vu le couple de villageois chargé de l’entretien du Manoir.
Il avait conduit le corps de James à l’église du village. Il avait chargé le vicaire du pasteur anglican de dire une messe et d’enterrer le malheureux.
Puis, le Comte nous avait rejoint immédiatement.
- La mort de James les aura effrayés. Mes pendards de domestiques auront eu peur de venir au manoir...
Cette explication ne me satisfaisait pas. Mais je n’en dis rien.
- Sans doute. Oui. C’est sûrement ça... Bien. Retournons à nos chambres...
*
Je n’enviais pas le Comte qui était seul dans la sienne alors que j’étais blottie contre Louis.
Nous nous étions allongées sur notre lit. Nous avions gardé nos vêtements et même nos bottes aux pieds.
Les heures passaient. Il faisait nuit noire de nouveau.
Nous n’arrivions pas à dormir. Nous attendions, les sens en éveil. Nous ne parlions pas.
Louis brisa notre silence.
- Alice. J’ai bien vu que vous n’acceptiez pas les explications du Comte au sujet de ses domestiques...
- Oui. J’ai un curieux pressentiment. Je ne demande si...
Je ne pus finir ma phrase car tout à coup, des craquements, venus du couloir devant notre chambre, se firent entendre...
*
Louis se leva. Elle glissa son épée dans son fourreau et saisit l’un de ses pistolets.
Je fis de même. Puis je la suivis alors qu’elle ouvrait la porte de notre chambre avec d’infinies précautions.
Quand la porte fut enfin ouverte, elle jeta un oeil dans le couloir. Puis elle sortit. Je sortis à mon tour.
La lumière était très faible. Une seule petite fenêtre, située à un bout du couloir, laissait passer la pâle clarté de la lune.
Il nous sembla pourtant qu’une ombre glissait devant nous. Puis tout à coup, elle disparut dans l’escalier qui desservait les étages.
Sans nous concerter, nous nous mîmes à la suivre. Nous passâmes alors devant la chambre du Comte.
- Louis, ne devrions-nous pas le prévenir de cette présence ? Ou au moins nous assurer qu’il va bien ?
- Je suis persuadée qu’il est en parfaite santé. Il a dû fermer sa porte à double-tour...
Comme pour s’en assurer, Louis tourna la poignée de la chambre du Comte. A notre grande surprise, la porte s’ouvrit.
Nous eûmes une seconde d’hésitation. Devions-nous suivre l’ombre que nous avions cru apercevoir ou porter secours au Comte qui avait peut être été agressé dans sa chambre ?
Nous décidâmes d’entrer. Après tout, dans un manoir hanté, une ombre n’était jamais perdue. Nous étions certaines de la revoir, ou une autre, à un moment ou un autre.
Nous découvrîmes la chambre du Comte.
Une bougie posée sur un chandelier finissait de se consumer.
Le lit n’était pas défait. Le Comte avait dû s’y allonger tout habillé, ses armes à portée de main, comme nous l’avions fait nous-mêmes.
Du moins nous le supposâmes car la chambre était vide. Le Comte n’y était plus.
Je m’inquiétai pour notre ami.
- Où peut-il être ?
- Ses armes ne sont plus là. Il aura entendu ces craquements et sera sorti pour en découvrir la provenance.
- Seul ? C’est d’une imprudence folle...
- Le Comte considère qu’il est responsable de son bien et qu’il ne doit pas demander à d’autres d’en assurer la sécurité.
Tout un coup, des craquements se firent entendre au-dessus de nos têtes.
C’était exactement ce que le Comte nous avait décrit. Il ne s’agissait pas de ceux que l’on entend dans toutes les vieilles maisons. Mais de ceux provoqués par un pas lourd sur un plancher.
Dans la chambre du Comte, ces bruits étaient particulièrement audibles et nous comprîmes pourquoi notre ami l’avait quittée.
Louis s’empara du chandelier qui allait nous donner sa faible lumière.
Nous devions porter secours à notre ami et gagner la pièce d’où venaient ces craquements.
Comme elle était située au-dessus de la chambre du Comte, nous devions prendre l’escalier. Celui où nous avions vu l’ombre disparaître.
La lumière de la bougie donnait aux choses qui nous entouraient des allures de spectres.
Je ne cacherai pas que j’éprouvais une appréhension certaine en marchant sur les pas de l’ombre.
Mais la présence de Louis me rassurait. Comme elle m’avait rassurée quand nous luttions contre les pirates, la peste ou les fanatiques religieux.
Pourtant je savais qu’elle aussi avait peur.
Enfin, nous arrivâmes devant la pièce qui devait être au-dessus de la chambre du Comte. La porte était grande ouverte. Les craquements avaient cessé.
Louis entra devant moi. Je l’imitai en tout et pénétrai à mon tour, épée et pistolet aux poings.
Immédiatement nous le vîmes.
Le Comte était allongé sur le sol. Une plaie à la tête.
Louis se précipita. Elle posa les doigts sur son cou, sur la veine carotide.
Après quelques secondes de silence, elle affirma - Il vit encore. Je crois que ce n’est rien... Il a une belle bosse au front... Mais il y a plus de peur que de mal...
Tout à coup, alors qu’elle venait de parler, nous entendîmes clairement le son des cloches.
Trouant le silence de la nuit, le glas, le chant des morts, se mit à sonner.
*
Nous restâmes pétrifiées pendant de longues secondes alors que les notes de cette musique lugubre s’égrénaient dans la nuit.
Le processus décrit par le Comte se poursuivait. Inéluctablement. Les craquement puis le glas.
Nous savions ce qui allait suivre. Le hurlement ou plutôt ce ricanement démoniaque que nous avions entendu la nuit précédente.
Nous ne pouvions rester sans rien faire, à attendre qui, des esprits ou de la folie, allait avoir raison de nous.
Louis et moi savions bien que la meilleurs défense était l’attaque. Ce qu’elle me confirma encore.
- Alice. Nous devons aller dans la chapelle rencontrer ce fantôme qui sonne les cloches à minuit...
- Mais le Comte ? Qu’allons-nous en faire ? Nous ne pouvons pas le laisser ainsi seul, évanoui, sans défense... Et il est trop lourd pour que nous puissions le transporter dans sa chambre...
- Alice... Avez-vous oublié que, depuis nos aventures new-yorkaises, et depuis mon évanouissement dont vous avez profité de façon fort opportune, je transporte toujours sur moi une fiole de sels d’Angleterre ? Je vais les lui faire respirer. Ça devrait réveiller notre ami instantanément...
Je rougis à l’évocation de cet incident. Je me souvins en effet que Louis avait perdu connaissance après son duel avec John Smith. Je me souvins des caresses que je lui avais prodiguées pendant son inconscience. Si intenses qu’elles l’avaient réveillée...
Mais je me repris rapidement. Car je me souvins aussi que Louis ne s’en était pas plainte. Bien au contraire.
- Des sels d’Angleterre ? Du carbonate d’ammoniaque ? Sage précaution en effet...
Elle sortit un minuscule flacon de sa poche et l’ouvrit. Elle le passa rapidement sous le nez du Comte. La puissante odeur le sortit immédiatement de sa syncope. Il cligna des yeux en protestant.
- Aaahhh !! Quelle odeur épouvantable !!
- Épouvantable en effet. Mais terriblement efficace Mylord... Comment vous sentez-vous ?
- J’ai un fameux mal de crâne. J’ai l’impression d’entendre des cloches...
- Cela n’a rien à voir avec vos céphalées Mylord. Ce que vous entendez c’est le glas qui sonne depuis la petite chapelle du Manoir...
- C’est ma foi vrai, Lady Alice... Il faut aller voir ce qui s’y passe !!!
- Vous êtes certain d’en avoir la force ?
- Certain. Et puis, je dois à mon brave James de découvrir ce qui a provoqué sa mort...
- Avant de nous y rendre dites-nous ce qui vous est arrivé... Qui vous a frappé ?
- J’étais allongé sur mon lit. Tout habillé et armé. J’ai entendu ces craquements au-dessus de ma tête. J’ai voulu voir...
- Seul ? Sans notre aide ? Vous avez été très imprudent Mylord...
- Je le sais, Lady Alice... Mais j’ai des scrupules... Je n’aime pas l’idée que vous risquiez vos vies pour moi... Vous êtes si jeunes...
- Nous avons accepté de prendre ces risques Mylord... En toute connaissance de cause... Vous êtes sorti de votre chambre et ensuite ?..
- J’ai suivi le couloir qui mène à l’escalier. Je suis monté à l’étage et je me suis dirigé vers cette pièce qui me paraissait être celle d’où provenaient les craquements... La porte était entrouverte... Je suis entré. Mais je n’ai pas pu y faire plus de trois pas... J’ai reçu un violent coup à la tête et je me suis écroulé en perdant connaissance.
- Vous avez vu la personne qui vous a frappé ?
- Non. J’ai eu la sottise de quitter ma chambre sans prendre la bougie qui s’y trouvait... Je n’avais que la clarté de la lune pour m’éclairer. Je n’ai vu qu’une ombre...
Louis fit la moue.
- Cette “ombre” est donc capable de frapper un homme et de l’envoyer à terre. Et elle est aussi capable de sonner le glas. Je crois de moins en moins à la fable d’esprits peuplant le Manoir... Je crois que nos “fantômes” sont faits de chair et de sang. Allons à la chapelle à présent...
En quelques pas nous quittâmes la chambre puis le manoir pour nous diriger vers la chapelle située dans un angle de la cour.
Nous allions enfin y trouver les réponses à nos questions...
*
Elle n’était située qu’à cent pieds (30 mètres) du Manoir, dans un angle de la cour. Le clocher dominait un bâtiment de petite taille.
Le glas sonnait toujours.
Malgré le danger qui nous y attendait sans doute, nous avions une envie folle d’entrer dans la chapelle.
D’abord pour y découvrir le sonneur de minuit mais aussi pour mettre un terme à cette musique lugubre.
Arrivés devant les portes de la chapelle, nous vîmes qu’un obstacle de taille se présentait à nous.
La chapelle était close, ses portes fermées à double tour...
- Louis, comment allons-nous faire pour entrer ?
Ce fut le Comte qui me répondit.
- Le plus simplement du monde, Lady Alice. Écartez-vous !!
Il avait à peine fini sa phrase qu’il pointa son pistolet vers la serrure qu’il fit sauter d’un coup de feu.
Le bruit formidable de la détonation se répercuta dans l’enceinte du Manoir, bondissant en écho d’un mur à l’autre.
Le Comte donna un violent coup de pied dans la porte qui s’ouvrit en grinçant sur ses gonds.
J’étais choquée par cette façon cavalière d’entrer dans la maison de Dieu, mais nous n’avions guère le choix...
Nous pénétrâmes à sa suite. Louis tenait toujours le chandelier.
Nous avançâmes prudemment jusqu’à l’autel, entre les prie-dieu dominés par la chaire du pasteur.
Alors que nous marchions avec d’infinies précautions au milieu de la chapelle, nous constatâmes que le glas s’éteignait lentement au fur et à mesure que la cloche ralentissait sa course.
Enfin, elle s’immobilisa et le silence retomba sur nos têtes.
Le sonneur avait abandonné son ouvrage. La chapelle semblait vide. Totalement vide.
Le Comte en fit la remarque.
- Personne !! Il n’y a personne ici !! Comment est-ce possible ?? Comment notre gredin de sonneur de cloches a-t-il pu s’enfuir ? La porte est la seule sortie et nous en empêchions l’accès. Aurait-il sauté du clocher ?
- Ce n’est pas possible My Lord, il y a au moins seize pieds de haut (5 mètres) Il se serait cassé le cou...
- Mais alors comment a-t-il fait ?
Ce fut Louis qui répondit.
- Je pense qu’il est retourné au Manoir ou même qu’il est sorti sur la lande en empruntant un passage souterrain...
- Un passage souterrain ? Ici ? Au Manoir ?
- La plupart de ces vieilles bâtisses en sont pourvues. Ces passages ont été construits au moment des guerres civiles ou de religions qui ont ensanglanté votre pays, My Lord. C’était un moyen sûr de fuir un Manoir assiégé ou d’écouter une messe quand les cultes, catholique, protestant ou anglican, étaient, tour à tour, interdits...
Louis ne put en dire plus car le son tant attendu, en même temps qu’il était redouté, se fit entendre.
Ce rire. Ce rire venu de l’enfer.
Sans nous concerter, nous nous précipitâmes dehors et courûmes vers l’escalier qui permettait de rejoindre le chemin de ronde longeant le mur d’enceinte.
Enfin, quand nous fûmes arrivés en haut du mur, nous nous penchâmes vers la lande. Nos yeux fouillaient la nuit pour tenter de l’apercevoir. La “chose”.
Mais seul son ricanement diabolique nous répondit.
Jusqu’à ce que lui aussi, comme le glas, s’éteigne dans la nuit...
*
Nous prîmes une légère collation. Après avoir sellé nos chevaux, nous nous rendîmes au village de Lyme Regis pour assister à l’office donné en hommage à James puis à ses funérailles.
James n’avait pas de famille. Pas de parents auprès desquels reposer. Alors, le Comte jugea qu’il pouvait être enterré dans le cimetière de Lyme plutôt qu’à Londres où il aurait fallu conduire sa dépouille...
La messe fut dite par le vicaire. Nous étions tous les trois assis au premier rang de l’église.
Mais mon esprit n’était pas au recueillement. Je repensais aux événements de ces deux nuits.
Le mystère me paraissait de plus en plus épais. La seule chose qui me semblait certaine et tangible, c’est que le Manoir possédait un passage secret.
Il nous fallait le trouver. Car, j’en étais certaine, le mystère du Manoir et de la lande y résidait.
Notre intention était de fouiller la chapelle afin de le découvrir. Car à l’évidence, notre “esprit” sonneur de cloches n’avait pu s’en évader que par là.
L’office terminé, nous nous retrouvâmes sur le terrain herbeux attenant à l’église et qui servait de cimetière.
Une fosse avait été creusée pour accueillir le cercueil de James.
Les villageois faisaient cercle autour de cette tombe. J’étais surprise de les voir si nombreux alors que James leur était inconnu.
Mais je compris rapidement qu’ils étaient là pour nous. Pour nous voir. Pour voir les inconscients qui risquaient leur vie en vivant au Manoir.
Tout à coup, le pressentiment que j’avais eu me revint. Je me penchai vers le Comte et je chuchotai.
- My Lord, le moment est bien choisi de savoir qui de ces gens est le couple de serviteurs qui vient entretenir le Manoir. Et qui a brillé par son absence depuis que vous êtes là...
Il se tourna alors vers le vicaire pour l’interroger. La conscience religieuse du village devait avoir la réponse. Il l’avait.
- Certes, My Lord, certes... Je comprends que vous souhaitiez connaître les personnes qui sont à votre service. Je vais les faire quérir. Je vous propose de vous rendre au presbytère où vous pourrez les rencontrer... Vous n’aurez pas longtemps à m’attendre. Je n’en ai que pour quelques minutes...
Nous jetâmes une poignée de terre sur le cercueil de James et nous dirigeâmes nos pas vers le domicile du vicaire.
Une servante nous ouvrit et nous pria d’attendre le retour de l’homme d’église dans une pièce qui servait tout à la fois de salon et de bureau.
Sur les rayons d’une bibliothèque, quelques livres...
Afin de combler mon attente, je pris l’un d’eux et je l’ouvris...
*
A première vue, il s’agissait plus d’un journal de bord, comme il s’en tient sur les navires, que d’un véritable livre sorti des presses d’un imprimeur.
Un voyageur avait jeté ses impressions et ses expériences sur un gros cahier. Le texte était enrichi de dessins au crayon.
L’ouvrage avait été si souvent consulté que le dos de sa couverture était plié. Aussi le livre s’était-il ouvert, automatiquement, à une page que mes yeux avaient rapidement parcourue. Jusqu’à une phrase et un dessin...
Mais je n’eus pas le temps d’en lire plus car le vicaire et le couple de villageois entrèrent dans la pièce.
Je reposai le livre à la place où je l’avais pris et me tournai vers les nouveaux arrivants.
L’homme et sa femme semblaient terriblement gênés d’être mis en présence de leur maître, d’autant que le Comte ne faisait rien pour faciliter leur rencontre. Il se montra froid et hautain.
- Et bien ? Est-ce ainsi que vous remplissez votre office auprès de ma demeure et de mes hôtes ? Il faut aller vous quérir comme si vous étiez le Grand Turc ou l’Empereur de Chine ?
L’homme et la femme restaient muets. Alors le vicaire pris la parole pour eux.
- My Lord, pardonnez-leur. Je les ai confessés en chemin. Ils m’ont avoué n’avoir jamais mis les pieds au Manoir. La peur qu’ils ont de ce lieu les a dissuadés de s’y rendre, même dans la journée... Ils n’ont pas osé le dire et ils ont gardé le salaire que vous leur faites verser. Ils sont pauvres et ont de nombreux enfants. Alors la misère les a contraints à cette malhonnêteté...
- Mais qui entretient si bien le Manoir s’ils ne s’y rendent jamais ?
- Je suis un homme de Dieu. Je ne devrais pas croire aux esprits mais ce qui se passe dans votre demeure dépasse mon entendement... Elle est habitée My Lord. C’est une certitude... Mais par qui ? Là est tout son mystère...
*
Dès notre arrivée nous nous étions rendus à la chapelle dont la porte était grande ouverte depuis que le Comte en avait brisé la serrure à coup de pistolet.
Nous passâmes deux heures à sonder le sol et les murs. Nous cherchâmes en vain un mécanisme qui pouvait ouvrir une porte secrète. Et rien.
De guerre lasse, nous montâmes dans le clocher.
De là on avait une vue superbe sur le Manoir, mais aussi sur la lande et sur les eaux grises de la Manche.
Je baissai les yeux et fut prise un court instant de vertige. Car le clocher était assez haut pour qu’un homme qui en tomberait se rompe le cou.
*
Nous revînmes à nos chambres afin de prendre un peu de repos avant d’affronter notre seconde nuit au Manoir.
Mais avant, je demandai à Louis de me suivre dans la bibliothèque.
Elle m’obéit et me regarda fouiller parmi les livres.
Enfin, je trouvai l’ouvrage que j’espérais y trouver. Je le feuilletai fébrilement et enfin, je poussai un cri de victoire.
- Alice ? Qu’avez-vous trouvé ?
- Une réponse à l’une des nombreuses questions que nous nous posons Louis. Enfin une réponse...
- Dans un livre ? Quel livre ? Et quelle est cette réponse ?
- C’est un ouvrage d’un naturaliste et la réponse est... hyaenidae...
- Pardon ? J’ai besoin d’un mot d’explication. Je ne suis pas aussi férue de zoologie que votre père et vous...
- Hyaenidae ou hyène en bon français... C’est un mammifère carnassier qui se nourrit essentiellement de charognes, à pelage gris ou fauve tacheté de brun. On le trouve en Afrique. Les plus gros peuvent mesurer jusqu’à 5 pieds et 6 pouces (1 mètre soixante dix) et peser 170 livres (85 kilos).
- Comme la... “chose” qui a laissé ces empreintes sur le sol, près du corps de James...
- Exactement.
- Mais pourquoi pensez-vous qu’il s’agit d’une hyène plutôt que d’un autre animal ?
- A cause de son cri Louis. La hyène ne hurle pas. Elle rit ou plutôt elle ricane...
- Elle ricane ? Oui ça correspond. Vous dites qu’on ne la trouve qu’en Afrique ? Alors quelqu’un l’aura introduite dans le Dorset dans le seul but d’éloigner les visiteurs du Manoir en les effrayant avec son rire démoniaque...
- C’est ce que je crois. Et je crois que le jour, cet animal est caché dans le passage souterrain. Si on trouve cet animal, nous n’aurons qu’à le suivre et il nous mènera au passage et à son maître.
- Je crois qu’il est temps de prendre l’initiative dans cette affaire. Nous devons passer à l’attaque. Allons voir le Comte. Nous allons lui proposer un plan pour surprendre ces “esprits” qui se jouent de nous et de nos nerfs.
*
Le Comte était ravi. Enfin de l’action !! Enfin faire rendre gorge à ceux qui avaient fait main basse sur son bien !!
Notre plan était simple.
A la nuit tombée, le Comte, Louis et moi allions nous cacher dans la chapelle pour attendre notre sonneur de cloche.
Nos trois chevaux sellés attendraient dans les écuries.
Nous n’aurions qu’à sauter sur leur dos pour galoper à la poursuite de la hyène dès qu’elle se mettrait à ricaner.
Notre plan avait le mérite de la simplicité. Il était aussi très dangereux.
Mais la lumière de la lune, dans un ciel sans nuages, allait nous aider.
*
Je vis bien qu’elle était intriguée.
- Alice. Comment avez-vous deviné pour la hyène ?
- Je n’ai rien deviné Louis. J’ai rapidement feuilleté un journal de voyage chez notre ami le vicaire. Une page s’est ouverte sur un dessin d’empreinte. Semblable à celui que j’ai fait des traces découvertes auprès du corps de James. Le voyageur avait visité l’Afrique. Il disait qu’il avait dormi sous la tente dans la savane. Il avait été réveillé par un bruit étonnant. Un rire. Un ricanement. Son guide africain lui avait expliqué qu’il s’agissait d’une hyène, sans doute en train de dévorer une charogne. Ils n’ont pas pu voir l’animal. Mais au petit matin, ils ont vu ses traces de pas.
- Notre ami le vicaire ? Mais alors... s’il connaissait ce journal de voyage... Lui aussi pouvait identifier le rire que l’on entend toutes les nuits..
- Oui et... non. La présence de cet animal africain, ici, en Angleterre... c’est tellement difficile à concevoir...
- Tout de même...
Mais je n’avais nulle envie de parler du vicaire, de la hyène ou de quoi que ce soit d’autre...
- Laissons cela Louis. Voulez-vous ? Nous allons passer notre nuit à tenter de percer ce mystère... J’aimerais consacrer ces quelques moments d’intimité à tout autre chose... D’autant que ce sont peut-être les derniers...
Elle se mit à rire.
- Les derniers ? Vous n’êtes pas très encourageante Alice... Mais vous avez raison... Nous avons bien mieux à faire que de parler d’un vicaire ou d’un charognard...
Elle reposa sur la table l’arme qu’elle était en train de vérifier et s’approcha de notre lit.
Elle s’assit près de moi et m’enlaça.
Elle me prit contre elle. Je sentis son corps chaud contre le mien.
Elle tremblait comme elle le faisait souvent quand la passion la submergeait.
Elle baisa mes lèvres avec une infinie douceur. Puis sa bouche glissa sur ma joue et mon cou. Puis plus bas... bien plus bas.
Mes vêtements n’étaient qu’une frèle barrière à son désir... Une barrière qu’elle franchit... pour mon plus grand plaisir...
*
Nous avions gagné la chapelle où, sans plus faire de bruit, nous nous étions dissimulés dans l’obscurité de l’édifice religieux.
Les heures passaient.
Dans le secret de nos esprits nous nous demandions tous d’où allait surgir notre sonneur de glas.
Les heures passaient et rien. Toujours rien.
Je vis Louis, qui était toute proche de moi, sortir sa montre à gousset de la poche de son gilet. Elle regarda l’heure et me chuchota.
- Il est plus de minuit... Je crois qu’il ne viendra pas. Il a dû nous voir nous glisser dans la chapelle. Et il a éventé notre piège... Je pense qu’il est inutile d’attendre plus longtemps...
J’étais dépitée. Je pestais intérieurement.
Ces “esprits” jouaient au chat et à la souris avec nous...
Mais, au moins, nous avions un sujet de consolation... Nous étions toujours en vie... Alors que ce pauvre James était mort d’avoir vu la “chose” que je pensais avoir identifiée...
C’est à ce moment précis que le rire déchira le silence de la nuit.
*
Nous restâmes pétrifiés pendant quelques secondes puis nous nous mîmes à courir vers la porte de la chapelle.
Nous traversâmes la cour du Manoir en quelques pas pour nous rendre aux écuries où nos chevaux, sellés, nous attendaient.
Nous sautâmes sur leur dos. Nous lançâmes nos montures au grand galop.
Dans une nuit sans lune, nous aurions couru le risque de blesser nos chevaux dans un trou du sentier.
Mais la lune brillait et on y voyait comme en plein jour.
Dans notre course folle, le Comte nous prit de vitesse. Le chasseur était aiguillonné par cette traque.
Nous lui avions exposé le résultat de mes découvertes et déductions.
La perspective de découvrir la clef du mystère de la lande mais aussi celle de capturer ou d’abattre cet animal exotique, cette hyène, et d’en rapporter le trophée l’exaltaient.
Le Comte galopait devant nous. Il dirigeait sa monture vers le ricanement. Vers la bête.
Et en effet, il me semblait que nous nous rapprochions d’elle. De plus en plus.
Qu’elle était toute proche.
Alors, le Comte fit arrêter sa monture et sauta à terre. Puis il continua à pied en tenant la bride de son cheval qui marchait derrière lui.
Nous imitâmes notre ami.
Nous nous approchâmes, en faisant le moins de bruit possible, de l’endroit où cet animal devait se tenir.
Son ricanement avait cessé. On entendait distinctement des bruits de mastication. Elle devait être en train de dévorer une proie.
Le Comte écarta un buisson qui masquait notre vue et alors nous la vîmes
Elle nous vit à son tour et abandonna son repas pour nous faire face.
*
Il était aussi grand et aussi lourd que je l’avais deviné. Mais il n’avait rien de la finesse du loup ou de la majesté du lion, tels que je les avais vus dans mes livres de zoologie.
Sa tête était carrée aux petites oreilles rondes. Il avait un cou long et massif et un corps trapu.
Mais ce qui attirait le regard et rendait cet animal franchement laid était son arrière-train plus bas que ses épaules.
Nous ne bougions pas, étonnés par la vision d’un animal si repoussant.
Alors, sans doute pour nous effrayer, il ouvrit une large gueule aux mâchoires puissantes et aux longs crocs rougis de sang, et nous entendîmes de nouveau son rire, si proche et si assourdissant.
Enfin, il nous tourna le dos et se mit à courir pour nous fuir...
Nous sautâmes en selle pour continuer sa poursuite.
La hyène courait vite mais elle ne pouvait pas distancer nos chevaux.
Nous étions à quelques pas d’elle et nous la vîmes s’approcher d’un large rocher où elle disparut.
Sous ce rocher, haut comme deux hommes, une sorte de petite grotte. La hyène avait fui par là.
Le Comte abandonna sa monture pour la suivre mais Louis le retint.
- Non. N’y allez pas !
- Mais nous devions suivre cet animal !
- Non. Pas maintenant. Nous n’avons pas de lumière. Et nous risquons de tomber sur son maître qui doit l’attendre. Nous n’aurons pas l’avantage du terrain. Revenons plus tard.
- Soit. Je vous obéis mon ami. Car votre plan a parfaitement fonctionné jusque là...
Il n’avait pas fini sa phrase que le glas se faisait entendre.
*
Notre sonneur de cloches, qui décidément se moquait de nous, avait profité de notre absence pour gagner la chapelle et y jouer sa musique funèbre...
Nous mîmes nos chevaux au triple galop et, quelques minutes plus tard, nous entrâmes avec fracas dans la cour du Manoir.
Le glas cessa alors.
Nous levâmes la tête vers le clocher.
Pour voir une forme tituber et basculer dans le vide en poussant un cri long d’effroi qui l'accompagna dans sa chute.
Nous suivîmes des yeux ce corps qui vint s’abattre aux pieds de nos chevaux. Il resta sans vie sur le sol.
Nous levâmes de nouveau les yeux vers le clocher et c’est alors que nous vîmes, pendant quelques secondes avant qu’elle disparut, une face d’une blancheur inhumaine...
Ce visage avait une fixité qui n’était pas de notre monde.
*
Il nous fallut plusieurs secondes pour nous remettre de nos émotions.
L’émotion provoquée par la chute de ce corps.
L’émotion devant cette face lunaire que nous avions aperçue à la fenêtre du clocher.
Quand enfin, nous pûmes reprendre nos esprits pour nous précipiter dans la chapelle, il était déjà trop tard.
Nous grimpâmes dans le clocher qui était vide. Nous fouillâmes la chapelle. En vain.
L’esprit, car je ne doutais plus que s’en fut un, avait disparu.
Nous retournâmes dans la cour où nous avions abandonné le corps.
Comme il gisait sur le ventre, nous ne pouvions pas voir son visage.
Le Comte et Louis le retournèrent. Et nous poussâmes un cri de surprise.
Le crâne ouvert et la mâchoire disloquée, le vicaire nous regardait de ses grands yeux effrayés et morts...
*
Comment expliquer sa présence en ce lieu ? En pleine nuit ?
Est-il venu pour nous aider ? Pour nous prévenir d’un danger ? Ou bien est-il notre sonneur de cloches ? L’homme au coeur de ce mystère ?
Avait-il agi seul ou avait-il un ou des complices ?
Comment était-il tombé ? L’avait-on poussé ou bien s’était-il jeté dans le vide pour échapper à la face livide qui le poursuivait ?
Une seule chose était certaine. C’est qu’il était mort, avec, sur le visage, les traces d’une peur panique.
Nous portâmes son corps dans la chapelle où nous le déposâmes sur les dalles glacées.
Nous étions là, regardant ce corps, l’esprit assailli par les événements de la nuit, quand je fis une suggestion.
- My Lord. Louis. Nous pourrions fouiller ses poches... Nous trouverons peut-être un indice...
- Très bonne idée, Alice. Je regrette de ne pas l’avoir eue.
Immédiatement, Louis retourna les poches de l’homme d’église. Elle ne trouva rien d’autre qu’une chandelle éteinte et un trousseau de clefs.
- Des clefs ! Ce sont sûrement celles de son presbytère... Nous devrions y faire un tour...
- Dans quel but, Lady Alice ?
- La solution de notre énigme est sans doute là-bas. Et puis je voudrais revoir le journal que j’avais trouvé dans sa bibliothèque. Le nom de son auteur nous en dira beaucoup, j’en suis certaine...
Le Comte sortit de la chapelle et, saisissant la bride de sa monture, sauta en selle. Puis se tournant vers nous qui l’avions suivi, il nous jeta : - Très bien. Alors allons-y tout de suite. Notre nuit est perdue. Je ne pourrai plus fermer l’oeil...
Nous lui obéîmes et nous dirigeâmes le pas de nos chevaux vers le village de Lyme Regis...
*
Après avoir essayé plusieurs clefs, Louis parvint enfin à ouvrir la porte.
Je dirigeai mes pas vers la bibliothèque. Je retrouvai facilement le journal que j’avais découvert la veille. Je le feuilletai rapidement. Et je poussai un cri de surprise.
- Qu’y a-t-il Lady Alice ? Qu’avez-vous trouvé ?
- Deux indices My Lord. L’auteur de ce journal n’est autre que notre vicaire. Regardez. Son nom figure en première page. “Moi, William, vicaire de la paroisse de Lyme Regis, ai rejoint l’Afrique en l’année 1787 de notre Seigneur pour une mission d’évangélisation des populations autochtones...
- En effet, il est bien l’auteur de ce journal et le second indice ?
- Ceci. Écoutez. “Au lendemain de cette nuit qui me permit d’entendre ce ricanement qui m’avait glacé les sangs, mon guide africain me dirigea sur la piste d’une meute de hyènes. Il me montra les traces que des hyènes adultes laissaient derrière elles. J’en fis le dessin qui illustre ces phrases. Alors que nous étions en train de retourner à notre camp, nous entendîmes comme une plainte. Avec d’infinies précautions, mon guide écarta les branches d’un buisson et nous découvrîmes un bébé hyène. Le petit animal semblait blessé et sur le point de mourir. Mon guide s’apprêtait à l’achever d’un coup de lance, mais j’arrêtai son bras...”
- Un bébé hyène trouvé il y a quatre ans ? Mais alors...
- Oui Louis. Aujourd’hui c’est une hyène adulte. Sans aucun doute celle qui rit toutes les nuits sur la lande...
*
- Mylord, Louis. Ecoutez. “Je pris le petit animal dans mes bras. Il ne pesait pas plus lourd qu’un chat. Au camp, je tentai de le sauver en le nourrissant avec du lait mélangé à du sucre. Et j’y parvins. Au bout de quelques semaines, il n’acceptait plus nourriture et caresses que de ma main. Je décidai de ramener cet animal en Angleterre. Il n’aurait pas survécu au milieu des fauves d’Afrique et il pouvait servir mes desseins...”
- Ses desseins ? Mais lesquels ?
- Impossible d’en savoir plus... Le journal s’arrête là... Des pages ont été arrachées...
- Ah non !!! Ce vilain gnome avait un secret !! Nous devons le découvrir !!!
- Je pense qu’en fouillant dans ses papiers...
- Bien sûr, Lady Alice... Vous avez raison, une fois de plus... Allons-y !!!
Le Comte se rua sur le bureau du vicaire et tenta de l’ouvrir. Mais il était fermé et sans la clef...
Mais notre aristocratique ami avait une façon bien à lui d’ouvrir les portes fermées à clef...
Il glissa une dague sous l’abattant et le força, faisant exploser le bois du meuble.
Il se mit à fouiller mais rapidement, il s’arrêta. - Que devons-nous chercher ?
- Les pages manquantes du journal ou tout autre indice. répondit Louis. Oh mais, qu’est ceci ? Un livre de comptes... Diable ! Ça rapporte les prières !! Regardez les sommes qui figurent en bas de ces pages...
Nous nous penchâmes sur le livre. De longues colonnes y figuraient. Des dates. Des additions. Mais surtout des mots qui ne laissaient plus planer aucun doute sur le rôle du vicaire dans ce mystère.
Louis commentait les annotations du livre.
- Regardez. Sel, sucre, thé, café, tabac, vins de Bordeaux, Brandy, armes, poudre, soie. Uniquement des marchandises faisant l’objet de taxes royales ou de prébendes. Je crois que notre vicaire s’adonnait à la contrebande...
- A la contrebande ? Un homme d’église ? Mais que vient faire mon Manoir dans cette affaire ?
J’intervins à mon tour.
- Il est idéalement placé sur cette falaise d’où il domine le village et la Manche. Et il y a une plage en contrebas où les chaloupes des trafiquants peuvent accoster...
- Le vicaire savait qu’une légende courait sur ce Manoir. La légende d’esprits qui l’habiteraient. Alors il a utilisé sa hyène pour donner de la force à cette légende et écarter ou chasser du Manoir tout ceux qui voulaient s’en approcher ou même y vivre...
- Oui Louis, je crois que vous avez raison. Mais il s’est donné tout ce mal bien inutilement...
- Bien inutilement Lady Alice ? Que voulez-vous dire ?
- La face blanche que nous avons vue n’est pas un complice du vicaire. C’est son meurtrier. Notre homme d’église s’est donné beaucoup de mal pour faire croire que votre Manoir était hanté... alors qu’il l’est réellement...
*
Le Comte digérait avec peine mes paroles. Il acceptait difficilement la perspective que son Manoir fût réellement habité par un esprit. Et tueur qui plus est...
Lui qui n’avait pas ménagé ses efforts pour chasser cette légende et rendre son domaine habitable...
Mais l’homme était pragmatique. Et plutôt que de se lamenter, il se contenta de demander ce que nous allions faire à présent. Je répondis.
- Je propose de continuer à fouiller les papiers du vicaire. Il doit avoir des complices. Avec un peu de chance nous trouverons une liste avec leurs noms.
Louis s’exclama. - Je crois que j’ai trouvé. Regardez. Dans le même cahier, des noms et en face de chaque nom, un chiffre. Sans doute le salaire de la contrebande... Le vicaire faisait lui-même la répartition des bénéfices que rapportait ce trafic...
Le Comte fulminait. - Gardons ce livre. Il nous permettra de livrer tout ce gibier de potence à la Police du Roi. Ils se balanceront bientôt au bout d’une corde. Le Roi n’aime pas que l’on détourne l’argent dont il a besoin pour ses guerres et ses fêtes... Et maintenant, que faisons-nous ?
- Je propose d’aller à la cave...
- Pour quoi y faire Lady Alice ?
- Pour tenter de trouver le passage qui mène au Manoir. Allons-y...
Je sortis de la pièce et me dirigeai vers une porte qui se trouvait sous la pente de l’escalier. Je présumai qu’il devait s’agir de l’entrée de la cave.
Comme d’habitude, elle était fermée. Comme d’habitude, le Comte ne perdit pas son temps à chercher la clef... Il exécuta la serrure d’un coup de pistolet.
Nous n’avions pas eu le temps d’empêcher son geste. Louis était contrariée...
- Vous n’auriez pas dû tirer My Lord... Tout le village sait que nous sommes ici à présent et ce que nous y faisons... Les complices du vicaire vont dissimuler des preuves, fuir ou nous attaquer...
- Dissimuler des preuves ? Nous en avons suffisamment... Fuir ? Nous les retrouverons jusqu’en enfer... Nous attaquer ? Qu’ils viennent... Ce ne sont pas quelques villageois avec des fourches...
- Ne les méprisez pas My Lord. Nous avons vu en France ce que des villageois avec des fourches pouvaient faire...
Mais le Comte ne répondit pas. Il s’était déjà précipité dans l’escalier qui menait au sous-sol. Louis le suivait, une chandelle à la main. Je fermais la marche. L’escalier était long.
Nous entrâmes enfin dans une vaste pièce, curieusement haute de plafond. Elle était encombrée de marchandises les plus diverses. Coupons de tissus précieux, tonneaux de vins, sacs de sel ou d’épices, armes... Il était impossible de dresser un inventaire en quelques minutes...
Mais nous cherchions autre chose. Un passage.
A la lumière de la chandelle, nous parcourûmes la pièce et enfin nous vîmes une nouvelle porte, simplement fermée par une targette.
Louis avait déjà tiré le loquet et ouvert la porte. Une forte odeur d’humidité nous saisit aux narines.
Nous vîmes un boyau sombre.
Quelle pouvait être sa longueur ? S’il menait jusqu’au Manoir, la chandelle de Louis ne pouvait suffir à nous éclairer jusque là et nous risquions de nous perdre dans le noir.
Je regardai autour de moi et je trouvai rapidement de quoi nous aider.
- Le vicaire avait tout prévu. Lui non plus ne se risquait pas dans cet endroit sans une bonne lumière. Regardez. Une torche couverte de goudron...
Nous l’allumâmes à la flamme de la chandelle de Louis et, enfin, nous nous glissâmes dans le souterrain...
*
Le Comte ouvrait la marche, la torche à la main, et Louis et moi le suivions, épaule contre épaule.
Le souterrain permettait de se cacher, de passer d’une bâtisse à une autre sans être vu.
La lumière jetée par la torche éclairait les murs. Nous pûmes constater que ce long couloir avait été façonné par des mains d’hommes qui l’avaient taillé dans la roche.
Leurs motifs devaient être puissants et même vitaux pour qu’ils se soient donnés une telle peine. Autrement plus importants qu’un misérable trafic de marchandises...
L’histoire de l’Angleterre était riche d’épisodes sanglants.
La Guerre des deux Roses qui, pendant trente années, opposa deux puissantes familles, les Lancastre et les York, qui se disputaient la couronne.
Les persécutions religieuses sous le règne des Tudors, Henri VIII, Marie la sanglante, puis Elisabeth.
La république de Cromwell et son puritanisme obtus qui condamnaient à la pendaison tout homme qui refusait d’assister à un office trois dimanches de suite...
Ainsi que l’avait deviné Louis, ce souterrain était un refuge pour les opposants religieux ou politiques.
Ce qui était un moyen de fuir les persécutions ou de protéger des convictions politiques ou religieuses, était devenu le repère de minables trafiquants.
Alors que je songeais à l’opportunisme de ces bandits, nous progressions dans le souterrain.
Tout à coup, nous nous trouvâmes face à une bifurcation. Deux chemins s’offraient à nous. Lequel devions-nous prendre ?
Comme à son habitude, le Comte pesta.
- Allons bon !! Il ne manquait plus que ça !! Où devons-nous aller ?
Louis sortit une boussole de sa poche. - Si nous voulons gagner votre Manoir, nous devons prendre la direction de l’ouest et donc le chemin de droite...
- Décidément mon ami, vous êtes plein de ressources !! Sans vous nous serions perdus !! Allons-y !!
Il se jeta dans la direction proposée par Louis. Je me moquai gentiment d’elle.
- Louis, les poches de votre veste sont pleines de surprises. Qu’allez-vous en sortir encore ? Un raton-laveur ?
Nous marchions toujours dans ce long boyau. Il y faisait de plus en plus froid et humide.
Nous sentîmes une odeur caractéristique. Puissante et salée. Celle de la mer.
Soudain, nous arrivâmes au bout de notre course vers le Manoir. Nous ne pouvions plus avancer. Car un obstacle nous barrait la route.
Nous étions sur une plate-forme que des vaguelettes venaient lécher. La mer devait pénétrer dans la roche par une fissure.
- Nous devons faire marche arrière... Il doit y avoir un autre passage...
Mais alors que nous n’avions pas fait dix pas en arrière, nous constatâmes que nous n’avions plus de chemin d’évasion.
Une porte, que nous n’avions pas vue, avait été refermée sur notre passage.
Il n’y avait rien d’autre autour de nous que cette porte, la roche, la mer et son léger clapotis.
La mer qui ne manquerait pas d'envahir la pièce où nous étions dès que la marée serait haute.
Nous devinâmes immédiatement le danger de notre situation. Nous étions enfermés sans espoir de secours. Nos coeurs se glacèrent d’effroi.
Car nous avions compris que nous allions périr noyés...
J’étais toujours sous le choc de ces quelques mots. Alors Louis me prit par la main et m’entraîna.
*
- Piégés !! Nous sommes piégés !! Comme des lapins au fond d’un terrier !!
Bientôt le désespoir saisit cet homme énergique qui nous précédait quelques minutes plus tôt dans ce souterrain. Qui marchait si vite, avec notre unique torche à la main, que nous étions passés devant cette porte sans la voir.
Il tomba assis au sol. Abattu.
Noyé au fond d’un boyau. Ce n’était pas la fin dont avait rêvée cet aristocrate orgueilleux. Mais c’était bien celle qu'il aurait si nous nous laissions aller, Louis et moi, au même découragement.
Louis tenta de le sortir de son apathie.
- My Lord !! Tout n’est pas perdu... Tant que nous vivons... Venez... Nous allons essayer d’ouvrir cette porte. Venez nous aider...
Le Comte de Yorktown se leva et s’approcha. Nous tentâmes d’ouvrir la porte en additionnant nos forces. Mais elle résista à notre poussée.
Louis l’examina à la lueur de la torche.
- Il y doit y avoir une serrure de l’autre côté. En tirant à mi-hauteur, là où elle doit se trouver, nous arriverons peut-être à la démolir.
Aussitôt, elle sortit l’un de ses pistolets de la poche de sa veste et fit feu. Le bois explosa sous l’impact de la balle. Mais la porte resta close.
Je m’apprêtais à sortir mes propres armes mais Louis m’en empêcha.
- C’est inutile Alice... Cette porte doit avoir plusieurs loquets. Nous perdons notre temps. Gardez vos munitions pour une autre occasion...
- Et laquelle Louis ? Nous sommes enfermés ici... Contre qui pourrions-nous en avoir besoin ?
Louis me sourit alors et me prit dans ses bras.
- Mais... contre nous ma chérie. Je préfère mourir d’une balle dans le coeur plutôt que noyée... Vous avez deux pistolets. Il m’en reste un encore chargé... C’est suffisant pour nous trois...
Je la regardais, les yeux écarquillés par l’horreur de sa proposition.
Un suicide. Un suicide collectif. C’était le seul chemin d’évasion qu’elle m’offrait...
J’étais épouvantée. J’avais dix-huit ans et je ne voulais pas mourir. Mais je me rendais compte que notre sort était scellé.
Nous n’avions plus d’autre perspective que de choisir notre manière de mourir...
*
- Venez Alice. Ne restons pas auprès de cette porte. Il n’y a rien à faire de toute façon. Venez... Il y a peut-être une sortie au bout de ce couloir... Tout n’est pas encore perdu...
Elle avait raison. Il fallait examiner le lieu où nous nos trouvions. Si la mer arrivait à y pénétrer, c’est qu’il devait y avoir des passages dans les parois. Il fallait chercher et en trouver un suffisamment large pour qu’un homme puisse s’y glisser...
Le Comte avait entendu nos propos. Il nous suivit.
Nous nous approchâmes au bord de la plateforme et Louis leva la torche.
Sa lumière éclaira les parois rocheuses.
Nous n’étions plus dans un couloir mais dans une cavité aux parois hautes. Sans doute le souterrain creusé par les hommes avait-il rejoint une grotte naturelle.
Mais nulle part nous ne vîmes de chemin d’évasion... Par contre, chacun de nous remarqua que l’eau avait monté et que bientôt, elle arriverait à hauteur de la plateforme où nous nous trouvions.
Il lui faudrait peu de temps, trente minutes tout plus, pour noyer cette grotte.
Il n’était plus temps de chercher. Il fallait nous préparer à mourir.
*
Louis et moi nous nous écartâmes du Comte. Par pudeur. Car nous ne voulions pas qu’il entende ce que nous avions à nous dire.
Louis avait l’air si malheureux.
- Je suis désolée de vous avoir entraînée dans cette aventure Alice. Pardonnez-moi. J’aurais tellement aimé vous rendre heureuse. Vous donner tout ce que vous méritiez et même au-delà... Je n’y suis pas arrivée... Il eut mieux valu pour vous, ne jamais me rencontrer...
- Louis !! Que dites-vous !! Mais sans vous, je serais déjà morte plusieurs fois... Vous m’avez sauvé la vie si souvent... Et vous avez fait bien mieux que cela. Vous avez donné un sens à ma vie. Une raison d’être. Puisque vous m’avez donné l’occasion d’aimer. De vous aimer... Alors, ne regrettez rien. Je vais mourir à vos côtés Louis. C’est le meilleur endroit pour le faire...
Elle m’enlaça et m’embrassa. Je goûtai ses lèvres pour la dernière fois. Ses baisers avaient un goût salé. Le sel des larmes qui coulaient sur ses joues.
Je la serrai contre moi pour la rassurer et lui faire sentir toute la force de mon amour. Je voulais que ce dernier moment de tendresse soit le plus intense.
Mais soudain, je m’arrachai à ses lèvres.
Car un bruit formidable venait d’éclater, bondissant d’un mur à l’autre de la grotte, couvrant le clapotis de la mer.
Un ricanement...
*
Son rire était au-dessus de nos têtes. Instinctivement, nous levâmes les yeux pour tenter de découvrir d’où il pouvait venir.
Nous ne vîmes que deux émeraudes briller dans l’obscurité, à douze pieds (quatre mètres) au-dessus du sol.
Louis s’empara de la torche qu’elle leva aussi haut qu’elle le put. Et c’est alors que nous la vîmes.
L’animal était là qui nous regardait. Ses yeux verts brillaient comme des pierres précieuses. Elle s’était tue, maintenant que nous l’avions vue.
Elle soutint notre regard pendant quelques secondes, puis doucement, elle disparut dans le boyau par lequel elle était venue.
Nous comprîmes qu’elle n’était là que pour nous aider. Pour nous offrir notre salut.
- Nous sommes sauvés ! Il y a un passage ! La hyène nous l’a montré ! affirma Louis dans un grand soupir de gratitude.
*
- Un animal peut y passer... Mais nous ?
J’intervins alors. - D’après mes calculs My Lord, cet animal a le poids d’un homme et sa corpulence. S’il a réussi à passer, nous le pouvons aussi.
- Vous sûrement, Lady Alice. Et votre époux, qui est jeune et mince. Mais moi... je crois qu’il vaut mieux que je passe en dernier. Car je risque de rester coincé et de fermer le passage...
Louis prit la parole à son tour. - Je vais passer en premier. Un pistolet à la main. Pour le cas où cet animal n’aurait pas que des intentions pacifiques...
Je protestai - Louis, non... Pourquoi vous et pas moi ?
- Parce que je suis votre époux Alice... et que je vous dois protection...
Tout en parlant, elle avait plongé son regard dans le mien.
Ses yeux contenaient une prière. Je devais l’aider à jouer le rôle qui était le sien depuis toujours. Celui d’un garçon brave et viril.
Et moi, j’étais son épouse fragile. C’était les rôles qu’une société conservatrice nous avait attribués.
Nous devions interpréter ces rôles quand nous n’étions pas seules. Quand nous avions un public, même s’il se réduisait à la seule présence du Comte.
Ce dernier n’aurait pas compris que Louis ne prenne pas tous les risques pour me sauver. Un doute risquait de naître dans son esprit. Or Louis ne pouvait pas permettre qu’un tel doute naisse.
Je baissai la tête. J’avais compris. Mais j’enrageai...
*
- Elle a été sculptée par l’eau qui l’a creusée, ravinée. Il est possible de l’escalader.
Elle se lança dans son ascension. En quelques minutes, elle avait atteint l’endroit d’où la hyène nous avait regardés. Elle s’exclama - Ce boyau est suffisamment large pour nous trois... A votre tour, Alice. Montez... C’est très facile...
Elle avait raison. Les défauts de la roche faisaient comme des marches. En quelques minutes, je l’avais rejointe.
Louis sortit alors son pistolet de sa poche et se glissa dans le boyau. Mais elle n’alla pas plus loin. Quelques mètres seulement de façon à ce que je puisse me glisser derrière elle.
- Ce serait imprudent de continuer sans lumière... Alice, dites au Comte de nous rejoindre avec la torche...
Mais notre ami était déjà en route. Avec plus de difficultés. Car il ne pouvait s’aider que d’une seule main, l’autre tenant la torche.
Bientôt nous nous retrouvâmes tous les trois, allongés l’un derrière les deux autres.
Nous commençâmes à ramper dans cette veine qui traversait la paroi.
Nous nous posions tous la même question silencieuse. Quel sort nous attendait au bout de cette veine ?
La liberté... ou une autre forme de mort...
*
Je me sentais horriblement oppressée car nous avions tout le poids d’une falaise au-dessus de nos têtes.
Il suffirait d’un rien pour que nous pérîmes écrasés comme de misérables insectes sous le talon d’une botte.
Je chassai cette image de mon esprit. Et je ne pensai plus qu’à une seule chose : avancer. Avancer le plus vite possible afin de fuir cette tombe.
Louis ouvrait la marche.
Sa progression était lente. Elle avançait avec difficultés. Elle s’appuyait sur ses coudes car elle tenait la torche dans une main et un pistolet dans l’autre.
A chaque instant, je craignais que la hyène surgisse et se jette sur elle.
Elle semblait n’être apparue que pour nous sauver. Mais un animal pouvait-il avoir une conscience ? Pouvait-il avoir un but aussi désintéressé ?
Qu’avait-elle à faire de nous ? Nous étions trois humains. Autant dire, pour elle, trois ennemis. Ou, peut-être, trois proies.
Nous redoutions qu’elle soit en train de nous attirer dans un piège.
*
Nous rampâmes pendant une vingtaine de minutes. Nous dûmes parcourir une distance de 70 pieds (20 mètres).
Enfin, Louis s’exclama - Nous y sommes ! Nous avons rejoint un couloir ! Nous pouvons enfin nous tenir debout !
Joignant le geste à la parole, elle se redressa et regarda attentivement autour d’elle.
Il n’y avait rien, Ni bête. Ni homme. Nous étions seuls.
La hyène avait disparu.
Mais nous étions sains et saufs. Elle nous avait sauvés de la noyade. Sauvés d’une mort atroce.
Je me tournai vers Louis.
- Où allons-nous à présent ?
- Je propose de continuer vers le Manoir. Mais soyons prudents à présent. Observons ce qui nous entoure. Nous ne devons plus passer à côté d’une porte sans la voir. Nous n’aurons pas deux fois la chance que la hyène vienne à notre secours...
Nous commençâmes à marcher mais sans hâte en examinant les parois du souterrain faiblement éclairées par notre torche.
Au bout de trente minutes de cette marche, j’eus une curieuse impression.
- Louis, My Lord. Arrêtons-nous. Ce que nous faisons est inutile...
- Pourquoi Lady Alice ? Pourquoi est-ce inutile ?
- Parce que nous tournons en rond. J’ai repéré un défaut caractéristique de la paroi. Nous l’avons déjà croisé trois fois. Ce couloir forme un cercle.
- Vous êtes certaine Alice ?
- Oui. Hélas...
Louis intervint.
- Il existe un moyen très simple de s’en assurer.
Elle sortit une craie de sa poche et traça une croix sur le mur puis nous reprîmes notre chemin.
Tout en marchant, Louis regardait sa boussole. Elle semblait soucieuse.
Il ne nous fallut que dix minutes.
Dix minutes pour revenir à notre point de départ. Devant cette paroi que Louis avait marquée d’une croix...
Nous ne pouvions détacher les yeux de cette marque. Car nous avions tous compris.
Nous étions enfermés dans ce souterrain où nous allions errer à l’infini. Dans la nuit, dès que notre torche se sera éteinte.
Ce souterrain était notre tombeau.
Nous allions y périr de faim et de soif...
*
Il se mit à rire de façon irrépréssible. Nous eûmes l‘impression qu’il devenait fou.
- Quelle ironie !! Nous allons mourir de soif. Après avoir failli périr noyés !! Au moins nous ne mourons pas de faim. Nous pourrons toujours nous manger les uns les autres...
Je ne goûtais guère cette plaisanterie. Finir dans l’estomac d’un aristocrate anglais déprimé n’était pas mon idée d’une fin heureuse...
Je sentais que la colère enflait dans mon coeur comme un volcan près d’exploser. Louis le devina car elle tint des propos rassurants.
- Nous ne sommes pas encore morts My Lord. Il y a certainement un moyen de sortir d’ici...
- Lequel ? En jouant les passe-muraille ?
- En prenant le chemin que la hyène a suivi... Elle a dû réussir à quitter ce couloir puisqu’on ne trouve sa trace nulle part. Il doit exister un passage. Assez large pour nous puisqu’il l’est suffisamment pour elle... Examinons les murs avec soin. Mais faisons vite, car bientôt nous n’aurons plus de lumière...
Nous commençâmes à sonder les parois avec minutie, examinant le moindre pouce de pierre, caressant la roche de la main. Mais rien. Aucune fissure, aucun passage.
Bientôt nous fûmes de retour à notre point de départ.
A cette marque tracée à la craie sur le mur.
*
Nous étions perdus dans nos pensées. Et elles étaient lugubres.
Il était vain d’espérer.
La hyène nous avait accordé un répit de quelques jours tout au plus.
Nous allions périr assoiffés. Ou de notre propre main pour échapper à cette mort atroce. Puis, elle n’aurait plus qu’à se repaître de nos cadavres.
Elle n’avait pas cherché à nous sauver. Elle avait rempli son garde-manger.
Mais où était-elle ? Comment parvenait-elle à quitter ce souterrain ?
J’avais conscience que jamais nous n’aurions de réponses à ces questions.
*
Non. Nous n’allions pas mourir ! Il y avait un moyen de sortir de ce piège. Un moyen de nous sauver. Je devais le trouver !
J’avais encore tant de choses à vivre. Tant d’amour à donner à Louis.
Je me tournai vers elle. - A votre avis, où sommes-nous ?
- D’après la boussole et mes calculs, nous devons nous trouver sous le Manoir... Bien sûr nous avons tourné en rond... mais je suis pratiquement certaine de notre position...
- Alors, il doit y avoir un passage qui mène à la chapelle. Un passage qui existe de longue date. Celui qu’empruntait le vicaire pour venir sonner le glas, veiller à son trafic de contrebande et nourrir son animal. Il faut le trouver, Louis. Reprenons nos recherches.
- Comment allons-nous nous y prendre Alice ? Nos recherches n’ont rien donné et bientôt nous n’aurons plus de lumière.
Comme pour confirmer ses propos, la flamme de la torche se mit à faiblir, indiquant par là que le combustible dont elle était imprégnée avait été totalement consumé.
Bientôt, elle ne fut plus qu’un tison rouge. Puis peu à peu, le rouge s’estompa et elle s’éteignit.
Louis avait tout juste eu le temps de sortir la chandelle, qu’elle avait conservée dans sa poche, et d’en allumer la mèche aux derniers feux jetés par la torche.
Une faible lueur se mit à briller qui nous donnait des allures de spectres.
Je pensai à la face blanche que nous avions vue dans la chapelle quelques heures plus tôt. Mais cela me paraissait un siècle...
Tant de choses s’étaient produites. Et notamment le mystère de la mort du vicaire qui ne serait jamais élucidé si nous ne trouvions pas le passage qui nous permettrait d’échapper à cette tombe.
Soudain, je fus arrachée à mes pensées par un cri de Louis. - Regardez la flamme de ma chandelle ! Elle se penche...
Nous nous jetâmes sur la paroi qui nous faisait face et d’où venait le mince filet d’air qui faisait danser la flamme.
Nous la caressâmes et enfin...
Il y avait une mince fissure, large comme un doigt.
La vie, la liberté et l’amour étaient derrière cette paroi.
*
L’un après l’autre nous posâmes la main sur cette fissure. Nous sentions l’air frais glisser entre nos doigts.
Mais le découragement fit bientôt place à l’enthousiasme des premières secondes.
Nous avions trouvé cette fente mais nous étions toujours prisonniers.
Comme d’habitude, le Comte fut le premier à se lamenter.
- Nous avons trouvé une faille !! La belle affaire !! Qu’allons-nous en faire ?? Il faudrait pouvoir l’agrandir... Auriez-vous un tonneau de poudre caché dans votre poche ? De la poudre pour faire sauter cette paroi...
Je me tournai vers Louis, pleine d’espoir... Elle nous avait surprise en trouvant toujours le moyen de nous sauver. Et les poches de sa veste semblaient receler de multiples surprises. Sels d’Angleterre pour sortir le Comte de son évanouissement, boussole et craie pour nous guider, chandelle pour nous éclairer...
Hélas... ses premiers mots éteignirent tous mes espoirs...
- Non My Lord, je n’ai pas de poudre... Et il faudrait plus d’un tonneau pour ouvrir ce mur. D’ailleurs, nous risquerions d’être réduits en cendres par l’explosion ou de provoquer un éboulement...
- Mais au moins avez-vous une idée pour nous sortir d’ici ?
- Donnez-moi votre dague My Lord...
Le Comte de Yorktown lui tendit l’arme avec laquelle il avait si facilement ouvert le bureau du vicaire.
Louis s’en saisit et introduit la lame, fine comme une feuille, dans la fissure. L’arme, ne rencontrant aucune résistance, glissa le long de la paroi.
La dague semblait trancher la pierre comme elle l’aurait fait avec un morceau de viande.
En peu de temps, Louis dessina deux lignes verticales et parallèles de 6 pieds de haut (1 mètre 80 centimètres) et une autre, horizontale, de trois pieds de large (90 centimètres).
Une porte.
Nous étions face à la porte du souterrain qui sans doute devait communiquer avec la chapelle ou avec le manoir.
*
Elle était composée d’un morceau de roche taillé de façon à masquer l’ouverture et à se confondre avec la paroi.
Sans le mince filet d’air, qui avait fait trembler la flamme de la bougie tenue par Louis, nous aurions pu passer cent fois devant elle sans la remarquer.
Mais si nous avions trouvé la porte qui nous permettrait de sortir de ce tombeau, il nous restait à découvrir le mécanisme qui l’ouvrait.
La chandelle avait fondu. Nous n’avions plus de lumière que pour quelques minutes.
Avec l’énergie du désespoir, nous nous appuyâmes contre cette porte de pierre. Nous espérions la faire céder en additionnant nos forces.
Mais ce fut peine perdue. Rien ne bougea. Elle demeura close et nous, nous étions toujours prisonniers.
Puis soudain, la chandelle s’éteignit et nous nous trouvâmes plongés dans l’obscurité la plus noire. Celle des caveaux.
*
Je connus alors un moment de découragement. J’avais vécu cette aventure et cette enquête avec passion. Et même avec une certaine forme d’amusement effrayé. C’est parfois si bon d’avoir peur...
Tant que la lumière brillait et que je pouvais voir la femme que j’aimais, j’avais tous les courages.
Mais à présent que la nuit était tombée sur nous, je me sentais perdue et j’étais sur le point de me laisser aller au découragement le plus extrême.
Je me laissai tomber au sol. Je restai prostrée pendant quelques minutes.
Puis soudain, je sentis qu’une main chaude se posait sur mon épaule. Un bras vint m’enlacer. Louis m’avait cherchée à tâtons. Je me serrai contre elle.
Je sentis ses lèvres chaudes et douces sur ma tempe.
- Ne perdez pas courage Alice...
Elle se voulait rassurante parce qu’elle avait la sagesse que lui conféraient les quatre années qu’elle avait de plus que moi.
Pourtant, je savais bien, qu’au fond de son coeur, elle tremblait à la perspective de la mort affreuse qui nous attendait.
Mais je ne voulait pas ajouter à sa peine. Alors une nouvelle fois, je pris sur moi.
- C’est passé Louis. Ce n’était que l’effet de la déception. Vous êtes là avec moi. Le reste m’importe peu...
- Moi, j’aimerais bien que vous soyez de l’autre côté de ce mur, Alice...
- Sans vous ? Non. Etre près de vous est la seule place qui me convienne...
Elle se mit à rire. - Si vous étiez de l’autre côté de ce mur, je suis sûre que vous auriez rapidement trouvé le moyen d’ouvrir cette porte. Car vous êtes aussi intelligente que vous êtes belle...
*
Ces compliments, dont je connaissais la sincérité, me firent un plaisir fou. Ils eurent aussi pour effet de me sortir de mon apathie et de me donner envie de me battre. Encore et toujours. Pour sauver mon amour.
- Louis. Vous pensez qu’on ne peut ouvrir cette porte que d’un seul côté ?
- C’est à craindre en effet...
- Alors, comment la hyène a-t-elle fait pour sortir d’ici ?
- “On” lui a ouvert ou bien elle dispose d’un autre chemin d’évasion.
- Pourquoi se serait-on donné la peine d’en faire un autre puisque celui-ci existe ? Creuser cette roche est un travail titanesque... Non, la hyène a emprunté ce chemin. J’en suis certaine. Nous n’avons qu’à faire comme elle...
- Comment ?
- Nous savons que cet animal, quand il se dresse sur ses pattes, atteint une hauteur de cinq pieds (150 centimètres). Nous devons sonder chaque côté de la porte jusqu’à une hauteur de cinq pieds. Venez Louis...
Elle se leva et nous nous dirigeâmes vers l’espace qu’elle avait marqué en y laissant la dague.
Je me mis à genoux à la même hauteur que la hyène. Je caressai la paroi. Dans cette obscurité, tous mes sens étaient en éveil.
Soudain, à trois pieds du sol (90 centimètres) mes doigts rencontrèrent une surface ronde à peine plus large que la paume de ma main.
Mon coeur se mit à battre la chamade. Car cette surface lisse au milieu de cette roche accidentée n’était pas naturelle. Elle semblait façonnée par la main de l’homme.
Je me mis à trembler. Parce qu’un espoir fou venait de naître.
Je ne dis pas un mot de ma découverte car j’avais trop peur de décevoir mes compagnons.
J’adressai une prière muette à notre Créateur et, lentement, j’appuyai de toutes mes forces sur la paroi...
Sous la poussée de ma main, la surface lisse et ronde s’enfonça dans le mur. Au même moment, un claquement se fit entendre. Comme un mécanisme qui s’enclenche.
*
Puis, doucement, devant nos yeux étonnés, la lourde masse de la porte en pierre se mit à pivoter sur son axe dans un bruit sourd.
La dague, qui n’était plus retenue, tomba au sol.
Un flot de lumière pénétra dans le souterrain où nous nous tenions comme des animaux dans un terrier.
Et en voyant cette clartée vaincre les ténèbres où nous étions plongés, nous comprîmes que nous étions sauvés.
Louis se tourna vers moi qui était encore agenouillée et murmura une phrase dont je me souviendrai toujours.
- Chérie, je savais que vous étiez toute ma vie. Vous venez de le confirmer une fois de plus. En me rendant à la vie...
Je ne sus que répondre.
Le Comte poussa un véritable rugissement de joie.
Perdant toute mesure, il se précipita vers moi. Me saisissant à bras le corps, il me souleva et me tint devant lui.
- Lady Alice ! Vous m’avez sauvé la vie ! Je ne l’oublierai jamais ! Sachez que je ne suis pas un ingrat. Votre fortune est faite. Et désormais, votre époux et vous avez vos entrées à la Cour, auprès du Roi dont je suis un intime.
- Merci My Lord...
- Ne me remerciez pas alors que je vous dois la vie !
- My Lord, je dois bien avouer, qu’égoïstement, j’ai aussi songé à sauver la mienne et celle de mon époux...
- Peu importe ! Le résultat est là ! Merci encore Lady Alice !
Nous étions là, en train de nous féliciter quand soudain le même bruit sourd se fit entendre.
Louis jeta un cri - La porte ! Elle se referme !
Immédiatement, je tombai à genoux au sol. Je répétai le même geste et appuyai de nouveau sur la surface plane.
Mais je constatai que, malgré mes tentatives, la porte se refermait toujours.
Alors Louis bondit en avant et, glissant dans le mince espace encore libre, parvint à franchir la porte qui se referma dans un claquement sec.
Les ténèbres retombèrent.
Je restai hébétée. J’étais seule avec le Comte.
J’étais séparée de Louis...
*
J’appuyai de nouveau sur le sésame. En décuplant mes forces. Mais la porte ne bougea point.
J’étais incapable de comprendre cette résistance. Pourquoi refusait-elle de s’ouvrir alors qu’elle l’avait fait si facilement précédemment ?
Je ne pensais qu’à une seule chose : Louis était de l’autre côté de cette paroi redevenue infranchissable.
Des sentiments contraires se bousculaient dans mon esprit. La joie, le soulagement de la savoir sauvée.
Mais aussi la douleur de ne plus être avec elle.
Qu’allais-je devenir alors que j’étais de nouveau plongée dans l’obscurité de ce souterrain en compagnie du Comte ? Autant dire seule car notre aristocratique ami anglais avait parfois de tels moments de doute qu’il n’était d’aucune aide et d’aucun soutien.
Jamais je n’avais connu de peur comme celle-là.
Jamais je n’avais vécu un tel moment de solitude et d’abandon.
Si pourtant.
Quand j’avais appris que Louis préférait partir en Amérique plutôt que de m’épouser (le Portrait).
Ou quand je m’étais retrouvée dans les geôles de la prison de New York après que Louis et moi avions déjoué le complot qui menaçait le Président George Washington et ses ministres (Révolutions 1).
J’avais cru mourir alors. Je revivais ces moments douloureux entre tous.
Je sentis que le désespoir me gagnait.
Louis était bien plus que la femme que j’aimais. Elle était ma raison de vivre.
Sans elle, je n’avais plus de force. Et d’abord celle d’espérer.
*
Dans l’obscurité qui nous entourait, j’avais perdu toute notion du temps et les minutes passaient comme des heures.
La porte restait obstinément close. Louis n’avait pas trouvé le moyen de l’ouvrir.
Des larmes se mirent à couler sur mes joues.
Je ne songeai pas à les essuyer. A quoi bon. Dans la nuit de ce souterrain, le Comte ne pouvait pas voir mon désarroi.
Lui-même s’abandonnait au plus noir chagrin. Je n’entendais de lui que soupirs et gémissements.
En quelques minutes, je passai par toutes les phases du tourment.
Si dans un premier temps, j’avais été heureuse que Louis ait pu s’évader, dans un second temps, je lui en voulais presque d’avoir fui sans moi.
Elle était libre et j’étais toujours prisonnière.
C’était injuste, bien sûr. Mais j’avais trop peur pour être lucide. Pour me souvenir de toutes les fois où elle avait risqué sa vie pour me sauver.
Puis, mes sentiments changèrent à nouveau et je tombai à genoux. Je récitai une prière silencieuse, suppliant notre Créateur de lui venir en aide.
*
Je ne sais combien de temps durèrent mes prières, mais soudain, alors que je n’entendais plus rien d’autre que les battements de mon coeur, un bruit sourd m’arracha à ma prostration.
Ce bruit...
Je me levai brusquement, pleine d’espoir. Et je vis la lourde porte en pierre pivoter sur son axe.
Une seconde chance nous était offerte.
Cette fois-ci, j’étais déterminée à ne pas me laisser surprendre. Et je me tenais prête à bondir dès qu’un espace suffisamment large me permettrait de me faufiler.
Enfin, la porte était grande ouverte.
Nous nous apprêtions à sortir quand une ombre se dressa devant nous.
Tout d’abord, je pris peur puis je reconnus la mince silhouette de Louis. Elle nous exhorta.
- Alice, My Lord. Venez vite !!
Nous n’avions guère besoin de son invitation pour sortir de cette antichambre de la mort. D’un même élan, le Comte de Yorktown et moi franchîmes la porte pour nous retrouver dans la chapelle du Manoir.
Ainsi nous avions vu juste. Le souterrain y conduisait.
Je me jetai dans les bras de Louis. Elle me tint serrée contre elle.
A ce moment-là, je regrettai toutes les mauvaises pensées que j’avais eues quelques minutes plus tôt. Comment avais-je pu imaginer qu’elle m’abandonnerait à mon triste sort ? Je m’en voulais de mon aveuglement.
Je levai mon visage vers le sien afin de lui demander de pardonner mon ingratitude. Mais je poussai un cri en voyant Louis en pleine lumière.
Une trace de sang balafrait sa joue.
Je m’écriai. - Louis. Au nom du Ciel, qu’avez-vous ? Vous êtes blessée ?
- Ce n’est rien Alice. Une simple égratignure. Un coup que j’ai reçu sur le front... C’est sans gravité.
- Louis, qui vous a frappée ?
- La créature qui avait bloqué le mécanisme de la porte pour qu’elle ne puisse plus s’ouvrir. J’ai dû me battre avec elle. Elle a pris la fuite.
- Une “créature” ?
- Oui Alice. Je n’ai pas d’autre mot. Car j’ignore si cette face livide est de notre monde ou... d’un autre...
*
Je sortis de ma poche un mouchoir en toile fine et j’essuyai le sang qui avait coulé sur sa tempe et sa joue.
Je mis une douceur infinie dans mes gestes car je ne voulais pas la faire souffrir.
Louis m’enveloppait de ce regard qui me faisait frémir. Et je regrettai amèrement que cette chapelle ne soit pas le lieu pour lui prouver mon amour.
Sans parler de la présence du Comte qui empêchait les rapprochements plus intimes !
Pendant qu’elle se laissait soigner, je l’interrogeai. - Louis, devons-nous comprendre que vous vous êtes battue avec un esprit ? Avec un fantôme ?
- Non Alice. Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire... Nous nous sommes battues avec nos épées. La créature que j’ai affrontée connaît l’escrime. Et se débrouille plutôt bien même si je suis parvenue à la désarmer. Elle a profité d’un moment d’inattention, quand je libérait le mécanisme de la porte qu’elle avait bloqué, pour me frapper à la tête...
- Alors pourquoi avez-vous dit qu’elle pouvait être d’un autre monde que le nôtre ?
- Quand je me battais avec elle, j’ai ressenti une impression étrange... Un malaise... Son regard me fouillait alors que je parais ses coups d’épée. Je ne pouvais pas voir son visage. Seulement ses yeux qui étaient comme deux tisons brûlants...
- Pourquoi ne pouviez-vous pas voir son visage ?
- Parce que cette créature porte une sorte de masque de cuir blanc qui lui donne un aspect effrayant...
- Alors, c’est elle la face livide que nous avons vue dans le clocher quelques secondes après la chute mortelle du vicaire ?
- Oui, je crois que c’est elle. Je pense que le vicaire, épouvanté, a voulu lui échapper et qu’il est tombé dans le vide...
- Elle porte un masque ? Pour ne pas être reconnue ? C’est un habitant du village peut-être ?
- Sans doute...
- Mais si elle a provoqué la mort du vicaire, ce n’est pas un de ses complices. Dans ce cas, elle aurait dû être de notre côté. Elle aurait dû chercher à nous aider. Or elle a voulu nous tuer. En nous enfermant à jamais dans ce souterrain...
- Elle seule pourra nous donner ses raisons...
- Alors, il faut la retrouver. Immédiatement. Où est-elle allée ?
- Elle s’est enfuie vers le Manoir...
Nos yeux se tournèrent vers la lourde bâtisse que l’on pouvait apercevoir à travers les vitraux de la chapelle.
On aurait dit qu’elle nous attendait pour le point final de notre mystérieuse aventure.
*
Comme à son habitude, le Comte se jeta en avant et couru, plus qu’il ne marcha, vers la porte de la chapelle.
Il l’ouvrit mais, il n’avait pas fait deux pas dehors, qu’il s’arrêta brusquement et ne fit pas plus de geste qu’une statue de marbre.
Louis et moi, nous nous portâmes à ses côtés pour découvrir ce qui l’avait pétrifié.
Au milieu de la cour, allongée sur le sol et semblant nous attendre, la hyène nous regardait fixement.
Le Comte avait déjà posé la main sur la garde de son épée quand Louis retint son geste.
- Non Mylord. Ne la touchez pas !! Cet animal nous a sauvé la vie et il ne semble pas agressif...
J’ajoutai - Il a l’air de nous attendre...
- Nous attendre Lady Alice ? J’ai plutôt l’impression qu’il nous barre le passage. Il faut l’abattre !!
Mais Louis était déterminée à sauver cet animal qui, s’il nous avait effrayés, ne nous avait jamais fait aucun mal.
- Je doute qu’il se laisse tuer à coups d’épée et je refuse d’utiliser les balles qui nous restent..
- Il a tué James mon serviteur !!!
- Nous n’avons aucune preuve que ce soit lui !!! Les suspects ne manquent pas. Le vicaire et ses complices... Cette créature à la face livide...
Pendant que nous nous disputions, l’animal s’était levé.
Il se dirigea lentement vers l’entrée du Manoir. Quand il fut arrivé sur le seuil, il se tourna vers nous comme s’il nous invitait à le suivre...
J’obéis et m’avançai à sa suite. Louis et le Comte firent de même.
Bientôt, nous parcourûmes le Manoir sur les pas de la hyène qui traversait couloirs et salles à pas lents.
Elle connaissait parfaitement les lieux, n’hésitant jamais sur le chemin à suivre.
Enfin, nous entrâmes dans une pièce aux murs hauts dominée par une cheminée gigantesque.
Nous étions arrivés là où la hyène voulait nous mener car elle se coucha sur un épais tapis et posa sa tête entre ses pattes comme un chien l’aurait fait.
Il était clair que nous devions attendre.
Quelqu’un allait venir nous rejoindre.
Mais qui ? Ami ou ennemi ?
Instinctivement, je serrai la crosse du pistolet que je dissimulais dans la poche de ma veste. Du coin de l’oeil, je vis que Louis en faisait autant.
*
Soudain, la boiserie, qui recouvrait le mur sur toute sa hauteur, se mit à pivoter et un espace, large comme une porte, apparut.
J’avais la bouche asséchée par la peur car je m’attendais à voir apparaître la créature au masque de cuir...
Nous entendîmes le bruit d’un pas léger et celui d’une canne frappant le sol.
Enfin nous vîmes celle qui nous avait envoyé la hyène pour nous guider jusqu’à elle. Celle qui sans doute nous avait sauvé de la noyade en nous montrant un chemin d’évasion...
Et, dès que nous la vîmes, nous fûmes partagés entre la stupeur et la pitié.
C’était une femme.
Les boucles de ses longs cheveux blancs flottaient sur ses épaules. Elle marchait avec d’infinies précautions, ouvrant la marche en s’aidant du long et mince bâton qu’elle tenait à la main.
Elle était extraordinairement belle. Mais ses yeux étaient comme deux lacs d’eau grise.
La femme qui s’avançait vers nous ne pouvait pas nous voir.
Elle était aveugle.
*
La hyène avait levé la tête et la suivait des yeux comme pour s’assurer qu’elle ne risquait rien.
Quand enfin la femme au cheveux blancs se fut assise, elle s’approcha d’elle et se lova à ses pieds.
Nous n’avions pas prononcé une seule parole car nous étions fascinés par le spectacle de cette apparition.
Nous nous attendions tous les trois à ce que la créature au masque de cuir, le spectre à la pâle figure, surgisse. Et nous étions prêts à nous défendre contre ses attaques.
Mais devant cette femme, nous étions désarmés.
Elle se pencha vers l’animal couché à ses pieds et lui caressa la tête. - Etoile, ma fidèle Etoile, tu es là... Et tu as amené nos hôtes jusqu’à moi...
Le Comte réagit à ce qu’il prit pour une insulte.
- Vos hôtes ?? Il y a méprise Madame !! Car c’est vous qui êtes chez moi !! Je suis le Comte de Yorktown. Le maître de ce domaine. C’est vous qui êtes mon invitée. Bien malgré moi !!
Je posai la main sur le bras du Comte afin de l’inviter à ce calmer et je pris la parole - Etoile ? C’est un bien curieux nom pour un tel animal...
- Elle est comme l’astre du berger qui guide les hommes dans la nuit. Etoile me guide dans ma nuit...
- Qui êtes-vous Madame ? Et que faîtes-vous ici ?
- Je m’appelle Déa. Et je vais tout vous dire... Mais prenez un siège, je vous en prie... Car mon histoire n’est pas brève...
Nous obéîmes à son ordre. Même le Comte.
Elle attendait avec un sourire que nous soyons prêts à entendre son récit. Quand enfin nous fûmes installés, elle commença son histoire.
*
Sa voix était légèrement grave. Elle n’avait rien de terrifiant ni de spectral... C’était la voix d’un être de chair et de sang. Infiniment doux.
- Je veux tout d’abord vous dire qu’Etoile, mon compagnon et moi ne sommes pour rien dans la mort de votre domestique...
Je décidai de mener l’interrogatoire.
- Votre compagnon ?
- Je vais vous parler de lui. Mais en son temps... Votre serviteur a cédé à la panique quand il a entendu le glas résonner dans la chapelle... Comme vous le savez à présent, ce n’est pas nous qui utilisions ces artifices dérisoires pour chasser quiconque venait dans ce manoir.
- C’est le vicaire ?
- Oui... Et ses hommes. Ils ont pourchassé votre serviteur. D’après ce que nous avons su, il a glissé en courant et, dans sa chute, sa tête a violemment heurté une pierre. Il en est mort...
- Pourtant, ces bruits de pas, de portes, les ricanements de votre hyène...
- Nous vivons dans ce manoir. Il est difficile d’y vivre sans faire de bruit... Quant à Etoile, elle était obligée de continuer à obéir au vicaire qui la nourrissait. Alors, toutes les nuits, après avoir mangé la pitance qu’il lui servait, elle le gratifiait d’un ricanement...
- Mais le vicaire savait que vous étiez là ?
- Non. Nous nous cachions de lui...
- Mais où ?
- Ce manoir est étonnant. Ces murs sont très épais. Ils dissimulent de longs couloirs par où passer sans être vus. Il y a des souterrains dont vous avez pu apprécier la complexité. Des pièces secrètes où l’on peut se réfugier. Tout cela a été construit au moment des guerres de religion par des opposants qui fuyaient le pouvoir brutal du roi... Le vicaire en ignorait tout. Il ne connaissait que l’étroit passage qui permet de relier le village à la côte. Il l’utilisait pour son médiocre trafic...
- Mais vous, comment avez-vous découvert tout cela ?
- A force de patience et de temps...
- Du temps ? Combien de temps ?
- Plusieurs dizaines d’années.
*
Le Comte, interloqué par la violation constante de son bien rugit littéralement - Plusieurs dizaines d’années ?! Comment est-ce possible ? Et d’où venez-vous ?
Déa répondit avec la même douceur. - Je ne peux pas répondre à cette question. Car je n’ai aucune famille qui pourrait m’aider à connaître mes origines... Celui qui allait devenir le compagnon de toute ma vie m’a trouvée alors que je n’étais qu’un nourrisson accroché au sein de sa mère. Elle était morte de froid. Il m’a enlevée à son cadavre... Il m’a emportée, m’a nourrie, m’a soignée, m’a sauvée. Et pourtant ce n’était qu’un enfant lui aussi. Il n’avait que dix ans. Gwynplaine, c’est son nom, a marché longtemps, à la recherche d’un lieu où nous réfugier...
- Et vous avez trouvé ce manoir...
- Nous avons trouvé une grotte profonde près de la falaise. C’est en l’explorant que Gwynplaine a découvert tout le réseau de galeries. En marquant les murs afin de ne pas s’égarer, il a pu remonter jusqu’au manoir dont il a découvert les passages et les pièces secrètes... Nous avons décidé de vivre dans ce lieu si propice... Nous y vivons depuis quarante ans...
- Quarante ans !!!
- Oui... quarante ans...
- Comment pouviez-vous vous nourrir ?
- A début de chasse et de pêche. Gwynplaine est habile. Il sortait la nuit. Toujours la nuit. Nous buvions l’eau de pluie. Bien sûr avec l’arrivée des contrebandiers, notre ordinaire s’est amélioré. Gwynplaine prélevait sur leurs marchandises sucre, vin, alcools, sel et épices... Ils devaient s’en rendre compte... Mais ils ne se sont jamais risqués à venir au manoir pour protester...
- Alors cette contrebande dure depuis des années ??
- Oui, je dirais au moins une trentaine d’années... Mais longtemps ce ne fut que de l’artisanat... C’est avec l’arrivée du vicaire, il y a quatre ans, qu’elle a pris une ampleur vraiment industrielle. Ils ont commencé à trafiquer sur la soie et les armes... Toutes les semaines, un navire venait apporter ses marchandises... Pendant toute la nuit, ce n’étaient qu’allers et venues sur la plage...
- C’est alors qu’il a apporté cette hyène...
- Ce n’était qu’un bébé. Il l’a enfermé dans une cage où l’animal restait des jours entiers à l’attendre. Un jour Gwynplaine l’a libéré. Comme il avait faim, il n’a pas fait trop de difficultés pour le suivre... A force de patience et de douceur, nous l’avons apprivoisé. Je l’ai appelé Etoile. Il est comme un chien à présent. Aussi fidèle... Il connaît les grottes et les passages par coeur...
- Il nous a sauvés... Sur votre ordre, n’est-ce pas ?
- Oui...
- Qui a refermé la porte sur notre passage. Votre compagnon ? Gwynplaine?
- Oui. Je crois qu’il a paniqué. Il a compris que vous étiez intelligents et que vous n’aviez peur de rien. Que vous alliez finir par découvrir notre présence... Pardonnez-lui. Les hommes lui ont fait tant de mal... Quand il m’a trouvée, il y a quarante ans, il errait sur les routes, se cachant le jour, ne marchant que la nuit...
- Pourquoi se cachait-il ?
- Gwynplaine ne voulait pas que l’on voit son visage car alors il aurait pu craindre pour sa vie... Quand on ne connaît pas la bonté de cet homme, on est terrifié... Il craignait d’être massacré par des villageois épouvantés...
- Son visage ? Il porte les traces d’une maladie ? Comme la lèpre par exemple ?
- Non. Gwynplaine n’est pas un enfant trouvé comme moi. C’est un enfant volé... Par des hommes qui l’ont ensuite mutilé... Un jour, il a réussi à leur échapper...
- Quelle horreur !... Mais pourquoi mutiler un enfant ?...
- Nous ne savons pas... Nous n’avons jamais su pourquoi ces hommes avaient agi ainsi. Gwynplaine n’a jamais cherché à savoir... Mais il a cherché un lieu où cacher son visage...
Elle ne put en dire plus car à cet instant précis, un pas résonna sur le sol.
Tous, nous tournâmes la tête vers le visiteur qui venait nous rejoindre.
Gwynplaine se dressait face à nous, un masque de cuir blanc recouvrait sa face.
Il le retira et nous pûmes voir son visage dans sa tragique laideur.
Un rire avait été dessiné au couteau dans ses chairs.
*
Les traits de Gwynplaine étaient figés pour l’éternité dans un rire perpétuel.
Deux profondes cicatrices balafraient chaque joue, de sa bouche jusqu’aux oreilles. Les lèvres étaient tirées de façon à découvrir ses dents.
La tristesse de ses yeux bleus répondait à cette horrible grimace...
Nous ne savions que dire. Tellement les mots nous paraissaient dérisoires. Même le Comte avait perdu de sa morgue hautaine.
Nous étions devant la détresse infinie d’un homme.
Il se mit à parler d’une voix chuitante. La déformation de sa bouche modifiait les sons qui en sortaient.
- My Lady, mes Lords... Pardonnez ma laideur... Je prends soin de la cacher... Mais je me montre à vous pour que vous compreniez ce qui m’a poussé à agir comme je l’ai fait...
Ce fut le Comte qui lui répondit. Son ton nous surprit. - Ne vous excusez pas mon ami... Nous comprenons... Nous comprenons...
- Je veux vous dire aussi que vous ne couriez aucun risque d’être noyés. Voyez-vous, l’eau ne monte pas assez haut dans le souterrain pour l’inonder complètement. Il reste une poche d’air suffisante pour une dizaine d’hommes. J’en ai moi-même fait l’expérience... Vous l’auriez compris si vous aviez examiné attentivement les parois. Vous vous seriez rendus compte qu’elles étaient sèches...
- Pourquoi avez-vous fermé cette porte sur nous dans ce cas ?
- Pour vous faire peur... J’espérais vous éloigner définitivement du Manoir... Déa ignorait mes intentions. Elle a pensé que je voulais vous enfermer là pour toujours. Alors elle a demandé à Etoile de vous guider... L’animal est remarquablement intelligent. Mais il ne sait pas ouvrir les portes dont il n’a pas la clef... Il vous a donc montré un autre chemin d’évasion...
J’intervins encore - Ext-ce vous l’ombre que mon époux et moi avons suivie dans les couloirs du manoir. Est-ce vous qui avez assommé le Comte de Yorktown ?
- Oui. Je profite toujours de la venue de voyageurs au Manoir pour... me servir dans leurs bagages. Je suis devenu voleur par nécessité. Je vous en demande pardon...
Il s’approcha de Déa dont il prit la main. - Je veux que vous sachiez que si j’ai volé, souvent, je n’ai jamais tué... Je suis un honnête homme que la destinée a marqué. Déa et moi allons quitter le Manoir à présent... Nous vous demandons simplement l’autorisation d’attendre la nuit...
- Où irez-vous ?
- Nous trouverons une grotte pour nous abriter...
Mais le Comte avait retrouvé un ton de commandement - Non ! Restez ! Vous êtes mes invités. Aussi longtemps que vous le voudrez...
- Merci my Lord. Merci...
Nous vîmes alors un sourire dans le regard de Gwynplaine.
*
Nous avions quitté le Manoir où nous avions laissé Gwynplaine et Déa. Et Etoile.
Avant notre départ nous avions fait procéder à l’enterrement du vicaire. Mais surtout nous avions passé un marché avec les gens du village.
Nous leur avons fait la promesse de ne rien dire de leur trafic mais nous avons posé nos conditions. L’arrêt immédiat de la contrebande, pour laquelle ils risquaient leur vie.
Les caves du vicaire seraient vidées et les marchandises iraient garnir celles du Manoir.
Le village devait se mettre au service des habitants du Manoir. En leur apportant vivres et boissons.
Déa et Gwynplaine n’auraient plus besoin de se cacher ou de voler.
Quand nous les quittâmes, en promettant de revenir dès que possible, ils se mîrent à pleurer. Pour la première fois de leur vie, ils n’avaient rien à craindre des hommes.
Nous étions leurs premiers amis.
*
Le Comte poursuivait vers la ville de Bath. Louis et moi devions prendre la direction de Brighton.
L’aristocrate orgueilleux nous parla d’une voix émue.
- Au revoir mes amis. Ce fut un privilège et un honneur de vivre cette aventure à vos côtés. Je vous ai fait une promesse. Je la tiens. Vous trouverez dans cette enveloppe un billet à ordre. Il vous suffira de le remettre à mon banquier, dont j’ai inscrit le nom et l’adresse, et il vous remettra une somme de dix-mille livres... à chacun...
- My Lord... mais c’est trop...
- Non. Vous avez risqué vos vies et sauvé la mienne. Vous m’avez donné l’occasion de faire le bonheur de Déa et Gwynplaine. Et puis, je crois que deux jeunes gens comme vous, qui sont à la veille de vivre de multiples aventures, ont besoin qu’on les aide... Au revoir mes amis. A très bientôt... Vous serez toujours les bienvenus dans mes demeures...
Il nous fit un signe de la main et prit la route qui menait à Bath.
Nous étions seules. J’interrogeais Louis.
- Quelle route prenons-nous ? Brighton où vivent mes parents ? Bristol, où se trouve notre navire ?
- Je sais que vous mourez d’envie de revoir votre mère, votre père et Etienne, votre frère... Alors, je crois que Brighton s’impose.
Je me penchai vers elle et je l’embrassai. - Merci Louis. Oui, il me tarde de les revoir.
- Alors, allons-y...
Nous lançâmes nos chevaux au galop sur la route de Brighton.
FIN
Je remercie Victor Hugo de m’avoir prêté les personnages de Déa et de Gwynplaine, les héros malheureux de son roman L’Homme qui rit.
*
Tu m'épates, tu passes avec une telle dextérité d'une époque à l'autre et d'un style à l'autre. Bravo!
RépondreSupprimerAlice et louis voguent vers de nouvelles aventures et cela pour mon plus grand bonheur.
Merci.
Béa.
C'est un plaisir de retrouver Alice et Louis et la suite de leurs aventures.
RépondreSupprimerEt je sais que tu vas encore nous étonner et nous surprendre tout au long de ton récit.
Merci Gustave.
Marie-Pierre
gustave merci de reprendre la suite des aventures d' Alice et de Louis. Nous allons de nouveau voyager à travers tes récits comme tu sais si bien le faire. Je me demande comment tu fais pour nous livré à chaque fois des ptits bijoux. Tu reste très originale et inimitable. merci
RépondreSupprimersev
Quel plaisir de retrouver Alice et Louis qui voguent vers de nouvelles aventures sous la plume, toujours alerte, de Gustave.
RépondreSupprimerTrès bonne idée d'illustrer le récit avec le portrait en médaillon de Louis. Une pause dans le tumulte de leurs aventures est aussi la bienvenue.
RépondreSupprimermerci gustave un peu de répit pour nos héroines et merci pour ce beau portrait de louis.
RépondreSupprimerToujours aussi attachante cette histoire, je ne m'en lasse pas.
RépondreSupprimerEt très bonne idée que ce joli médaillon de Louis. Curieuse de savoir comment tu as fait Gustave.
Merci à toi.
Marie Pierre
Merci pour vos commentaires si gentils. Pour le portrait de Louis, c'est très simple, Marie-Pierre. J'ai transféré un portrait Convention et une photo de Virginie de mon ordinateur à mon iPhone. Puis j'ai utilisé 3 applications que j'avais téléchargées. Toonpaint qui permet de transformer une photo en dessin. Juxtaposer qui permet de faire des montages avec deux photos. Photogene qui permet de rajouter un cadre ovale. Voilà.
RépondreSupprimerMerci pour les explications Gustave,
RépondreSupprimerpersonnellement je suis un peu ignare et pas très douée en la matière !!
Marie Pierre
O mon bateauuuuuuu!!!!! C'est le plus des bateaux...."
RépondreSupprimerTrés romantique et charnelle cette suite, il est vrai que les deux girls ont bien mérité une pause.
Merci Gustave.
Béa.
merci gustave pour vette bele suite peline de douceur...
RépondreSupprimersev
Oui, voilà une période de calme qui va leur faire du bien...un peu de tendresse et de douceur, avant de nouvelles aventures.
RépondreSupprimerEncore et toujours merci Gustave.
Marie Pierre
rhooooooo que de fautes dans mon dernier post, allez je le refais en m'appliquant cette fois (lol)je vous assure j'ai rien bu pourtant (mdr)
RépondreSupprimerMerci Gustave pour cette belle suite pleine de douceur voilà qui est mieux.
Je te le redis au passage bonnes vacances à toi, profites- en bien
bisous
sev
Très belle, très tendre cette suite, avec malgré tout les interrogations d'ALICE qui appréhende le retour à la civilisation.
RépondreSupprimerMerci GUSTAVE, j'espère que tu as passé (ou que tu passes) de bonnes vacances !
Marie Pierre
Les interrogations d'Alice sont très touchantes.
RépondreSupprimerQue d'épreuves surmontées et cependant leur amour reste intact.Ahhhhh le romantisme est toujours ce qu'il était.
Merci.
Béa.
merci gustave j'aime bien cette suite avec les inquiétudes d'alice. Hâte de lire la suite de ses aventures
RépondreSupprimermerci gustave pour ce récit, ceal doit être extrèmement dur de jouer un rôle et de garder ce secret toute sa vie aux risques de se faire pendre si il était découvert.
RépondreSupprimerJ'adore vraiment ce récit, et tout ce que tu y ajoutes. J'aime ce voyage dans le temps.
RépondreSupprimerMerci Gustave.
Marie Pierre
La recherche d'identité, dans le cas de Louis, un choix bien difficile à assumer.
RépondreSupprimerPar pitié Gustave, je t'en prie, ne lui colle jamais plus cette affreuse moustache. (rires).
Merci.
Béa.
Bonjour. Je suis heureuse de vous retrouver.
RépondreSupprimerC'est vrai que la vie de Louis n'est pas facile. Même si elle a des compensations (rires) Non, non Béa. Plus de moustaches. Je pensais à un fin collier de barbe... (rires) Je plaisante !!! Désormais Louis ressemblera à son portrait...
Dis-moi Gustave, est-que tes héroïnes Alice et Louis t'ont pardonné de ta suite riquiqui? Moi je te pardonne car comme d'hab elle est de qualité.
RépondreSupprimerLe retour dans la famille d'Alice me paraît en effet périlleux.
Merci.
Béa.
Je crois qu'on peut te pardonner facilement cette courte suite...
RépondreSupprimerécrire trois récits en même temps, cela doit être très prenant et pas toujours évident.
Alors encore merci.
Marie-Pierre
pour moi non plus pas de soucis (mais que ca devienne pas une habitude hein (rires))
RépondreSupprimerComment les parents d'Alice vont réagir?????
merci Gustave
sev
Cette accalmie dans le tumulte de leurs aventures précède-t'-elle une nouvelle tempête ? Cette pause romantique permet en tout cas aux héroïnes et aux lecteurs de reprendre leur souffle.
RépondreSupprimerJe viens de retrouver mon internet après une panne dû à l'orage. Quel merveilleux plaisir de retrouver la 3ème partie de Révolution. J'ai dévoré, toujours aussi bien écrit et décrit.
RépondreSupprimerBonne vacances à toi Gustave et profites en bien.
Au plaisir de te retrouver en août.
Retour à la civilisation. Retour aussi aux épreuves qui vont pointer le bout de leur nez, enfin, c'est juste une impression....
RépondreSupprimerMerci.
Béa.
Voilà qui est cruel de la part de Gustave de laisser sa plume en suspens jusqu'à son retour de vacances.
RépondreSupprimerLes descriptions des contrées traversées par nos héroïnes sont toujours aussi savoureuses.
merci gustave et en avant pour de nouvelles aventures pour nos deux héroines
RépondreSupprimersev
Oui, moi aussi j'ai hâte de lire la suite de leurs aventures qui promettent à nouveau de s'accélérer...
RépondreSupprimerMerci Gustave et bonnes vacances !
Marie pierre
Voilà Alice et Louis prêtes à se lancer dans de nouvelles aventures, avec ce manoir hanté.
RépondreSupprimerDe quoi nous tenir en haleine une fois encore...
Merci Gustave
Je viens de relire "Révolutions 3", qui est un bien beau récit.
RépondreSupprimerPour son retour si attendu, Gustave nous a concocté un mystère d'un genre nouveau. Quoi de mieux que l'Angleterre comme toile de fond à une histoire de manoir hanté ?
Quelle sale habitude ils ont de vouloir toujours laver leur honneur dans le sang.....Enfin heureusement que Louis reste calme sinon elle passerait sa vie à se battre et Alice à trembler.
RépondreSupprimerJ'aime bien ce côté Paul Féval mais ton récit lui n'est pas Bossu. (rires).
Béa.
Décidément Louis n'a peur de rien et Alice avec la force de son amour et sa foi, peut soulever des montagnes ! Tout cela promet...
RépondreSupprimerMerci Gustave.
Marie Pierre
Louis semble sceptique sur l'existence des fantômes et elle a la judicieuse idée d'emporter des armes.
RépondreSupprimerJe sens que ce récit va être truculent et mystérieux.
Merci Gustave.
Béa.
Le plaisir de lire les récits de Gustave, parfaitement documentés, est toujours aussi grand.
RépondreSupprimerLa bête du Gévaudan au Royaume-Uni? Ce qui semble certain, c'est que nous allons frissonner en lisant ton récit Gustave.
RépondreSupprimerMerci.
Béa.
Toujours aussi bien, tu nous tiens en haleine, vivement la suite !
RépondreSupprimerComme Béa, ça m'a fait penser à la bête du Gévaudan, mais aussi un peu
RépondreSupprimerau Chien de Baskerville (même si ce n'est pas la même époque)...
Brrr, inquiétant tout ça, il va leur falloir du courage à nos amies !!
Merci Gustave, vivement la suite.
Marie Pierre
Passionnante chevauchée dans la campagne anglaise vers le manoir hanté...
RépondreSupprimerBien des mystères à venir sans doute!
Merci Gustave
tout d'abord merci gustave pour ce récit captivant et mes noeils noeils te remercient pour la police d'écriture...
RépondreSupprimerVivement la suite...
sev
Cette suite, annoncée par le magnifique portrait de Louis, tient en haleine et une fois de plus, Gustave interrompt son récit au moment crucial, stimulant ainsi l'imagination de ses lecteurs.
RépondreSupprimerMarie-Pierre a raison, ton récit a un parfum du 'Chien des baskerville", la lande, un cadavre, la terreur sur son visage et des traces de.....??????
RépondreSupprimerPASSIONNANT!
Merci Gustave.
Béa.
Oui, je crois qu'à cette heure, je préfère habiter ma campagne tranquille et ensoleillée !
RépondreSupprimerCette enquête promet beaucoup. Merci Gustave pour ce petit frisson de peur !
Marie Pierre.
merci gustave intriguant passionnant que dire magnifique suite tu nous laisse comme ça et une multitudes de questions m'envahi... Hâte de voir tes réponses
RépondreSupprimersev
Je sens qu'Alice et Louis vont faire de bons détectives. Le suspense bat son plein.
RépondreSupprimerInquiétante découverte du corps sans vie de James; l'enquête de nos deux héroïnes s'annonce des plus complexes et périlleuses...
RépondreSupprimerMerci Gustave pour ce récit toujours aussi captivant
Voilà qui s'appelle ménager le suspense !
RépondreSupprimerDe plus en plus captivant ton récit...mais tu es toujours aussi douée pour créer le suspens et nous donner envie de connaître la suite...très vite.
RépondreSupprimerMais entre dormir dans la lande, ou dans le manoir... ben,je ne sais pas ce que je choisirais, probablement prendre mes jambes à mon coup !
Merci Gustave.
Marie Pierre
Euh... Marie-Pierre, la suite, je ne la connais pas moi-même... (rires)
RépondreSupprimermerci Gustave il ne fait pas bon de dormir dans les parages. Brrrrrrrr ca donne froid dans le dos.
RépondreSupprimerHâte de voir la suite àprès le soudain... ( lol)
sev
Oui hâte de le découvrir ce manoir si inquiétant... et ce rire, j'ai l'impression de l'entendre encore ! brrr!!
RépondreSupprimerEt toute mon admiration encore d'arriver à mener ainsi 3 récits de front !
Merci Gustave.
Marie Pierre
merci gustave inquiétant ce rire me demande bien de qui il s'agit mystère mystère...
RépondreSupprimerHâte d'être dans le manoir à la recherche de la vérité
sev
Voilà de quoi être glacé d'effroi !
RépondreSupprimerOui, des réflexes d'enquêtrice avisée Alice, quand elle prend soin de reproduire sur papier les empreintes dans la boue !
RépondreSupprimerLe manoir, de jour, ça doit aller...
mais de nuit...je le laisse aux téméraires de la trempe de Louis et Alice !
Merci Gustave.
Marie Pierre
on va enfin découvrir se manoir et ses secrets qui nous glace le sang.
RépondreSupprimermerci gustave
Ce récit est toujours palpitant et son évolution, distillée par petites touches, rend d'autant plus difficile l'attente de la suite.
RépondreSupprimerLe manoir de jour comme de nuit, j'aurai le trouillomètre à zéro.
RépondreSupprimerElles sont intrépides, elles sont....inconscientes! (rires). Ce qui fait du reste tout leur charme.
Merci Gustave!
Béa.
"Adouci par des échauguettes...."Je veux bien Gustave, en tout cas je serais comme un chat échaudé et pour rien au monde je ne franchirais le seuil de cette demeure.
RépondreSupprimerEn même temps comme je ne crois pas aux grosses bébêtes tueuses, je partage l'avis de Louis.
Merci.
Béa.
On se croirait sur place. La perspicacité de Louis permettra, sans nul doute, de redonner au lieu sa sérénité.
RépondreSupprimerIntéressante l'explication de Louis ...et tellement plus rassurante, enfin un peu plus rassurante...
RépondreSupprimerMais il a l'air très bien ce manoir finalement...à première vue...
Merci Gustave
Marie Pierre.
merci gustave mais contrairement à Béa moi j'irai bien jeté un ptit coup d'oeil, j'aime les défis...
RépondreSupprimerQui se cache donc derrière cette mascarade
Une pause dans ce suspense haletant... Mais que leur réserve leur visite à la bibliothèque ?
RépondreSupprimerAlice connaît aussi la zoologie! A qui appartiennent donc ces traces?
RépondreSupprimerLa bête se matérialisera-t'-elle cette nuit et si oui, sous quelle forme ? Mi-chien, mi-loup, animal venu d'un autre continent ? Ou le suspense va-t'-il se prolonger pour permettre à nos imaginations de divaguer parmi les hypothèses ?
RépondreSupprimerTu m'intrigues de plus en plus Gustave...qu'est-ce que cache le comte ? Et ces craquements...?
RépondreSupprimerLa nuit promet d'être...angoissante !
Merci.
Marie Pierre
Je reprends ton récit après 15 jours de vacances. J'ai dévoré la suite, toujours autant de suspens et toujours très bien écrit. Merci Gustave.
RépondreSupprimerQue de suspens et d'interrogations autour de ce manoir et de cette mystèrieuse bête...
RépondreSupprimerMerci Gustave de nous tenir ainsi en haleine
Je me laisse porter par ton récit et par nos deux héroïnes qui n'ont décidément pas froid aux yeux !
RépondreSupprimerEt voilà le glas qui se met à sonner...brrrr. Mais qu'est-il arrivé au Comte ? Alice et Louis ont-elles raison de lui faire confiance ?
Merci à toi.
Marie Pierre
Passionnant! On frissonne d'effroi!
RépondreSupprimerJe me demandais aussi comment Alice et Louis allaient "réveiller" le Comte. Je vois que tu n'es jamais à court d'idées. Des sels d'Angleterre. Je ne connaissais pas. Et qui sonne le glas ? A dimanche. Anne
RépondreSupprimerDu romantisme, du mystère, des voyages, de l'histoire, et maintenant un cours de chimie appliquée. Tu nous gâtes, Professeur Gustave.
RépondreSupprimerTu nous tien en haleine avec ton récit Gustave, vivement la suite.
RépondreSupprimerUn début d'explication avec l'existence d'un passage souterrain... Nul doute que l'intrépidité de nos héroïnes viendra à bout de cette énigme.
RépondreSupprimerBon, ce n'est pas aujourd'hui que nous aurons la réponse aux questions que nous nous posons. Mais on avance un peu : il y a un passage souterrain. A mercredi alors. Merci Gustave. Anne
RépondreSupprimerToujours autant de mystère autour de ce manoir; la chapelle, le glas et ce rire terrifiant...
RépondreSupprimerTu sais merveilleusement nous tenir en haleine Gustave, merci
Quelque chose me dit que le livre doit contenir un ou des indices... Ce récit tient toujours autant en haleine.
RépondreSupprimerJe vois que dans Révolutions aussi "le presbytère n'a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat" (rires) Mais le mystère du vicaire jaune demeure toujours (rires). Encore merci Gustave. Anne
RépondreSupprimerQuel sens de l'observation et quelle intelligence cette Alice, pour avoir levé le voile sur la mystèrieuse bête et son "rire".
RépondreSupprimerL'attente dans le clocher s'annonce des plus périlleuse quand même...
Merci Gustave
Les choses se précipitent,et Louis et Alice prennent vraiment l'affaire en mains. Mais est-ce que ça va être si simple ? Ca m'étonnerait !
RépondreSupprimerMerci.
Marie Pierre
Quelle perspicacité !!! Et dire qu'il y a des gens qui disent que les livres ne servent à rien... Je ne sais pas si c'est l'air qu'elle respire en Angleterre, mais Alice a tout de Miss Marple. La beauté, et la jeunesse en plus (rires) Hâte d'être à mercredi pour assister au piège tendu par nos héroïnes. Encore et toujours merci Gustave. Anne
RépondreSupprimerUne hyène... Voilà une explication rationnelle aux ricanements. Mais il doit probablement s'agir d'une hyène dressée à réintégrer son abri à la levée du jour.
RépondreSupprimerTrès bien : un intermède érotique pour distiller le suspense.
RépondreSupprimerLe repos des guerrières avant le piège ? Pourquoi pas ? (rires) Alors à dimanche pour la solution de l'énigme ? Peut-être. Merci Gustave. Anne.
RépondreSupprimerAaaaahhh tu nous tiens en haleine Gustave, j'attends avec impatience la suite de cette superbe aventure.
RépondreSupprimerInquiétant,haletant,terrifiant, en un mot passionnant !
RépondreSupprimerMerci encore Gustave.
Marie Pierre
Toujours autant de mystère et d'angoisse autour du maitre de cette affreuse hyène...
RépondreSupprimerMerci Gustave de nous tenir ainsi en haleine avec ce récit
Allons bon. Encore un mort ! Parce que je présume que la personne allongée comme une crêpe aux pieds des chevaux est morte ! Tant que ce ne sont pas nos héroïnes... moi ça me va (rires) Merci Gustave. Anne
RépondreSupprimerUn mystère éclairci en partie aussitôt remplacé par un nouveau. Quel rythme effréné !
RépondreSupprimerPetite suite, mais costaude (rires). C'était le vicaire qui sonnait le glas ??? Comme ça, il n'y avait pas de fausses notes (rires) Et cette face lunaire ? Qui est-ce ? Le mystère est de plus en plus épais. Merci Gustave. A dimanche. Anne
RépondreSupprimerMon commentaire aussi sera court, mais il n'en est pas moins sincère : quel suspense haletant !
RépondreSupprimerLe mystère s'épaissit de nouveau, avec cette nouvelle victime...mais qui est derrière tout ça ??
RépondreSupprimerMerci Gustave.
Marie Pierre
J'en étais sûre. Ce vicaire était trop poli pour être honnête. Quant à Alice, j'adore cette façon qu'elle a de prendre l'enquête en main. Mais je pense que tu nous réserves d'autres surprises. Gustave. Rira bien qui rira le dernier (rires)
RépondreSupprimerAu fait, quelque chose qui ne me fait pas rire, c'est la perspective de ne plus avoir qu'un seul épisode par semaine (soupirs) Enfin, je comprends tes raisons. Gustave.
Alors merci pour tout. Pour le temps que tu consacres à nous écrire des récits. Pour les rendez-vous que tu nous donnes et que tu respectes toujours. Et à dimanche prochain. Anne
Je n'avais pas pensé au Vicairaire, en tout cas il ne doit pas être le seul, attendons la suite... merci Gustave
RépondreSupprimerDéterminante la découverte d'Alice, qui est décidément une redoutable enquêtrice!
RépondreSupprimerMais je suis sûre que tu nous réserves encore bien d'autres surprises Gustave.
Merci encore pour ce récit passionnant
Je ne me serais jamais doutée que le vicaire était impliqué dans cette effroyable affaire. Décidément, Gustave a l'art de surprendre...
RépondreSupprimerOui, moi aussi je trouve Alice très perspicace dans cette histoire et bien courageuse ! Et ton récit est toujours aussi passionnant.
RépondreSupprimerBon c'est bien dommage pour la suite du mercredi, mais Gustave je suis sure que tu vas mettre les bouchées doubles pour le dimanche !! Non, je rigole, je comprends aisément que cela te prenne beaucoup de temps ces deux récits.
Merci encore à toi.
Marie Pierre
Un vicaire pas ordinaire, une hyène qui tout sauf rieuse, un passage par la case "Contrebandiers de Moonfleet", tous les ingrédients sont là....
RépondreSupprimerPif pouf paf une dernière révélation surprenante! Le manoir est vraiment hanté? BRRRRR.... Je ne sors pas ce soir même pour quémander des bonbons. (rires)
Merci.
Béa.
De nouvelles révélations sur ce vicaire qui décidément cachait bien des secrets !
RépondreSupprimerDe quoi attiser encore notre curiosité pour la suite...
Merci Gustave
Comme quoi l'habit ne fait pas le moine...
RépondreSupprimerLe service de Dieu mène vraiment à tout...
RépondreSupprimerToujours aussi captivant, mais jusqu'où iront-ils ?
RépondreSupprimerUn tunnel maintenant....Nous nous enfonçons dans les entrailles de la terre. le paradis ou l'enfer?
RépondreSupprimerMerci.
Béa.
Au bout du souterrain, la hyène ?
RépondreSupprimerQue leur réserve ce souterrain ? Hâte d'en voir le bout...
RépondreSupprimerMerci Maître du suspens Gustave.
Marie-Pierre.
Nom d'un putois, elles se retrouvent dans de mauvais draps (de bains)...Et Louis qui n'a pas prévu un tuba et des palmes....Pas sur même qu'il ait un raton-laveur....
RépondreSupprimerBon je ne pense pas qu'elles vont avaler le bouillon de onze heure, je te fais confiance Gustave!
Béa.
La situation est critique. Mais quelque chose me dit qu'elles vont s'en sortir. Merci. Anne
RépondreSupprimerL'effroi saisit aussi le lecteur. Espérons que l'ingéniosité de nos héroïnes leur permettra d'échapper à ce piège. Et bravo pour le clin d'oeil à Prévert astucieusement glissé.
RépondreSupprimerTu parles d'un traquenard...A choisir, je préfère la hyène ricanante à la noyade. Autant mourir dans la bonne humeur!
RépondreSupprimerMerci Gustave maintenant je vais cauchemarder toute la nuit. (rires).
Béa.
Rahhhh,nous laisser comme ça jusqu'à dimanche c'est cruel, sniff. Nous attendrons donc la suite avec impatience, merci Gustave.
RépondreSupprimerVoilà qu'il va nous falloir attendre une semaine pour savoir si nos trois amis pourront échapper au piège qui se referme sur eux! Mais la hyène paraît proche... Sera-t'-elle le fil conducteur qui les guidera vers la sortie?
RépondreSupprimerC'est curieux. Mais je n'arrive pas à croire qu'elles vont mourir noyées... Peut-être parce qu'Alice a rédigé ses mémoires... Merci pour ce moment d'angoisse. Anne
RépondreSupprimerCette hyène n'est pas "chienne" comme laissait supposer ton récit et en plus elle rit. Elle a toute les qualités....
RépondreSupprimerLouis est obligé de jouer le rôle du mari fort et courageux devant une tierce personne ce qui semble irriter Alice. C'est amusant.
Merci.
Béa.
Le récit est toujours aussi haletant. Comme quoi une hyène peut avoir de bons côtés...
RépondreSupprimerMais quelle horreur! Elles tournent en rond comme un poisson rouge dans un bocal.
RépondreSupprimerJe remarque que les poches de Louis sont inépuisables, elle a même une craie! (rires).
Bon tic tac tic tac que nous réserves tu Gustave pour la semaine prochaine?
Merci.
Béa.
Rahhhh après l'espoir le désespoir !!! sniff moi qui les croyais sauvés. VIvement la suite.
RépondreSupprimerAh c'est terrible de les voir de nouveau pris au piège aprés avoir entrevu un espoir...
RépondreSupprimerHâte de savoir ce que tu nous réserves
Qu'y a-t-il de moins pire, périr noyé ou tourner sans fin et sans espoir dans un souterrain prison ?
RépondreSupprimerNi l'un ni l'autre on ose l'espérer ! Je vois bien Alice trouver la solution... mais bon, qui sait à part toi Gustave ?
Merci.
Marie Pierre
Quel suspense ! Mais je ne suis pas trop inquiète, car la hyène n'a pas surgi de nulle part.
RépondreSupprimerEnfin c'est le bout du tunnel en forme de courant d'air. En revanche ce n'est qu'une mince fissure dans la paroi. Que va faire Louis peut-être qu'elle cache une pioche au fond de sa poche!!!!!!
RépondreSupprimerMerci.
Béa.
Quel suspense insoutenable!
RépondreSupprimerAh enfin peut être un petit espoir !!! Merci Gustave pour tes suites toujours aussi passionnantes.
RépondreSupprimerJe te souhaite aussi un joyeux Noël ainsi qu'à tous tes proches.
J'ai bon espoir que nos héroïnes s'en sortent et le comte avec elles. Quelque chose me dit que ce récit qui nous a tant tenus en haleine va bientôt se terminer.
RépondreSupprimerMerci par ailleurs de nous faire découvrir un nouveau portrait de Louis.
Alice et Louis forment décidement une sacré paire; intrépides, rusées et courageuses...
RépondreSupprimerOuf elles semblent toutes proches de sortir de ce piège...
Merci Gustave et bonnes fêtes !
Nom d'un chou à la crème, après l'espoir le désespoir. Alice se retrouve seule avec cet empoté de comte Machin-truc.
RépondreSupprimerMais je ne doute pas un seul instant que Louis va porter secours à la femme de sa vie.
Merci.
Béa.
Cette fois, on croyait bien qu'ils étaient sauvés, définitivement...et bien non ! Suspens encore et toujours. Mais j'aurais du m'en douter avec toi Gustave !
RépondreSupprimerMerci merci.
Marie Pierre
Moi qui pensais que nos héroïnes et leur aristocratique ami anglais étaient tirés d'affaire! C'était sans compter sur l'imagination débordante de Gustave, qui jouera avec nos nerfs jusqu'à l'année prochaine.
RépondreSupprimerEnfin elles sont sorties du pétrin. je vois que tu ajoutes une petite touche de surnaturel Gustave.
RépondreSupprimerLouis ne s'est quand même pas battue avec un zombie. Quoique....Pourquoi pas?
Merci.
Béa.
Alice affiche plus de retenue dans le désespoir que le comte. Mais nous n'en attendions pas moins d'elle. Nouveau mystère : quelle est la créature qui a attaqué Louis ?
RépondreSupprimerLes masques cachent la noirceur de l'âme humaine ou bien sauvegarde l'incognito. Mais mon petit doigt me dit que nous nous approchons plus de "Scream" que de la Comedia dell' arte.
RépondreSupprimerMerci Gustave!
Béa.
Mon impatience est à son comble.
RépondreSupprimerFort heureusement, Louis a fait preuve de plus de clairvoyance que le comte en s'intermettant énergiquement pour sauver la hyène,grâce à laquelle nos amis ont pu échapper à maints périls.
RépondreSupprimerMais nouveau rebondissement : qui est cette femme mystérieuse ?
C'est une hyène de compagnie, que cette hyène là! Même si je préfère les chats, pourquoi pas?
RépondreSupprimerRoulement de tambour et clarinette, qui est cette mystérieuse femme?
Merci.
Béa.
Etoile, voilà un joli nom, fort inattendu pour une hyène, qui, une fois n'est pas coutume, joue un rôle bienveillant et bouscule les idées reçues.
RépondreSupprimerQuelle tragédie... Même si la hyène réponds au doux nom d'Etoile, il n'en demeure pas moins que cette femme attends depuis plusieurs dizaines d'années. Cela fait froid dans le dos...
RépondreSupprimerMerci.
Béa.
Je reprends ma lecture après une panne de mon ordi. Je suis bien contente de retrouver cette belle histoire. Beaucoup de choses se sont passées et que de rebondissements, la vérité approche à grand pas. Merci Gustave.
RépondreSupprimerJe suis heureuse de te retrouver Rose. Merci d'être toujours fidèle à mes récits. Marie
RépondreSupprimerUn clown blanc. Un Joker avant "Batman", un "Homme qui rit", malgré lui, avant Hugo.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ce tragi-comique.
Merci.
Béa.
Quelque chose me dit que nous approchons du dénouement et que le comte pourra reprendre possession de son bien en toute quiétude.
RépondreSupprimerSurprenante et singulière histoire que celle contée par cette femme, au sujet de son passé...
RépondreSupprimerL'épilogue de ce récit passionnant approche sans doute
Merci Gustave, tu arrives à nous surprendre chaque fois avec des rebondissements multiples
Je viens de rattraper mon retard de lecture et c'est toujours un régal et toujours aussi fertile en rebondissements. Et tes références littéraires sont toujours habillement utilisées.
RépondreSupprimerMerci Gustave !
Marie Pierre
Superbe fin. Mais est-ce vraiment une fin?
RépondreSupprimerLa vraie révolution serait que tu arrêtes Révolutions. Je ne suis pas une grande fan de Victor Hugo, sauf "L'homme qui rit", tu as su le faire revivre, son "sourire" et sa tristesse hante la fin de ton récit. Et puis le petit sel de l'espérance. C'est remarquable.
Merci.
Béa.
Béa.
Merci Béa. Merci d'aimer mes récits et de me le dire.
RépondreSupprimerRévolutions est terminé. Mais Alice et Louis vont vivre d'autres aventures. Cette époque est si riche !!! Mais pas tout de suite...
Je vais me consacrer à Vienne et Eva. Et uniquement à elles. Je sais que ce n'est pas toi qui vas me le reprocher !!!
C'est très difficile d'écrire et de publier 3 voire 4 récits en même temps avec des personnages différents, des énigmes et des aventures qui tiennent la route. De créer de nouveaux personnages et de ne pas se mélanger les crayons entre le Comte et AntO, Déa et Yaomi, le Vicaire et Orphéa...
Alors, je vais faire une pause. Un seul récit. Et un récit que j'adore.
Merci encore Béa.
Merci à toi Gustave.
RépondreSupprimerNon, je ne vais pas te le reprocher.
J'imagine combien il est difficile de jongler avec trois voire quatre récits. Que tu te consacres à Vienne et Eva dorénavant...Que du bonheur. (rires).
Béa.
Une très jolie fin qui je l'espère continuera sur de nouvelles aventures... Merci Gustave pour ce joli récit.
RépondreSupprimerMerci Rose. Je vais continuer les aventures d'Alice et Louis. Mais pas tout de suite. Elles vont prendre un peu de repos à Brighton. Et moi aussi. Mais je ne les abandonne pas.
RépondreSupprimerUne bien jolie fin pour ce récit, avec Louis et Alice qui partirons très vite vers d'autres aventures...
RépondreSupprimerMerci Gustave et nous saurons patienter pour d'autres suites, d'autant que tu te consacres au merveilleux récit de Vienne et Eva !
C'est avec un pincement de tristesse que j'ai lu la fin de cette dernière aventure d'Alice et Louis, qui nous ont fidèlement accompagnés au cours de ces derniers mois.
RépondreSupprimerJ'espère que Gustave nous permettra de les retrouver bientôt.
Merci Stef et Oscar. Oui, il y aura d'autres aventures d'Alice et Louis. Surtout maintenant qu'elles ont un peu de fortune qui leur permet de voyager et un titre de diplomate qui les protège.
RépondreSupprimerIl fallait bien une fin à ce superbe récit, et tu as su Gustave avec ton talent et ton imagination nous en proposer une très belle et très originale. J'ai beaucoup aimé !
RépondreSupprimerEt j'attendrais patiemment la suite des aventures d'Alice et Louis, personnages auquel je me suis beaucoup attachée au fil de ces mois de lecture.
Mais sache que Vienne et Eva sont très très attachantes aussi...
Encore merci à toi
Marie Pierre
Bonjour Marie-Pierre. Tu t'es attachée à Alice et Louis ? C'est un merveilleux compliment. Moi aussi je me suis attachée à elles. Et pourtant ce ne sont que des personnages. Elles reviendront dès que j'aurai trouvé de nouvelles aventures dignes d'elles. A très bientôt.
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