LA FILLE D'IPANEMA



Voici les toutes dernières aventures de nos héroïnes.

Comme ils suivent une chronologie précise, il est préférable d’avoir lu les récits précédents, de Dix jours à Cluedo, pour comprendre :



La fille d'Ipanema







Dylan se tenait debout devant la fenêtre. Elle regardait vers la rue.

Elle était fascinée par le spectacle de la neige qui tombait sans interruption. Les trottoirs se couvraient d’un manteau immaculé. D’épais flocons tourbillonnaient dans la bourrasque.

Les passants, qui ressemblaient à des bonshommes de neige, couraient pour se mettre à l’abri. Le vent retournait les parapluies, fouettait les arbres de Washington Square Park.

Dylan se sentait merveilleusement bien dans sa petite maison new yorkaise de Greenwich Village. Protégée du froid et du vent.

Elle grignotait des macarons qu’elle avait achetés dans une pâtisserie française.

La paroi sucrée des petits gâteaux se brisait entre ses lèvres et la crème fondait sur sa langue.

Elle était tout à son bonheur gourmand quand, soudain, deux bras enlacèrent sa taille. Des mains se croisèrent sur son ventre. Une poitrine vint se coller contre son dos. Enfin, un murmure à son oreille.

- Egoïste ! Il n’y a aucun macaron pour moi ?

Dylan posa ses mains sur les mains chaudes. Elle rit doucement en entendant la voix faussement courroucée de Rachel.

- Mais si bien sûr. Tes parfums préférés sont dans la boîte. Pistache et chocolat. Sers-toi...

Elle se tourna vers sa compagne. Rachel vit que des débris de la délicieuse confiserie étaient restés collés à ses lèvres.

- Oui, je vais me servir... mais moi, je préfère les déguster... autrement...

Rachel se mit à picorer les petits copeaux de macaron sur la bouche de Dylan.

Puis le baiser se fit plus pressant, plus ardent, alors que Rachel avait posé ses mains sur le visage de Dylan. La fièvre les gagna toutes les deux.

Rachel quitta les lèvres de son amante.

- Viens... viens...

Elle la prit par la main et, saisissant la boîte de macarons au passage, l’entraîna vers leur chambre.


*


Elles étaient allongées, nues, sur le lit ravagé où elles s’étaient aimées. De fines gouttes de sueur, témoins de leur lutte sensuelle, perlaient entre leurs seins.

Et maintenant, couchées l’une contre l’autre, leurs têtes reposant sur le même oreiller, elles dégustaient les macarons qu’elles piochaient dans la boîte en carton.

Elles parlaient et riaient. Savourant ce moment de bonheur tranquille.

C’est à ce moment précis que la sonnette de la porte d’entrée retentit.

- Dylan, tu as entendu ? On a sonné... Pourtant, nous n’attendons personne...

- Non personne... Quelle barbe... On était si bien...

- On devrait aller ouvrir...

- Tu crois ? 

- Oui, Dylan. Je crois. Viens, allons-y...


*


Après avoir rapidement enfilé leurs vêtements, elles étaient allées ouvrir à leur mystérieux visiteur.

Tout d’abord, elles n’avaient pas reconnu l’ombre qui se tenait sur le seuil, dans l’obscurité de la nuit tombée, le froid et la neige.

Puis cette personne avait fait un pas et la lumière de l’entrée avait éclairé son visage. Elles avaient poussé un même cri de surprise.

- Virginie ?! ?!

La jeune femme était méconnaissable. Ces longs cheveux bouclés étaient couverts de neige. Elle portait des habits d’été : jean, tee-shirt et veste en lin. Elle grelottait.

Le premier moment de surprise passé, Dylan la prit par le bras.

- Entre, voyons. Ne reste pas dehors. Tu vas attraper la mort...

Virginie entra, un sac de voyage à la main. Elle le laissa tomber au sol.

- Merci, je ne voulais pas vous déranger mais je ne savais pas où aller...

- Tu ne savais pas où aller ? Mais enfin Virginie... Et où est Céline ?

- Céline est au Brésil. A Rio...

- Et tu n’es pas avec elle ?

- Non... Je suis partie. J’ai quitté Rio. Toute seule...

- Mais enfin... pourquoi ?

Rachel intervint.

- Dylan, tu vois bien que Virginie est lasse et frigorifiée. Elle a besoin d’un bain chaud et d’une tasse de thé. Tu lui poseras tes questions plus tard...

- Oui, excuse-moi Virginie. Je vais te faire couler un bain et préparer la chambre d’ami... Viens suis-moi...


*


Rachel et Dylan étaient assises dans le canapé du salon, blotties l’une contre l’autre, une tasse de thé fumant à la main.

Elles attendaient que Virginie les rejoigne après avoir pris son bain.

Elles étaient troublées. Virginie était bien la dernière personne qu’elles pensaient découvrir, seule et désemparée, sur le seuil de leur maison.

- Je ne comprends pas, Dylan. Que s’est-il passé pour qu’elle vienne chez nous ? Directement du Brésil.

- Quoi que ce soit, ça a un rapport avec Céline. Son visage chiffonné était humide de larmes.

- J’ai un mauvais pressentiment. J’espère qu’il n’est rien arrivé à Céline.

- Je crois qu’elle est en parfaite santé, sinon Virginie ne l’aurait pas quittée. Non, j’ai des craintes pour leur couple.

- Tu crois que Céline...

Rachel fut interrompue par l’entrée de Virginie. Vêtue d’un peignoir sable, les cheveux mouillés, une serviette autour du cou, elle s’approcha timidement et vint s’assoir dans un fauteuil club face aux deux amantes.

Elle se pelotonna dans le siège en ramenant ses jambes sous elle.

- Tu veux manger quelque chose ?

- Non merci Rachel. Je n’ai pas faim.

- Au moins, bois un peu de thé.

Dylan se leva, lui servit une tasse de thé et se rassit auprès de Rachel.

Le silence s’installa. Le beau visage de Virginie était infiniment triste. Ses amies savaient qu’elle n’était pas avec elles à New York. Mais que ses pensées étaient restées au Brésil. A Rio de Janeiro.

Que s’était-il passé ? Elles le devinaient aisément. C’était l’éternelle histoire de l’amour et du hasard.

Mais elles ne dirent rien. Elles ne voulaient pas brusquer Virginie. Mais elles se serrèrent l’une contre l’autre. Plus étroitement encore.

Soudain, la voix de Virginie s’éleva dans le silence.

- Merci de m’accueillir. Je ne savais pas où aller. Alors j’ai pensé à vous. Je savais que vous étiez à New York pour quelques semaines. Maintenant que le tournage du film de Moody Ellen est terminé.

- Tu as eu raison de venir.

- J’ai quitté Céline. Je me suis enfuie. Elle a cessé de m’aimer. Elle a rencontré quelqu’un à Rio. J’avais besoin de me confier. J’avais besoin que l’on m’écoute. Sans me faire la morale. Mais ma famille ne peut pas comprendre. C’est pour ça que je n’ai pas voulu rentrer en France.

- Que s’est-il passé ?

Virginie avala une gorgée de thé, poussa un long soupir et commença à raconter.


*


- Je rêvais du Brésil depuis toujours. De Rio et de ses plages. Copacabana. Ipanema. Je n’y étais jamais allée. Evidemment, Céline connaissait déjà. Elle avait eu l’occasion d’y faire un court séjour avec ses parents quand elle avait quinze ans. Mais elle n’y était pas retournée depuis. Alors quand l’occasion s’est présentée...

- Une occasion ?

- Gilles et Eva avaient décidé d’aller à Rio pour les quatre jours du  Carnaval. Ils nous ont proposé de les accompagner. Eva, qui est née dans cette ville, devait nous servir de guide.

- Qui sont Gilles et Eva ?

- Gilles était le dernier amant de Céline. C’était aussi son fiancé. Ils ont failli se marier. Elle l’a quitté pour moi. Eva travaille avec lui dans l‘agence parisienne de Unibanco do Bresil, une banque brésilienne. Ils vivent ensemble. Ils sont très amoureux l’un de l’autre...

- Ce n’est donc pas ce Gilles qui...

- Oh non... Ce n’est pas lui... Tous les quatre, nous sommes descendus dans le même hôtel, le Copacabana Palace sur avenida Atlantica. Un lieu mythique, fabuleux. Un large bâtiment de six étages, en pierres blanches, construit en 1930. Nos chambres, avec terrasse, étaient tout en haut de l‘immeuble. Nous avions une vue éblouissante sur la plage de Copacabana et sur les eaux bleues de l’Océan Atlantique.

- J’en ai entendu parler dit Rachel. On domine toute la baie de Rio...

- J’étais si heureuse... Etre là avec Céline. Nous avons échangé un long baiser. C’est la première chose que nous avons faite. Nous venions à peine de déposer nos bagages... J’avais l’impression d’être au paradis... Je ne savais pas alors que l’enfer était si proche...

La voix de la jeune femme se brisa.

Dylan intervint : - Virginie... Arrête, si c’est trop dur...

- C’est très dur... Mais il faut que ça sorte. Il n’y a qu’avec vous... Il n’y a qu’avec vous que je peux y arriver... Il faisait un temps magnifique. En février, c’est l’été au Brésil... Nous avons passé des tuniques en lin sur nos maillots de bains  et nous sommes descendues sur la plage devant l’hôtel.

Elle s’interrompit encore. Ses yeux, fixes, semblaient revoir la scène.

Dylan et Rachel restaient silencieuses.

- Nous nous tenions par la main. Des hommes, en vadrouille, nous souriaient, nous interpellaient. Nous disaient qu’on était belles. Ils nous invitaient à venir avec eux boire un batida de coco et manger des bolinho de bacalhau...

- Pardon ?

- Un mélange d’alcool et de lait de coco et des acras de morue... On leur répondait non avec le sourire. Ils n’insistaient pas. Enfin nous avons gagné la plage. Nous avons retiré nos tuniques et nous nous sommes étendues sur le sable... Nos doigts jouaient avec les grains blancs et fins. On voyait au loin la pointe douce du Pain de Sucre et, sur le Corcovado, la statue du Christ Rédempteur aux bras écartés, qui dominent la baie de Rio de Janeiro. Partout où l’on posait les yeux, ce n’était que corps lisses et bronzés... Les hommes jouaient au football. Les femmes, très jeunes pour la plupart, prenaient le soleil en riant...

Elle s’interrompit encore.

- Je n’avais encore jamais vu autant de corps magnifiques, presque nus, sur une plage. C’était... incroyable. Et nous avons ri quand Céline a dit que, s’il était là, Hugh Trant nous ferait un malaise cardiaque...

Dylan et Rachel ne purent s’empêcher de sourire car leur ami Hugh était connu pour son incapacité à résister à une jolie femme.

- Nous sommes restées étendues à parler. Des hommes s’approchaient toujours. C’était une drague gentille. Rien d’agressif. Ils s’en retournaient souriants, après qu’on les ait découragés. Soudain, j’ai eu une envie folle de me jeter dans les eaux scintillantes de l’Atlantique. Mais Céline n’a pas voulu me suivre. Elle était si bien au soleil... Alors j’ai couru seule vers l’eau et je m’y suis jetée. Son contact si frais sur ma peau... c’était... merveilleux. Je ne trouve pas de mot pour le dire. J’ai nagé, nagé. Je ne pouvais plus m’arrêter. J’avais l’impression que jamais je n’avais si bien nagé le crawl...

Virginie se tut de nouveau. Pendant une seconde, Rachel et Dylan crurent voir les reflets des eaux bleues dans ses yeux.

- Et puis, je me suis retournée et j’ai vu la ville, nichée dans la baie de Guanabara, écrasée sous le soleil... bordée par sa Princezinha do mar... Véritable hymne à la jeunesse, à la beauté et à l’amour... Et c’est alors que j’ai eu comme... un pressentiment. Céline était là-bas. Seule. Toute seule... Pendant que moi, je barbotais dans l’eau... J’ai paniqué... Alors, je suis revenue en nageant aussi vite que je le pouvais...

Elle se tut encore et avala une gorgée de thé.

- Enfin, j’ai atteint la plage. Le Copacabana Palace me servait de repère. Je suis sortie de l’eau à l’endroit exact où j’y étais entrée... J’ai couru sur le sable brûlant sans prêter attention aux sifflements admiratifs des joueurs de beach volley... Parce que mes yeux ne quittaient pas Céline...

Rachel et Dylan écoutaient, sans un mot. Presque sans respirer...

- Céline n’était plus seule. Quelqu’un l’avait rejointe. S’était assis auprès d’elle. Et j’ai pris peur...

- Qui ? Un homme ? Un des dragueurs de la plage ?

- Non. Une jeune fille. Orféa...


*


Dylan et Rachel ne purent dissimuler leur surprise.

- Une jeune fille ? Mais ce n’est pas possible... Tu viens de nous dire que Céline... Enfin... nous avions cru comprendre... qu’en dehors de toi... elle était plutôt attirée par les hommes...

Virginie sourit douloureusement.

- Oui... je le croyais aussi. C’est le côté positif de cette histoire... Céline a définitivement pris goût aux amours entre femmes... Je mérite une médaille... Car c’est un peu grâce à moi...

- Mais tu es certaine que cette Orféa ?... Enfin, tu as pu te tromper...

- Non Rachel. Il y a des regards qui ne trompent pas... Celui que Céline posait sur elle était si intense... si fasciné...

- J’ai du mal à le croire...

- Orféa est une ravissante métisse de 16 ans. Au corps parfait. Couleur de miel. A la poitrine menue. Ses longs cheveux bruns, légèrement bouclés, ont des reflets blonds à cause du soleil. Sa voix, chantante, est une cascade de rires. Quand je suis arrivée près d’elles, Céline a à peine tourné la tête vers moi... Elles étaient engagées dans une conversation animée...

- Céline parle le portugais ?

- Depuis que Gilles l’a rencontrée il y a seize mois, en novembre 2008, Eva nous donne des cours. On se retrouvait à Paris, chez les uns, chez les autres. On faisait des dîners brésiliens. Eva nous initiait à la cuisine de son pays. Et on parlait le portugais. Uniquement. Aujourd’hui, Céline et Gilles le parlent presque couramment. Et moi, je me débrouille très, très bien.

- De quoi parlaient-elles ?

- De Paris... Orféa s’était approchée de Céline pour lui vendre des bracelets en fils de coton fabriqués par sa mère et ses soeurs. Elle lui a demandé d’où elle venait. Puis, elle n’a pas cessé de lui poser des questions sur la France.

- Il n’y avait là rien d’alarmant...

- Sauf que Céline lui a acheté tous les bracelets et lui a donné une somme cent fois supérieure à ce que lui demandait Orféa...

- Elle l’a fait par pitié pour une enfant pauvre...

- ... et qu’elle lui a donné rendez-vous le soir même devant notre hôtel...

- Rendez-vous ??? Ce n’est pas possible !!!

- Oh bien sûr, ce n’était pas un rendez-vous amoureux !! Céline avait une idée en tête. Elle m’a dit que Gilles et Eva devaient avoir envie d’être seuls. Et que la perspective de servir de guide à l’ancienne maîtresse et fiancée de son amant ne devait pas enchanter Eva tant que ça.

- Oui, Céline n’avait pas tort...

- Finalement... Elle m’a proposé d’embaucher Orféa pour nous faire découvrir la ville... Je ne pouvais pas dire non... Je n’ai pas dit non...

- Virginie...

- Orféa était ravie. Elle nous a dit qu’elle allait mettre sa plus belle robe... Elle a pris l’argent de Céline et elle est partie en courant... Nous nous sommes retrouvées seules sur la plage. Mais la magie des premiers instants s’était envolée... Nous sommes retournées à l’hôtel pour nous doucher et nous changer. Puis le soir est arrivé. Secrètement, j’espérais qu’Orféa ne viendrait pas... Qu’elle se contenterait de la somme, royale, que Céline lui avait donnée...

- Et alors...

- Nous sommes sorties de l’hôtel... Elle était là... Elle nous attendait déjà...


*


Après quelques secondes d’un silence pesant, Virginie reprit.

- Elle était là. Ravissante dans une petite robe blanche qui mettait en valeur la couleur de sa peau. Nous sommes parties à la recherche d’un lieu sympa où dîner. Nous avons marché le long de la plage de Copacabana, sur le calçadao, un chemin de pavés blancs et noirs. Elles parlaient en riant. Et moi, je détestais déjà cette plage où Céline et Orféa s’étaient rencontrées.

- Quelle tristesse qu’un endroit si beau te soit devenu indifférent en quelques heures...

- J’avais l’impression que cette plage m’était hostile... Nous avons trouvé un restaurant. Orféa était si heureuse. C’était la première fois qu’elle entrait dans un tel lieu. Qu’elle se faisait servir par un maître d’hôtel. Elle nous a raconté ce qu’était sa vie. Ses parents et ses deux soeurs avec lesquels elle vivait dans une favela. Un quartier pauvre aux  maisons faites de tôles et de planches. Elle allait au lycée et rêvait de devenir professeur.

Virginie s’interrompit en soupirant.

- Je dois bien reconnaître qu’elle était charmante. Elle nous parlait de sa pauvreté et de ses espoirs avec simplicité et bonne humeur. Mais elle nous a aussi parlé, avec fierté, de sa ville. Rio de Janeiro. Je lui posais des questions. J’essayais de prendre sur moi. Après tout, je pouvais me tromper. Car, pas un seul instant, Céline n’a eu de geste, de propos ou de regard ambigus. Le dîner était très agréable. Et finalement, il m’a rassurée.

- Tu vois... tes craintes n’étaient pas fondées...

- A la fin du repas, nous nous sommes promenées dans le quartier de Urca avec ses petites maisons de pêcheurs si typiques, au pied du Pao de Açucar, le Pain de Sucre. Orféa prenait son rôle de guide très au sérieux. A la fin, quand le moment de nous séparer est arrivé, Céline a proposé de la ramener chez elle. En taxi. Elle ne voulait pas qu’Orféa rentre à pied dans la nuit. Nous l’avons reconduite jusqu’à la favela Morro de Cantagalo où elle vit. Quand elle nous a quittées, elle s’est jetée à nos cous pour nous dire au revoir... Je l’ai laissée faire...

- Vous êtes revenues à votre hôtel ?

- Oui, mais, au retour, le chauffeur du taxi a voulu nous faire longer la plage d’Ipanema qui était proche. Céline a refusé. Comme il insistait, elle lui a dit sèchement d’obéir. Jamais je ne l’avais vue si cassante, si autoritaire... Je n’ai pas compris. Peut-être que la séparation d’avec Orféa lui était insupportable.

- Et ensuite ? 

- Arrivées à l’hôtel, après m’être dévêtue et douchée, je suis allée sur la terrasse de notre chambre. Elle était vaste et il y avait un lit de repos. La spectacle de la nature et de la ville était si beau, la nuit était si douce que j’ai eu envie de dormir là. Céline m’a rejointe. Je l’ai prise dans mes bras. Elle m’a embrassée, et nous avons fait l’amour. C’était un moment magique que je n’oublierai jamais...

- Pourquoi tant d’inquiétude alors ?

- Le lendemain, nous avons retrouvé Orféa. Elle était un guide parfait. Elle nous a fait visiter sa ville. Céline lui a offert de petits cadeaux. Je n’ai rien dit. Je ne voulais pas montrer que j’étais jalouse d’une enfant. Le soir nous avons rejoint Gilles et Eva pour assister au défilé des écoles de sambas dans le Sambodromo, une rue longue de près d’un kilomètre, bordée de gradins. Après le spectacle, Orféa nous a entraînés dans une villa de style baroque colonial dans le quartier du Botafogo où nous avons dansé et fait la fête en buvant des batidas et en mangeant des petiscos.

- Une adolescente de seize ans dans un bar ?

- Ce n’était pas un bar. Elle pouvait y entrer car c’était son école de samba. Seuls les élèves et leurs amis peuvent y avoir accès. Malgré mes craintes, j’ai fait comme les autres. J’ai ri, j’ai dansé. J’ai essayé de m’amuser. Quand nous sommes revenus à l’hôtel, après avoir laissé Orféa chez elle, il était plus de quatre heures du matin. Je me suis couchée immédiatement. Et j’ai dormi. Dormi.

Virginie s’interrompit encore.

- C’est le bruit d’une porte qui se ferme qui m’a réveillée. Céline venait de partir. Sans moi. J’ai quitté notre lit en courant. J’ai gagné la terrasse. Je me suis penchée pour regarder vers la rue. J’ai vu Céline sortir de l’hôtel. Orféa l’attendait sur le trottoir. Elles sont montées ensemble dans un taxi qui les a emportées je ne sais où... Ou plutôt, je le sais trop bien...

Sa voix se brisa de nouveau. Deux grosses larmes se mirent à couler sur ses joues.

Rachel et Dylan se taisaient. Elles savaient que, parfois, les mots sont dérisoires. Elles laissèrent leur amie parler.

- Je suis restée hébétée pendant plusieurs minutes. Puis je suis revenue dans la chambre. J’ai vu un message que Céline avait laissé à mon attention. “Je reviens dans deux heures”. Il n’y avait rien de plus. Pas un mot d’explication. Rien. Devant la sécheresse de ce billet, j’ai compris que je ne comptais plus dans la vie de Céline. J’ai compris que c’était fini...

- Et tu as décidé de partir...

- Oui. Il ne servait à rien que je reste. Je ne voulais pas être là à son retour. Pour lui dire quoi ? Alors, j’ai jeté mes vêtements dans mon sac de voyage. J’ai rédigé un message aussi bref que celui qu’elle m’avait laissé. “Je pars. Bon séjour à Rio avec Orféa”. J’ai fait appeler un taxi qui m’a conduite à l’aéroport Antonio Carlos Jobim. Arrivée devant le panneau des départs, j’ai vu le vol pour New York. J’ai pensé à vous. Alors, sans plus réfléchir, je suis montée dans cet avion. J’ai quitté Rio sous le soleil de l’été. Quand je suis arrivée aux Etats Unis, c’était l’hiver. Mais je n’ai rien vu du froid et de la neige. Je n’ai rien senti. Parce que mon coeur est glacé. Voilà. Vous connaissez toute l’histoire...

- Virginie. Nous sommes désolées. Si nous pouvons faire quoi que ce soit pour toi...

- Oui, vous pouvez m’héberger pendant quelques jours. Le temps que je trouve la force d’affronter Céline...

- Naturellement. Tu es ici chez toi. Tu peux y rester le temps que tu voudras...

- Merci. Parce que je n’ai nulle part où aller. La maison de Paris appartient à Céline. Je dois tout reconstruire. Et d’abord ma vie. Ma vie sans elle...


*


Le silence était retombé.

Chacune des trois amies tournait dans son esprit cette histoire douloureuse. Rachel fut la première à parler.

- Virginie, je ne peux pas croire que Céline soit tombée amoureuse d’une adolescente de 16 ans...

- Orféa est vraiment très jolie. Je crois que n’importe qui pourrait tomber amoureux d’elle...

- Mais renoncer à toi, à tout ce qu’elle a bâti avec toi... Comme cela en quelques heures...

- Quand, j’ai rencontré Céline, elle était fiancée avec Gilles. Ils devaient se marier deux mois plus tard. Tout était commandé. La robe, les faire-part, le restaurant. Il lui a suffit de quelques heures pour renoncer à Gilles et à tout ça pour moi...

- Mais cela prouve la force de son amour pour toi...

- Cela prouve que Céline est capable de faire table rase du passé quand elle est amoureuse... Qu’elle n’a pas peur d’aller jusqu’au bout de ses sentiments et de ses désirs. Toujours...

- Mais justement, cette façon de se cacher, de se dissimuler... Cela correspond si peu à ce que je sais de Céline... à ce que tu viens de nous dire d’elle...

- Que voulais-tu qu’elle fasse ? Qu’elle s’exhibe avec Orféa devant moi ? Je crois qu’il lui reste suffisamment d’affection pour moi pour ne pas m’humilier...

Dylan intervint : - Pourquoi as-tu fui ? Excuse-moi Virginie, mais je crois que tu aurais dû rester à Rio pour te battre. Pour garder Céline.

- Mais Dylan, c’est contre Céline que j’aurais dû me battre... Contre son attirance pour cette gamine... Contre son désir pour elle... C’était un combat perdu d’avance... Je ne veux pas me disputer avec elle. Je ne veux pas abîmer nos souvenirs...

- Je n’arrive pas à croire à cet amour... Même si chacune de nous a eu ses premiers émois, et parfois sa première relation, à 16 ans... Je n’arrive pas à croire que Céline, qui en a 27, soit tombée amoureuse d’une adolescente qui a onze ans de moins qu’elle... Il doit y avoir une explication à tout cela...

- Elle me l’aurait donnée... Elle ne se serait pas contentée de ce message de quelques mots...

- Mais tu ne lui as pas laissé la possibilité de s’expliquer...

- Je les ai vues monter dans ce taxi...

- Mais qu’est-ce que cela prouve ? Céline avait peut-être une course à faire...

- Sans moi ? Mais avec Orféa... Sans me le dire ? Mais en le disant à Orféa...

- Virginie, voyons...

- Vous êtes adorables d’essayer de me rassurer. Mais c’est inutile... D’ailleurs, je l’ai quittée il y a plus de vingt heures maintenant. Céline n’a pas tenté de me joindre sur mon portable. Elle n’a pas cherché à savoir où j’étais. Elle se passe parfaitement de ma présence...

- Elle te cherche sûrement...

- Si c’était le cas, elle vous aurait téléphoné... Vous êtes nos meilleures amies. Celles qui sont le plus en situation de nous comprendre... Vous savez bien que j’ai raison. J’ai cessé de faire partie des priorités de Céline. De sa vie... Il n’y a rien à faire...

Elle s’interrompit quelques secondes.

- Je suis fatiguée. Je n’ai pas dormi dans l’avion... J’aimerais aller me coucher...

- Bien sûr Virginie... J’ai préparé ta chambre... Viens...

- Je vous remercie de m’avoir écoutée. Ça m’a fait du bien. C’est la première étape de ma guérison. Car je vais guérir. Je vais guérir de Céline...


*


Dylan et Rachel étaient restées seules dans le salon. Pensant et repensant à l’histoire de leurs deux amies.

Dylan s’exclama : - Bon sang !! Quand je les ai vues à New York en octobre dernier, jamais je n’aurais cru que moins de cinq mois plus tard...

- C’était un couple si beau, si fusionnel... Je n’arrive pas à le croire... Je n’arrive pas à comprendre... Comment Céline a-t-telle pu ? Qu’est-ce qui lui prend ?

- Que savons-nous de Céline après tout ? Bien sûr, elle est belle, intelligente, adorable. Mais que savons-nous de ses désirs ? Elle avait 25 ans quand elle a découvert son goût pour les femmes. Elle vient peut-être de découvrir son attirance pour les jeunes filles... Où simplement est-elle attirée par les femmes qu’elle peut aider ? Auxquelles elle peut tendre la main. Orféa est une enfant pauvre... Virginie n’avait pas un sou vaillant quand Céline l’a rencontrée. Grâce à elle, elle avait tout. L’amour et la fortune...

- Et si c’était simplement ça, Dylan ? Si Céline voulait simplement aider Orféa à sortir de sa misère ?

- Pourquoi ne pas le dire alors ? Virginie a le coeur sur la main... Elle l’aurait aidée... Non, il y a autre chose...

- Je n’arrive pas à admettre leur rupture... Elles nous ont aidées à New York. Virginie a financé ton expo. Elles ont contacté l’avocat, excellent, qui t’a défendue dans ton procès contre Helena DeXeres... A Londres, elles n’ont pas hésité à risquer leur vie pour démasquer, avec nous, l’assassin du Professeur Brown...

- Je sais tout ça, ma chérie...

- Alors, on n’a pas le droit de rester comme ça, les bras ballants !! Nous devons faire quelque chose !!

- Oui, mais quoi ?

- Dylan ! tu ne crois pas que l’on devrait téléphoner à Céline ? Pour lui dire que Virginie est chez nous...

- Non, je ne le crois pas. Virginie a raison. C’est à Céline de téléphoner. Pour prouver son amour...

- Que pouvons-nous faire alors ?

- Rien, ma chérie... Nous devons simplement être là. Pour l’une comme pour l’autre. C’est tout. Nous ne devons pas mettre de l’huile sur le feu. Nous ne devons pas juger Céline. Nous ne devons pas prendre parti pour l’une contre l’autre.

- Oui, Tu as sans doute raison. Mais je déteste cette impuissance...

Rachel se leva et s’approcha de la fenêtre. Elle regarda vers la rue.

- La neige a cessé. La rue est vide.

Dylan s’approcha d’elle. Enlaçant sa taille de ses bras, elle se blottit contre le dos de Rachel. Posa sa joue contre sa joue.

- Il est plus de minuit ma chérie. Et avec ce temps, tout le monde n’a qu’une seule envie. Rentrer au chaud chez soi...

- Presque tout le monde... Regarde. Il y a encore un taxi dans la rue...

- Tiens oui... Un taxi... Je me demande où il va ?

Elles regardèrent la lourde voiture jaune qui roulait lentement sur la chaussée enneigée. Elle parcourut encore quelques mètres. Puis s’arrêta.

Devant leur porte.


*


Comme hypnotisées, elles la regardaient descendre du taxi.

Rachel réagit la première et courut vers la porte qu’elle ouvrit avant même que Céline ait eu le temps d’appuyer sur la sonnette. Dylan la rejoignit aussitôt.

- Céline ??!! Quelle... Quelle bonne surprise !!

La visiteuse de la nuit se mit à sourire.

- Bonsoir Rachel. Bonsoir Dylan. Je suis heureuse de vous revoir. Mais je ne crois pas que mon arrivée soit une surprise... Vous  vous attendiez un peu à ma venue... N’est-ce pas ?... Je peux entrer ??

- Naturellement...

Elles entrèrent dans le salon. Sur l’invitation de Dylan, Céline retira son manteau en cachemire et prit place dans le fauteuil que Virginie avait quitté depuis moins d’une heure.

- J’arrive de Rio de Janeiro où je passais quelques jours avec Virginie. Elle est partie. Je sais qu’elle est à New York et je crois qu’elle est chez vous. Je ne me trompe pas, n’est-ce pas ?

Dylan répondit.

- En effet, Virginie est ici. Elle dort dans la chambre d’ami. Mais comment sais-tu qu’elle est à New York ?

- Je l’avais laissée à notre hôtel pour aller... pour aller faire une course. A mon retour, au bout de deux heures, j’ai trouvé notre chambre vide. Virginie était partie en me laissant un mot. J’ai interrogé la réception de l’hôtel. Ils m’ont dit qu’elle avait demandé un taxi pour l’aéroport international Carlos Jobim.

- Mais comment as-tu su quel vol elle avait pris ?

- J’ai téléphoné au Senhor Mario De Castro. Tu te souviens de lui, Dylan ? Nous l’avons rencontré l’année dernière, lors de la vente Laurent Saint-Yves. Il m’a aussitôt offert son aide. C’est bien utile d’avoir un milliardaire dans ses relations... Car, il a immédiatement interrogé le directeur de la Police brésilienne de l’Air et des Frontières. Un ami semble-t-il. En vingt minutes, j’ai su quel vol elle avait pris. A New York, elle ne connaît que vous...

- Tu n’as pas essayé de téléphoner à Virginie. Pourquoi ?

- Parce qu’elle était déjà dans l’avion quand j’aurais pu le faire et ensuite, c’était moi... Et puis, il y a des choses qui ne se disent pas au téléphone, par mails ou par SMS. En tout cas, moi, je ne peux pas les dire... Je peux la voir ?

- Elle dort. Elle était épuisée. Par le voyage et... le chagrin...

- Épuisée par le chagrin ?? Je ne comprends pas...

- Tu ne comprends pas ??? Vraiment ???

- Vraiment, Rachel. Je ne comprends pas ce que tu me dis...

- Céline, voyons... Virginie nous a parlé d’Orféa...

- Orféa ?? Que vous a-t-elle dit à son sujet ??

- Tout ce qu’elle sait. Votre rencontre sur la plage de Copacabana. Vos promenades dans Rio. Que tu étais fascinée par elle. Attirée par elle. Et que... tu étais tombée amoureuse d’une adolescente de 16 ans... Que tu avais passé deux heures, seule avec elle... C’est pour ça que Virginie est partie. Et qu’elle est venue se réfugier auprès de nous...

- C’est ce qu’elle vous a dit... Oui, bien sûr... Je comprends mieux... Ça explique son mot d’adieu et sa fuite... En fait, je m’en doutais un peu... Virginie tenait tellement à venir à Rio. Et sur place, elle semblait si morose, si lointaine... Depuis que nous avons rencontré Orféa...

- Céline... Voyons... Une gamine de 16 ans... Comment est-ce possible ?

- Il ne s’est rien passé entre Orféa et moi... Absolument rien...

- Où êtes-vous allées pendant ces deux heures ? Qu’avez-vous fait ?

Céline ne répondit pas. Perdue dans ses pensées, le regard fixe, elle semblait voir des choses invisibles pour ses amies. Enfin, elle soupira.

- Je pourrais avoir quelque chose à boire ? Un alcool un peu fort. Whisky ou cognac.

Dylan se leva pour lui servir un verre de Bourbon.

- Merci Dylan... J’ai beaucoup réfléchi dans l’avion. Je me demandais comment parler à Virginie. Je voulais qu’elle me comprenne. Qu’elle ne me juge pas trop mal. J’aimerais tellement  conserver son estime... Même si je ne peux pas garder son amour... Vous ne pourrez rien comprendre à mon attitude si je ne vous dis pas tout. Alors, je vais vous raconter une histoire. Une histoire que seules trois personnes connaissent...

Elle avala une gorgée d’alcool et se mit à raconter.


*


Sa voix s’éleva, légèrement voilée par l’émotion.

- En 1998, j’avais 15 ans. J’avais tout ce dont pouvait rêver une adolescente parisienne. J’étais jolie. Je plaisais aux garçons. Je collectionnais les premières places au collège et au lycée. J’avais des parents riches qui m’adoraient et qui ne me refusaient rien. Qui cédaient à tous mes caprices... Et pourtant... je me sentais perdue...

- Pourquoi ?

- Parce que les deux êtres que j’aimais le plus au monde ne se supportaient plus... Mes parents. Charles et Marie... Leur couple n’était plus qu’une illusion qu’ils entretenaient uniquement pour que je ne souffre pas d’avantage. J’aurais ressenti leur séparation comme une déchirure... Alors, ils restaient ensemble. Pour moi... Mais en multipliant les aventures, chacun de son côté... Mon père, avocat, ma mère, traductrice, piochaient leurs maîtresses, leurs amants dans leur milieu professionnel respectif...

Elle s’interrompit quelques secondes pour mouiller ses lèvres sèches dans l’alcool puis reprit.

- Pourtant, je souffrais de cette apparence de famille idyllique. De ce mensonge. Et eux aussi. Mais d’une certaine façon, je dictais ma volonté à mes parents et ils n’osaient pas me désobéir en divorçant... En février 1998, ils décidèrent de donner une seconde chance à leur couple. Un voyage dans un pays ensoleillé. Avec moi... Ils choisirent... Rio de Janeiro...

- Virginie nous a dit que tu étais déjà venue dans cette ville...

- Elle ne sait rien de ce voyage. Je ne lui ai rien dit... A Rio, mes parents et moi sommes descendus dans un hôtel de charme. Il donnait sur une plage. La plage d’Ipanema.


*


Céline s’interrompit de nouveau. Son regard était rêveur. De nouveau.

- Les premières heures furent merveilleuses. Je dévorais le paysage des yeux. Je me jetais dans l’océan. Je me dorais au soleil... Mais, très vite, je me suis rendue compte que j’étais seule avec des parents maussades qui s’adressaient rarement la parole. Alors, la tristesse et l’ennui m’ont submergée... Je n’avais plus qu’un seul désir : que cette semaine passe vite afin de pouvoir retourner à Paris... Au moins, là-bas, il y avait mes copains...

- Tes parents n’ont pas réussi à se réconcilier ?

- Pour ça, il aurait fallu qu’ils se parlent... Et puis, il y a eu un miracle...

- Un miracle ?

- Nous avions quitté l’hôtel pour une promenade. Avec le sens de l’orientation calamiteux de mon père, nous nous sommes rapidement perdus... Et soudain... nous l’avons rencontrée à l’angle d’une rue. Elle a compris que nous nous étions égarés. Alors, elle a gentiment proposé de nous aider et elle nous a guidés jusqu’à notre hôtel...

- Qui ? Qui vous a guidés ?

- Une jeune fille d’Ipanema. Lara.


*


Un sourire triste apparut sur les lèvres de Céline alors qu’elle continuait son récit.

- Je n’avais jamais rencontré une personne comme elle. Lara avait 16 ans. Lycéenne. Elle avait appris l’anglais. Elle était pauvre, née dans une favela. Sa mère était cuisinière et vivait, la semaine, dans une chambre de bonne dans une splendide propriété. C’est habituel au Brésil. Les salaires sont si bas, que les personnes fortunés peuvent “s’offrir” une importante domesticité. Alors les maisons, les appartements, très vastes, disposent de chambres pour accueillir les domestiques. Ainsi, Lara vivait entre le riche quartier d’Ipanema et sa favela...

- En quoi était-elle si différente ?

- Lara n’était que joie de vivre et insouciance. Il n’y avait pas chez elle ce morne ennui que l’on trouve chez les parisiens. Bon, naturellement, si Paris était niché dans l’une des plus belles baies du monde bordée de vingt-cinq plages de sable fin...

- Orféa lui ressemble ?

- Oui. Et c’en est troublant... Le même bonheur de vivre à Rio. D’être une caRIOca. Mais aussi la même beauté. Métisses toutes les deux... Quand j’ai rencontré Orféa, j’ai cru revoir Lara...

- Que s’est-il passé avec Lara ?

- Grâce à elle, nous avons pu revenir à notre hôtel. Mes parents voulaient la remercier en lui donnant une pièce. Mais moi, j’avais enfin trouvé une compagne  de mon âge avec laquelle passer cette semaine de vacances et je ne voulais pas qu’elle parte. Alors, je lui ai demandé de revenir le lendemain. Mon père était hostile à cette idée. Mais, comme d’habitude, il a obéi à mon caprice...

- Pourquoi hostile ?

- Il disait que pendant une semaine, Lara allait connaître la vie des gens fortunés ou, au moins, des touristes occidentaux... Et qu’il lui serait difficile de revenir à sa misère... Il m’a dit que la pitié pouvait être dangereuse... Mais je ne l’ai pas écouté... Lara était en vacances. Alors le lendemain, elle est revenue...

- Et tu as cessé de t’ennuyer...

- Oui. Et mes parents ont cessé de se faire la tête. Lara nous a conquis par sa gentillesse et sa gaieté. Elle découvrait notre monde. Elle nous a fait découvrir le sien...

- Comment ?

- Notre hôtel disposait d’une zone réservée sur la plage d’Ipanema. Seuls ses clients y avaient accès. Lara a découvert l’atmosphère aseptisée réservée aux touristes. Les cocktails de jus de fruits servis sur la plage par des serveurs en veste blanche. Les repas sur la terrasse. Les voitures avec chauffeur. Les promenades en bateaux. Les petits cadeaux. L’argent facile.

Céline s’interrompit puis reprit la voix tremblante.

- Dans une bijouterie française d’Ipanema, j’ai acheté pour elle un bijou. Une cordelette en coton orange avec un petit disque en or. Elle était éblouie... Elle m’a dit qu’elle le porterait toujours... Elle a voulu nous remercier de notre générosité. Elle nous a invités à rencontrer sa famille, ses amis. Chez elle. Dans sa favela...

- Quelle différence !!!

- Oui, Rachel... Quelle différence... Quel choc quand nous avons découvert cette ville de tôles et de planches récupérées sur les dépôts d’ordures ! La ville de Rio est entourées de collines, comme le Pao de Açucar, le Pain de Sucre, et le Corcovado. Ces bidonvilles, où vivent les cariocas les plus pauvres, poussent comme des champignons sur les pentes escarpées des collines. Le plus souvent, il n’y a ni eau, ni électricité... Les petites maisons, que la population construit au fur et à mesure de ses besoins, tiennent debout en étant collées les unes aux autres. Elles s’effondrent ensemble quand de fortes précipitations, minant les fondations, les font glisser, par blocs entiers, le long des pentes. Il y a 968 favelas à Rio. 968 îlots de misère...

- Les favelas sont aussi le théâtre de violences, souvent dues au trafic de drogue et à des guerres de gangs...

- C’est vrai Dylan. Mais elles sont surtout habitées par des braves gens qui respectent la loi et qui tentent de survivre. Quand nous sommes arrivés, la mère de Lara nous a servi un festin délicieux. Elle l’avait préparé dans la cuisine de ses patrons. Puis, elle l’avait apporté chez elle... Ses voisins avaient prêté des chaises, des tables, des assiettes... Ces gens qui n’ont rien se montrent toujours d’une folle générosité... et... nous avions honte de notre aisance... Mon père avait apporté des bouteilles de Champagne achetées à l’hôtel. La table avait été dressée sur une sorte de promontoire. On avait une vue superbe sur toute la baie. On dominait la ville et ses plages. Nous avons dansé la samba... Mes parents et moi avons passé une soirée merveilleuse... Le lendemain, c’était le début du Carnaval...


*


Céline s'interrompit encore. Elle songeait à ces moments vécus douze ans auparavant. Puis elle reprit le cours de son récit.

- Rio est une ville très animée. Toujours. Mais ce n'est rien à côté de la fièvre qui la saisit au moment du Carnaval. Tous les cariocas participent à la fête. Le Carnaval est l'occasion d'une compétition entre les écoles de samba. Les quatorze plus prestigieuses défilent dans le Sambodromo. Chacune compte plus de six mille danseurs. Les écoles de quartier, les blocos de rua, égayent les rues. Lara appartenait à une de ces blocos de rua... Alors pendant les deux premiers jours de la fête, elle nous a fait vivre ce que vivent les habitants de Rio... La musique, la danse, la joie de s'amuser et d'être ensemble... Jusque tard dans la nuit, jusqu'au petit matin...

- Exactement comme Virginie et toi l'avez fait avec Orféa...

- Oui, je vous l'ai dit. J'ai eu l'impression de vivre avec l'une ce que j'avais vécu autrefois avec l'autre... Et pendant ces deux jours, je me suis terriblement attachée à Lara. Elle m'était devenue indispensable... Je n'imaginais plus ma vie sans elle... J'avais des projets pour elle. Je voulais qu'elle vienne en France. A Paris... Je voulais lui faire découvrir ma ville comme j'avais découvert Rio. Lui montrer les beautés de cette ville, parfois austère... Mes parents étaient d'accord... Car eux aussi, avaient eu un véritable coup de foudre pour Lara. Elle était comme une fée qui avait apporté du bonheur dans notre famille. Alors, ils étaient prêts à l'accueillir chez nous, à lui offrir les études dont elle ne pouvait même pas rêver au Brésil.

- Tu étais amoureuse d'elle ? Tu étais amoureuse de Lara ?

- Mais non voyons... C’est vrai que je me suis souvent posée la question... Mais depuis que j’aime Virginie, je connais la réponse... Je suis sûre de la réponse. Je n’aimais pas Lara... d’amour. Non, c’était bien plus simple. J’étais fille unique... Je rêvais d’avoir un frère, une soeur... Mais il ne fallait plus compter sur mes parents pour réaliser mon rêve...

Céline s’interrompit, sourit avec mélancolie puis continua le cours de son récit.

- Nous passions nos journées sur la plage de l'hôtel. Le soir et la nuit, à danser et à nous amuser. Lara nous avait emmenés dans des lieux connus des seuls cariocas où l'on trouve des musiciens qui jouent de la bossa nova. On regagnait notre l'hôtel à deux ou trois heures du matin. Mes parents donnaient de l'argent à Lara pour qu'elle puisse rentrer chez elle en taxi. On l'embrassait. On la regardait monter dans la voiture. On savait qu'on la reverrait dans quelques heures. Et on était heureux... Pendant ces deux jours, mes parents et moi, nous avons vécu comme dans un rêve...

- Pourquoi deux jours seulement ? Je croyais que le Carnaval durait quatre jours ?

- Parce que le troisième jour, Lara n'est pas revenue à notre hôtel...

Une silence suivit les derniers mots de Céline. Dylan intervint alors.

- Tu ne l’as pas revue ? Tu n’as pas revu celle qui était devenue une amie, presqu’une soeur.  Je comprends ta tristesse. Mais pourquoi nous racontes-tu cette histoire ? Quel rapport avec Orféa ?

Rachel intervint à son tour.

- Surtout, Céline... tu ne nous as pas dit où tu es allée avec Orféa... ce que vous avez fait pendant ces deux heures...

- Nous sommes allées à Sao Jao Batista. Dans le quartier de Botafago.

- Sao Jao Batista ? Qu’est-ce que c’est ?

- C’est le cimetière de Rio. C’est là que Lara est enterrée... Je suis allée me recueillir sur sa tombe... Mais je ne pouvais pas y aller seule... J’étais trop émue... J’avais besoin d’aide... Alors, j’ai demandé à Orféa de m’accompagner. Je n’ai rien osé demander à Virginie. Parce que, pour le lui demander, il aurait fallu que je lui raconte tout. Et, surtout, il aurait fallu que je lui dise...

Elle s’arrêta au milieu de sa phrase, bouleversée. Alors, doucement, Dylan la poussa dans ses derniers retranchements.

- Céline... que tu lui dises quoi ?

- Qu’il y a douze ans, j’avais tué Lara...


*

Les yeux écarquillés, assommées par un tel aveu, horrifiées par la vision de Céline, adolescente tuant une autre adolescente, Rachel et Dylan ne pouvaient plus dire un seul mot.

Rachel trouva la force de murmurer dans un souffle : - Céline ce n’est pas possible... C’est un cauchemar... Tu n’as pas pu faire une chose pareille...

- Si. Je l’ai fait. J’ai provoqué la mort de Lara...

- Mais comment ? Comment as-tu fait ? Tu avais quinze ans...

- Oh, rassurez-vous... Je n’ai pas planté un couteau dans son coeur... Je n’ai pas pointé un revolver sur sa tempe... Non... Je ne l’ai pas touchée... Mais je suis quand même responsable de sa mort... Je l’ai tuée... par mes caprices... Par mon aveuglement... Si elle ne m’avait pas rencontrée, Lara serait toujours en vie... J’en ai la conviction...

- Tes caprices ? Ton aveuglement ? Mais... comment peut-on tuer de cette façon ?

- C’était les vacances. Alors, mes parents et moi n’étions pas matinaux. Lara nous rejoignait à notre hôtel vers les neuf heures du matin. Depuis qu’on l’avait rencontrée, elle venait prendre le petit déjeuner avec nous. Puis ce n’était plus que promenades, baignades, repas et fous rires. Puis danses et fêtes pendant les deux premiers jours du Carnaval...

- Mais le troisième jour... avança Dylan.

- Le troisième jour, Lara n’est pas revenue à notre hôtel. Nous l’avons attendue. D’abord avec bonne humeur puis avec impatience. Enfin, moi je me montrais impatiente. Mes parents se moquaient gentiment de moi. Ils disaient que Lara avait sans doute mieux à faire que de s’occuper de trois touristes français...

- Lara avait un petit ami ?

- Non. Mais elle attirait le regard des hommes, elle suscitait l’admiration. Plus le temps passait, et plus j’étais maussade. Irritable... J’étais furieuse contre elle. Je cherchais les raisons de son retard, de son absence. Et je me suis souvenue que je m’étais moquée de la passion des brésiliens pour la chirurgie esthétique. Ça l’avait peinée.

- La chirurgie esthétique ? Quel curieux sujet de conversation...

- Quand nous étions sur la plage, je m’étais étonnée de la beauté de personnes parfois mûres. Très mûres. Ça ne me semblait pas naturel. Et Lara m’avait confiée qu’elles avaient vraisemblablement eu recours à la chirurgie esthétique. Qu’il existait d’excellents chirurgiens au Brésil et même le meilleur au monde. Des stars de cinéma, de la musique, des mannequins même, avaient fait appel à ses talents. Elle m’avait dit, presque avec fierté, que le Brésil était, avec les Etats-Unis, le pays où l’on pratiquait le plus grand nombre d’opérations. Et moi, je lui avais ri au nez. Je trouvais ça ridicule. Pathétique de vouloir défier la nature...

- Et tu l’as vexée...

- Oui. Elle a pris un petit air triste. Ces opérations lui semblaient tout à fait normales. Elle me dit que si elle en avait eu besoin, elle n’aurait pas hésité à le faire. Qu’un beau corps dans un pays si chaud, où l’on vivait dévêtu, était une nécessité. Que la beauté était parfois la seule richesse des gens pauvres. Les chirurgiens brésiliens l’avaient bien compris. Car il leur arrivait souvent d’opérer sans demander d’honoraires. Bien sûr, me dit-elle, je ne pouvais pas comprendre. Moi qui avais tout. La beauté et la fortune... J’ai compris ma bourde et j’ai changé de sujet de conversation... Et voilà qu’à présent, elle me faisait faux bond...

- Tu pensais qu’elle t’en voulait de tes moqueries...

- Oui. Et puis je me suis dit “qu’elle aille au diable avec sa susceptibilité mal placée. Elle reviendra quand elle aura fini de bouder” et je me suis étendue au soleil avec un bon livre...

- Mais Lara n’est pas revenue...

- Non... elle n’est pas revenue... Au début de la soirée, alors que les cariocas commençaient à être repris par la folie collective du Carnaval, alors, que nous allions quitter la plage pour revenir à nos chambres, le concierge de l’hôtel nous a fait appeler.

- Pourquoi ?

- Parce que la mère de Lara nous attendait à la réception. En larmes. Elle ne savait pas où était sa fille. Elle n’était pas rentrée à la maison après nous avoir quittés. Affolés, nous lui avons posé des questions. Et nous avons compris...

- Qu’avez-vous compris ?

- Que Lara avait pris ce taxi devant nous. Ensuite, plus personne ne l’avait revue...


*


Céline avala une gorgée d’alcool. Puis elle reprit son récit.

- La mère de Lara était effondrée. Elle était allée voir la Police. Mais ça n’avait rien donné car sa fille n’avait  disparu que depuis quelques heures. Ça n’était pas suffisant pour qu’elle intervienne.

- D’autant que la Police est débordée pendant le Carnaval. Il y a toujours une recrudescence des crimes et des délits pendant ces quatre jours. Tu as eu raison de parler de folie collective tout à l’heure. C’est aussi, hélas, une folie meurtrière ajouta Dylan.

- Elle était désemparée. Alors mon père a décidé de mener sa propre enquête. Avec l’aide du personnel de l’hôtel, il a retrouvé le chauffeur de taxi qui était la dernière personne à avoir vu Lara. Ce fut facile. Il était bien connu car il transportait souvent des clients. Et là nous avons découvert quelque chose...

- Quoi ? Qu’avez-vous découvert ?

- Lara lui avait demandé de s’arrêter au bout de cent mètres. Dès que le taxi s’était trouvé hors de portée de notre regard. Elle avait payé la course minuscule et elle était descendu du taxi. Ensuite elle avait dû rentrer chez elle à pied...

- Pourquoi a-t-elle fait ça ? demanda Rachel.

- C’est évident ma chérie intervint Dylan. Pour économiser le prix de la course.

- Exactement reprit Céline. Sa mère nous a confirmé que, tous les jours, Lara lui apportait de l’argent. C’était les billets que mes parents lui donnaient pour payer son taxi. Enfermés dans nos habitudes de touristes occidentaux aisés, nous avions oublié que, pour Lara, prendre un taxi était un luxe et une dépense bien inutiles...

Elle avala encore quelques gouttes de l’alcool brûlant.

- Nous avons compris qu’elle avait disparu entre notre hôtel et son domicile. Qu’elle était perdue dans l’immensité de cette ville de six millions d’habitants. Alors nous avons demandé au taxi de nous servir de chauffeur et de nous aider à retrouver Lara. Il a accepté. Conduire les touristes à l’aéroport ou faire ça...

Elle s’interrompit encore et reprit son récit, les larmes au bord des yeux.

- Les heures qui ont suivi ne furent qu’une lente descente aux enfers. 


*

Céline faisait visiblement un effort terrible pour continuer à raconter ce moment, tragique, de son passé.

Alors, pour l’aider par leur présence chaleureuse, Dylan et Rachel avaient quitté le canapé où elles étaient assises pour se rapprocher d’elle.

- Céline... si tu ne peux pas continuer... nous comprendrons...

- Si je le dois... Même si c’est dur... Vous êtes les premières à qui je raconte tout ça. A part moi et mes parents, personne ne connaît cette histoire... Même Virginie l’ignore... Je n’ai jamais osé lui raconter...

Elle baissa la tête et essuya une larme d’un geste furtif.

- Nous ne savions pas comment faire pour retrouver Lara. Comme toutes les villes de bord de mer, Rio s’étend sur des kilomètres le long du rivage... C’était inutile de contacter la Police... Car elle n’avait disparu que depuis quelques heures... Mon père a suggéré qu’elle avait pu avoir un accident sur le chemin de son domicile. Dans ce cas, elle était peut-être dans une clinique, un hôpital, en train de recevoir des soins...

- C’était la solution la plus logique en effet...

- Mais comment savoir ? Nous avons  tenté de téléphoner. Au corpo de bombeiros, les pompiers. Au pronto socorro, les services d’urgence. Mais un jour de Carnaval à Rio... Comme nous n’obtenions aucune réponse à nos appels, nous avons décidé de faire le tour des hôpitaux de Rio. Dans les quartiers de Copacabana, Centro, Leblon, Barra, Botafago, Gavea, Tijuca, Lagoa... Tous ces lieux que nous avions visités avec Lara en nous amusant...

- Mon Dieu... Comme ça dû être pénible...

- Nous avons touché du doigt une nouvelle face cachée de cette ville. Cachée aux touristes. Après les favelas, les services d’urgence de ces cliniques ou hôpitaux où se presse une foule qui souffre... Mais aussi des gens blessés par balles... La violence est omniprésente à Rio. Avec les narcotrafiquants qui font la guerre à la Police et les milices...

- Et vous avez retrouvé Lara ?

- Nous avons tourné pendant des heures. De rue en rue. D’hôpital en clinique. Gênés par la foule qui s’amusait ou qui se pressait vers le Sambodromo... Et partout, le même échec... Elle n’était nulle part... La mère de Lara était brisée de chagrin... Elle n’avait plus de larmes... Mes parents ne parlaient plus. Je savais que, dans le secret de leur coeur, ils ne cessaient pas de se faire des reproches. Quant à moi...

- Céline...

- J’aurais donné n’importe quoi pour que Lara soit là. Près de sa mère... Près de moi... Ces vains efforts pour la retrouver me rendaient folle. Peu à peu... Chaque échec était comme une torture supplémentaire...

Deux grosses larmes se mirent à couler sur les joues de la jeune femme. Elle ne fit rien pour les arrêter.

- Enfin, mon père prit la parole. Je n’oublierai jamais. Sa voix était brisée. Il osait à peine parler. Lui, un avocat. Un homme si sûr de lui. Il demanda au chauffeur de nous conduire dans un dernier endroit...

- Lequel ?

- A la morgue de Rio...


*


Un silence horriblement pesant était tombé. Dylan et Rachel n'osaient plus poser de questions tant elles redoutaient les réponses. 

Mais malgré son chagrin, que Céline ne cherchait pas à dissimuler, elle continua son récit.

- Le chauffeur nous a conduit jusqu'à la morgue, au milieu des cariocas en fête. Parfois, la voiture devait s'arrêter devant un attroupement de gens qui dansaient. Ils frappaient à la vitre de la voiture. Ils nous disaient de venir les rejoindre. De venir s'amuser avec eux... J'avais envie de hurler. De leur dire de nous laisser en paix. De nous laisser à notre peine.

Le silence encore. Puis...

- Enfin, nous sommes arrivés devant un bâtiment lugubre. Le chauffeur a stoppé la voiture et nous sommes descendus. Mon père marchait devant nous. Ma mère et moi entourions la mère de Lara qui tremblait. Elle connaissait cet endroit. Elle savait que c'était le lieu où s'arrêtaient tous ses espoirs. Un homme était là, assis à un bureau. Mon père lui a demandé, avec les quelques mots de portugais qu'il connaissait, si on leur avait apporté le corps d'une jeune fille de seize ans. L'homme a ouvert un cahier. Il glissait son doigt sur la page. Enfin, il a répondu que plusieurs femmes avaient été amenées mais qu'il n'avait pas le droit de nous les montrer parce que nous n'avions pas d'autorisation. Alors la mère de Lara s'est mise à hurler son angoisse et sa peine. Elle lui a dit que, depuis que sa fille avait disparu, elle avait l'impression de sombrer dans la folie. Que depuis des heures, on parcourait la ville à sa recherche. Elle voulait savoir si son enfant était là. Elle lui a dit qu'elle ne partirai pas avant de le savoir... L'homme a cédé mais il a exigé que seuls mon père et la mère de Lara le suivent. Nous les avons vus partir dans un long couloir. Et nous avons commencé à les attendre. Ce furent les minutes les plus longues de ma vie. J'étais blottie dans les bras de Marie, ma mère. Je sentais ses lèvres sur ma tempe. Elle essayait de me rassurer. Elle me disait que nous faisions probablement fausse route. Que Lara devait s'amuser avec des amis et que nous nous étions inquiétés trop vite... Mais je savais au son de sa voix qu'elle-même ne croyait pas ce qu'elle disait.

Céline s'interrompit encore. Les larmes coulaient librement sur ses joues.

- Enfin, au bout d'une heure, ils sont revenus. La mère de Lara était cramponnée aux bras de mon père. Elle n'aurait pas pu se tenir debout sans son aide. En la voyant, j'ai tout de suite compris.

Un nouveau silence.

- Mon père a parlé. Lara était là. Depuis quelques heures. Elle avait été trouvée dans la rue. A dix minutes de notre hôtel. Son corps était couvert d'ecchymoses. Mais le médecin légiste, qui avait déjà pratiqué un examen sommaire, leur avait dit que ce n'était pas un accident. Lara avait été battue, violée et étranglée...


*


Céline ne pouvait plus retenir ses sanglots. Elle avait caché son visage dans ses mains comme l’aurait fait une enfant. Comme  la toute petite fille qu’elle était redevenue. Elle laissait libre cours à son chagrin et à ses remords.

Dylan et Rachel étaient horrifiées. La mort atroce de Lara était comme un coup de massue.

Elle étaient désemparées car elles ne savaient pas comment réagir. Comment aider leur amie à supporter son tourment.

Elles sentaient bien que les paroles de consolation qu’elles pourraient dire, les gestes qu’elles pourraient faire seraient dérisoires.


*


Céline ne parlait plus. On n’entendait plus que son souffle.

Les larmes brouillaient sa vue. Elle ne voyait rien de ce qui l’entourait. Elle ne voyait plus Rachel et Dylan.

Elle pensait que ce moment qu’elle avait tant redouté était arrivé. Le moment où elle devait affronter les fantômes de son passé. Sans l’aide de personne.

Elle aurait aimé... ne pas être seule pour le faire... Or, elle était seule. Si seule...

Elle se sentait perdue. Elle avait tellement peur...

Soudain, elle sentit une main se poser sur son dos. Un bras se glisser sous ses jambes. Un corps chaud se coller contre le sien.

En quelques secondes, elle se retrouva assise sur les genoux de Virginie. Alors Céline posa sa tête dans le creux de son cou. Elle se serra étroitement contre son amante.

Et elle cessa d’avoir peur.


*


Elles avaient oublié la présence de Dylan et Rachel. Elles n’existaient plus que l’une pour l’autre.

Entre deux sanglots, Céline articula : - Virginie ? Tu étais là ? Tu as tout entendu ?

- Oui, ma chérie. Malgré la fatigue, je n’arrivais pas à dormir. J’ai entendu ta voix. J’ai d’abord hésité, puis je me suis levée pour avoir une explication. Mais tu avais déjà commencé ton récit. Alors, je ne me suis pas montrée. J’ai préféré écouter. J’ai pensé que tu te confierais plus facilement à nos amies qu’à moi...

- Virginie... il n’y a rien eu entre Orféa et moi... Je te le jure... C’est toi que j’aime. Je n’ai jamais cessé de t’aimer...

- Céline... Ma chérie... Tu n’as pas besoin de jurer... Je te crois... Je ne suis qu’une idiote... Pardonne-moi...

- Ça fait des mois que j’avais envie de te parler de Lara. Mais je n’ai jamais osé. J’avais tellement peur que tu me juges sévèrement. Que tu cesses de m’aimer. A cause de ce que j’ai fait il y a douze ans...

- Quelle idée !! Mais tu n’as rien fait !! Et puis, tu n’étais qu’une enfant !!!

- Même les enfants peuvent tuer, Virginie...

- Mais ma chérie, tu n’as pas tué Lara !! Tu n’es pour rien dans sa mort horrible !!

- Si. D’une certaine façon, j’ai une part de responsabilité...

- Céline...

- Laisse-moi finir mon histoire, Virginie. Laisse-moi me libérer de ce poids. Tu dois tout savoir... De moi... Pour essayer de continuer à m’aimer...

Virginie déposa un baiser sur la tempe de Céline et protesta.

- Mais, je t’aime ma chérie. Je t’aime...

- Alors, écoute-moi...

Dylan et Rachel se levèrent dans un même élan. Elles pensaient que leurs amies avaient besoin d’être seules. Mais Céline intervint.

- Où allez-vous ?

- Céline... il vaut mieux qu’on vous laisse répondit Rachel.

- Non. Ne partez pas. J’ai besoin de vous. Vous avez le droit de savoir. Restez. Restez, je vous en prie...

- Très bien, Céline...


*


Céline reprit son récit. Calmement. Ses larmes avaient cessé de couler.

- Quand mon père eut fini de parler, j’ai cru qu’on venait de me frapper en plein coeur... Ainsi, ce que nous avions redouté était arrivé. Lara était morte. Et de la façon la plus horrible qui soit. Elle, qui n’était que joie de vivre et gentillesse, était tombée sous les coups d’un monstre... Mais, après l’abattement, est venue la colère. Qui ? Qui avait tué mon amie ? Je voulais le savoir... C’est alors que je vis trois policiers qui se tenaient près de nous et qui nous regardaient...


*


Après une courte pause, Céline reprit.

- Ils avaient été appelés par l’employé de la morgue qui nous avait reçus. L’homme au cahier. Nous avions identifié Lara. Nous étions donc des témoins utiles. Mais, rapidement, nous sommes devenus des suspects...

- Comment ont-ils pu croire une chose pareille ???

- Tout simplement, Virginie, parce que la Police n’avait aucune autre piste. Alors, elle est allée au plus simple. Mon père connaissait Lara. C’était un meurtrier potentiel...

- Ton père ???

- Oui, mon père...

- Mais ta mère et toi avez toujours été avec lui après que Lara vous ait quittés...

- C’est bien pour cela que la Police nous soupçonnait tous les trois. Mon père d’avoir tué. Ma mère et moi de lui servir d’alibi...

- Mais vous vous êtes expliqués. Ils ont dû comprendre...

- Nous avons été conduits au commissariat. Nous avons été interrogés en présence d’un traducteur. L’affection que nous éprouvions pour Lara leur a paru suspecte. Il ne comprenait pas que des touristes puissent s’enticher si rapidement d’une inconnue. Alors ils ont pensé que nous avions des motifs moins avouables...

- Lesquels ?

- Je pense que vous les devinez... Que nous avions séduit Lara avec notre argent pour mieux l’attirer dans les filets de mon père... La Police pensait que je lui servais d’appât pour attirer les adolescentes... Et que ma mère fermait les yeux par faiblesse, par complaisance ou par perversité...

- Mon Dieu, quelle horreur...

- Les moments que nous avons passés dans ce commissariat furent une épreuve. Mais ce n’était rien à côté de ce que nous avions vécu à la recherche de Lara. Et puis, assez rapidement, le personnel de l’hôtel a confirmé que nous étions  bien dans nos chambres à l’heure  où Lara avait été assassinée...

- Alors la Police vous a libérés ?

- Elle ne nous avait pas arrêtés. Pas vraiment... Disons qu’elle nous avait “invités” à collaborer à son enquête... Les policiers ont décidé de perquisitionner nos chambres. A la recherche d’indices pouvant nous impliquer dans la mort de Lara. Naturellement, ils n’ont rien trouvé...

- L’enquête s’est arrêtée là ???

- Non Virginie. L’enquête ne s’est pas arrêtée là. Par précaution, les policiers ont fouillé toutes les chambres de l’hôtel. Et ils ont fini par trouver...

- Ils ont trouvé ? Dans une autre chambre ?

- Oui. La Police nous avait demandé de décrire avec précision la manière dont Lara était habillée. Mais quand on l’a retrouvée dans la rue, il manquait...

Elle s’interrompit. Elle n’arrivait pas à finir sa phrase. Alors Virginie lui caressa la joue pour la soutenir et l’encourager. Céline lui adressa un pauvre sourire et continua.

- Dans une chambre, que son occupant avait quittée pour aller assister au défilé des écoles de samba. Ils ont trouvé... le pendentif que j’avais offert à Lara. Le petit disque d’or avec la cordelette en coton orange...


*


Céline avait posé sa tête sur l’épaule de Virginie. Ses larmes coulaient de nouveau. Elle les effaça d’un revers de main.

- Les Policiers ont attendu que cet homme revienne à l’hôtel. Et ils l’ont arrêté. Après, ce ne fut plus qu’une formalité. Devant cette preuve accablante, et le témoignage du personnel de l’hôtel qui l’avait vu revenir très tard la nuit de la mort de Lara, il n’a pas cherché à nier. Il n’a fait aucune difficulté pour tout avouer. Il a raconté, facilement, presque avec complaisance, ce qu’il avait fait. Comment il l’avait fait...

Céline fit une pause puis reprit.

- Il avait une quarantaine d’années. Européen. Peu importe sa nationalité. Il était venu seul au Brésil. Il n’avait ni femme ni enfant. Le tourisme ne l’intéressait pas. Il se moquait bien de visiter églises ou musées. Il n’était venu à Rio que pour une seule chose. Faire des rencontres. Avec des femmes jolies et jeunes. Et même très jeunes. La pauvreté des brésiliennes facilitait les choses. Certaines étaient prêtes à se vendre pour un peu d’argent...

Céline s’interrompit encore. Sa voix était lasse et infiniment triste quand elle reprit le cours de son récit.

- Il avait désiré Lara dès qu’il l’avait vue. Sans que nous le sachions, il épiait nos moindres faits et gestes quand nous étions sur la plage. Un soir, il avait vu Lara rentrer chez elle à pied après avoir quitté le taxi qu’on lui avait offert. Alors, le lendemain, il s’est posté sur son chemin dans une ruelle sombre et désertée par ses occupants partis assister au défilé des écoles de samba. Quand elle est passée près de lui, il l’a abordée. Comme elle refusait de lui céder, il l’a frappée. Ensuite, il a abusé d’elle...

Submergée par l’émotion, Céline ne put finir sa phrase.

- Ma chérie, ces souvenirs te font trop de mal. Arrête et allons nous coucher...

- Non, je dois finir mon récit. Je vous le dois. Je le dois à Lara... Après, il a eu peur qu’elle parle et le dénonce. Alors il l’a étranglée. Il a détaché le pendentif qu’elle portait au cou. Une sorte de souvenir, de trophée... Voilà. C’était aussi simple que ça. Lara, qui était si pure, est morte sous les coups d’un touriste sexuel...

- Le monstre !! J’espère qu’il a été lourdement condamné par les tribunaux brésiliens !!

- Non Rachel. Car, il n’y a pas eu de procès.

- Pas eu de procès ? Comment est-ce possible ?

- Il a été jeté dans une prison où il est resté pendant toute la durée de l’enquête puis de l’instruction du dossier. Mais ses co-détenus ont appliqué leur propre justice. Celle qu’ils réservent aux violeurs d’enfants. Un matin, les surveillants l’ont retrouvé dans sa cellule. Mort. Il n’y a pas eu de procès. Nous n’avons pas eu à témoigner. Je ne suis pas certaine que j’en aurais eu la force...

- Vous êtes rentrés en France après l’arrestation de cet homme ?

- Pas immédiatement... Nous sommes restés à Rio jusqu’aux obsèques de Lara qui ont eu lieu quelques jours après sa mort... Ce sont mes parents qui ont payé la sépulture et la cérémonie. La mère de Lara n’en avait pas les moyens... Quelques mois plus tard, elle a rejoint sa fille, son seul enfant...

- Mon Dieu... c’est une véritable tragédie... Mais Céline, tu n’as aucune responsabilité dans l’enchaînement des circonstances qui ont conduit à la mort de Lara... Pourquoi ressens-tu un tel sentiment de culpabilité ?

- L’assassin de Lara était descendu dans le même hôtel que nous... Il était européen comme nous. Mes parents et moi, on avait sympathisé avec lui. La nuit de sa mort, Lara aurait pu fuir. Elle aurait pu courir pour se sauver. Mais elle ne l’a pas fait. Elle ne s’est pas méfiée de lui parce qu’on le connaissait. Parce qu’elle l’avait vu bavarder avec nous... Elle pensait sans doute que tous les touristes occidentaux étaient comme nous. Gentils et généreux. Elle ne savait pas qu’il y avait des prédateurs parmi eux. D’une certaine façon, nous l’avons trompée. D’une certaine façon, nous avons causé sa mort...

- Céline... voyons... C’est très exagéré...

- Peut-être Virginie. Mais peu importe que ça le soit. C’est ce que je ressens. C’est ce que j’ai ressenti pendant toutes ces années. Et mes parents aussi... Nous sommes rentrés en France et nous savions que jamais plus nous n’aurions le courage de retourner au Brésil. Quant à moi, j’ai changé. L’adolescente capricieuse, qui faisait plier ses parents, a disparu. J’ai cessé de leur imposer ma volonté. Ils ont divorcé. J’ai essayé de me comporter gentiment avec tout le monde. Mes parents, mes amis et plus tard mes amants. Je suis devenue une jeune fille raisonnable et, sans doute, un peu ennuyeuse.

- Céline, ma chérie... Ce n’est pas ce que je pense...

- Merci Virginie. Mais je sais que si l’on me trouve jolie, on ne me trouve pas sympathique. Je ne montre pas mes émotions, mon enthousiasme pour les choses et les gens. On prend pour de la froideur, de la condescendance, ce qui n’est que de la peur. Celle de faire du mal comme j’en ai fait autrefois à Lara...

- Ma chérie comment peux-tu penser ça de toi... alors que tu es si merveilleuse...

- Virginie, il n’y a qu’avec toi que je suis moi-même... Je l’ai su  dès que je t’ai rencontrée... J’ai su que tu allais changer ma vie... Qu’enfin je pourrais échapper aux fantômes du passé. Car vois-tu, je n’ai jamais cessé de penser à Lara. Parce qu’aucune faute n’est oubliée tant que la conscience s’en souvient...

- Dire que c’est moi qui ai insisté pour qu’on aille au Brésil...

- Tu n’y es pour rien Virginie. C’est le destin. Je devais solder les comptes du passé. Je l’ai compris dès que Gilles a fait entrer Eva, une carioca, dans nos vies... Je savais que, d’une façon ou d’une autre, un jour, je devrais effacer ma faute...


*


Ces dernières paroles avaient comme fortifié Céline.

Et aussi le constat de Virginie. Sa culpabilité n’était pas aussi grande qu’elle le croyait. Qu’elle l’avait cru pendant toutes ces années.

Dans l’esprit d’une adolescente de quinze ans, tourmentée par la séparation de ses parents, horrifiée par les événements vécus au Brésil, le sentiment de culpabilité avait pris une dimension disproportionnée. Sans aucune mesure avec sa responsabilité réelle.

Céline le comprenait aujourd’hui. Jamais elle n’en avait pris conscience avant cette nuit. Parce que jamais elle ne s’était confiée.

Les seules personnes qui connaissaient cette histoire étaient Charles et Marie, ses parents. Mais eux aussi étaient habités par le remords. Le remords de ne pas avoir compris Lara et de ne pas l’avoir protégée.

- Virginie, je te remercie...

- De quoi me remercies-tu ma chérie ?...

- De m’avoir écoutée. Sans me juger. De m’avoir consolée et de m’avoir rassurée. Finalement, je n’étais pas ce monstre d’égoïsme que je croyais être quand j’avais quinze ans. J’étais une adolescente comme les autres... Ni meilleure, ni pire... J’ai l’impression de me réveiller d’un cauchemar. Alors, merci. Et vous aussi Dylan et Rachel. Merci... Merci...

- Céline... Nous sommes tes amies... Nous ne pensons pas, nous n’avons jamais pensé que tu étais un être antipathique et ennuyeux. Bien au contraire...

- Merci... Vous êtes adorables... Mais je n’ai pas fini mon histoire...

Elle se serra contre Virginie et continua son récit.

- Je n’avais aucun désir de retourner au Brésil... Mais tu en avais tellement envie... Alors, j’ai dit oui...

- Je t’ai laissée choisir l’hôtel. Le Copacabana Palace. Tu as évité la plage d’Ipanema...

- Oui, je ne pouvais plus voir cette plage... où j’avais passé tant de moments avec Lara. Où elle avait rencontré son bourreau...

- D’où ta réaction, presque violente, quand ce chauffeur de taxi a insisté pour nous la montrer...

- Oui. Je sais que ma réaction t’a étonnée. Mais c’était plus fort que moi. J’ai ressenti une telle répulsion. Quand nous avons décidé de partir pour le Brésil, j’avais si peur... Je ressentais une telle appréhension. Revoir cette ville où Lara était morte... Mais tu étais là, avec moi... Et finalement, j’ai revu Rio avec les mêmes yeux émerveillés que la première fois. Quand j’avais quinze ans... Ta présence avait chassé les fantômes du passé. Mais ils sont revenus... Soudain... sur cette plage où nous étions descendues...

- Comment ? Je n’ai rien remarqué...

- Nous venions d’arriver. Nous avons pris possession de notre chambre et nous avons voulu descendre sur la plage. Là, tu as eu envie de te jeter à l’eau.  Tu as couru vers l’océan. Je t’ai suivie des yeux. Tu étais magnifique. Et tu as plongé dans une gerbe d’écume. Tu as nagé et puis je ne t’ai plus vue. Mais je n’étais pas inquiète. Tu es une si merveilleuse nageuse...

- Je m’en souviens...

- Je suis restée allongée sur le sable. J’étais bien. Plus de frayeurs. J’ai regardé autour de moi. Cette plage si belle. Le pain de Sucre, le Corcovado, le Christ Rédempteur aux bras écartés... Les estivants sur la plage. C’est alors que je l’ai vu...

- Qui ? Orféa ?

- Non. Lui... Un homme...


*


Virginie, Rachel et Dylan s’exclamèrent en même temps.

- Un homme ? Mais...

- Oui, un homme. Sur cette plage où il y en avait tant... Mais celui-là... En le voyant, j’ai tout suite compris... En le voyant, j’ai revu les images du passé... Il était seul. Il n’était qu’à quelques mètres de moi. Nous aurions pu nous parler sans hausser la voix. Mais il ne prêtait aucune attention à moi. Son regard était fixe. Pointé sur une proie qui marchait sur la plage. Et cet homme, que je ne connaissais pas, que je n’avais jamais vu, je l’ai immédiatement identifié pour ce qu’il était. Un prédateur. Un carnassier. Un amateur de chair fraîche... Alors j’ai suivi son regard. Et au bout de ce regard, il y avait... Orféa...

- C’était donc ça...

- Oui Virginie. C’était ça. Simplement ça... J’ai vu cette métisse ravissante. Elle avançait lentement, en tenant une corbeille dans laquelle elle avait mis une multitude de bracelets en cotons de toutes les couleurs... Elle s’approchait des corps allongés sur le sable. Elle leur proposait sa marchandise. Parfois elle s’arrêtait. Engageait la conversation avec les estivants pendant qu’ils choisissaient. Ils la payaient et elle les quittait en leur souhaitant une bonne journée. J’ai jeté un rapide coup d’oeil à mon voisin. Il souriait de ce sourire insupportable. J’ai su qu’il avait trouvé le moyen de l’aborder. C’était si facile... Alors, quand Orféa s’est approchée de nous, je l’ai hélée. Je l’ai accaparée pour qu’elle ne tombe pas entre ses pattes... La suite, tu la connais. J’ai fait pour Orféa tout ce que mes parents et moi n’avions pas fait pour Lara.

- Elle nous a servi de guide... Mais tu as toujours exigé qu’on la raccompagne chez elle...

- Oui, je ne voulais pas la laisser seule. Face à la tentation d’économiser le prix de la course en taxi. Comme l’avait fait Lara. J’ai pensé que, pendant toutes les heures qu’elle passerait avec nous, elle serait à l’abri de ce type ou des autres. De ces touristes sexuels qui ne viennent dans ces pays que pour jouir de la misère des enfants... Je sais que c’est dérisoire. Il y a tant de victimes. Mais au moins, Orféa ne sera pas l’une d’elles. Avant de quitter le Brésil pour te retrouver, j’ai confié Orféa à Gilles et Eva. Je leur ai demandé de prendre soin d’elle. J’ai également demandé au Senhor De Castro s’il pouvait faire jouer ses relations afin que sa famille puisse quitter sa favela pour un logement décent. J’ai promis à Orféa que je la reverrai. Qu’elle pourrait venir à Paris...  Enfin... si tu le veux bien ma chérie. Je ne veux pas te l’imposer si tu ne veux pas...

- Céline, bien sûr que je le veux...

- Tout ce que j’ai fait je l’ai fait pour sauver une enfant. Je l’ai fait pour Lara. Je le devais à Lara... Je sais aussi, qu’égoïstement, je cherchais ma rédemption...

- Céline... je comprends... Je comprends enfin...

Virginie serra Céline encore plus fort contre elle. A cet instant, elles ne voyaient plus ce qui les entourait.

Ni l’une ni l’autre ne virent que Dylan et Rachel s’étaient levées et avaient quitté la pièce. Silencieusement. Pour les laisser seules.

Pendant quelques minutes, elles ne dirent rien. Puis Céline reprit la parole.

- Et dire que toi, tu as cru... que je me comportais comme un de ces pervers... Dire que tu as cru que je voulais m’offrir une adolescente...

- Céline, je suis désolée... Mais ce n’est pas ce que j’ai cru... Je n’ai pas cru que tu voulais t’offrir une adolescente... J’ai cru que tu l’aimais. Que tu en étais tombée amoureuse...

- Virginie... comment as-tu pu croire ça ? Tu ne sais donc pas que je n’aime que toi ? Mais c’est de ma faute... Parce que tu doutes sans cesse de mes sentiments pour toi... Parce que je n’arrive pas à t’en persuader... Mais ne comprends-tu pas que, si je n’ai pas osé te parler de Lara, c’est parce que j’avais peur de ton jugement ? Parce que j’avais peur que tu me quittes ? Parce que je ne pourrais pas vivre sans toi... Je t’aime Virginie. Je t’aime... Quand je suis revenue dans notre chambre après être allée sur la tombe de Lara... quand j’ai vu que tu étais partie... j’ai fondu en larmes. Jamais je ne m’étais sentie aussi seule... Je voulais te rejoindre où que tu sois... Sans toi je me sens... comme un chien perdu sans collier...

- C’est vrai ? Alors viens ma chérie... Viens te réfugier dans la niche chaude de mes bras... Je veux que tu te persuades de deux choses. Tu n’as aucune responsabilité dans la mort de Lara. Et la seconde. Je t’aime. Je t’aime.

Virginie se pencha sur elle et l’embrassa. Céline avait passé ses bras autour de son cou et se laissa submerger par la passion de son amante.

Elles étaient si bien. Mais si fatiguées... Alors, elles laissèrent le sommeil les engloutir dans la sérénité de leur amour retrouvé.


*


Rachel était dans la cuisine. 

La fenêtre donnait sur un jardin enneigé.

Elle finissait de préparer le petit déjeuner. Elle se retourna quand elle entendit Dylan entrer dans la pièce.

- Et bien Dylan ? Elles dorment toujours ?

- Elles dorment toujours dans ce fauteuil. Dans les bras l’une de l’autre. J’ai posé une couverture sur elles.

Elle s’approcha de Rachel, se blottit contre son dos et l’enlaça.

- Quelle histoire Dylan ! Qui aurait pu croire que Céline avait vécu des événements si tragiques ?..

- Oui. La jeune bourgeoise gâtée était torturée par le remords... Je suis heureuse que ce soit terminé grâce à Virginie et, un peu, grâce à nous...

- Je ne suis pas certaine que Céline efface ses remords si vite... Je pense qu’elle restera longtemps la jeune femme mélancolique que nous connaissons. Elle a prononcé une phrase que j’ai trouvée superbe. Aucune faute n’est oubliée tant que la conscience s’en souvient...

- Oui. Je crois que c’est de Stefan Zweig. C’est la dernière phrase de son roman, la pitié dangereuse.

- Je connais ce roman. Je l’ai adoré. Comme tout ce qu’a écrit Zweig d’ailleurs... Tu sais Dylan, quand Céline nous a parlé de Lara, elle l’a appelée la fille d’Ipanema. Et je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la chanson...

- Oui. Moi aussi. Et à ses paroles. Tall and tan and young and lovely, the girl from Ipanema goes walking...

Rachel reprit à son tour, en anglais, les paroles de la chanson d’Antonio Carlos Jobim et de Vinicius de Moraes.

- ... When she walks, she's like a samba, that swings so cool and sways so gently...

- Oui c’est bien ça... Grande, jeune et belle, au teint doré, la fille d'Ipanema, quand elle marche, est comme la samba qui swingue légèrement et balance si doucement...

Tournées vers la fenêtre, les deux amantes regardaient le jardin sur lequel la neige s’était remise à tomber. Lentement. Doucement. Les flocons semblaient danser.

Comme sur un air de samba.




FIN
Il y a tant et tant de versions de la Fille d’Ipanema, la chanson d’Antonio Carlos Jobim et Vinicius de Moraes. J’ai choisi l’interprétation, en anglais, de Nat King Cole.


73 commentaires:

  1. Chère Gustave,

    C'est ce qui s'appelle savoir casser l'ambiance. Après un début très sensuel et "macaronné" (au passage je te soupçonne d'être une grande gourmande), patatra Virginie a le coeur brisé...

    Je plaisante ce début est un pur bonheur.

    Merci.

    Béa.

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  2. Après quelques douceurs en entrée, voilà que tu nous sers un plat de résistance très épicé ! Quel début, nous voilà déjà dans le vif du sujet...et quel sujet.

    J'attends dimanche avec grande impatience pour connaître les explications de Virginie.

    Merci Gustave.

    Marie-Pierre

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  3. comment fais tu gustave pour arriver en quelques lignes à peines me rendre déjà fan de ce récit j'en attends déjà la suite avec impatience. J'ai en eu le coeur serré aussi pour vi. Au tour de dylan et de rachel à les réconcilier... ou pas...

    encore merci gustave ( et au passagfe je peux avoir un maccaron moi lol).

    sev

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  4. Voilà un suspense bien amené. Vivement dimanche !

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  5. Déja passionnant ce nouveau récit, aprés le beau moment de sensualité entre Rachel et Dylan voilà l'arrivée d'une Virginie bien désemparée...
    Hâte de lire la suite avec les explications de Virginie; qu'a t-il bien pu arriver à ce si beau couple?
    Merci Gustave

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  6. Quel site enchanteur, mais on frémit d'effroi pour ce qui va suivre.

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  7. sais pas pourquoi mais je l'aime déjà pas cette orféa. Merci gustave mais c'est cruel de t'arrêter la va falloir attendre mercredi....

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  8. On ressent vraiment bien la détresse de Virginie, mais que s'est-il vraiment passé ?

    j'ai hâte de lire la suite.

    Et merci Gustave pour ce nouveau voyage, cette fois au Brésil.

    Marie Pierre

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  9. J'aime comme l'impression que Orféa ne va pas faire l'unanimité auprès de tes lecteurs. (rires).

    Peut-être que Céline a un début d'insolation et que c'est pour cela qu'elle perd les pédales....

    Merci Gustave.

    Béa.

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  10. Céline elle a 16 ans ressaissi toi ou alors Vi se trompe complètement , c'est un cauchemar , dis moi qu'elle va se réveiller....

    Merci gustave

    sev

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  11. Eh les filles, ayez confiance. C'est moi, Gustave.

    Ayez confiance quand même... (rires)

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  12. Moi, j'ai confiance en Céline, elle ne peut pas se laisser séduire comme ça et oublier Virginie...ce n'est pas l'image que tu nous en a donné jusqu'à présent, mais bon...

    Attendons pour voir...

    Merci Gustave

    Marie Pierre

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  13. pas de soucis Gustave, passe de bonnes vacances, profites- en nous attendrons bien sagement la suite.

    Sev

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  14. Triste ce passage, mais il y a encore de l'espoir. Virginie les a vu prendre un taxi ensemble...mais il n'y a rien d'irrémédiable...

    J'espère que Virginie va réagir, et que Rachel et Dylan vont l'y aider ! Et Céline dans tout ça, elle ne va pas rester sans rien faire...

    Encore et toujours merci Gustave pour nous accrocher comme cela à tes histoires.

    Marie pierre

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  15. "Virginie...Virginie...Pourquoi es-tu Virginie?" Zut je me trompe de pièce.

    Bref, Virginie au lieu de te sauver comme un lapin pourquoi ne pas attendre les explications de Céline?GRRRRR!!!!!!

    Merci Gustave.

    Béa.

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  16. merci Gustave, mais elle s'emballe vite. Virginie faut te calmer y a des raisons au comportment de Céline j'en suis sur. Puis je pense aussi à elle, elle doit pas comprendre la fuite de virginie. Hâte de lire la prochaine suite cette histoire m'intigue...

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  17. merci gustave pour cette suite et qui se trouve dans ce beau taxi?????? C'est Céline n'est-ce pas? Dis moi que c'est Céline?

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  18. Et oui, forcément on a envie que ce soit Céline dans le taxi...? En tout cas j'aime bien l'attitude de Rachel et Dylan.

    Merci Gustave, on ne peut qu'attendre la suite avec impatience.

    Marie Pierre.

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  19. Bonjour fidèles lecteurs et lectrices ! Bonjour non moins fidèles commentatrices !! Je suis revenue de vacances. A tous ceux et celles qui sont partis, bonnes vacances. Et à tous, je souhaite un très, très bel été.

    Quant à la personne qui va descendre du taxi... Mystère, mystère... jusqu'à mercredi prochain, 14 heures...

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  20. Marie-Pierre, je suis entièrement d'accord avec toi, je trouve l'attitude de Dylan et Rachel vraiment très bien, elles restent neutre, elles soutiennent leurs amies.

    Euhhhh Gustave, je te préviens, si ce n'est pas Céline qui descend du taxi, je fais un tel caprice qu'un ouragan force 5 sera de la gnognotte à côté....

    Merci.

    Béa.

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  21. Le mystère s'éclaircit, euhhhh réflexion faite il s'épaissit.

    Où veux-tu en venir Céline, quel lourd secret caches-tu? Je sais, je sais Gustave, pas de réponse avant dimanche prochain. (rires).

    Merci.

    Béa.

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  22. Voilà un petit début d'explication, et effectivement ce n'est pas ce que Virginie croyait. Mais quel est donc
    ce secret qui risque de tout remettre en cause ?

    Encore merci Gustave de nous ménager le suspens, mais ça va être long...

    Marie-Pierre

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  23. merci gustave pour ce début d'explication de céline qui apparment est assez douloureux...

    ET c'est une céline pas trop enthousiaste "J’aimerais tellement conserver son estime... Même si je ne peux pas garder son amour..."

    encore merci pour cette suite qui m'intrigue

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  24. De retour de vacances, je me suis précipitée sur la suite de ce récit, qui confirme que Gustave est toujours aussi adroit dans le maniement du suspense.

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  25. De retour de vacances, je me précipite sur la suite de ce récit, qui confirme que Gustave est toujours aussi adroit dans le maniement du suspense.

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  26. J'ai pris un grand plaisir à lire ce nouveau récit, je me sentais plongé au coeur de Rio. Hâte d'en savoir plus sur l'histoire de Céline au Brésil et j'espère que tout ira mieux entre les filles. Un grand merci Gustave.

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  27. Où l'on voit (mais qui en doutait encore ?) que Gustave a des lettres ...

    Pour le reste, belle leçon d'humilité.

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  28. Que cette suite est mélancolique, les favelas, la misère...Malgré tout il y a le sourire et la gentillesse de Lara.

    Est-ce que la misère est bien plus belle au soleil?

    Merci.

    Béa.

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  29. je sens un drame dans ce récit arrivé merci gustave et bonnes vacances à toi ainsi qu'à nos héroines (lol)

    sev

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  30. Toujours aussi passionnant ce récit, avec l'arrivée de Céline à New-York et son récit au coeur de Rio...
    Merci infiniment Gustave et bonnes vacances

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  31. Tu nous ménages vraiment le suspens, quel est le fin mot de cette histoire avec Lara, que cache Céline ?

    Merci Gustave pour ce récit et ce voyage à Rio.

    Marie Pierre.

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  32. Merci, gustave, je viens de rattraper mon retard, toujours aussi prenant.

    Ramsès 88

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  33. Heureuse de te retrouver Gustave ! J'espère que tu as passé de très bonnes vacances.

    Et là pour ton retour, tu fais fort, le mystère s'épaissit encore...que s'est-il passé pour LARA ? Est-la générosité de Céline qui, sans le vouloir et sans le comprendre, a finalement fait le malheur de LARA ?

    Merci pour ces belles descriptions du Brésil.

    Marie Pierre

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  34. Que s'est-il donc passé ? Nous serions-nous mépris sur le personnage de Céline ?

    Bon, Gustave, c'est toi, nous te faisons confiance.

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  35. Quelle chute....D'ailleurs j'en ai chuté de ma chaise! Le remord ronge visiblement Céline.

    Quel imbroglio tragique, le Brésil exporte le café et son amertume.

    Merci Gustave.

    Béa.

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  36. :O Olalah >_< Céline ne l'a pas tuée, c'est impossible... Vite la suite ! Tu nous tiens vraiment en haleine Gustave ;)

    Ninie

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  37. Toujours aussi plaisant de se promener dans Rio au fil de ton récit Gustave et des aventures de Céline...
    Trés intrigant cette histoire avec Lara, et hâte d'en savoir plus...

    Merci Gustave

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  38. Visiblement Céline était comme toutes les ados, impatiente et capricieuse, en revanche elle s'inflige aujourd'hui un châtiment beaucoup trop cruel.

    Merci pour ce récit doux et amer, un regret à jamais de choses perdues, qui ne reviendront pas.

    Béa.

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  39. Ouf ! il était quand même inconcevable d'imaginer Céline avec une arme. Le mystère reste néanmoins entier.

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  40. Tout le contraste entre de riches européens aisés et les pauvres des Favellas est parfaitement décrit dans ton récit.

    Mon Dieu, que ce récit est triste et nostalgique...

    Merci Gustave.

    Béa.

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  41. Passionnante et pleine d'interrogations cette nouvelle suite...

    Merci Gustave

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  42. Mais que lui est-il arrivé ? Hâte de lire la suite. Merci Gustave.

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  43. Très douloureuse cette histoire pour Céline, j'ai hâte de savoir ce qui est arrivée à Lara...Ton récit me captive.

    Merci Gustave.

    Marie Pierre

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  44. merci gustave et ba dis donc c'est triste et affreux tout ça... Quel souffrance endure Céline...

    hâte d'en savoir plus

    sev

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  45. On frémit d'effroi à la perspective de la suite.

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  46. Merci de me plomber ma journée Gustave! (rires).

    Ce récit est très émouvant, la confession de Céline, très douloureuse.

    Hélas, l'annonce du décès de cette jeune fille semble inéluctable.

    Merci Gustave.

    Béa.

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  47. Pourquoi Céline s'en veut-elle autant ? Dans quel piège est tombée LARA ? Le Brésil ce n'est effectivement pas que la plage de Copacabana, le soleil et le carnaval.

    Il me tarde de connaître le fin mot de l'histoire...tu nous fais mijoter à petit feu Gustave !!

    Marie Pierre

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  48. triste que cette suite avec comme dit bien béa que l'issue fatal n'est pas loin pour lara... j'ai hâte de lire la suite

    merci gustave

    sev

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  49. Triste parcours qui lève un voile sur ce que les touristes ne voient pas.

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  50. Ce beau récit est poignant de tristesse.

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  51. Triste mais magnifique.... Merci

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  52. OUPS!

    Bonjour le coup de massue, j'en suis toute esbaudie et maintenant j'ai mal au crâne!

    Bon, ok je me réfugie dans l'humour car cette suite est d'une infinie tristesse.

    Merci Gustave.

    Béa.

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  53. Tristes et très dures ces deux suites, surtout avec la manière dont est morte Lara...mais magnifiques.
    Et puis j'espérais l'arrivée de Virginie comme ça et tu l'as fait !

    Merci Gustave !

    Marie Pierre

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  54. Je n'aime pas.

    Je n'aime pas, et c'est inévitable et insupportable cependant, tu le le retranscris si bien.

    Bye Gustave.

    Béa.

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  55. Oui, Marie-Pierre. Le retour de Virginie, je l'ai fait. Parce que tu l'attendais. Parce que vous l'attendiez tous. Parce que tu le vaux bien. Parce que vous le valez bien (rires)

    Béa. Je sais ce que la mort de Lara a de sordide. Mais ça aussi, c'est la vie.

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  56. Les sentiments de Céline et Virginie l'une pour l'autre sortiront intacts, peut-être même renforcés, du récit de cette terrible épreuve.

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  57. ah bin non tu peux pas nous laisse comme ça entourées de 3 policiers etc je veux la suite moi ...C'est loin dimancheeeeeeeeeeeee

    Merci Gustave pour cette belle suite avec l'arrivée de Virginie qui tombe à point nommé

    sev

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  58. On comprend que Céline ait été très marquée par cette histoire, décidément très dure...mais qui est très réaliste malheureusement,d'un côté la fête, de l'autre le sordide.

    En espérant que Virginie lui mette un peu de baume au coeur.

    Merci Gustave.

    Marie Pierre

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  59. merci Gustave après les recherches, la découverte de l'horreur maintenant suspecté et ba la pauvre Céline elle en a vu sur ce séjour...

    Hâte de voir comment s'est terminé l'enquête et les suspicions de Céline...

    sev

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  60. Les fourvoiements de la police brésilienne retardent le dévoilement de la vérité. Le récit est toujours aussi habilement mené.

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  61. merci gustave nous connaissons toute l'histoire mais céline n'a pas grand chose à se reprocher la vie est faite de gens bons et de gens mauvais difficile de faire la part des choses surtout qu'elle était jeune. Virginie va devoir soutenir très fort Céline et l'aidé à retrouver une conscience tranquille et sereine

    sev

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  62. Les tourments et la douleur de Céline sont bien rendus.

    Merci pour cette belle citation de Stefan ZWEIG.

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  63. Oui elle est très belle cette citation.

    Et cette histoire a vraiment marqué Céline profondément.

    Merci Gustave

    Marie Pierre

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  64. Je comprends la douleur et la culpabilité de Céline que tu as ma foi très bien rendue Gustave, en revanche cette auto-flagellation est par trop cruelle.

    Virginie, bâillonne la de baisers!

    Merci.

    Béa.

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  65. Cet homme? Quel homme????? Encore un prédateur qui regardait Orféa?

    Pourquoi je te pose toutes ces questions alors que tu ne répondras que mercredi (rires).

    Bon, cela prouve mon impatience!

    Merci.

    Béa.

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  66. Céline paraît avoir exorcisé ses vieux démons. Mais le mystère n'est pas encore complètement dissipé.

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  67. Le récit de Céline n'est pas totalement fini...quel est cet homme ?

    Céline a peut-être eu peur de revivre la même histoire ?

    Merci Gustave

    Marie Pierre

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  68. attend gustave ne me dis pas le meurtrier de lara était au brésil lui aussi... merci gustave hâte de lire la suite

    sev

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  69. Mais non Séverine. Le meurtrier de Lara est mort. En prison. Assassiné par ses co-détenus. Patience. Suite et fin de la Fille d'Ipanema mercredi. A bientôt.

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  70. "Les flocons semblaient danser... comme sur un air de samba" j'aime bien l'association des deux.

    Magnifique cette fin Gustave et un peu de douceur ne fait pas de mal. Et je ne connaissais pas cette chanson.

    Merci pour cette belle histoire, encore et toujours si bien écrite.

    Marie Pierre

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  71. Magnifique et émouvant récit. Il n'y a rien à reprendre.

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  72. Quel belle histoire. Mais si triste. Avec un autre aspect de la personnalité de Céline. Elle est si fragile. Elle a vraiment besoin d'être aimée. Je suis sure que Virginie saura l'aimée. J'espère que tu vas nous écrire un autre récit. J'ai hate de lire la suite de leurs aventures. Merci Gustave. Anne.

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  73. Très beau récit, beaucoup d'émotions et de tristesse. Merci Gustave.

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